Ainsi vont à la rencontre l’une de l’autre les deux ondulations produites dans une masse d’eau par deux pierres tombées à une faible distance. […] Cette série de classifications, quand quelque autre série de causes ne l’entrave pas, est immédiate, aussi involontaire que la propagation d’un ébranlement à la masse de l’air ou de l’eau.
Les Vacances de Camille, les Buveurs d’eau, le Pays latin, le Bonhomme Jadis, etc., ne sont que les chapitres du même livre, les développements épisodiques de la même idée. […] Rien de plus simple : prenez le petit Cupidon de cire aux pieds délicats et rosés, chaussez-le de sabots ferrés et lourds, plongez-le, la tête la première, au fond d’un baquet rempli d’eau de vaisselle ; maintenez-le quelque temps dans cette mare gluante ; vous le retirez avec de la chassie aux yeux, des détritus infects pris à sa chevelure blonde, et de la crotte aux ailes.
Dans cette situation, vous voyez le bec que fait notre triste héron littéraire, qui ne prend plus rien dans ces eaux-ci. […] Sa jeunesse n’attendit pas longtemps une renommée qui vient souvent si tard à ceux qui la méritent le plus, il fut célèbre dans un temps où la gloire était facile et coulait à pleins bords, à la portée de ceux qui en avaient soif et qui n’avaient qu’à se baisser pour prendre dans leur main de cette eau brillante qui passait.
Les Philippiques de La Grange-Chancel et les fameux couplets qui firent bannir Jean-Baptiste Rousseau sont à l’eau de rose auprès de cela.
Hors de là, vers les rives, aux endroits plus calmes et sur une surface assez immobile ou animée de contre-courants peu rapides, il y avait des raisonneurs qui expliquaient aux autres le spectacle, et pourquoi cela était ainsi de toute nécessité, et pourquoi cela devait être toujours ; il y avait, rangés derrière deux ou trois grands noms, sur les traces de Lamartine, harmonieusement ravi en ses tendresses sublimes, sur les pas de Victor Hugo, de plus en plus occupé à ses chauds horizons, et à portée de voix de quelques autres, il y avait des peintres de vieilles ruines, qui étudiaient les débris gothiques le long des bords, des psychologues qui se miraient au sein des eaux, des nacelles de rêveurs dont le front regardait perpétuellement le ciel, des essais de colonie littéraire et d’abri poétique autour d’agréables îles et dans les Délos nées d’hier.
Capitaine de frégate, ayant ordre, en 1805, d’appareiller avec la Pomone et deux bricks pour se rendre dans les eaux d’Alger et y réclamer du Dey 250 Génois pris par les corsaires algériens et jetés dans les fers, il montra une énergie, une volonté devant laquelle la puissance barbaresque dut plier.
Alors il va guetter son ennemi au bord d’un canal, le provoque de nouveau et, comme il refuse de se battre, le fait, d’un vigoureux coup de poing, rouler dans l’eau profonde.
Il y entend des cors graves et lointains, il saisit l’orgue, les lents murmures d’eau et des bruissements de feuilles.
Ainsi la scène III du sixième tableau où la Communion des Amants : Simples comme la brise des vallons et de la mer, Simples comme l’aurore et comme l’eau de source… Le style imagé, coloré, souple et neuf convient étroitement à ce sujet d’humanité large.
Sully Prudhomme : un vase de cristal bien taillé et transparent où baigne une fleur et d’où l’eau s’échappe comme une larme.
En Bohême, l’élément tchèque et l’élément allemand sont superposés comme l’huile et l’eau dans un verre.
John Stuart Mill, ce chapitre nous présente une série de discussions sur quelques-unes des questions les plus profondes et les plus embrouillées de toute métaphysique… Le titre donnerait une notion très incomplète de la difficulté et de l’importance des spéculations qu’il contient… C’est presque comme si un traité de chimie était donné pour une explication des mots air, eau, potasse, acide sulfurique, etc. » C’est donc une recherche sur l’origine et le mode de formation des idées les plus générales qu’il faut attendre sous ce titre, dont on doit remarquer aussi le caractère très nominaliste.
Le chef de cette bande étoit Mellin de Saint-Gelais, qui, pour avoir quelque chose de plus que les autres, avoit acquis beaucoup de réputation envers les grands, principalement auprès du roi, s’efforçoit, par envie, de troubler l’eau pégasine à ce nouvel Apollon, ayant l’ame touchée de tant d’envie & de présomption que d’oser blasonner & de reprendre les œuvres dudit Ronsard aux yeux de sa majesté, pour le rendre odieux. » Ces plaintes sont terminées par ce conseil.
Il étoit fils d’un marchand de vin, & ne buvoit jamais que de l’eau.
Il aiguise le fer, il prépare le poison, il appelle les éléments à son secours ; il fait mugir l’eau, il fait siffler l’air, ses fourneaux s’allument.
il veut, lui aussi, l’instruction obligatoire, cette instruction qui n’exalte que l’orgueil et jette l’homme aux livres comme l’enfant à l’eau !
De près, c’est comme un verre d’eau vu au microscope, avec des animalcules affreux qui se dévorent.
Lygdamon Pouvez-vous voir de l’eau sans penser à mes larmes ? […] C’est là le second morceau remarquable de la comédie, il se trouve à la scène V du deuxième acte (comme la fête sur l’eau à la scène V du premier). […] Alcippe, jaloux et croyant avoir pour rival Dorante après son récit de la fête sur l’eau, le provoque en duel. […] Le poète ingénu n’était sans doute pas mécontent de ces trois déluges, d’eau, de feu et de sang, mis en regard. […] Mais, à présent, depuis que l’eau du baptême m’a touché, et que, interrogé, j’ai répondu que je croyais, j’ai vu vers moi descendre du ciel une main, et au-dessus de moi s’arrêter des anges radieux, qui m’ont rappelé tous mes péchés depuis mon enfance, et me les ont récités par cœur comme d’après un livre, et puis ils m’ont lavé avec cette eau, dans laquelle, en votre présence même, je viens d’être trempé, et ils m’ont ensuite montré à moi-même plus blanc que la neige.
Vous verrez qu’il est clair comme eau de roche et plein de choses. […] Et alors l’arène s’emplissait d’eau pour un combat naval. […] Finalement, il la fit étrangler et jeter à l’eau par deux domestiques. […] « Paul Astier apporte le verre d’eau et, très calme, le tend à la duchesse. […] — Je voudrais être livreur d’eau de Seltz.
Trois recueils de vers : les Jeux rustiques et divins, les Médailles d’argile, la Cité des eaux (auxquels on peut en ajouter un quatrième, la Sandale ailée), quelques contes en prose, parmi lesquels ceux dont se compose la Canne de Jaspe, un roman : la Double Maîtresse suffiraient à la gloire de M. de Régnier. […] Il établit souvent ses poèmes sur un indicatif présent, solide comme une base de colonne ( les hauts buis d’alentour bordent un rond-point d’eau ) et les couronnes d’un vers développé ou contourné comme les volutes d’un chapiteau ionique ( le jet d’eau qui décroît accroître le silence ). […] Par une curiosité bien légitime, il se plaît à dépeindre des milieux qui pourraient être pittoresques, et dont la représentation doit amuser le public qui les ignore : le monde des coulisses dans le Masque, le monde des artistes peintres dans la Femme Nue, le personnel d’un hôtel meublé dans la Marche Nuptiale, le monde des villes d’eau dans le Scandale. […] auprès de la fontaine où sous l’ombre solide est si froide ton eau que frissonnent mes mains en y cueillant humide la tige du roseau. […] L’eau comme vaporisée par l’intime pénétration de la lumière, ne réfléchit plus les objets qui s’y posent : elle simule un amas de brumes splendides, calmes, etc.
En bas, l’une des travailleuses puise de l’eau ; une autre a laissé tomber sa cruche et se plaint. […] En vain, pour éviter ce malheur, les deux amants se sont laissés glisser dans l’eau. […] Il ne s’agit que de le laisser tremper une heure ou deux dans de l’eau tiède. […] C’te eau chaude, ça ne vous dit rien… Vous préféreriez du rude ? […] Et la vie de l’eau, de la pluie, des flaques, du brouillard.
Quand une surface est grasse l’eau n’y prend pas. […] Il n’aveugle pas des voies d’eau. Il sait que la nef de saint Pierre n’a pas des voies d’eau. […] Et on ne pense plus à la source ni aux filets d’eau de la source. […] Les mortes eaux seront toujours à la mesure des eaux vives.
La nuit vient, endeuille l’espace, change les massifs de feuillages en rideaux de guipures, apaise les reflets sur l’eau, neutralise les couleurs. […] Ville où les trois quarts des rues sentent mauvais, où les femmes ont sur la tête des paillassons pour chapeaux, où l’Arno, quand il a de l’eau, a de l’eau couleur café au lait, où les quais sont une exposition de retirate, où la place ducale a l’air d’un déballage d’antiquités, où il fait une humidité puante, laissant le corps sans ressort ? […] Eau, deux cents grammes. […] Il y ajoute un peu d’eau ; d’une main tremblante il porte le verre à ses lèvres et d’un trait il avale le contenu. […] Par un bonheur inespéré, nous réussîmes à mettre à l’eau, sans accident, une embarcation qui s’éloigna, montée par douze hommes.
Chez Laferrière, Caroline est allée aux eaux, la grande mince la remplace et pas mal ; au moins avec celle-là je fais ce que je veux. […] — Si vous connaissez des malades de nerfs, envoyez-les ici, maman éprouve un grand soulagement des eaux de Schlangenbad. […] Il suffit d’analyser une seule goutte d’eau pour connaître les propriétés de toute la source. […] Le docteur des Eaux assure qu’il est bon, mais tous ces gens en place… des accapareurs, quoi ! […] Pour le baptiser, on ne l’a pas déshabillé, on lui a mis simplement un peu d’eau sur la tête et du sel sur la langue et de l’huile au front, au cou, etc.
3º Le moyen le plus efficace de préserver les vivants de la contagion de la mort par les exhalaisons des cadavres, par l’assimilation de l’air, des eaux et des plantes aux principes putrides de ces dissolutions. […] Non, tu ne m’as pas permis de n’avoir qu’une admiration froide et interdite : en m’accordant de regarder dans son sein profond, comme dans le sein d’un ami, tu as amené devant moi la longue chaîne des vivants, et tu m’as instruit à reconnaître mes frères dans le buisson, tranquille, dans l’air, dans les eaux… » Dans cette disposition nous sommes artistes ; dans cette disposition Goethe était panthéiste, ce qui n’est qu’une certaine manière d’envisager la nature en artiste, en grand artiste, il est vrai. […] Lui aussi reconnaît ses frères dans le buisson tranquille, dans l’air, dans les eaux ; mais ce n’est pas en s’annihilant au niveau de la matière, ce n’est pas en abjurant l’immortalité de sa pensée pour fraterniser dans un désespoir résigné avec les éléments grossiers de la vie physique.
Quelle folie aux hommes de se réunir ainsi dans un espace trop vaste pour ceux qui ont à le parcourir, trop étroit pour ceux qui doivent l’habiter ; où ils fondent les uns sur les autres, s’étouffent, s’écrasent, avec la boue sous les pieds et l’eau sur la tète ! […] Dans ce moment le voile était tiré : je voyais tout. jusqu’à l’écume des torrents et au vol des oiseaux ; l’air était parfaitement pur ; seulement, quelques nuages qui se trouvaient sur la direction ordinairement plus froide des eaux ou des courants d’air circulaient encore dans le milieu du bassin, se traînaient peu à peu le long des montagnes, remontaient dans leurs sinuosités, et venaient se reposer enfin autour de leurs pointes les plus élevées, où ils ondoyaient légèrement. […] Mais ce qu’il est impossible de rendre, c’est ce mouvement si varié des oiseaux de toute espèce, des troupeaux qui avançaient lentement d’une haie à l’autre, de ces nombreux chevaux qui bondissaient dans les pâturages ou au bord des eaux : ce sont surtout ces bruits confus des sonnettes des troupeaux, des aboiements des chiens, du cours des eaux et du vent, bruits mêlés, adoucis par la distance et qui, joignant leur effet à celui de tous ces mouvements, exprimaient une vie si étendue, si variée et si calme.
Sous ce portique circulaire, tous les seigneurs qui ont l’entrée de la chambre pourront assister ensemble au jeu d’un nouveau jet d’eau. […] Rien que pour aller à Ville-d’Avray chercher l’eau, et pour voiturer les officiers, garçons et provisions, il faut 50 chevaux loués 70 591 francs par an. […] D’ailleurs, dans un salon, on n’a que des conversations de salon, et l’attention du maître, au lieu de se ramasser en un courant utile, s’éparpille en eau bénite de cour. […] De même pour la boisson Il faut quatre personnes pour servir au roi un verre d’eau et de vin.
Plusieurs lacs, pourvus d’eau au printemps, desséchés en été, gelés en hiver, actuellement effacés par la neige, ne se distinguaient en aucune manière du reste de la plaine. […] La bataille commencée, interrompue, reprise trois fois avec un courage indomptable, mais avec une imprévoyance fatale, est trois fois suspendue par la crue des eaux du Danube et par la rupture des ponts. […] De longues files de blessés, les uns se traînant comme ils pouvaient, les autres placés sur les bras des soldats, ou déposés à terre en attendant qu’on les transportât dans l’île de Lobau, des cavaliers démontés jetant leurs cuirasses pour marcher plus aisément, une foule de chevaux blessés se portant instinctivement vers le fleuve pour se désaltérer dans ses eaux et s’embarrassant dans les cordages du pont jusqu’à devenir un danger, des centaines de voitures d’artillerie à moitié brisées, une indicible confusion et de douloureux gémissements, telle était la scène qui s’offrait et qui saisit Napoléon. Il descendit de cheval, prit de l’eau dans ses mains pour se rafraîchir le visage, et puis, apercevant une litière faite de branches d’arbres, sur laquelle gisait Lannes qu’on venait d’amputer, il courut à lui, le serra dans ses bras, lui exprima l’espérance de le conserver, et le trouva, quoique toujours héroïque, vivement affecté de se voir arrêté sitôt dans cette carrière de gloire.
Il faut donc, sous peine de forcer ces grandes natures à se réfugier dans le tombeau avant l’heure marquée par le destin et à chercher la paix dans le suicide, il faut que la Providence, dans sa bonté infinie pour tous les êtres, donne à cet homme d’élite la goutte d’eau de l’éponge qu’on laisse tomber sur les lèvres pâles du Nazaréen dans son agonie sur la croix ; cette goutte d’eau, c’est le culte fidèle de quelques rares et tendres admirateurs au-dessus du monde par leur intelligence et leur dévouement, qui s’attachent aux pas, aux malheurs même des hommes supérieurs et persécutés, et qui les suivent de station en station jusqu’à leur supplice ou à leur mort. […] on sent qu’ils puisent l’eau primitive du rocher. […] — Une petite amourette, a-t-il dit, voilà la seule chose qui puisse rendre supportable un séjour aux eaux, autrement on mourrait d’ennui.
Il nous montre la ravissante victime se lavant à grande eau, se peignant et se coiffant de façon exquise, soignant son linge et se parant devant le miroir avec une précieuse lenteur. […] On voit ça et là des têtes de caïmans, dix, vingt têtes, émergeant de l’eau, gueule ouverte. […] « … On voyait, reprenait-il, des têtes d’amphibies, dix, vingt têtes, émergeant de l’eau, la gueule ouverte… Mais, circonstance à laquelle les justiciers n’avaient pas songé, c’était pour les alligators le temps des amours, et, poussés par un doux attrait vers les caïmanes, les caïmans laissaient glisser au fil de l’eau la planche sur laquelle le misérable pantelait d’effroi.
Le haut est empli par une eau agitée qui, incessamment, de droite à gauche, coule. Vers le fond, les flots se perdent en un humide brouillard, toujours plus fin, et l’espace d’une hauteur d’homme à partir du sol paraît être entièrement libre de l’eau qui, comme une traînée de nuages, au dessus du nocturnal fond, flue. […] À travers du flot, une lueur, toujours plus claire, descend, qui, au sommet du rocher central, peu à peu, s’allume d’un blanc et rayonnant brillement d’or : une merveilleuse clarté d’or de là s’épand parmi l’eau. […] dans les eaux tout jaillit où il saute : l’amour le fait dément… ha ha ha ha ha ha ha !
Elle trouvait en France, aux choses les plus naturelles et les plus usuelles, un autre goût et un goût moindre qu’en Allemagne : Le lait et le beurre, disait-elle après cinquante ans de séjour, ne sont pas aussi bons que chez nous ; ils n’ont pas de saveur et sont comme de l’eau ; les choux ne sont pas bons non plus, car la terre n’est pas grasse, mais légère et sablonneuse, de sorte que les légumes n’ont pas de force et que le bétail ne peut donner de bon lait. […] En Allemande des bords du Necker et du Rhin, Élisabeth-Charlotte aimait les sites pittoresques, les courses dans les forêts, la nature livrée à elle-même, et aussi des coins bourgeois et plantureux au milieu de l’encadrement sauvage : J’aime mieux voir des arbres et des prairies que les plus beaux palais ; j’aime mieux un jardin potager que des jardins ornés de statues et de jets d’eau ; un ruisseau me plaît davantage que de somptueuses cascades ; en un mot, tout ce qui est naturel est infiniment plus de mon goût que les œuvres de l’art et de la magnificence : elles ne plaisent qu’au premier aspect, et aussitôt qu’on y est habitué, elles inspirent la fatigue et on ne s’en soucie plus.
Il partage en ce temps-là sa vie entre les Villars, les Sully, les Richelieu, les d’Ussé, les La Feuillade ; il nage à fleur d’eau dans ce grand monde et s’y déploie à l’aise comme chez lui, avec une légère pointe d’insolence qui sent la conquête. […] Mais, tout bien considéré, ces mots, j’ai été à l’extrémité, se rapportent peut-être mieux à une maladie qu’il eut en effet en 1724, après avoir pris les eaux de Forges, et conviennent moins à l’état où l’aurait mis l’indigne guet-apens du chevalier de Rohan.
Maine de Biran est de ceux qui passent leur vie à se creuser un puits artésien en eux-mêmes : l’eau ne vint que tard et pas abondamment. […] Quand on l’a bien lu, il naît, selon l’esprit et les dispositions qu’on y apporte, une foule de réflexions sur les problèmes les plus importants et les plus déliés de notre condition humaine ; mais la nature si délicate de ces problèmes fait qu’il vaut mieux que chacun tire sa leçon comme il l’entend, et boive l’eau de la source à sa manière.
Il mit donc, comme il dit, de l’eau dans son vin, mais en ayant l’art d’y laisser tout le bouquet et tout le montant : ce fut le tour de force et le chef-d’œuvre. […] Cela introduit dans ses œuvres une disproportion fâcheuse entre le bon et le médiocre : c’est mettre trop d’eau dans son vin et faire ce qu’on appelle au collège de l’abondance.
Non, bien moins suffit : voyez Horace, comme il s’accommode, pour rêver, d’un petit champ, d’une petite source d’eau vive, et d’un peu de bois au-dessus, et paulùm sylvae super his foret ; voyez La Fontaine, comme il aime s’asseoir et s’oublier de longues heures sous un chêne ; comme il entend à merveille les bois, les eaux, les prés, les garennes et les lapins broutant le thym et la rosée, les fermes avec leurs fumées, leurs colombiers et leurs basses-cours.
Il voit les tarasques de pierre vomir l’eau des ardoises dans l’abîme confus des galeries, des fenêtres, des pendentifs, des clochetons, des tourelles, des toits et des charpentes, que tache d’un point gris l’aile échancrée et immobile du tiercelet. […] Ce n’est point ici qu’on respire la mousse des chênes et les bourgeons du peuplier, ce n’est point ici que les brises et les eaux murmurent d’amour ensemble.
De l’eau, de la paille, du pain, deux onces de graisse salée, en tout cinq sous par jour ; et, comme depuis vingt ans le prix des denrées avait augmenté d’un tiers, il fallait que le concierge chargé de la nourriture les fit jeûner ou se ruinât Quant à la façon de remplir les dépôts, la police est turque à l’endroit des gens du peuple ; elle frappe dans le tas, et ses coups de balai brisent autant qu’ils nettoient. […] Cent victimes expirent par an sous les roues des voitures. » — « Un pauvre enfant, dit Arthur Young, a été écrasé sous nos yeux et plusieurs fois j’ai été couvert de la tête aux pieds par l’eau du ruisseau.
Si l’œil cherche à sonder le lit murmurant de ces vagues, on songe à la profondeur des abîmes qu’elles recouvrent, aux monstres qui bondissent, ou rampent, ou nagent dans les mystères de ce monde des eaux. — Émotion ! Enfin, si on calcule par la pensée l’incalculable ondulation de ces vagues succédant aux vagues qui battent depuis le commencement du monde de leur flux et de leur reflux les falaises dont les granits pulvérisés sont devenus un sable impalpable à ces frôlements de l’eau, on s’égare dans la supputation des siècles et on a quelque sentiment de l’étendue. — Émotion !
Le musicien, s’il a une idée un peu haute, dévide les syllogismes d’une inexpressive argumentation sonore, et un maître glorieux comme Wagner écrit le dialogue de Wotan et Fricka dans la Walkyrie ; s’il regarde plus bas, il trempe son art en pleine matière et s’efforce d’imiter convenablement l’eau qui coule, ou le tonnerre qui gronde, ou la tempête qui rugit, quand ce n’est pas le tintamarre grossier d’une fête à Montmartre. […] Vois, tous les soirs sont morts au large de la Tour triste Qui plonge au marais noir ses murs que verdit l’eau ; Ton diadème est lourd d’une antique améthyste Et tes cheveux d’or lisse échappent au bandeau, Et ta robe s’efface en chimères fanées.
La joie était le fond de son âme et comme l’expression de la santé de son esprit ; c’est elle qui a écrit à Saint-Évremond : « La joie de l’esprit en marque la force. » On a dit d’elle qu’à table, tant elle s’y montrait animée et enjouée, « elle était ivre dès la soupe » ; ivre de belle humeur et de saillies, car elle ne buvait que de l’eau, et les ivrognes, qu’on les appelât Chapelle ou Vendôme, furent toujours mal venus près d’elle. […] Elle disait de Mme de Choiseul, qui se coiffait en caricature : « Elle ressemble à un printemps d’hôtellerie comme deux gouttes d’eau. » Elle disait du pauvre petit chevalier de Sévigné, qui, entre elle et la comédienne Champmeslé, s’était engagé à plus qu’il ne pouvait : « C’est une vraie citrouille fricassée dans de la neige. » Son mot si gai : « Oh !
C’est par trop manquer de prudence ; Dans l’eau c’est jeter ton argent : C’est vouloir… » — « Non, dit l’indigent, C’est acheter de l’espérance. » Ce ton légèrement attendri n’est pas le plus habituel chez Arnault. […] Parlant de l’honorable historien Lémontey qui, en petit comité, sous la Restauration, avait tout son courage libéral et tout son trait, mais qui, à la seule vue d’un étranger, rentrait aussitôt dans sa circonspection et s’y renfermait : « Une goutte d’eau, disait Arnault, suffisait pour mouiller toute sa poudre. » Pour lui, c’était tout le contraire ; sa poudre partait par tous les temps.
Hugo, et le mot a toujours servi, de là l’impossibilité d’exprimer l’émotion. » Eh bien non, et c’est là ce qu’il y a de désolant pour le poète, l’émotion la plus personnelle n’est pas si neuve ; au moins a-t-elle un fond éternel ; notre cœur même a déjà servi à la nature, comme son soleil, ses arbres, ses eaux et ses parfums ; les amours de nos vierges ont trois cent mille ans, et la plus grande jeunesse que nous puissions espérer pour nous ou pour nos fils est semblable à celle du matin, à celle de la joyeuse aurore, dont le sourire est encadré dans le cercle sombre de la nuit : nuit et mort, ce sont les deux ressources de la nature pour se rajeunir à jamais. […] La pensée peut devenir vitale en quelque sorte, et le simple peut ne marquer qu’un degré supérieur dans l’élaboration du complexe ; c’est la fine goutte d’eau qui tombe du nuage et qui a eu besoin, pour se former, de toutes les profondeurs du ciel et de la mer.
Moïse passe à Jésus la verge, et, après avoir fait jaillir l’eau du rocher, cette verge auguste, la même, chasse du sanctuaire les vendeurs. […] Dans le désert pas une goutte d’eau, soif horrible, la misérable file des pèlerins en marche se traîne accablée ; tout à coup, à l’horizon, au-dessus d’un pli des sables, on aperçoit un gypaète qui plane, et toute la caravane crie : Il y a là une source !
Son doute hyperbolique, comme il l’appelle, et qui porte sur les principes mêmes de la connaissance, est un doute extravagant, dont on ne peut plus se débarrasser, quelque effort qu’on fasse : semblable à ce balai enchanté qu’un novice magicien avait dressé à porter de l’eau, mais qu’il ne put désensorceler, et qui finit par l’inonder. […] Nisard ici cite Saint-Simon : « Saint-Germain, dit celui-ci, offrait à Louis XIV une ville toute faite ; il l’abandonna pour Versailles, le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, sans vue, sans bois, sans eau, parce que tout y est sable mouvant et marécage ; il se plut à y tyranniser la nature et à la dompter à force d’artet de trésors.
Ces merveilleuses adaptations nous frappent d’étonnement dans le Pic et le Gui ; elles existent, bien que moins apparentes, dans le plus humble parasite qui s’attache aux poils d’un quadrupède ou aux plumes d’un oiseau, dans la structure du Coléoptère qui plonge sous l’eau, dans la graine ailée que la moindre brise emporte : en un mot, dans le monde organique tout entier, comme en chacun de ses détails nous voyons d’admirables harmonies. […] Mais la belle aigrette plumeuse des graines de la Chicorée sauvage, ainsi que les pieds aplatis et frangés des Coléoptères aquatiques, ne semblent en relation directe qu’avec les milieux ambiants, c’est-à-dire avec l’air et avec l’eau.
puisque Henri Heine voulait désaltérer un esprit, divinement souffrant, qui n’aurait dû boire que ses larmes, dans les eaux troubles et courantes de ces philosophies qui passent si vite en Allemagne et tout à coup y tarissent, on peut se demander pourquoi il n’est pas allé à M. de Schelling, attiré par la sympathie des grandes facultés fraternelles ? […] Quand il est le chantre des Nixes et des Ondines, Heine, n’a-t-il pas le nid de l’Alcyon sur les eaux ?
La parole et l’accent sont là pour déterminer le sens quand on a affaire à l’orateur ; mais un écrivain, c’est autre chose, et je cours risque de me noyer dans ces grandes flaques d’eau douce qui ne me portent plus en aucun sens. — Après tout, c’est un bon et méritant ouvrage, qui dispense de beaucoup d’autres et qu’il faut conseiller aux gens du métier.
Il s’épura par degrés et ne tarda pas à paraître dans toute sa magnificence : semblable à un fleuve qui en s’éloignant de sa source dépose peu à peu le limon qui troublait son eau, et devient aussi limpide vers le milieu de son cours qu’il est profond et majestueux.
Ce Banou 579 vivait dans le désert, vêtu de feuilles d’arbres ; il ne se nourrissait que de plantes ou de fruits sauvages, et prenait fréquemment pendant le jour et pendant la nuit des baptêmes d’eau froide pour se purifier.
Des esclaves mêlent le vin et l’eau dans les coupes, et lui présentent les dons de Cérès dans une corbeille : le maître du lieu lui sert le dos succulent de la victime, dont il lui fait une part cinq fois plus grande que celle des autres.
Travaillez à présent, suez sang et eau, étudiez la nature, épuisez-vous de fatigue, faites des poëmes sublimes avec vos pinceaux, et pour qui ?
La Fontaine revêtu d’une charge dans les eaux et forests, étoit destiné par son emploi à faire planter et couper des arbres, et non point à les faire parler.
L’art qui ne sçauroit trouver de l’eau où il n’y en a point, sçait resserrer dans leurs lits les fleuves qui se débordent.
Ernest Legouvé Le Moïse sauvé des eaux marque l’avènement de l’enfance dans la poésie lyrique. […] Le nom intervint, en effet, dans les quelques paroles qui s’échangeaient entre mon auguste interlocuteur (Napoléon III) et moi : « Comprenez-vous, me dit l’Empereur, d’un air à la fois grave et légèrement railleur, qu’un homme de ce mérite fasse des vers comme ceux-ci : … J’en suis émerveillé Comme l’eau qu’il secoue aveugle un chien mouillé » ? […] Henri de Régnier La grève grise, les durs rocs et les oiseaux Accueillent ton grand flot, le brisent, et des ailes Fouettent l’écume, par flocons, que tes querelles Crient au cap accroupi face à face à tes eaux.
Il s’était trouvé dans une flaque d’eau, au milieu de laquelle il essayait de se relever et de se remettre sur ses pieds sans le pouvoir, et il retombait chaque fois, en criant : hurrah ! […] Mes pensées me font alors l’effet, dans une rivière débordée, de ces petits riens brillants, entraînés au fil du courant, et qui font le plongeon, et qui reparaissent, et qui se divisent et se perdent dans le torrentueux de l’eau. […] Un bûchage, coupé seulement de pleines eaux dans la Seine, le soir.
Les sources de l’amour sur nos lèvres avides, Comme une eau fugitive, au printemps ont tari. […] Le vin est remplacé par l’eau d’une fontaine où l’on a jeté le corps d’un enfant mort sans baptême. […] On croit voir avec le pieux voyageur, « les eaux d’opale » du lac de Génézareth et la désolation de la mer Morte. […] Nous entendrons toujours, sur ces perfides eaux bleues, chanter les Sirènes. […] Il creuse dans la terre, avec son épée, un trou sur lequel il fait des libations de lait, de vin et d’eau.
Il était exigu, mais charmant, situé au bord de l’eau. […] Mallarmé avait été sensible à cette magie, sans être pourtant de ceux qui étaient allés boire à la conviviale fontaine, goûter les eaux miraculeuses de la source enchantée. […] Vous nous montrez cette « diligence d’eau », avec son antichambre, sa chambre tapissée de brocatelle de Venise, sa table et ses deux estrades, garnies de maroquin. […] Qu’il est déchu de son ancienne pompe, ce mélancolique palais Foscarini qui dresse sa façade en face du petit Campo dei Carmini et se mire dans l’eau du Rio di Santa Margherita ! […] En ce quartier lointain, nous n’entendrons rien qu’un choc de talons sur les dalles ou un bruit de rame dans l’eau d’un rio.
— Voilà ce qu’elle se répétait assez souvent et assez longtemps pour risquer d’être lancée par le Oui au fond de cette eau transparente qui la magnétisait. Un jour, le Oui fut prononcé ; elle poussa son cheval hors de la voie marquée par le gué, dans le hasard des eaux profondes. […] Son plus doux souvenir fut celui d’une eau limpide et froide où il lava son front chaud et fatigué dans un jardin de Gênes. […] L’homme, dit quelque part Mme Sand, n’est pas fait pour vivre toujours avec des arbres, avec des pierres, ni même avec l’eau qui court à travers les fleurs ou les montagnes, mais bien avec les hommes ses semblables. […] On le suit, on le voit arrêté, contemplant Valentine, sur le bord de l’Indre, tandis qu’assis sur un frêne mal équarri, il s’enivre de son image, tantôt réfléchie dans l’onde immobile, tantôt troublée par un frisson de l’eau.
Elle a vu le beurre prodigué comme l’eau, le charbon dilapidé, les chandelles brûlées par les deux bouts. « Et maintenant vous avez l’audace, emprisonné comme vous l’êtes et justement pour vos crimes, de me prier de payer vos dettes ! […] Il avale les affronts comme l’eau, pleure, demande pardon et recommence. […] Elle en prend n’importe où, sans remords, comme on boit de l’eau au premier fleuve. […] » Là-dessus elle se débarrassa de sa toilette rose, posa son bouquet de bal dans un verre d’eau, se mit au lit et dormit très-confortablement. » Par ces exemples, jugez du reste ; Thackeray n’est occupé qu’à dégrader Rebecca Sharp. […] Un caractère est une force, comme la pesanteur ou la vapeur d’eau, capable par rencontre d’effets pernicieux ou profitables, et qu’on doit définir autrement que par la quantité des poids qu’il soulève ou par la valeur des dégâts qu’il cause.
Attentifs, courbés sur des eaux taciturnes, peinent de noirs pêcheurs. […] Chargées d’odeurs, enivrées de verveines et d’eaux, chuchotent et chantent les Archanges-Lèvres. » Dans le dynamisme universel, le poète est donc une simple force de la nature, et comme tel est soumis aux lois physiques des âmes ; les normes qui règnent sur le monde sont celles encore qui ordonnent son œuvre. […] « Et c’est l’eurythmie de la Nature qui détermine les rythmes de son harmonie. » « Il ne faut point qu’un poète fasse retentir dans les dures trompettes mugissantes, les bruissements doux de l’eau, des printemps, des fleurs. Mais le poète est lui-même cette pompeuse trompette qu’embouchent, tour à tour, les eaux et les fleurs. […] ce mysticisme de la nature, qui donc l’a ressenti et clamé en de semblables phrases : « Une auberge embaumée et blanche, crépie à la chaux, poudreuse sous les roses un moulin dont les ailes battent les eaux ; une baraque agreste aux flancs de lichens, lourds, luisants, glacés, voilà des monuments consacrés par des dieux.
L’Arno qui roule son eau sablonneuse traverse maintenant une triste plaine déserte où d’autres monuments parlent aussi d’un passé à jamais aboli, telle cette basilique de San Piero a Grado dont le chevet roman est pareil à celui de mes chères églises auvergnates. […] Que de fois je me suis répété cette formule sur les terrasses du château de Chantilly, en regardant ces allées et ces pièces d’eau qui faisaient déjà l’admiration de Bossuet, comme l’atteste un passage connu de l’oraison funèbre du Grand Condé. […] Tournez-vous ensuite, et caressez vos yeux aux gaies et fraîches verdures des gazons ensoleillés, aux reflets des eaux dans lesquelles descend la joie lumineuse du ciel. […] Ces eaux captées leur servent d’encadrement. […] Il jouissait de sa gloire au bruit de ces eaux « qui ne se taisent ni jour ni nuit », disait Bossuet à ses funérailles.
Il a du talent, mais il ne domine pas ce talent ; il y va sans direction et en tâtonnant, il ne sait plus bientôt où il en est, il s’y noye presque, comme un homme qui voudrait marcher dans l’eau en y étant jusqu’au menton. […] En revanche, les femmes, et tout ce qui leur ressemble, ont pris avec fureur au charmant poème, et Lamartine a pu m’écrire, peu de jours après la publication, un petit billet en forme de bulletin, qui commence par ces mots : « Jocelyn triomphe d’heure en heure dans le cœur des femmes… » XV De Vigny dit de Jocelyn : « Ce sont des îles de poésie noyées dans un océan d’eau bénite. » XVI Lamartine, dans Jocelyn et dans la poésie privée, domestique, est toujours comme un roi qui se fait berger. […] De Vigny demanda la parole et déclara que cette action lui paraissait d’un plus haut prix et, pour ainsi dire, une perle d’une plus belle eau que les autres. Cette perle d’une belle eau à propos de maçon et de puits a fait sourire. […] Quand il écrit, ses phrases interminables, à enfilades de parenthèses, ne présentent plus aucun courant, la parole et l’accent n’étant plus là pour le déterminer ; on ne sait plus où trouver les verbes, tout comme en allemand ; il faut mettre le doigt sur le sujet, et avec l’autre doigt chercher le verbe dix lignes plus bas en enjambant, sans quoi on flotte dans une grande flaque d’eau douce qui ne vous porte plus en aucun sens.
Il y a des prairies et surtout des eaux courantes. Derrière la maison, au bas d’un rocher, est une futaie d’arbres débroussaillés avec des ruisseaux qui coulent, des nappes, cascades et bouillons d’eau qui vont nuit et jour, et qui rendent ce séjour tout semblable aux champs Élysées.
Dès la première nuit passée sur le sable après le débarquement avec quelques onces de biscuit trempé dans de l’eau saumâtre, on prend une triste idée de l’avenir qui attend l’armée en Égypte : « Cependant aucun murmure ne se fit entendre : nous voulions égaler les Romains. » — Un jour, dans un campement près de Gaza où l’on n’avait trouvé que peu de ressources, comme des soldats s’étaient approchés de sa tente pour se plaindre, le général en chef leur dit « qu’ils n’égaleraient jamais les Romains, qui, dans ces mêmes lieux, avaient mangé leurs sacs de peau. » — « Général, ils n’en portaient pas, vos Romains », lui répondit un orateur. — « Cette répartie fit rire, ajoute Pelleport, et les murmures s’apaisèrent. » C’est égal, ces Romains, toujours nommés, restaient dans l’esprit de ces braves et les piquaient d’honneur. […] Après avoir reçu d’un épicier un verre d’eau, des gens du peuple (ils étaient restés Français), Parisiens du faubourg, enfoncèrent les portes d’un hôtel, m’introduisirent dans les salons de MM.
Une idylle, composée, il y avait quatre-vingts ans environ, par un ancien évêque de Meaux, Philippe de Vitry, sur le bonheur de la vie champêtre, continuait de faire fureur, et le bûcheron Franc-Gontier et dame Hélène sa femme (un Philémon et une Baucis plus jeunes) recrutaient, parmi les badauds de la cité, bien des admirateurs à froid de la vie des forêts, louant la médiocrité non dorée, l’eau pure du ruisseau et le gland du chêne. Villon, qui savait par expérience et pour en avoir pâti, ce que c’est que la pauvreté, le cri de la faim, qui avait bu souvent de l’eau claire, faute de mieux, et y avait trempé sa croûte sèche, fit à sa manière sa pièce du Mondain, par laquelle il rompait en visière à toute cette école de bûcherons amateurs ; il opposa à leur félicité rustique imaginaire, à ces délices plus que douteuses de la vie agreste, toutes les aises et les petits soins de la vie commode et vraiment civilisée, telle qu’il la rêvait et telle qu’il ne l’avait jamais entrevue, hélas !
Puis je le revoyais, et je retrouvais un jour d’été avec tous ses sourires ; je croyais entendre dans les bois, dans les buissons, dans les haies, tous les oiseaux me saluer de leurs chants ; le ciel bleu était traversé par le cri du coucou, et dans la plaine en fleur bruissait l’eau du ruisseau. […] Combien d’eau a coulé hors de la fontaine !
c’est de se précipiter dans mon pot à eau pour boire ; il a manqué s’y noyer, ce qui m’a expliqué les gens qui trouvent ce genre de mort dans un crachat. […] Figure-toi une délicieuse décoration d’opéra, tout de marbre blanc, et des peintures de couleurs les plus vives d’un goût charmant, des eaux coulant de fontaines ombragées d’orangers, de myrtes, etc. ; enfin un rêve des Mille et une Nuits.
La rêveuse, aux buissons d’une étroite chaussée, Laissait nonchalamment balayer ses panneaux, Dans le sable, sans bruit, doucement balancée, Comme une barque sur les eaux. […] Rien d’imité, rien de cherché ailleurs ; il nage en pleine eau, et on nage avec lui dans le courant et le torrent des mœurs du jour.
Malgré ces heureux ravitaillements, il est bien clair qu’auprès de la plupart, en cette société moderne, l’école du style, soit académique, soit non académique, perd en crédit, en importance, qu’on l’apprécie moins et qu’on s’en passe ; qu’à voir tant de gens se jeter à l’eau d’abord et apprendre ensuite d’eux-mêmes à nager, on en estime moins les préceptes de la natation, et qu’un moment viendra où (je le répète), sans être pourtant insensible à un certain tour et à un certain éclat d’expression, on ira surtout aux faits, aux idées, aux notions que portera le bien dire ou le style. […] Les Fauriel, les Ozanam et tant d’antres vaillants pionniers y ont sué sang et eau sous nos yeux et ont dû y mettre la hache et la cognée pour nous frayer la route jusqu’à ce divin Paradis. — Et Shakespeare donc, est-ce qu’il n’en a pas été ainsi, et par combien de phases ou de degrés n’a-t-on pas eu à passer à son égard ?
Valéry Vernier ramenait sur l’eau un disciple de Ronsard, Guy de Tours. […] Mais les imiter en latin, comme la plupart le faisaient de son temps, — comme Salmon Macrin, de Loudun, le faisait avec succès, — c’était retomber dans l’ornière et mériter le reproche qu’Horace s’adresse à lui-même ou se fait adresser en songe par Romulus, d’avoir voulu commencer par faire des vers grecs ; c’était porter, comme on dit, l’eau à la rivière et le bois à la forêt.
« Par ce soleil d’automne, au bord de ce beau fleuve, Dont l’eau baigne les bois que ma main a plantés, Après les jours d’ivresse, après les jours d’épreuve, Viens, mon Ame, apaisons nos destins agités ; Viens, avant que le temps dont la fuite nous presse Ait dévoré le fruit des dernières saisons, Avant qu’à nos regards la brume qu’il abaisse Ait voilé la blancheur des vastes horizons, Viens, respire, ô mon Ame, et, contemplant ces îles Où le fleuve assoupi ne fait plus que gémir, Cherche en ton cours errant des souvenirs tranquilles Autour desquels aussi ton flot puisse dormir. […] je mourrai de douceur si vous ne modérez ma joie. » Mais eux disaient cela après avoir bu de l’eau du désert et mangé des racines ; il est vrai que c’était aussi après avoir prié. — Nourriture céleste et abondante qui donne à tout une exquise saveur !
D’assez fréquents voyages dans son pays natal, en Vendée, ou plus loin aux eaux des Pyrénées, ou à la terre de M. de Biran au bord de la Dordogne, ne diminuaient que peu ses douleurs toujours renaissantes. […] L’autre manière est plus pastorale et rappelle mieux l’âge d’or, je le sais ; mais celle-ci me convient davantage, et d’ailleurs je suis d’avis qu’on ne peut plus trouver l’âge d’or que chez soi. » Quand sa muraille est élevée, il s’occupe du dedans ; il dispose son jardin anglais, groupe ses arbres, fait tourner ses allées, creuse son lac, dirige ses eaux, n’oublie ni le pont, ni les kiosques, ni les ruines ; c’est alors qu’il exécute un projet favori, et dont nul ne s’est avisé encore.
Il aime le bon vin, et s’est fait défendre par les « physiciens » d’y mettre de l’eau ; il aime la bonne chère et tient presque table ouverte en Syrie. […] Le Nil, qui sort « de Paradis Terrestre », le miracle de ses crues périodiques, les alcarazas, où l’eau se tient si fraîche en plein soleil, les Bédouins, « laide et hideuse gent », à barbe et cheveux noirs, les Tartares, et les commencements merveilleux à leur puissance, la Norvège et la longueur des jours polaires, trois ménétriers qui jouent du cor et font la culbute, les petites choses comme les grandes, ont frappé Joinville, et viennent après cinquante ans prendre place un peu à l’aventure au milieu des « chevaleries » du roi Louis.
C’est toujours la même absence, si complète qu’elle en devient étrange, du sentiment de la nature, en faisant de toute la nature, des bois, des prés, des eaux, la scène multiple et changeante du drame. […] Le personnage ne nous est pas inconnu : sous sa rousse fourrure, nous n’avons pas de peine à ressaisir une physionomie que la geste des Lorrains nous a rendue familière : ce Bernart de Naisil toujours acharné à semer la discorde, et prêt à pêcher en eau trouble, perfide, subtil, insaisissable, et retombant sur ses pieds où tout autre se fût rompu les reins, c’est Renart ou son frère jumeau.
Haviland, l’Anglais taciturne qui collectionne dans des flacons l’eau de tous les fleuves du monde. […] Le poète, penché sur ce monde d’apparences, préfère à la lune qui se lève sur les montagnes celle qui s’allume au fond des eaux, et la mémoire de l’amour défunt aux voluptés présentes de l’amour. » Eh bien !
« À ces correspondants timorés et pour que de leurs Intellects, où jamais le Rêve n’outrecuide, soient, itérativement, les syndérèses amorties, nous indiquons volontiers les Sources — que bénédictes soient leurs Eaux — d’où proflua jusqu’à nos réservoirs, ce Fleuve de Lyrisme et de Véracité. […] D’alcool bien que trop épris Nous buvons surtout de l’eau fraîche En cassant la croûte un peu sèche.
D’autre part, de même que dans la marche d’un fleuve, à côté du grand courant qui entraîne la masse clés eaux vers la mer, il se produit sur les bords ou dans les profondeurs des remous et des contre-courants, de même dans l’évolution d’une société, à côté de la tendance maîtresse qui est suivie par le gros des esprits, il existe aussi des tendances secondaires qui la contrarient et la limitent sans pouvoir l’arrêter. […] Il n’y a guère que ce rêveur de La Fontaine, cet ancien maître des eaux et forêts, qui sache apprécier et ose nommer veau, vache, cochon, couvée, qui plaigne d’un cœur fraternel l’arbre dépouillé de ses rameaux par l’ingratitude de l’homme, qui aime jusqu’à la solitude et lui trouve une douceur secrète.
La barbe ne lui était pas venue, car il l’avait fait passer de bonne heure, au moyen de je ne sais quelle eau, mais la beauté et le visage s’en étaient allés. […] Nulle passion depuis qu’il avait quitté le vin ; fidèle dans la surintendance, où avant lui on prenait sans compter et sans rendre compte ; riche par les seuls bienfaits du roi, qu’il ne dissipait pas, prévoyant assez, et le disant à ses amis particuliers, la prodigalité de son fils aîné… Esprit solide, mais pesant, né principalement pour les calculs, il débrouilla tous les embarras que les surintendants et les trésoriers de l’épargne avaient mis exprès dans les affaires pour y pêcher en eau trouble… Il faut lire le reste dans l’original.
Deux ou trois passages dénotent seulement une expression assez figurée et assez vive : Il est vrai, Seigneur, que si l’oraison d’une carmélite qui est retirée dans la solitude, et qui n’a plus qu’à se remplir de vous, est comme une douce cassolette qu’il ne faut qu’approcher du feu pour rendre une odeur très suave, celle d’une pauvre créature qui est encore attachée à la terre, et qui ne fait proprement que ramper dans le chemin de la vertu, est comme ces eaux bourbeuses qu’il faut distiller peu à peu pour en tirer une utile liqueur. […] Quand je considère ces choses, j’entre dans le désir de me taire et de me cacher… pauvre canal où les eaux du ciel passent, et qui à peine en retient quelques gouttes !
L’image chez lui s’ajoute à l’idée pour la mieux faire entrer ; il ne dit volontiers les choses qu’en les peignant ; ainsi, pour rendre cette fureur de nivellement universel : « On a renversé, dit-il, les fontaines publiques sous prétexte qu’elles accaparaient les eaux, et les eaux se sont perdues. » Voici quelques pensées que ne désavouerait ni un Machiavel ni un Montesquieu : La populace croit aller mieux à la liberté quand elle attente à celle des autres.
Ce n’est qu’à la fin et en désespoir de cause, qu’il renonça à l’idée de poursuivre ses projets lointains, et qu’il s’avisa de puiser de l’eau dans son propre puits, c’est-à-dire, au lieu de vouloir exécuter les choses, de prendre son papier et de les décrire. […] Hennin, d’aller à pied de Paris à Versailles et d’en revenir de même, en choisissant à l’avance la lune qui quelquefois le trahit, a des paroles dignes d’un sage de l’Orient ou d’un ancien : Enfin j’ai cherché de l’eau dans mon puits ; depuis six ans j’ai jeté sur le papier beaucoup d’idées qui demandent à être mises en ordre.
Quand il nous définit la qualité du sol de l’Égypte et en quoi ce sol se distingue du désert d’Afrique, ce « terreau noir, gras et léger », qu’entraîne et que dépose le Nil ; quand il nous retrace aussi la nature des vents chauds du désert, leur chaleur sèche, dont « l’impression peut se comparer à celle qu’on reçoit de la bouche d’un four banal, au moment qu’on en tire le pain » ; l’aspect inquiétant de l’air dès qu’ils se mettent à souffler ; cet air « qui n’est pas nébuleux, mais gris et poudreux, et réellement plein d’une poussière très déliée qui ne se dépose pas et qui pénètre partout » ; le soleil « qui n’offre plus qu’un disque violacé » ; dans toutes ces descriptions, dont il faut voir en place l’ensemble et le détail, Volney atteint à une véritable beauté (si cette expression est permise, appliquée à une telle rigueur de lignes), une beauté physique, médicale en quelque sorte, et qui rappelle la touche d’Hippocrate dans son Traité de l’air, des lieux et des eaux. […] La pureté de ses eaux, les beaux ombrages qui l’entourent, les rochers escarpés et les épaisses forêts qui en défendent l’approche ; ce mélange de beautés tout à la fois douces et imposantes cause un saisissement difficile à exprimer, et semble annoncer la secrète présence d’un Être supérieur à l’humanité.
L’histoire entière des peuples est présentée comme un vaste quiproquo et une fausse route prolongée qui ne doit se rectifier que lorsque les hommes seront éclairés et sages ; et comme le néophyte, effrayé de ce spectacle universel d’erreurs, se met à désespérer de nouveau et à se lamenter, le Génie le rassure une seconde fois et lui démontre que ce règne de la sagesse et de la raison va enfin venir ; que, par la loi de la sensibilité, l’homme tend aussi invinciblement à se rendre heureux que le feu à monter, que la pierre à graviter, que l’eau à se niveler ; qu’à force d’expérience, il s’éclairera ; qu’à force d’erreurs, il se redressera ; qu’il deviendra sage et bon, parce qu’il est de son intérêt de l’être ; que tout sera fait quand on comprendra que la morale est une science physique, etc. […] Voici donc un tableau général et en raccourci de l’aspect et du sol des États-Unis à la date où Volney les a visités, en 1797 ; pas un mot n’est à perdre ni à négliger : Telle est, en résumé, dit-il, la physionomie générale du territoire des États-Unis : une forêt continentale presque universelle ; cinq grands lacs au nord ; à l’ouest, de vastes prairies ; dans le centre, une chaîne de montagnes dont les sillons courent parallèlement au rivage de la mer, à une distance de 20 à 50 lieues, versant à l’est et à l’ouest des fleuves d’un cours plus long, d’un lit plus large, d’un volume d’eau plus considérable que dans notre Europe ; la plupart de ces fleuves ayant des cascades ou chutes depuis 20 jusqu’à 140 pieds de hauteur, des embouchures spacieuses comme des golfes ; dans les plages du Sud, des marécages continus pendant plus de 100 lieues ; dans les parties du Nord, des neiges pendant quatre et cinq mois de l’année ; sur une côte de 300 lieues, dix à douze villes toutes construites en briques ou en planches peintes de diverses couleurs, contenant depuis 10 jusqu’à 60 000 âmes ; autour de ces villes, des fermes bâties de troncs d’arbres, environnées de quelques champs de blé, de tabac ou de maïs, couverts encore la plupart de troncs d’arbres debout, brûlés ou écorcés ; ces champs séparés par des barrières de branches d’arbres au lieu de haies ; ces maisons et ces champs encaissés, pour ainsi dire, dans les massifs de la forêt qui les englobe ; diminuant de nombre et d’étendue à mesure qu’ils s’y avancent, et finissant par n’y paraître du haut de quelques sommets que de petits carrés d’échiquier bruns ou jaunâtres, inscrits dans un fond de verdure : ajoutez un ciel capricieux et bourru, un air tour à tour très humide ou très sec, très brumeux ou très serein, très chaud ou très froid, si variable qu’un même jour offrira les frimas de Norvège, le soleil d’Afrique, les quatre saisons de l’année ; et vous aurez le tableau physique et sommaire des États-Unis.
Ailleurs, dans une promenade aux environs de quelque vieille ville allemande, il décrit longuement tout le paysage embrumé de vapeurs grises et comme saupoudré de soleil : Là-bas coule doucement L’eau des fossés de la ville : Un enfant assis dans un bateau Siffle tout en pêchant. […] Ses plus belles et plus calmes pièces se terminent souvent ainsi par quelques vers navrés : Ma bien-aimée, nous étions ensemble Assis dans une barque légère ; La nuit était silencieuse, et nous voguions Sur la vaste étendue des eaux.
Avez-vous quelquefois regardé un cap avançant sous la nuée et se prolongeant à perte de vue dans l’eau profonde ? […] Grâce à ce cap, vous pouvez vous en aller au milieu de l’eau illimitée, marcher dans les souffles, voir de près voler les aigles et nager les monstres, promener votre humanité dans la rumeur éternelle, pénétrer l’impénétrable.
puissent les lacs d’une eau claire et verdoyante sous les feuilles du lotos, la rafraîchir dans sa marche ! […] Il se peut faire que quelques-uns des tableaux des grands maîtres eussent un arbre, un rocher, un coin de vallon ou de forêt, un courant d’eau dans le second ou troisième plan ; mais cela ne constitue pas le paysage proprement dit, et tel que nous l’ont donné les le Lorrain et les Berghem.
Et ce sera parfaitement sûr : nous aurons une histoire· Trelawney aura envoyé ingénieusement chercher un verre d’eau, un innocent verre d’eau à l’office par Fletcher, qui aurait pu lui en faire un avec ses larmes, quand il gardait pieusement le corps de son maître, et pendant que le bonhomme aura le dos tourné, le malicieux M.
Le bain dans des eaux diaphanes Que les saules et les platanes Bordaient d’un mobile rideau ! […] seulement un verre d’eau !
Quelques convulsions dernières le secouent furieusement avant que le grand air de la liberté ne vienne le frapper au visage ; parvenu au bord de la vie, il a peur de se jeter dans ses eaux […] Parfois sur la plaine brûlante, sans ombre et sans eau, il lui semblait voir un farouche poteau s’ériger, le poteau du Dogme.
« L’immense cours d’eau passait en rugissant devant moi, et tombait presque à mes pieds, lancé de si haut. […] Heurtant les rochers, l’eau se brise et rebondit.
L’art qui médite, qui édifie, qui vit en lui-même et dans son œuvre, l’art peut se représenter aux yeux par quelque château antique et vénérable que baigne un fleuve, par un monastère sur la rive, par un rocher immobile et majestueux ; mais, de chacun de ces rochers ou de ces châteaux, la vue, bien qu’immense, ne va pas à tous les autres points, et beaucoup de ces nobles monuments, de ces merveilleux paysages, s’ignorent en quelque sorte les uns les autres ; or, la critique, dont la loi est la mobilité et la succession, circule comme le fleuve à leur base, les entoure, les baigne, les réfléchit dans ses eaux, et transporte avec facilité, de l’un à l’autre, le voyageur qui les veut connaître.
Elle commande les hommes afin qu’ils se penchent sur les eaux, et pour qu’ils modèlent des amphores de roche.
Sur de miroitantes étendues, cet homme fit poudroyer, pour nous, les riches teintes des sites maritimes, l’eau sinueuse, la forêt, les saintes architectures, les prairies et de blanches collines.
Le moindre vent qui d’aventure Fait rider la face de l’eau, etc.
I Il est des hommes doués de perceptions exceptionnelles qui découvrent des sources : l’eau, si profondément enfouie qu’elle soit, les attire.
Ce n’est pas dans la nature seulement, c’est sur les arbres, c’est sur les eaux de Vernet, c’est sur les collines de Loutherbourg que le clair de la lune est beau.
Les qualitez de l’air se communiquent encore aux eaux des sources et des rivieres par le moïen des neiges et des pluïes qui se chargent toujours d’une partie des corpuscules suspendus dans l’air.
Ce que je lui reproche, c’est de ne traîner dans tout son livre, qui commence par cette eau-forte des Réfractaires suivie de l’eau faible des Irréguliers de Paris, qui sont encore des réfractaires, mais des clairs de lune de réfractaires, et qui finit par ce roman de pitres et de monstres, qui sont des réfractaires encore, mais, ceux-là, descendus à la plus basse puissance du dégoût ; oui !
Nous verrons si le mal est aux sources mêmes d’une littérature qui tarit, ou s’il tient seulement à un simple détournement de ses eaux.
De la terre ne sera fait eau ; l’eau en l’air ne sera transmuée, de l’air ne sera fait le feu, … et de ce monde rien ne prêtant ne sera qu’une chiennerie. » Voilà la parodie, et l’une des plus fines et des plus fortes qu’on ait imaginées. […] La fontaine où l’on mène boire les pèlerins est pleine d’eau, il est vrai ; mais cette eau a goût de vin de Bordeaux, de Bourgogne ou de Chinon, selon le goût et l’imagination du buveur, parabole aimable pour nous avertir que nous trouvons dans les plaisirs ce que nous y mettons, mais non pas condamnation bien formelle ni du vin, ni des plaisirs. […] Non point d’eau. Elle repose dans une vasque pleine d’eau, mais qu’elle contienne elle-même eau, vin ou autre liqueur, c’est ce que l’auteur n’a point marqué. […] Ronsard passait l’eau et venait partager les leçons d’Antoine de Baïf.
Le poète, penché sur ce monde d’apparences, préfère à la lune qui se lève sur les montagnes celle qui s’allume au fond des eaux, et la mémoire de l’amour défunt aux voluptés présentes de l’amour.” […] Des romans qu’il a écrits107, on peut extraire des documents curieux, des rapports probes et substantiels sur la vie des bois et des eaux. […] Henri Beauclair, La Comtesse de Gendelettre (une étude de ville d’eaux, très fouillée et très mordante), par M. […] À moins qu’il ne fasse des livres de description pure, comme Au soleil et Sur l’eau. […] Les Clientes du docteur Bernagus, Laborde et Cie, L’Eau dormante, etc.
Nous pourrions en faire un volume. » Ainsi est né ce recueil, plus miraculeusement sauvé de l’Océan du papier jauni que Moïse des eaux du Nil. […] Préférons, comme Doudan, les marais grouillants de vie à un verre d’eau claire. […] J’en cite le début ; on voudra lire la suite : « J’aurais voulu rencontrer dans les eaux qui baignent l’Isola Bella les deux nymphes que virent Ubalde et le Danois. […] Le reste de son corps paraît à demi sous le voile liquide ; l’eau dégoutte de sa blonde chevelure. […] Vaincus par ces grandes magies, nous avions perdu toute notion du réel, quand des taches graves apparurent, grandirent sur l’eau, puis nous prirent dans leur ombre.
Des vues de Seine et dans la Seine ses aspects verts et roses et noirs d’eau, des barres rouges de soleil et des ombres tendres et opaques d’îlots et de berges, des fluctuations frissonnantes ou ce que l’Anglais dénomme sweeping et ce que je traduirais mal, par traînantes… Son nouveau volume s’ouvre par une peinture du Rhin à Bâle que je sens admirablement ressemblante moi qui n’ai vu le fleuve, là, sanglant, qu’au pont de Kehl : « Sans qu’on se lasse de regarder ce qu’on ne saurait fixer, le Rhin glisse dans une reposante lueur ses ondes qui se délissent et chuchotent, ses tourbillons, ses moires… » Et la magistrale description qui commence par ceci : « Le Rhin, à Bâle, passe tel qu’un torrent de silence et un souffle, son eau figure une chrysolhite glaceuse. […] Des pommes de terre cuites à l’eau accompagnaient cette substantielle nourriture, brûlantes à travers leurs pelures. […] On donne ce nom, en Angleterre, à une pâte molle, faite de mie de pain, mêlée de moelle de bœuf et de mélasse, et agrémentée de raisin sec et d’écorce de citron, comme il est dit ci-dessus ; le tout est placé dans un moule et cuit pendant quelques heures dans un récipient d’eau bouillante. […] Des oiseaux agiles, et même des corbeaux, se voyaient dans les branches nouées à l’infini, de ces superbes et énormes arbres d’Angleterre ; et à gauche, dans un coin herbeux et pavé, belle de la beauté d’une régularité sans mélange, la fontaine qui donne à la place son nom (Cour de la Fontaine), mais avec son jet d’eau mélodieux. […] Titres au hasard : Brown-Séquari, Jean Moréas, le Rhum à l’eau du Troubadour sont des meilleures.
C’est vraiment ici la contrée cimmérienne d’Homère ; les pieds clapotent, on n’a plus que faire de ses yeux ; on sent tous ses organes bouchés, rouillés par l’humidité qui monte ; on se croit hors du monde respirable, réduit à la condition des êtres marécageux, habitant des eaux sales ; vivre ici, ce n’est pas vivre. […] Les gouttes d’eau roulantes luisent sur les feuilles comme des perles ; les têtes rondes des arbres, les larges feuillages étalés chuchotent sous la brise faible, et le bruit des larmes laissées par la dernière ondée est incessant sur leur pyramide. […] L’eau multiplie et amollit les tissus vivants ; les plantes foisonnent et n’ont point de suc ; la nourriture surabonde et n’a pas de goût ; l’humidité enfante, mais le soleil n’élabore pas.
Il la relève inerte comme un cadavre, lui frotte les mains et l’asperge d’eau. […] Aux questions paternelles de Gurnémanz, elle répond par un geste de soumission, en disant : « Servir… je veux servir. » Puis elle prend une cruche et va puiser de l’eau à la fontaine comme la dernière des servantes. […] Il la regarde avec surprise, et après quelques paroles consolantes, verse sur sa tête l’eau purifiante du baptême puisée à la source.
On peut comparer notre corps à une masse d’eau où les pierres qui tombent produisent toujours des ondulations, capables de s’étendre indéfiniment ; si le choc a été trop petit, les ondes visibles du centre, en s’écartant et en s’agrandissant, finissent par devenir invisibles ; un spectateur éloigné aperçoit à peine un vague tressaillement ou croit même que rien n’a troublé l’eau tranquille. […] Il a montré que la moindre excitation cérébrale fait affluer le sang au cerveau, et que, pendant le travail intellectuel, cet afflux du sang est assez grand pour diminuer le volume du bras plongé dans l’eau.
Vous savez ce qu’on appelle en géographie la ligne de partage des eaux. C’est la crête qui sépare deux bassins et qui marque l’origine commune des eaux qui les alimentent l’un et l’autre. […] l’année du krack fut une véritable ligne de partage des eaux entre deux versants parisiens.
Pour offrir un verre d’eau à quelqu’un, ils diraient volontiers : Le suc délicieux exprimé du roseau Qui fond, en un instant, dans le cristal de l’eau, Et qu’on mêle au parfum du fruit des Hespérides, Peut-il porter le baume à vos lèvres arides ? […] Qu’il s’y mêle hardiment, qu’il se baigne sans crainte dans les eaux fécondes de ces fleuves de régénération, il y trouvera des forces qu’il ne soupçonne pas et des vigueurs à soulever le monde.
et quel être heureux, s’il n’avait souffert lui-même, ne sourirait de pitié à ces petites joies que l’infortuné se fait en consolation d’une journée d’ennui et de marasme ; joies niaises à qui n’a point passé par là, et que dédaignerait même un enfant : prendre dans la rue le côté du soleil ; s’arrêter à quatre heures sur le pont du canal, et, durant quelques minutes, regarder couler l’eau, etc., etc. […] Laissons Chateaubriand, loin des traces profanes, À vingt ans s’élancer en d’immenses savanes, Un bâton à la main, et ne rien demander Que d’entendre la foudre en longs éclats gronder, Ou mugir le lion dans les forêts superbes, Ou sonner le serpent au fond des hautes herbes ; Et bientôt, se couchant sur un lit de roseaux, S’abandonner pensif au cours des grandes eaux. […] non pas, Mais bien moins ; mais un champ, un peu d’eau qui murmure, Un vent frais agitant une grêle ramure ; L’étang sous la bruyère avec le jonc qui dort ; Voir couler en un pré la rivière à plein bord ; Quelque jeune arbre au loin, dans un air immobile, Découpant sur l’azur son feuillage débile ; À travers l’épaisseur d’une herbe qui reluit, Quelque sentier poudreux qui rampe et qui s’enfuit ; Ou si, levant les yeux, j’ai cru voir disparaître Au détour d’une haie un pied blanc qui fait naître Tout d’un coup en mon âme un long roman d’amour…, C’est assez de bonheur, c’est assez pour un jour. […] Vous m’avez consolé d’abord, et ensuite vous m’avez porté à la source de toute consolation ; car vous l’avez vous-même appris dès la jeunesse, les autres eaux tarissent, et ce n’est qu’aux bords de cette Siloé céleste qu’on peut s’asseoir pour toujours et s’abreuver : Voici la vérité qu’au monde je révèle : Du Ciel dans mon néant je me suis souvenu : Louez Dieu !
Un salon blanc et or, une chambre à coucher en satin rouge, des boudoirs en satin jaune, et partout de la dorure, et encore un cabinet de toilette avec des cuvettes et des pots à l’eau, en cristal de Bohême jaune, énormes, gigantesques, demandant le biceps d’Hercule pour les soulever. […] Dans l’herbe, une société lit tout haut une joyeuseté bête de petit journal ; sur l’eau, des canotiers en vareuses rouges chantent du Nadaud ; au détour d’un saule nous rencontrons une connaissance : c’est un millionième d’agent de change ; enfin dans un coin, où nous espérions être à nous-mêmes, il y a un paysagiste qui peint, à côté d’une côte de melon oubliée. […] Arbres, ciel, eau, tout cela me fait l’effet d’une concession à temps, dont le jardinier renouvellerait un peu les fleurs au printemps, et où il aurait mis un petit bassin avec des poissons rouges… … Non, rien de tout cela de la nature ne me parle, ne me dit quelque chose à l’âme. […] On l’a rencontré aux eaux.
Rien n’incline mieux au sommeil que la médiocrité soutenue, celle qui ne flanche jamais, celle qui se joue des difficultés, glisse, comme frottée d’huile, à travers la syntaxe, donne enfin l’impression d’un robinet d’où sort éternellement une belle eau claire, toujours la même. […] On a soutenu que la fièvre typhoïde dont l’agent est également répandu partout s’attaquait principalement aux débilités et que la vraie cause de sa fréquence dans les casernes était beaucoup moins l’eau que l’état de fatigue des jeunes soldats. […] Le progrès, c’est de revenir au pain d’autrefois, fait avec de la farine sans éclat, mais solide, qui est produite par les vieux moulins dont les roues tournent dans l’eau ou les ailes, dans l’air. […] Les médecins ne comprirent pas ce mécanisme physiologique et persuadèrent à beaucoup de leurs clients de ne boire que de l’eau : les cas d’appendicite se multiplièrent.
Les passagers l’insultent, crachent sur lui tandis que, gardant intégrale cette robuste gaieté qui est une de ses forces, il leur répète : « J’ai coupé une vieille femme en treize morceaux et cela m’a donné la migraine. » Sur quoi, un bourgeois furibond se jette sur lui, d’un grand courage puisqu’il est enchaîné, en beuglant : « À l’eau l’Anarchiste ! […] Voici une fin de chapitre : « L’enfant lance en plein courant l’épagneul qui s’effondre avec fracas, patauge lourdement, agite toute la rivière d’un remous effrayé ; il chasse à coups de pierre ou à grands gestes effarouchants les cygnes placides, parce qu’il devine que l’eau aime à bercer la calme nonchalance de ce duvet de neige qui la caresse, doux et dolent ; ou bien du haut du balcon, il laisse tomber, une à une, les pierrailles dont les coups arrachent à l’eau un petit cri d’effroi, l’ondulent de larges cercles qui se pourchassent jusqu’au bord, parcheminent de mille rides la surface agacée. Il semble alors à l’enfant que l’eau a “la chair de poule” et il prend joie à faire peur à la rivière. » M. […] Une ruche brille, des blés flambent, l’eau chante — on ne peut s’expliquer cela. […] Au seuil de sa petite maison dont la porte flambe, peinte d’un vert cru, le batelier demeure tranquille à regarder l’eau et l’azur.
Tantôt il joue au bord des eaux, Ou glisse sur un lac, ou promène sur l’onde Les filets d’Arachné, la feuille vagabonde, Et le nid léger des oiseaux.
Il vient de faire, pour sa santé, le voyage d’Ischia où il a pris les eaux, il est revenu par Florence, et rapporte, dit-on, des fruits nouveaux de son inspiration dans ces contrées déjà chantées par lui et gardiennes de ses plus beaux souvenirs43.
Plus d’un serf put dire au baron : Monseigneur, je vous ai trouvé un verre d’eau dans le désert ; je vous ai couvert de mon corps au siège d’Antioche ou de Jérusalem… » Du mouvement aveugle et désordonné de la croisade va sortir bientôt le mouvement régulier et fécond de l’affranchissement des communes.
L’écho de ces stances est un perpétuel applaudissement de l’âme et de l’imagination qui vous suit de la première à la dernière stance, comme, en marchant dans la grotte sonore de Vaucluse, chaque pas est renvoyé par un écho, chaque goutte d’eau qui tombe est une mélodie.
« Quand la débauche et le dévergondage sont poussés à un certain point de scandale, je suis persuadée, dit madame de Sévigné, que cet excès fait plus de tort aux hommes qu’aux femmes. » Elle s’exprime ainsi à l’occasion d’un marquis de Thermes qui l’avait fort assidûment visitée aux eaux de Vichy et qui n’osa la revoir à Paris, étant là sous le joug de la maréchale de Castelnau, sa jalouse maîtresse, qui avait si bien renoncé aux bienséances, que, malgré son veuvage, elle ne prenait pas la peine de cacher ses grossesses… Mais laissons Thermes sous sa férule », dit-elle en finissant ; « il y aurait encore bien des choses à dire d’une autre vieille férule qui ne fait que trop paraître sa furie ».
Ce peuple, dont tous les pas sont marqués par des phénomènes ; ce peuple, pour qui le soleil s’arrête, le rocher verse des eaux, le ciel prodigue la manne ; ce peuple ne pouvait avoir des fastes ordinaires.
Qu’ont de commun l’homme qui tire de l’eau dans le puits de votre cour et celui qui n’ayant pas le même fardeau à tirer, simule gauchement cette action, avec ses deux bras en haut, sur l’estrade de l’école ?
Et les oiseaux et les nuances dont leur plumage est teint ; et les fleurs et leur velouté ; et les arbres et leurs différentes verdures ; et l’azur du ciel et la vapeur des eaux qui les ternit ; et les animaux et les longs poils et les taches variées de leur peau, et le feu dont leurs yeux étincellent.
Les eaux de la fontaine des innocents ne coulent pas mieux.
Sainte-Beuve, qui aimait à conduire ces eaux corrompues dans les détours sinueux des coteaux modérés de sa littérature, en avait filtré quelques gouttes dans son livre sur Chateaubriand, écrit — pour déshonorer l’auteur des Martyrs — après sa mort, bien entendu.
Il avait ainsi tâté l’eau de la publicité.
Mais, pour cela, il fallait surveiller cette eau suave, venue à travers les terrains vierges qui l’ont parfumée, prise dans une main de jeune pasteur, pour l’élever comme une coupe de reconnaissance vers le ciel bleu, et non pas la jeter, comme la poussière des Gracques, à la face usée des tyrans !
Sur le pupitre vert placé devant lui sa main tient encore la lettre perfide : « Citoyen, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. » L’eau de la baignoire est rougie de sang, le papier est sanglant ; à terre gît un grand couteau de cuisine trempé de sang ; sur un misérable support de planches qui composait le mobilier de travail de l’infatigable journaliste, on lit : « A Marat, David. » Tous ces détails sont historiques et réels, comme un roman de Balzac ; le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur, et par un tour de force étrange qui fait de cette peinture le chef-d’œuvre de David et une des grandes curiosités de l’art moderne, elle n’a rien de trivial ni d’ignoble.
Le pays où Homère chanta, où Orphée institua des mystères, où l’architecture éleva des temples dont nous allons encore admirer les ruines, où le ciseau de Phidias semblait faire descendre la divinité sur le marbre ; ce pays où l’air, la terre et les eaux avaient, aux yeux des habitants, quelque chose de divin, et où chaque loi de la nature était représentée par une divinité, dut produire un grand nombre d’hymnes en l’honneur des dieux qu’on adorait ; mais la plupart de ces hymnes furent défigurées par des fables et des contes de fées, faites pour les poètes et les peintres : elles amusaient le peuple et révoltaient les sages.
Au nord »,… Circuit, le mot n’est pas de moi, le mot est de Taine ; cette méthode est proprement la méthode de la grande ceinture ; si vous voulez connaître Paris, commencez par tourner ; circulez de Chartres sur Montargis, et retour ; c’est la méthode des vibrations concentriques, en commençant par la vibration la plus circonférentielle, la plus éloignée du centre, la plus étrangère ; en admettant qu’on puisse obtenir jamais, pour commencer, cette vibration la plus circonférentielle ; car on voit bien comment des vibrations partent d’un centre, connu ; on ne voit pas comment obtenir la vibration la plus circonférentielle, ni même comment se la représenter, si le centre est par définition non connu, et si un cercle ne se conçoit point sans un centre connu ; pétition de principe ; c’est le contraire de ce qui se passe pour les ondes sonores, électriques, optiques, pour toutes les ondes qui se meuvent partant de leur point d’émission ; c’est le contraire de ce qui se passe quand on jette une pierre dans l’eau ; c’est une spirale commencée par le bout le plus éloigné du centre ; à condition qu’on tienne ce bout ; ce sont les vastes tournoiements plans de l’aigle, moins l’acuité du regard, et le coup de sonde, et, au centre, la saisie ; je découpe ici mon exemplaire, et je cite au long, pour que l’on voie, pour que l’on mesure, sur cet exemple éminent, toute la longueur du circuit : « Au nord, l’Océan bat les falaises blanchâtres ou noie les terres plates ; les coups de ce bélier monotone qui heurte obstinément la grève, l’entassement de ces eaux stériles qui assiègent l’embouchure des fleuves, la joie des vagues indomptées qui s’entre-choquent follement sur la plaine sans limites, font descendre au fond du cœur des émotions tragiques ; la mer est un hôte disproportionné et sauvage dont le voisinage laisse toujours dans l’homme un fond d’inquiétude et d’accablement. — En avançant vers l’est, vous rencontrez la grasse Flandre, antique nourrice de la vie corporelle, ses plaines immenses toutes regorgeantes d’une abondance grossière, ses prairies peuplées de troupeaux couchés qui ruminent, ses larges fleuves qui tournoient paisiblement à pleins bords sous les bateaux chargés, ses nuages noirâtres tachés de blancheurs éclatantes qui abattent incessamment leurs averses sur la verdure, son ciel changeant, plein de violents contrastes, et qui répand une beauté poétique sur sa lourde fécondité. — Au sortir de ce grand potager, le Rhin apparaît, et l’on remonte vers la France. Le magnifique fleuve déploie le cortège de ses eaux bleues entre deux rangées de montagnes aussi nobles que lui ; leurs cimes s’allongent par étages jusqu’au bout de l’horizon dont la ceinture lumineuse les accueille et les relie ; le soleil pose une splendeur sereine sur leurs vieux flancs tailladés, sur leur dôme de forêts toujours vivantes ; le soir, ces grandes images flottent dans des ondulations d’or et de pourpre, et le fleuve couché dans la brume ressemble à un roi heureux et pacifique qui, avant de s’endormir, rassemble autour de lui les plis dorés de son manteau. […] Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore. […] Cette vallée, ces eaux, ces arbres, ces rochers voulaient crier vers Dieu, mais n’avaient pas de voix ; l’abbaye leur en donnait une.
Il faut des liqueurs sur nos tables, voilà pourquoi le paysan ne boit que de l’eau. […] Julie donc se jette à l’eau pour sauver son petit garçon. […] Pas d’emmaillotement ; beaucoup d’eau froide. […] — Émile reçoit de temps en temps des billets d’invitation pour un goûter, une partie sur l’eau, etc. […] L’allaitement maternel, l’eau froide, le plein air, c’est très bien.
périssent mes eaux ! […] Ainsi leur âme, leur propre vie, passe dans les plantes, dans les rochers, dans les eaux, dans les airs, et jusques dans les cendres de leur dépouille mortelle. […] Que le désert perdit son aspect formidable devant les Hébreux, sitôt qu’ils ne craignirent plus d’y être consumés par la soif, et qu’ils se furent abreuvés des eaux de la source que leur guide sut leur découvrir. […] À peine il atteignait le bord des eaux du faible Rubicon, que la grande image de la Patrie frémissante apparut au-devant de ce chef : sa figure, toute consternée, éclatait de splendeur à travers les ténèbres de la nuit. […] Aussitôt cette divinité, soumise à d’innombrables métamorphoses, emprunta mille traits des animaux et des plantes, et, toujours fugitive, sans cesse reparut dans les airs, sur la terre, et dans les eaux, sous toutes les formes que prennent la vie et la végétation.
» C’est pour avoir toujours eu là, sous les yeux, même dans ses plus vastes spéculations, ce petit coin de terre et d’eau, pour s’être toujours figuré le Français réel et concret dans sa famille et sous son toit, que Bonald restera un des maîtres de la politique scientifique. […] Ainsi lorsque Joseph compare sa destinée à un navire que le vent et les lames refusent d’emporter : … Debout, croisant les bras, le pilote à la proue Contemple cette eau verte où pas un flot ne joue Et que rasent parfois de leur vol lourd et lent Le cormoran plaintif et le gris goéland. […] Desplein, un médecin outrageusement incrédule, a été soigné dans sa jeunesse, avec un dévouement héroïque, par un simple porteur d’eau très pieux. Ce porteur d’eau est mort, et le clinicien illustre, afin de se conformer au vœu du pauvre homme, fait dire, pour le repos de cette âme, des messes auxquelles il ne croit pas. […] Je voudrais compter goutte par goutte toute l’eau qui en est tombée, tandis que nous étions assis qu’elle parlait et que je lui répondais.
. — Pas de feu dans la cheminée, de l’eau froide. — Le diable vous emporte ! […] Il arrive au jour et à l’heure indiqués, s’assied à une table, mouille ses lèvres au verre d’eau traditionnel, ouvre son manuscrit et commence à lire. […] Ils attendent seulement que la rivière ait baissé et que l’eau soit moins chaude. […] Elle qui n’avait jamais souri ni accordé l’ombre d’une espérance, — dans un moment où elle se sentait mourir de chaleur, — elle a donné sourire et promesse en échange d’un verre d’eau sucrée à la glace. […] À bord du steamer l’Anglais retrouve la gaieté qu’il n’avait pas au bal. — C’est l’Antée de l’eau, il faut qu’il soit dessus pour qu’il paraisse vivre.
Les côtes avaient disparu derrière cette vapeur qui flottait sur l’eau et nimbait les astres. […] cette eau morte ! […] Il fallait encore descendre en bateau, passer l’eau, car il n’y avait pas de pont alors. […] Vitu, aime la Seine au point de s’arrêter sur les ponts, les quais et les berges, uniquement pour voir couler l’eau. […] Mais tout était abîmé ; une odeur d’huile brûlée prenait à la gorge quand on y entrait ; les conduits des eaux avaient été brisés, et tout était inondé.
Ce premier mouvement, qui semblait naturellement indiqué, n’était pourtant pas aussi facile, les Russes même y consentant, qu’il le semblait à Paris aux promeneurs du boulevard ; l’armée n’avait au plus de biscuits que pour dix jours : De Varna à Silistrie, disait le maréchal (24 juin 1854), sur toutes les routes, peu ou point d’eau… quelques puits sans cordes et sans seaux. […] Le Roy de Saint-Arnaud, dans ces grandes expéditions, l’homme, c’est bien peu de chose ; ses desseins, ses projets, c’est moins encore : il faut que Dieu sanctionne et protège tout cela. — Je ferai de mon mieux : Dieu est le maître ; je ne néglige rien pour mettre les bonnes chances de mon côté ; mais je sens bien que je navigue dans une mer semée d’écueils, et que chaque jour j’en vois sortir de nouveaux du fond des eaux… — À la volonté de Dieu ! […] Le feu avait pris par la maladresse d’un débitant d’eau de vie qui a laissé s’enflammer de l’esprit.
La Néva coule à pleins bords au sein d’une cité magnifique ; ses eaux limpides touchent le gazon des îles qu’elle embrasse, et dans toute l’étendue de la ville elle est contenue par deux quais de granit alignés à perte de vue, espèce de magnificence répétée dans les trois grands canaux qui parcourent la capitale, et dont il n’est pas possible de trouver ailleurs le modèle ni l’imitation. « Mille chaloupes se croisent et sillonnent l’eau en tous sens. […] « Nous rencontrions de temps en temps d’élégantes chaloupes dont on avait retiré les rames, et qui se laissaient aller doucement au paisible courant de ces belles eaux.