Tout le monde est informé des principales actions de la vie du feu roi qui fait le sujet de tous les tableaux, et l’intelligence des curieux est encore aidée par des inscriptions placées sous les sujets principaux. […] On produit tant qu’on veut de ces symboles par le secours de deux ou trois livres qui sont des sources intarissables de pareils colifichets, au lieu qu’il faut avoir une imagination fertile et qui soit guidée encore par une intelligence sage et judicieuse, pour réussir dans l’expression des passions et pour y peindre avec verité leurs simptômes.
Qui leur a montré, par-delà les limites et sous le voile de l’univers, un Dieu caché, mais partout présent, un Dieu qui a fait le monde avec poids et mesure, et qui ne cesse de veiller sur son ouvrage, un Dieu qui a fait l’homme parce qu’il n’a pas voulu retenir dans la solitude inaccessible de son être ses perfections les plus augustes, parce qu’il a voulu communiquer et répandre son intelligence, et, ce qui vaut mieux, sa justice, et, ce qui vaut mieux encore, sa bonté ? […] Quelques lignes auparavant, vous retrouvez encore ce mélange d’élévation et d’aisance qui, depuis le dix-septième siècle, semblait perdu : « un Dieu qui a fait l’homme, parce qu’il n’a pas voulu retenir dans la solitude inaccessible de son être ses perfections les plus augustes, parce qu’il a voulu communiquer et répandre son intelligence, et, ce qui vaut mieux, sa justice, et, ce qui vaut mieux encore, sa bonté. » La première phrase touche au sublime ; la seconde descend presque jusqu’au laisser-aller.
Il est impossible, faute de documents sérieux (car on n’a que ses proclamations, qui sont insignifiantes), de dire si Boulanger fut un ambitieux de haute intelligence et capable de grands desseins, ou s’il ne fut qu’un aventurier vulgaire, servi un moment par des circonstances exceptionnelles, et, finalement, inégal à sa fortune. » J’espère que l’on sentira plus de pitié que de raillerie dans ces faciles horoscopes.
Mais la vérité, c’est qu’ils assemblent les couleurs au hasard, absolument au hasard, et que ces assemblages, où l’intelligence et le choix ne sont pour rien, peuvent quelquefois, par rencontre, former des harmonies plaisantes et singulières — surtout quand le temps a fané les étoffes et adouci les teintes… Les appellerai-je pour cela des artistes ?
Charlotte Corday : Ce n’est pas seulement la beauté des vers qu’il convient d’admirer dans le drame de Charlotte Corday, c’est aussi, et surtout, l’intelligence d’une époque, le sens intime et profond de la couleur historique.
Le dix-neuvième siècle finira par des découvertes encore mal formulées, mais aussi importantes peut-être dans le monde moral que celles de Newton ou de Laplace dans le monde sidéral : attraction des sensibilités et des volontés, solidarité des intelligences, pénétrabilité des consciences.
Celui que ce livre nous confesse est atteint plus profondément que dans son intelligence ; il est malade de la volonté et de la sensibilité, il se sait vaguement frappé au centre de son être et s’entend à démêler dans la contemplation de sa ruine morale les plus secrets symptômes.
C’est un dérangement de l’ordre que ce philosophe voudroit établir dans les actions de l’homme qui, selon lui, doivent être reglées par son intelligence, et non pas gouvernées par les appetits de l’ame sensitive.
Malgré l’intelligence qu’il lui reconnaît, il n’a pas fait héroïque et fulminant cet athée qui voudrait tuer Dieu pour avoir la paix, comme il a tué l’homme pour avoir l’argent ; car on a beau se dessiner en Ajax contre le ciel, le poing dont on menace Dieu est toujours un poing canaille et qui mérite d’être abattu sur le billot !
L’univers a changé ; arts, sciences, travaux, instruments, guerres, tout est perfectionné, ou du moins tout a pris une forme différente ; la vigueur du corps n’est plus rien, l’intelligence a trouvé l’art de se passer de la force.
Plus tard on donna un sens métaphysique à cette fable de la naissance de Minerve, et on y vit la découverte la plus sublime de la philosophie, savoir, que l’idée éternelle est engendrée en Dieu par Dieu même, tandis que les idées créées sont produites par Dieu dans l’intelligence humaine.
Singulière intelligence du patriotisme ! […] Avec quelle intelligence compréhensive, avec quel tact, quelle pudeur, Glesener analyse la détresse du malheureux ! […] L’intelligence du malheureux ne résiste pas à cette cruelle révélation. […] Maurice Wilmotte les domine tous par sa belle intelligence, curieuse, agile et fine, la sagacité de son esprit, l’opulence de son érudition. […] Paris, Fasquelle, 1904. — L’Intelligence des fleurs.
Apollon, le dieu de l’intelligence sous toutes ses formes, et les muses, inspirations incarnées, complètent la fête par les chants et par la musique. […] Le poète, pendant cette suspension d’armes, reporte l’esprit dans la ville de Priam, aux portes Scées. « Là », dit-il dans son inépuisable fertilité d’analogies, charme de l’intelligence, « là, Priam et les vieillards de la ville étaient assis sur la plate-forme au-dessus de la ville. […] Homère les décrit en peintre équestre et les chante en poète convaincu de l’intelligence, du cœur, de l’héroïsme des animaux, avec tous les détails de leur race, de leur éducation, de leur nourriture, de leur attelage aux chars de guerre. […] L’intelligence et la sensibilité des coursiers d’Achille, animaux belliqueux, assimilés avec raison aux guerriers eux-mêmes par le poète, forment le seul épisode touchant et mélancolique de ces deux chants. […] Sa harangue à ses coursiers est une preuve de plus de l’intelligence presque humaine que les hommes primitifs attribuaient à ces nobles animaux.
Ces derniers volumes éclairent enfin notre jugement ; nous étions, ce nous semble, et trop incrédules et trop sévères ; nous imputions obstinément à madame de Genlis un vieux péché de philosophie, et même quelques mauvaises pensées de patriotisme dont elle ne se souilla jamais ; jamais idées pareilles ne furent faites pour elle, et n’égarèrent son intelligence : cela nous est démontré, et le sera, nous l’espérons pour elle, & quiconque lira ses récits, d’une si inaltérable et si innocente frivolité.
Cependant ces mêmes expressions, qui servent aux besoins les plus familiers de l’existence, que les plus grossières intelligences ravalent au niveau de leurs mesquines pensées, ont en elles-mêmes assez de sens et de vertu pour devenir égales sans effort aux plus hautes idées, aux plus nobles sentiments des grands esprits et des cœurs généreux.
Elles rendent impossible la saine conception de l’histoire : et il est notable que dans l’âge moderne l’esprit français, substituant une conception philosophique à la conception théologique de l’univers, n’arrivera pas encore sans grande peine à l’intelligence historique, comme si sa nature répugnait secrètement à la considération du contingent, du relatif, de ce qui passe dans les choses qui passent.
Il les remplit d’illusions sur leur propre mérite ; il les emprisonne ; il risque de leur enlever à jamais le sens et l’intelligence de la réalité et de faire d’eux, pour toute la vie, des écoliers, — tout flambants du prestige emprunté de l’École, mais des écoliers.
S’il n’a pas l’intelligence assez ouverte et le cœur assez calme pour rendre justice aux œuvres les plus contraires à son propre tempérament, qu’il se fasse polémiste, qu’il se jette bravement dans la mêlée, mais qu’il renonce à l’histoire !
Ils s’en accablent mutuellement, se reprochent d’employer d’indignes ressorts pour captiver les suffrages, de ne pas sçavoir manier les passions, de ne montrer aucune intelligence du théâtre.
Les attributs dispersés sur le tapis sont sans intelligence et sans goût.
Il venait de fixer une noble tâche à son intelligence.
Les poètes théologiens ont été le sens (ou le sentiment), les philosophes ont été l’intelligence de l’humanité.
Et il y a l’autre manière de débuter, gaie, vive, insouciante de l’impossible, d’ailleurs éveillée à tout, tournant court à temps, capricieuse sans passion, curieuse avec intelligence, un peu timide d’abord, un peu superficielle sur bien des points, mais qui, au lieu de s’atténuer, s’accroît, se fortifie chaque jour, profite des fautes mêmes et des pertes des autres, et est moins sujette ensuite au désabusement des revers. […] Ainsi rompu à tous les exercices d’intelligence et se jouant sous des contentions de divers genres, on le voit aujourd’hui à la Chambre des Pairs, au Conseil d’État, au Conseil de l’Université, dans l’administration du personnel qui lui est confié, à l’Academie enfin, être actif et suffire à tout, sans perdre une pointe de son agrément ni la moindre fraîcheur de sa littérature. […] Cousin : mais penché au dehors, rayonnant vers tous, cherchant, demandant alentour le point d’appui et l’aiguillon, questionnant et, pour ainsi dire, agaçant à la fois toutes les intelligences, allant, venant, voltigeant sur les flancs et comme aux deux ailes de sa pensée ; quel spectacle amusant et actif, quelle étude délicieuse que de l’entendre !
Tout était sérieux dans ce génie, austère dans cette grâce ; je compris que j’étais en face d’une sœur du jeune Pic de la Mirandole, quand cette intelligence surnaturelle, incarnée dans un bel adolescent, comparut devant le pape, les cardinaux et le congrès de tous les érudits d’Italie, pour répondre sur toutes les matières et dans toutes les langues à ce cénacle de l’intelligence humaine. […] Je la reconduisis tout ébloui d’intelligence jusque sur le palier de ma petite maison ; elle marchait devant moi dans le soleil, et j’avoue qu’au lieu d’une trace d’ombre derrière elle, elle me semblait laisser une trace de lumière sur les dalles qu’elle avait foulées en se retirant.
Je ne me crois ni plus ni moins d’intelligence que la généralité des hommes de mon siècle, et, à mon tour, je vous déclare que j’ai appliqué, pendant la moitié de ma vie, toute l’intelligence telle quelle dont Dieu m’a plus ou moins doué à comprendre ce que vos apôtres et vos faux prophètes vous promettent dans ce que vous appelez l’organisation du travail, et que, malgré toute mon application et tous mes efforts, il m’a été impossible d’y rien comprendre. […] Eh bien, c’est ce que l’intelligence de la nation vous donnera quand toutes les classes, tous les capitaux, tous les salaires, tous les droits, tous les devoirs, représentés dans la législation par le suffrage proportionné de tous, auront choisi le suffrage universel à plusieurs degrés pour l’harmonie sociale ; mais c’est ce qu’aucun homme sensé et consciencieux ne consentira jamais à vous donner dans ce que vous appelez l’organisation du travail ou socialisme radical, qu’on vous a amenés à vociférer ici sans en comprendre l’exécrable non-sens !
tout s’harmonise dans la nature ; des rapports secrets unissent l’aigle et le brin d’herbe, les anges et nous dans l’ordre de l’intelligence. […] J’ai toujours reproché au christianisme son insensibilité pour les animaux, comme si ce qui aime tant n’avait point de cœur, comme si ce qui pense, calcule et combine, n’avait point sa part d’intelligence. […] Si on me disait : « Parlez sur l’Imitation », je prendrais ce livre presque divin et le lirais, car rien de ce que je pourrais dire ne vaudrait un de ces versets pleins de suc. — Il en est ainsi des pages de mademoiselle de Guérin ; ôtez quelques superstitions féminines et quelques petitesses enfantines de dévotion qui ne scandalisent pas, mais qui humilient l’intelligence et qui tiennent à l’éducation, à l’habitude, au séjour, à la fréquentation de quelques ecclésiastiques, tels que l’abbé de Lamennais et ses disciples, tout est naïf, sublime, divin sous sa plume ; on ne peut rien dire d’elle qui ne soit mille fois dépassé par les éjaculations solitaires de cette âme.
« L’intelligence (νοῦς) gouverne le développement incessant de l’univers ; elle est la cause première de tout mouvement et par conséquent le principe de tous les phénomènes physiques. […] XII Voici donc comment mon intelligence se poserait la question de l’univers, et comment mon humilité ignorante et sublime s’efforcerait de la résoudre. […] Tant que l’intelligence ne remonte pas à son principe et n’essaye pas de se rendre compte des mondes, ou qu’elle ne s’incline pas avec confiance devant le mystère évidemment voilé de la création, rien n’existe en effet qu’une sombre énigme, et le mot science est une dérision de notre superbe ignorance.
Cela ne veut pas dire non plus que la science, en s’efforçant de débrouiller le mystère qui nous enveloppe, fasse fi de l’ordre, de l’élégance, du bien dire, de tous les attraits que l’art prête à l’exposé des idées et des faits ; elle aussi, suivant les temps, les matières traitées et les goûts individuels, elle aspire plus ou moins à charmer, ne fût-ce que pour les tenir en éveil, les intelligences qu’elle veut avant tout éclairer. […] Le changement grave, profond, essentiel, le voici : c’est une orientation spéciale des intelligences. […] Voilà sa destinée pour longtemps ; elle sera philosophique. ; elle sera, non plus un jeu de l’esprit, un caprice mélodieux de la pensée légère et superficielle, mais l’écho profond, réel, sincère des plus hautes conceptions de l’intelligence. » La poésie sera sans doute autre chose aussi ; bien téméraire qui voudrait enfermer l’incessante mobilité de l’art dans une formule rigide ; mais il est certain qu’elle peut et doit réaliser la prophétie de Lamartine.
C’est que l’instinct est une expérience organisée, une intelligence non discursive ; en d’autres termes, que dans l’intelligence et dans l’instinct, les processus nerveux et logiques sont les mêmes. Seulement, dans l’intelligence, les opérations sont facultatives, impliquent le choix des moyens pour arriver à une fin ; dans l’instinct, les opérations sont fixées, uniformes, sans hésitation dans le choix des moyens.
Corneille lui-même ne s’est pas trop élevé au-dessus de ces usages dans l’exposition de Rodogune, où, par un acteur désintéressé, il fait faire à un autre qui ne l’est pas moins, toute l’histoire nécessaire à l’intelligence de la tragédie ; et l’histoire est si longue qu’il a fallu la couper en deux scènes, ou l’interrompre, pour laisser parler les deux princes qui arrivent : et on la reprend dès qu’ils sont sortis. […] Encore que je n’aie point trouvé le terme de monologue chez les auteurs anciens qui nous ont parlé du théâtre, ni même dans le grand œuvre de Jules Scaliger, lui qui n’a rien oublié de curieux sur ce sujet, il ne faut pourtant pas laisser d’en dire mon sentiment, selon l’intelligence des modernes, pour ne pas me départir des choses qui sont reçues parmi eux. […] Je m’étonne qu’un moderne ait dit que la monodie est un poème composé pour un seul personnage, tel que la Cassandre de Licophron ; car n’étant pas même d’accord avec Scaliger touchant l’intelligence de ce simple terme poétique, il me semble qu’on peut bien aussi n’approuver pas son opinion.
Il se peut que Victor Hugo n’ait pas eu « l’intelligence » des problèmes supérieurs de notre destinée, attendu que ce n’était pas son affaire ; mais il en a eu la « sensation ». […] La valeur de ce tableau dépend de celle des renseignements recueillis par l’auteur, comme de l’intelligence avec laquelle il les interprète. […] Il a de l’intelligence, de l’instruction, des passions et pas de sens moral. […] On a besoin d’un effort d’intelligence et surtout de bonne volonté pour concevoir que la littérature puisse encore avoir ici quelque chose à faire. […] » Et l’homme, qui n’est pas toute intelligence, continuera d’avoir mêmes besoins de sensibilité et d’imagination.
Son intelligence est trop éveillée pour qu’il consente à se payer de mots. […] L’intelligence l’atténue et l’embellit, le baigne de teintes neutres, lui enlève ses violences, ses excès, ses scories. […] Les idées d’intelligence, de force, de lutte, y entrent dans l’idée même de bonté. […] S’il n’a pas gâché son intelligence, c’est que de ce côté il n’y avait vraiment rien à faire. […] Elles ont vécu, non pas seulement par le cœur, mais aussi par l’intelligence.
Victor Cousin dans l’intelligence historique des philosophies, M. […] Cousin, c’est d’avoir suscité, d’avoir vivifié cette histoire des philosophies, d’y avoir fait circuler un esprit supérieur d’impartialité et d’intelligence. […] Dans ce but, il croyait avoir à préparer l’imagination, l’intelligence de ce lecteur moderne, et devoir l’acheminer dans le passé avec lenteur et par voie de notions successives. […] Il fait assez bon marché en Charlemagne des vues générales d’administration et de politique, et ne paraît l’apprécier, en définitive, que comme un grand caractère et une volonté énergique appliqués avec intelligence à des cas journaliers de gouvernement. […] Il y a telle de ces analyses appliquées à des masses confuses de faits et d’événements qui est capitale pour l’intelligence des temps ; et, sans sortir de la dernière partie, qui traite de l’anarchie carlovingienne, je ne veux citer que l’explication donnée par l’historien de la bataille de Fontanet, entre les trois fils de Louis le Débonnaire.
Cette doctrine est fort goûtée, car, étant égaux quant aux besoins matériels, les hommes s’imaginent facilement qu’ils sont égaux en intelligence. […] Notre but est d’attirer à nous le plus grand nombre possible d’intelligences. […] Ton intelligence avait besoin de briser le mur opaque des apparences pour monter d’un degré au-dessus du commun des hommes. […] Cependant, écoutez encore : peut-être, à la longue, votre faible intelligence se pourra-t-elle émouvoir. […] Je bois à la Nature-Panthée, à la sainte Volonté-de-vivre, à l’intelligence des Forts en communion avec les soleils et l’éther.
Seulement c’est par une infirmité de langage et une infirmité d’intelligence que nous appelons réelles les choses et abstraites les idées. […] Les idées gouvernent donc le monde et l’homme, du sein même de l’intelligence divine. […] Or le bien suprême étant dans l’intelligence, celui qui saurait l’absolu posséderait le bien suprême. […] Or en s’adressant aux plaisirs il ne songe qu’à sa sensibilité, et en s’adressant à la science il ne songe qu’à son intelligence. […] Nous accouchons les intelligences, ils accouchent les sensibilités.
Il célèbre en lui avant tout le don par excellence du génie français : l’intelligence. […] Les intelligences bornées et les cœurs secs sont trop facilement à l’abri des fièvres et des désordres. […] Ici, pourtant, il faudrait s’entendre et ne pas le travestir en ennemi systématique de l’intelligence. […] Les jeunes intelligences ont soif de courir les aventures. […] L’intelligence et l’amour, c’est trop pour un seul homme : Michel est perdu.
Le mécanisme de l’intelligence est d’une analyse plus difficile encore, et pourtant, sans connaître cette analyse, l’homme le plus simple sait en faire jouer tous les ressorts. […] Il est temps que l’on proclame qu’une seule cause a tout fait dans l’ordre de l’intelligence, c’est l’esprit humain, agissant toujours d’après des lois identiques, mais dans des milieux divers. […] S’il y a d’autres intelligences que celle de l’homme, nous ne concevons pas qu’elles puissent voir autrement. […] Position inférieure, en un sens, qui ne nous permettra jamais d’en avoir la parfaite intelligence.
C’est ainsi que cette gaîté névro-épileptique est en train de conquérir tout-Paris, et de mettre ses refrains dans la bouche des plus délicates intelligences. […] Il est bon qu’il reste quelque chose de leur texte authentique, pour donner plus tard à juger l’intelligence du parti conservateur et catholique — du journalisme de notre bord, à mon frère et à moi : « Un chef-d’œuvre d’infatuation en ce genre, c’est le Journal des Goncourt. […] Dans les derniers temps de sa vie, un jour Daudet lui contait ceci : passant sur la place du Carrousel, par une de ces journées d’août, où cette place a la chaleur torride du désert, il voyait, derrière une voiture d’arrosage, un papillon traverser toute la place, dans la fraîcheur de l’eau tombant en pluie, et Daudet s’extasiait sur l’intelligence de l’insecte, et le joli de la chose. […] En tout cas, je crois pouvoir vous assurer que dans vos biographies passées, présentes, futures, on ne trouvera pas un hommage plus éclatant, rendu à votre cœur et à votre intelligence.
La Réforme incapable de s’élever jusqu’à l’intelligence de cette machiavélique tactique, se plaignait de ce que « les républicains sont mis à l’index. […] La propriété fut traitée de vol ; l’État fut sommé de nourrir à grands frais la fainéantise ; le premier soin des gouvernants fut de distribuer, non le pouvoir du roi, mais les millions de la liste civile, et de parler au peuple non de l’intelligence et de la pensée mais de la nourriture et du ventre… Oui, nous sommes arrivés à ce point que tous les honnêtes gens, le cœur navré et le front pâle, en sont réduits à admettre les conseils de guerre en permanence, les transportations lointaines, les clubs fermés, les journaux suspendus et la mise en accusation des représentants du peuple. » (Numéro du 28 août). […] Les proscrits coudoient toutes les misères, disait le grand Florentin ; mais Hugo avait plus d’intelligence que Dante. […] Les Diderot, les Voltaire, les Rousseau, les D’Alemberte et les Condillac du xviiie siècle l’avaient trop fait penser pour qu’elle ne désirât se reposer et goûter sans cassements de tête une douce philosophie et une sentimentale poésie, qui ne devaient plus mettre en jeu l’intelligence, mais amuser le lecteur, le transporter dans les nuages et le pays des rêves, et charmer ses yeux par la beauté et la hardiesse des images, et ses oreilles par la pompe et l’harmonie des périodes.
La diminution apparente de la mémoire, à mesure que l’intelligence se développe, tient donc à l’organisation croissante des souvenirs avec les actes. […] L’intelligence, d’après lui, résout l’unité superficielle de l’individu en qualités diverses, dont chacune, isolée de l’individu qui la limitait, devient, par là même, représentative d’un genre. […] A priori, en effet, il semble bien que la distinction nette des objets individuels soit un luxe de la perception, de même que la représentation claire des idées générales est un raffinement de l’intelligence. […] Il n’est pas nécessaire ici de suivre l’intelligence dans le détail de cette construction.
C’est ici encore que Montluc fit preuve d’invention et de ressources, aussi bien que d’une intelligence militaire qui était en progrès sur la chevalerie et qui s’en revenait au bon sens pratique des anciens Romains. […] La valeur du chef moderne, pour être moins d’homme à homme, n’en est pas moins réelle ni moins virile : elle participe davantage de l’intelligence et relève de la Minerve-Pallas plus que de Mars.
[NdA] M. de Falloux dans son Histoire de saint Pie V, a rendu cette circonstance en des termes assez singuliers : « Pie V, dit-il, ne dédaigna pas non plus d’adresser des encouragements aux hommes lettrés qui prenaient un rang honorable dans la mêlée des intelligences, Ronsard ayant armé les muses au secours de la religion, le pape l’en remercia hautement par un bref. » M. de Falloux est certainement un homme poli : on vient de voir ce que c’était que cette mêlée des intelligences.
La qualité qu’elle a de trop, c’est d’être une nature non pas seulement romanesque, mais qui a des besoins de cœur, d’intelligence et d’ambition, qui aspire vers une existence plus élevée, plus choisie, plus ornée que celle qui lui est échue. […] J’ai connu, au fond d’une province du centre de la France, une femme jeune encore, supérieure d’intelligence, ardente de cœur, ennuyée : mariée sans être mère, n’ayant pas un enfant à élever, à aimer54, que fit-elle pour occuper le trop-plein de son esprit et de son âme ?
Que serait-ce encore si l’on revendiquait ces autres savants d’un ordre élevé, ces moralistes implicites et d’autant plus sûrs qu’ils embrassent plus de rapports d’ensemble, ce Buffon qui se rendait d’autant mieux compte de l’homme qu’il était sorti comme naturaliste de la vue circonscrite de l’espèce, et qu’il inaugurait dans son ampleur l’étude, encore si neuve aujourd’hui, de la physiologie comparée en ce qui est des faits de sensibilité et d’intelligence ! […] Les imaginations et les intelligences étaient frappées, sillonnées ou éclairées de la foudre.
Montrant un jour à Eckermann deux de ses poésies dont l’intention était très-morale, mais où le détail offrait par places trop de naturel et de vérité, il se proposait bien de les garder en portefeuille, disait-il, de peur de scandaliser : « Si l’intelligence, si une haute culture d’esprit, remarquait-il à ce propos, étaient des biens communs à tous les hommes, le poëte aurait beau jeu ; il pourrait être entièrement vrai et n’éprouverait pas de crainte pour dire les meilleures choses. […] Lui qui aimait assez la France, et qui n’avait jamais pu se résoudre à épouser contre elle les haines de ses compatriotes (ce dont il avait recueilli tant de reproches amers), il avait cependant un premier jugement sur les Français, qui n’était pas tout à fait à leur avantage : « Les Français, disait-il en parlant des traductions allemandes qu’on faisait chez nous (novembre 1824), ont de l’intelligence et de l’esprit, mais ils n’ont pas de fonds et pas de piété.
Aussi, quand il vit les brouilles et les petites altercations commencer entre eux, il se jeta à la traverse, il les supplia à mains jointes de ne pas rompre par de misérables zizanies la bonne intelligence qui faisait une partie de leur force : « Qui aimerez-vous, Messieurs, quand votre amitié réciproque aura cessé ? […] Priez ce Dieu qui doit entendre vos vœux, s’il en écoute sur la terre, de me rendre plus semblable à vous qui êtes son image par l’intelligence et la volonté.
Mais qu’il se rassure ; qu’il se persuade qu’ils sont excellents, et qu’il ne lui manque que le goût et la connaissance pour les mieux apprécier ; et bientôt chaque visite nouvelle lui ouvrira les yeux de plus en plus, jusqu’à ce qu’il ait appris à les admirer, jamais autant qu’il le méritent, assez du moins pour enrichir et élargir sa propre intelligence par la compréhension de la parfaite beauté. […] Il y a (il faut bien le dire) des esprits distingués, mais essentiellement modernes et présents qui restent et resteront à jamais fermés à l’intelligence et au vrai sentiment de l’Antiquité, et qu’il faut désespérer d’y convertir.
Il s’est donc attaché à notre grand tragique, et il s’est complu à démontrer en lui une âme et une intelligence essentiellement historique, pleine de prévisions et de divinations : non qu’il ait jamais supposé que le vieux poète, en s’attaquant successivement aux divers points de l’histoire romaine pendant une si longue série de siècles, depuis Horace et la fondation de la République jusqu’à l’Empire d’Orient et aux invasions d’Attila, ait eu l’idée préconçue d’écrire un cours régulier d’histoire ; mais le critique était dans son droit et dans le vrai en faisant remarquer toutefois le singulier enchaînement qu’offre en ce sens l’œuvre dramatique de Corneille, et en relevant dans chacune de ses pièces historiques, même dans celles qu’on relit le moins et qu’on est dans l’habitude de dédaigner le plus, des passages étonnants, des pensées et des tirades dignes d’un esprit politique, véritablement romain. […] C’est un morceau plein d’intelligence et de délicatesse, dans la pensée comme dans l’expression… Cependant, à mon avis, vous allez trop loin dans la note de la page cxxi, et votre éloge de la poésie française, depuis Corneille jusqu’à Voltaire, méconnaît les progrès et les besoins du temps actuel, qu’autrement vous sentez si bien.
Son indolence le portait à céder facilement à tout ce qu’ils lui proposaient, sans prendre la peine de l’examiner, encore moins de le contredire ; son jugement sain et l’expérience qu’il avait des affaires lui faisaient souvent désapprouver en secret leur conduite et leurs mesures ; rarement il se permettait des représentations, il n’y insistait jamais : la consolation de ces âmes indolentes, que la faiblesse domine sans leur ôter l’intelligence, est le mépris pour ceux qui les conseillent mal, soit par ignorance, soit par des passions particulières. […] Comme jusqu’alors ses intentions avaient été droites, il désespéra de pouvoir jamais faire le bien, parce qu’on est toujours plus disposé à regarder comme impossible en soi ce qu’on n’a pas le courage de faire… C’est à ce point qu’était parvenu par degrés un homme qui, s’il fût né particulier, aurait été jugé, par son intelligence et son caractère, au-dessus du commun et ce qu’on appelle proprement un galant homme.
Cet usage met toute la maison à l’aise : il dispense les parents d’autorité, et les enfants de respect. » Toutes ces pensées dont on voit l’originalité morose et dans lesquelles il entrait une part de vérité, avaient l’inconvénient toutefois de ne comprendre qu’un seul côté de la question, le côté qui regarde le passé, de ne tenir aucun compte des changements survenus, de l’émancipation des intelligences, du libre développement de l’individu, des progrès des villes, de ceux de l’industrie, des rapports multipliés avec l’étranger. […] Rien n’est plus propre à tremper fortement des intelligences qui, privées de cette excitation salutaire, se fussent amollies dans le repos et la sécurité !
Il en a facilité l’étude, l’intelligence. […] La ferme intelligence du publiciste et de l’historien qui l’a mise en lumière mérite une place durable dans l’estime de l’avenir : M.
Qu’elle consente à se relâcher un peu de l’absolu de la forme et de la rigueur affirmative, à s’interdire envers les adversaires une chaleur de réfutation trop facile, et qui déplace toujours les questions ; qu’elle permette autour d’elle à bien des faits de détail de courir plus librement sous le contrôle naturel d’un empirisme éclairé, et elle aura permis qu’on s’appuie souvent avec avantage sur elle sans s’y ranger nécessairement ; elle aura fourni un contingent utile à une œuvre pratique d’intelligence et d’indépendance qu’elle est digne d’apprécier ; car chez elle aussi, si je ne me trompe, et derrière ces grands développements de croyances, la maturité personnelle et l’expérience secrète sont dès longtemps venues142. […] Si le sentiment moral s’est parfois trouvé affaibli sous le coup de cette transformation profonde, c’est là un mal à combattre, à réparer ; mais il y a eu, à d’autres égards, de l’avantage : il s’est répandu dans toute l’atmosphère des esprits un certain mélange dont l’intelligence et la tolérance ont profité.
Et la forme de sa pensée est dépouillée aussi de tout élément sensitif ou imaginatif : jamais forme ne fut plus abstraite, plus immatérielle, plus affranchie du nombre et de la mesure, qui sont les lois de la substance étendue : pure notation algébrique où l’intelligence seule trouve son compte. […] Une littérature, enfin, psychologique et morale, claire, précise, régulière, intéressante, appuyée sur le réel et délassant du réel, joie des esprits légers et nourriture des intelligences actives, voilà ce que réclame le goût français ; et voilà pourquoi il y aura longtemps encore quelque chose de Boileau, et quelque chose d’essentiel, dans toutes les œuvres qui réussiront chez nous.
La vaine satisfaction qu’on tirait de ces faciles victoires contribuait à augmenter l’ignorance ; et c’est ainsi que la scolastique, après avoir été un expédient pour quelques intelligences d’élite, devint pour le plus grand nombre un empêchement et un obstacle. […] Jusqu’à l’avènement de ces idées, l’esprit français n’est que l’esprit particulier d’une nation admirablement douée, mais qui ne peut pas recommencer à elle seule tout le travail de l’intelligence humaine.
Sans doute leur en faudrait-il une encore si leur vie individuelle était incohérente, troublée et que leur intelligence fût assez développée cependant. […] Notre intelligence, notre sensibilité, notre volonté, nos théories et nos doctrines morales, tout ce que l’on considère comme faisant « la grandeur de l’homme » vient de là.
Marc Monnier a signalé — après les avoir résolues — les difficultés d’un enseignement aussi vaste que celui de la littérature comparée : « Mener toutes les littératures de front, a-t-il dit ; montrer à chaque pas l’action des unes sur les autres ; suivre ainsi, non plus seulement en deçà ou au-delà de telle frontière, mais partout à la fois, les mouvements de la pensée et de l’art, cela paraît ambitieux et difficile... » Il a pu ajouter : « On y arrive cependant, à force de vivre dans son sujet qui petit à petit se débrouille, s’allège, s’égaie... » Mais ce qu’il n’a pas dit, ce sont les rares qualités d’esprit qui lui ont permis d’accomplir un tel travail et de le perfectionner d’année en année : une érudition qui s’élargissait sans cesse ; un sens critique habile à choisir entre la masse des documents les plus propres à marquer la physionomie d’un homme ou d’une époque, ou à dégager les caractères essentiels d’une œuvre ; une intelligence si enjouée qu’elle a pu, pour conserver son expression, « égayer » cette grave étude de l’histoire littéraire, si alerte, que d’heureuses échappées dans tous les domaines, elle a su rapporter des œuvres également distinguées. […] Son développement ne s’est pas arrêté là, et un homme d’une érudition plus vaste et d’une intelligence plus puissante que Sainte-Beuve, M.
Le front élevé était un peu trop incliné en arrière comme une muraille qui s’affaisse, mais la lumière y jouait comme l’intelligence dans un espace large et bombé. […] Il jette à travers le tout un souffle d’éloquence et d’intelligence poétique qui est bien à lui.
Les regrets d’un gouvernement fait pour apprécier, autant que d’autres, les plus éminentes qualités de l’esprit, s’associent aux regrets que la France entière témoignera bientôt, en apprenant qu’un des plus illustres représentants de son intelligence et de son goût s’est condamné, avant le temps, à quitter la chaire qu’il avait consacrée. […] Guizot, qu’on juge de l’effet, de l’intérêt du spectacle mêlé à la satisfaction de l’esprit ; qu’on y répande cette émotion générale et communicative qui régnait aisément pendant toute cette fin de la Restauration, et qui faisait croire à l’unité d’une opinion publique à la fois juste et puissante, et l’on comprendra ce qu’ont été ces fêtes de l’intelligence, dont les livres mêmes qui en sont sortis ne donnent qu’une idée froide et décolorée.
Moi, je crois qu’on n’acquiert pas grand’chose dans l’ordre de l’intelligence et qu’on naît même ce qu’on doit devenir ; mais il n’en est pas moins vrai que Vigny, qui avait le génie poétique à fleur et à fond d’âme, n’avait qu’à fond d’âme le génie de la prose. […] Tous les deux, forme à part, spécialité de talent et de vocation à part, sont de la même race d’intelligences, idéales, religieuses, pensives… Il est des têtes glorieusement conformées pour aller se casser inutilement contre le ciel.
Ces décorations comprennent une masse énorme de sujets allégoriques, religieux et historiques, appartenant tous au domaine le plus noble de l’intelligence. […] Je racontais cette anecdote à un général qui y trouva un motif pour admirer la prodigieuse intelligence du soldat français. Il aurait dû dire : la prodigieuse intelligence de tous les Français en matière de peinture ! […] À partir de ce moment, c’est-à-dire du premier concert, je fus possédé du désir d’entrer plus avant dans l’intelligence de ces œuvres singulières. […] De même, les poèmes de Wagner, bien qu’ils révèlent un goût sincère et une parfaite intelligence de la beauté classique, participent aussi, dans une forte dose, de l’esprit romantique.
Une condition pénible, accablante, tient bien réellement à la gêne une intelligence qui souffre, un talent qui veut prendre l’essor.
Mais il ne fallait pas oublier que les hommes d’une vaste intelligence, s’ils ne se rangent de bonne heure à des principes immuables, ne demeurent pas semblables à eux-mêmes aux diverses époques de leur vie, et qu’il en est de certaines âmes comme de ces rivières d’autant plus limpides qu’on les prend plus loin de leur source.
Derrière cette vérité, notre Molière en aperçoit une autre, plus universelle, plus humaine, moins étroitement chrétienne : les dons isolément les plus précieux, naissance, beauté, amour, grâce, courage, esprit, intelligence, corrompus par leur assemblage même, tournés eu monstrueuse scélératesse par le dérèglement et l’impunité, et portant pour fruits l’égoïsme féroce, le scepticisme insolent, le libertinage capricieux.
A ne considérer que ces rois de l’intelligence, on s’expose à les grandir jusqu’à des proportions surhumaines ; on en arrive à confondre en eux ce qui leur est personnel avec ce qui leur est commun avec leurs voisins.
Une circonstance déjà remarquée favorisa cette influence : à la tête du parti des mœurs était madame de Montausier, appelée à la cour de Louis XIV comme la représentante de la société des honnêtes femmes, avec laquelle le jeune monarque avait voulu se mettre en bonne intelligence, dont il voulait être l’allié, en attendant qu’il se sentit la force d’en devenir l’ami.
On lit dans une lettre de madame de Sévigné, du 21 juillet, la mésaventure d’une madame de Louvigny que son mari a surprise écrivant au roi sur un ton d’intelligence suspecte.
Ou bien ce dialecticien si fameux, qu’on n’appelloit que l’esprit, l’intelligence, ne pouvant expliquer la cause du flux & reflux de l’Euripe, s’y précipita-t-il en disant : Puisque je ne puis comprendre l’Euripe, que l’Euripe donc me comprenne ?
On s’étonne parfois, dans notre société contemporaine, que tel personnage publiquement taré, sans talent d’aucune sorte et sans véritable intelligence, grossier, brutal et vulgaire, obtienne les places et les honneurs qu’il convoite. […] Jeu qui n’a rien de surprenant, car aussitôt que l’esprit raisonne dogmatiquement, il fausse l’intelligence et la détourne de la vie. […] Ces petits mensonges envers la société témoignent de l’élévation de sa pensée, de son intelligence, de sa sérénité. […] C’est ainsi qu’on transformait un des auteurs les plus perspicaces de notre temps en une sorte de bonhomme naïf, dupe de l’instruction qu’il avait reçue, alors qu’au contraire il avait su, avec intelligence, comprendre les qualités de ses professeurs, mais aussi leur pauvreté et leurs limites étroites. […] Ségur, Conversations avec Anatole France, ou les mélancolies de l’intelligence, Paris, Fasquelle, 1925, Id., Dernières conversations avec Anatole France, Fasquelle, 1927.
Et quiconque ignore l’auteur de l’Intelligence ne peut connaître dans son fond le critique d’art, non plus que l’historien de la littérature anglaise et de la France contemporaine. […] Jusqu’à son livre de l’Intelligence, qui est plein de pittoresque. […] Enfin un livre de Taine a trop l’air toujours, par sa forme même et son agencement, d’une entreprise sur la liberté de notre intelligence. […] Peut-être devrait-on le définir un jeu oblique de l’intelligence qui détourne, esquive, fausse les rapports des choses ou perfidement fait, gauchir les mots. […] De sa nature, l’intelligence est réceptive ; elle recueille, elle absorbe, et, riche de ses acquisitions, naturellement encore, elle s’exprime, se répand, se communique, procrée.
Et c’est pour avoir méconnu cette destination de l’art, pour l’avoir réduit à n’être que l’expression d’une idéalité chimérique, que la Grèce, élevée par la fiction, perdra l’intelligence des choses et le sceptre des idées…. […] Aussi ce mouvement d’un art factice, à contre-poil de la tradition et sans intelligence possible de l’avenir, ne pouvait se soutenir : affaire de luxe et de curiosité, … aussi ce carnaval passé, l’art se retrouva-t-il en plein vide, sans principe, sans objet et sans but. […] L’enquête d’un préfet n’en révélerait certainement pas aussi bien le caractère, l’intelligence et les mœurs. […] Je ne prétends convertir personne, mais seulement exhiber les motifs actuels de ma conviction, dans l’espoir d’amener peut-être sur ce chapitre, à quelques réflexions nouvelles, les intelligences impartiales que les théories officielles ne satisferaient point tout à fait. […] Progressistes par l’intelligence et par le tempérament, stationnaires et parfois même rétrogrades par position sociale ou tradition de famille.
Il convient d’examiner un peu cet ouvrage pour voir ce qu’un homme intelligent, suivant les indications de Rousseau avec intelligence et avec un scrupule absolu, a réussi à faire et quels personnages il a mis sous les yeux du public. […] Il en fait un menteur, ce qui, je le reconnais, était à peu près imposé par le sujet ; mais, ce qui n’était pas imposé par le sujet, il en fait non pas le Don Juan ordinaire qui est simplement l’homme qui veut mettre dans sa vie le plus possible de sensations vives ; mais il en fait un méchant, le méchant, « le grand seigneur méchant homme » qui fait le mal parce que le mal est amusant, l’homme qui jouit moins de posséder une femme que de désespérer un mari et aussi la femme, l’homme qui voyant deux fiancés très épris l’un de l’autre « se figure un plaisir extrême à pouvoir troubler leur intelligence et rompre cet attachement dont la délicatesse de son cœur est offensée », le néronien en un mot qui dit exactement comme Néron : Je me fais de leur peine une image charmante. […] En civilisation avancée, il arrive, rarement Dieu merci, mais enfin il arrive qu’une jeune fille s’éprenne d’un homme âgé à cause de son intelligence, de son talent, etc. […] … » Seulement La Bruyère dénonce comme cause véritable de l’ignorance des femmes leurs défauts naturels : « Paresse de leur esprit, soin de leur beauté, légèreté d’intelligence, éloignement des choses pénibles et sérieuses ; curiosité toute différente de celle qui contente l’esprit », etc. ; tandis que Rousseau donne comme cause de leur ignorance la connaissance de leurs véritables intérêts et assure tout de suite qu’elles ont bien raison de rester ignorantes. […] C’est, je crois, pour toutes ces raisons que les jeunes filles acquièrent si vite un petit babil agréable, qu’elles mettent de l’accent dans leurs propos, même avant que de les sentir, et que les hommes s’amusent si tôt à les écouter, même avant qu’ils puissent les entendre ; ils épient ainsi le premier moment de cette intelligence pour pénétrer ainsi celui du sentiment. » Or, cette facilité des jeunes filles à exprimer et à inspirer même des sentiments qu’elles n’éprouvent point, c’est ce qu’il faut favoriser de bonne heure et de bonne heure cultiver avec le plus grand soin pour l’encourager ; car c’est une grande qualité : « Les femmes ont la langue flexible ; elles parlent plus tôt, plus aisément et plus agréablement que les hommes ; on les accuse aussi de parler davantage ; cela doit être et je changerais volontiers ce reproche en éloge : la bouche et les yeux ont chez elles la même activité et pour la même raison.
Un sentiment élevé d’intelligence et d’impartialité circule à travers l’ouvrage et fait honneur au cœur aussi bien qu’à l’esprit de M.
René est bien le fils d’un siècle qui a tout examiné, tout mis en question ; mais le fils ne s’en tient pas au testament du père, il veut recommencer la vie et ne sait comment ; une intelligence avancée, consommée, qui a tout décomposé de bonne heure et tout analysé, se trouve chez lui en désaccord flagrant avec une imagination réveillée et puissante, avec un cœur avide, désenchanté et inassouvi.
Comme l’égalité sociale et politique n’a pas aboli l’inégalité de beauté, de force, de vertu, d’intelligence entre les hommes, ainsi les mots, égaux devant le besoin de l’écrivain, ont gardé leur physionomie propre, leur couleur, leur élégance, leur dignité, leur richesse.
Il faut compter avec et sur l’intelligence du lecteur, outre que rien ne fait trouver de l’intérêt à une lecture, comme le témoignage qu’on se rend d’être allé plus loin que l’auteur : mais c’est à lui de préparer à notre amour-propre l’innocent triomphe de ces découvertes.
L’esthétique du mot, telle que j’essaierai de la formuler pour la première fois, aura d’abord ce point de contact avec la phonétique qu’elle ne s’occupera que par surcroît du sens verbal, tout à fait insignifiant dans une question de beauté physique : la signification d’un mot ni l’intelligence d’une femme n’ajoutent rien ni n’enlèvent rien à la pureté de leur forme.
L’intelligence a son martyre aussi, souvent plus douloureux que le corps. […] Il n’est guère contestable que, sur ce talent comme sur tant d’autres, on reconnaisse la victorieuse empreinte du dominateur des intelligences poétiques, de Lamartine. […] Doutez-vous qu’il n’y eût eu comme une réconciliation universelle de toutes les intelligences dans l’enthousiasme ? […] C’est peut-être défaut d’organisation ou d’intelligence. […] Cependant cette solution elle-même n’est qu’une solution approximative, purement subjective, appropriée aux conditions de notre intelligence.
Son intelligence est peu spéculative, et il sent tout corporellement. […] Leur intelligence se meut comme un être animé ; elle ne comprend que ce qu’elle a saisi, elle ne voit que ce qui est devant elle ; mais ce que cette intelligence a vu ainsi, elle en garde le souvenir fidèle, et ce qu’elle a saisi, sa main vigoureuse ne le laisse plus échapper. […] L’intelligence de l’Anglais est mal à l’aise dans les théories et ne conçoit bien une idée que lorsqu’elle est revêtue d’un corps. […] Tel est le raisonnement invariable de l’intelligence anglaise. […] Si votre intelligence ne sait que penser, votre sensibilité est mieux instruite ; consultez-la, et elle dissipera vos doutes.
Mais les accapareurs vous ont défendu de jouir, parce que vous n’avez pas l’intelligence de la technique des arts, comme des lois et des affaires. […] C’est donc à vous, bourgeois, que ce livre est naturellement dédié ; car tout livre qui ne s’adresse pas à la majorité, — nombre et intelligence, — est un sot livre. […] — L’un commence par le détail, l’autre par l’intelligence intime du sujet ; d’où il arrive que celui-ci n’en prend que la peau, et que l’autre en arrache les entrailles. […] Je crois que c’est une intelligence honnête, calme et ferme, que les louanges exagérées des poëtes ont seules pu égarer. […] Cogniet, cet aimable éclectique, ce peintre de tant de bonne volonté et d’une intelligence si inquiète que, pour bien rendre le portrait de M.
Elle lui montre qu’il est double comme sa destinée, qu’il y a en lui un animal et une intelligence, une âme et un corps ; en un mot, qu’il est le point d’intersection, l’anneau commun des deux chaînes d’êtres qui embrassent la création, de la série des êtres matériels et de la série des êtres incorporels, la première, partant de la pierre pour arriver à l’homme, la seconde, partant de l’homme pour finir à Dieu. […] Loin qu’elle ait songé, comme le christianisme, à diviser l’esprit du corps, elle donne forme et visage à tout, même aux essences, même aux intelligences. […] Car les hommes de génie, si grands qu’ils soient, ont toujours en eux leur bête qui parodie leur intelligence. […] Ce n’était plus seulement le Cromwell militaire, le Cromwell politique de Bossuet ; c’était un être complexe, hétérogène, multiple, composé de tous les contraires, mêlé de beaucoup de mal et de beaucoup de bien, plein de génie et de petitesse ; une sorte de Tibère-Dandin, tyran de l’Europe et jouet de sa famille ; vieux régicide, humiliant les ambassadeurs de tous les rois, torturé par sa jeune fille royaliste ; austère et sombre dans ses mœurs et entretenant quatre fous de cour autour de lui ; faisant de méchants vers ; sobre, simple, frugal, et guindé sur l’étiquette ; soldat grossier et politique délié ; rompu aux arguties théologiques et s’y plaisant ; orateur lourd, diffus, obscur, mais habile à parler le langage de tous ceux qu’il voulait séduire ; hypocrite et fanatique ; visionnaire dominé par des fantômes de son enfance, croyant aux astrologues et les proscrivant ; défiant à l’excès, toujours menaçant, rarement sanguinaire ; rigide observateur des prescriptions puritaines, perdant gravement plusieurs heures par jour à des bouffonneries ; brusque et dédaigneux avec ses familiers, caressant avec les sectaires qu’il redoutait ; trompant ses remords avec des subtilités, rusant avec sa conscience ; intarissable en adresse, en pièges, en ressources ; maîtrisant son imagination par son intelligence ; grotesque et sublime ; enfin, un de ces hommes carrés par la base, comme les appelait Napoléon, le type et le chef de tous ces hommes complets, dans sa langue exacte comme l’algèbre, colorée comme la poésie. […] Notre infirmité s’effarouche souvent des hardiesses inspirées du génie, faute de pouvoir s’abattre sur les objets avec une aussi vaste intelligence.
Qu’elle a d’intelligence ! […] Lebrun fut un de ceux qui, dès le début, accusent en eux avec le plus d’intelligence le culte et le sentiment des anciens : c’est le mérite de son Ulysse. […] Mais laissons parler là-dessus un témoin bien grave et hautement autorisé en toute matière, M. le duc de Broglie, qui, dans la Revue française de janvier 1830, venant constater, à propos de l’Othello de M. de Vigny, la révolution sensible qui s’opérait dans le goût du public, écrivait : « Chacun peut se rappeler les murmures qui interrompirent, lors de la première représentation du Cid d’Andalousie, cette scène charmante94 où le héros de la pièce, tranquillement assis aux pieds de sa bien-aimée, sans desseins, sans inquiétude, uniquement possédé de l’idée de son prochain bonheur, dans un profond oubli et du monde, et des hommes, et de toutes choses, l’entretenait doucement des progrès de leur amour mutuel, et lui rappelait, en vers pleins de délicatesse et de grâce, les premiers traits furtifs de leur muette intelligence.
Je ne puis m’empêcher de remarquer que cette libre éducation, si peu semblable à la discipline de plus en plus stricte d’aujourd’hui, sous laquelle on surcharge uniformément de jeunes intelligences, est peut-être celle qui a fourni de tout temps aux lettres le plus d’hommes distingués : l’esprit, à qui la bride est laissée un peu flottante, a le temps de relever la tête et de s’échapper çà et là à ses vocations naturelles. […] Des fonctions si nouvelles le rejetèrent à l’instant dans l’étude de l’antiquité ; et comme il ne faisait rien à demi, comme il portait en toute veine son insatiable besoin de recherches et de lectures complètes, il devint en très-peu de temps un érudit classique des plus distingués ; mais s’étonnera-t-on que la vie se consume à cette succession rapide de coups de collier imprévus, à ces entrées en campagne avant l’heure et à ces marches forcées de l’intelligence ? […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.
Vous considérez ses écrits, ses œuvres d’art, ses entreprises d’argent ou de politique ; c’est pour mesurer la portée et les limites de son intelligence, de son invention et de son sang-froid, pour découvrir quel est l’ordre, l’espèce et la puissance habituelle de ses idées, de quelle façon il pense et se résout. […] La race a émigré, comme l’ancien peuple aryen, et le changement de climat a altéré chez elle toute l’économie de l’intelligence et toute l’organisation de la société. […] Prenons d’abord les trois principales œuvres de l’intelligence humaine, la religion, l’art, la philosophie.
Elle fait de la femme auteur l’entretien de tous ; elle viole le foyer, elle lève le voile, elle écarte la pudeur, elle appelle sur le nom, sur le visage, sur l’intelligence, sur l’âme même de la femme célèbre, le regard, la pensée, l’applaudissement ou le sarcasme du monde ; la femme devient une actrice qui ne monte pas sur la scène, mais c’est une actrice à domicile, qui s’introduit avec son livre dans le foyer de chacun, qui passe de mains en mains comme une chose vénale, qui sollicite, au lieu du silence, le bruit, au lieu du mystère l’éclat, au lieu de l’estime d’un seul la renommée de tous. […] Toute sa beauté était dans les yeux, foyer de l’intelligence, qui doivent avoir dans la femme moins d’éclat que de douceur. […] La France qui n’a d’aristocratie que dans l’intelligence, et où par conséquent l’aristocratie est personnelle, ne pouvait reconstituer d’une main les priviléges politiques qu’elle détruisait de l’autre.
Charlemagne n’était pas mort, que l’un de ses vieux soldats faisait déjà en toute naïveté au moine de Saint-Gall le tableau merveilleux des exploits et de la sagesse du grand empereur : la poésie était alors la forme des intelligences. […] Ce n’est pas un traître d’occasion, par emportement, ou orgueil blessé, comme Ganelon : la ruse est son caractère naturel ; avec lui nous atteignons le temps où le mensonge et l’intrigue, c’est-à-dire l’intelligence, entrent en lutte contre la franche brutalité et la force physique, puis vont prendre insensiblement le dessus sur elles, et du même coup sur l’honneur et sur la loyauté. […] Or cet auditoire est insatiable : d’intelligence fruste et étroite, d’imagination forte mais grossière, il veut sans cesse du nouveau.
Ce qu’il y a de romantique, au meilleur sens du mot (qui n’est pas le plus juste), dans Bajazet, c’est l’intelligence de l’histoire et de la couleur locale, et c’est aussi la grande tuerie du cinquième acte. […] Il faut bien reconnaître qu’au temps de Racine on n’avait pas, au même degré qu’aujourd’hui, l’intelligence du passé, le sentiment et le goût de l’exotique, la notion de la variété profonde des types humains. […] Le phénomène moral qui consiste à céder à sa passion tandis qu’on l’observe et qu’on sait où elle vous conduit, la conscience parfaite et minutieuse dans le mal, dans le consentement à la passion funeste, n’est point rare chez les hommes extrêmement civilisés, à une époque où la sensibilité est plus fine, l’intelligence plus aiguisée et la volonté moins vigoureuse.
Il émeut à la fois notre intelligence, notre cœur et nos sens. […] L’affinement, le goût et l’amplitude même de l’intelligence ne sont possibles que dans une société qui a conservé le goût de la lecture. […] La lecture est tout de même préférable au théâtre pour l’éducation de l’intelligence.
Mais l’abîme salé s’apaisa aussitôt, et le Soleil arrêta ses chevaux aux pieds rapides, jusqu’à ce que la vierge Pallas eût enlevé ses armes divines de ses épaules immortelles, et le très sage Zeus s’en réjouit. » Les éléments subtils qui l’avaient formée s’étaient convertis dans Pallas, en intelligence. […] Pallas la fit à son image, active et pensive, créatrice et industrieuse en toutes choses, aussi prompte aux œuvres de l’intelligence qu’aux travaux et qu’aux exploits de la guerre. […] L’intelligence souveraine représentée par Pallas fait débattre et juger la cause qu’allait trancher le glaive rouillé du talion.
On peut essayer sur Eschyle les intelligences. […] L’Égypte, le sentant avec raison colosse et un peu égyptien, lui décerna le nom de Pimander, qui signifie Intelligence supérieure. […] Ce prodige a sauvé l’intelligence universelle.
L’étendue et la pénétration sont les qualités éminentes de son intelligence ; mais il manque de vivacité, et il n’a pas encore acquis en revanche l’exactitude à laquelle il vise. C’est bien le même homme qui, se jugeant plus tard à l’âge de cinquante-quatre ans, presque au terme de sa carrière, disait de lui encore : « Le sol primitif a été considérablement amélioré par la culture ; mais on peut se demander si quelques fleurs d’illusion, quelques agréables erreurs n’ont pas été déracinées avec ces mauvaises herbes qu’on nomme préjugés. » Culture, suite, ordre, méthode, une belle intelligence, froide, fine, toujours exercée et aiguisée, des affections modérées, constantes, d’ailleurs l’étincelle sacrée absente, jamais le coup de tonnerre : c’est sous ces traits que Gibbon s’offre à nous en tout temps et dès sa jeunesse.
Douée de la plus heureuse intelligence, d’un esprit plein de lumière et de saillies, d’une mémoire merveilleuse, de bons et droits sentiments, d’une belle âme faite pour la vertu, jolie dans sa jeunesse avant que le mal l’eût détruite, et ornée de grâces naturelles, elle fut pourtant dès l’enfance une des personnes les plus malheureuses, les plus cruellement maltraitées qui se puissent voir dans aucune classe de la société (je n’excepte pas la plus inférieure), et elle eut de tout temps une existence souffrante et tourmentée, avec bien peu de doux moments. […] Et toute cette familiarité du « vieux frère » (comme il s’appelle) se relève d’une constante admiration pour cette sœur qu’il estime évidemment supérieure à lui par les talents et la beauté de l’intelligence, par le génie, il articule le mot : « S’il y a un être créé digne d’avoir une âme immortelle, c’est vous, sans contredit ; s’il y a un argument capable de me faire pencher vers cette opinion, c’est votre génie64. » Il est prodigue envers elle d’attentions, de petits présents ; il entre dans ses peines, il tremble pour sa vie ; il nous la fait voir avec « un je ne sais quoi de gracieux, un air de dignité tempérée par l’affabilité », que les mémoires de la margrave ne nous indiqueraient pas ; il nous intéresse, en un mot, par l’affection respectueuse qu’elle lui inspire, à cette frêle créature d’élite, à « ce corps si faible et cette santé délicate à laquelle est jointe une si belle âme ».
Un homme pieux et poète, une femme dont l’âme va si bien à la sienne qu’on dirait d’une seule âme, mais dédoublée ; une enfant qui s’appelle Marie, comme sa mère, et qui laisse, comme une étoile, percer les premiers rayons de son amour et de son intelligence à travers le nuage blanc de l’enfance ; une vie simple, dans une maison antique ; l’océan qui vient le matin et le soir nous apporter ses accords ; enfin un voyageur qui descend du carmel pour aller à Babylone, et qui a posé à la porte son bâton et ses sandales pour s’asseoir à la table hospitalière : voilà de quoi faire un poème biblique, si je savais écrire les choses comme je sais les éprouver. […] Féli pour ce même labeur ; — les heures d’étude et d’épanchement poétique, qui nous mènent jusqu’au souper ; ce repas qui nous rappelle avec la même douce voix et se passe dans les mêmes joies que le dîner, seulement un peu moins éclatantes parce que le soir voile tout, tempère tout ; — la soirée qui s’ouvre par l’éclat d’un feu joyeux, et de lectures en lectures, de causeries en causeries, va expirer dans le sommeil ; — et à tous les charmes d’une telle journée ajoutez je ne sais quel rayonnement angélique, je ne sais quel prestige de paix, de fraîcheur et d’innocence qu’y répandent la tête blonde, les yeux bleus, la voix argentine, les petits pieds, les petits pas, les rires, les petites moues pleines d’intelligence d’une enfant qui, j’en suis sûr, fait envie à plus d’un ange ; qui vous enchante, vous séduit, vous fait raffoler avec un léger mouvement de ses lèvres, tant il y a de puissance dans la faiblesse ?
Qu’elle n’en soit pas moins chère cependant, pour ne plus exister que dans le souvenir, cette union d’un jour, cette sympathie toute désintéressée des intelligences, et qu’aucun de ceux qui y ont pris part ne devrait oublier ! […] Je sais que les esprits généreux aiment à avoir à faire et à lutter ; il se forme aujourd’hui, dans la libre et studieuse jeunesse, bien des intelligences.
« M. de La Rochefoucauld avait l’esprit trop élevé, l’intelligence trop haute, le sens moral trop profond pour ne pas être un catholique véritable ; la société au milieu de laquelle il vivait était essentiellement chrétienne, et, on aura beau faire, il faudra nous laisser cette grande illustration et renoncer à la joindre à la cour, trop brillante malheureusement, de l’incrédulité. » Rien n’est plus estimable que d’être catholique fidèle et docile, surtout si l’on est à la fois chrétien de cœur ; je suis loin de prétendre que l’élévation de l’intelligence ne fût point compatible, en ce grand siècle, avec la croyance régnante, et l’on y eut d’assez beaux exemples de cette concorde et de cette union ; mais, en vérité, raisonner comme vous le faites, avec cette légèreté, cette sérénité imperturbable, et trancher ainsi une question de foi chez un moraliste de cet ordre et de cette école, chez un raffiné de la qualité et de la trempe de M. de La Rochefoucauld, c’est montrer que vous ne vous doutez même pas de la difficulté.
Philosophie, musique, roman, comédie, peinture, médecine, amours, luxe et misère, noblesse et roture, tout cela vit ensemble, rit ensemble ; et quand ces intelligences barbues et ces plâtres vivants habillés de satin sont partis, il reste ici pendant deux jours une odeur de punch, de cigare, de patchouli et de paradoxe, à asphyxier les bourgeois. […] Son intelligence de la physionomie humaine est telle que rien qu’à voir un individu il lui arrive souvent de mettre sur son visage non seulement son caractère, mais sa profession.
J’ai dit le meilleur ou le plus mauvais, s’empresse-t-il d’ajouter, mais il ne saurait être le plus mauvais, et je me repens de l’avoir dit ; car, d’après l’opinion de mes amis, il doit atteindre au plus haut degré d’excellence littéraire possible, humainement parlant. » On voit quelle était l’affection et la prédilection de Cervantes pour ce dernier-né de son intelligence. […] L’intelligence du style et de la couleur propre à chaque temps et à chaque œuvre est une conquête de notre âge ; ce qui n’empêche pas, dans la multiplicité, quelque confusion.
» Pour être un bon et parfait critique, Pope le savait bien, il ne suffit pas de cultiver et d’étendre son intelligence, il faut encore purger à tout instant son esprit de toute passion mauvaise, de tout sentiment équivoque ; il faut tenir son âme en bon et loyal état. […] Ne serait-il pas temps, hommes éclairés et qui êtes à la tête des intelligences, de faire un effort de plus et de donner à tous un exemple ?
Son style est, dit-on, si fantastique, si subtil, si extraordinaire, que même en Allemagne on a senti le besoin d’un guide pour l’intelligence de ses ouvrages, et qu’un dictionnaire particulier à l’usage de ses lecteurs se publie en ce moment. […] Le génie, ses tourments intérieurs, les blasphèmes qui le poursuivent d’abord, les adorations qui succèdent aux blasphèmes, toutes ces pures conceptions de l’intelligence, sont devenus visibles.
C’est un grand signe qu’une civilisation est remise à flot quand aucun ralentissement ne se fait sentir dans ces hautes études, qui sont le luxe et comme la couronne de l’intelligence. […] Il continue de se rendre justice, et de la faire sur ce roi ingrat : Des siècles, dit-il, passeront sur ce livre, et quiconque aura de l’intelligence le lira.
Il y a joint à son tour un travail biographique, littéraire et même grammatical, très soigné, qui permet de classer désormais le savant ami de Montaigne au nombre des auteurs que tout le monde peut aborder directement et suivre avec intelligence. […] Mais bientôt, avec l’âge et le cours des événements, les sujets deviennent plus sérieux : à partir d’un certain moment, toute l’histoire et la politique de son temps y passent, et nous y assistons avec lui, c’est-à-dire par les yeux d’un témoin judicieux, éclairé, placé au meilleur point de vue, ni trop près ni trop loin de la Cour, qui ne se pique point de parler en homme d’État, mais qui apprécie et sent les choses de sa nation avec le cœur et l’intelligence de cette haute bourgeoisie, alors si intègre et si patriotique, et qui se pouvait dire le cœur même de la France.
Parlant du beau caractère de ce colonel piémontais Pacchiarotti, qui avait succombé devant Figuières dans sa protestation impuissante pour les souvenirs de l’Empire : Les choses, disait Carrel, dans leurs continuelles et fatales transformations, n’entraînent point avec elles toutes les intelligences ; elles ne domptent point tous les caractères avec une égale facilité, elles ne prennent pas même soin de tous les intérêts ; c’est ce qu’il faut comprendre, et pardonner quelque chose aux protestations qui s’élèvent en faveur du passé. […] Ce général (s’il l’avait été, en naissant vingt-cinq ans auparavant) aurait certainement écrit tôt ou tard ; il aurait raconté ses campagnes, les guerres dont il aurait été témoin et acteur, comme on l’a vu faire à un Gouvion Saint-Cyr ou à tel autre capitaine de haute intelligence ; mais ici, dans l’ordre littéraire ou historique, ce n’est pas seulement ce qu’il a senti et ce qu’il a fait que Carrel doit exprimer ; il est obligé d’accepter des sujets qui ne le touchent que par un coin, de s’y adapter, de s’y réduire, d’apprendre l’escrime de la plume, la tactique de la phrase ; il y devient peu à peu habile, et, dès qu’un grand intérêt et la passion l’y convieront, il y sera passé maître.
Il ne faut rien exagérer pourtant, et les écrits de Marguerite sont assez nombreux pour permettre d’apprécier en elle avec justesse la part de l’originalité et celle de la simple intelligence. Comme poète et comme écrivain, son originalité est peu de chose, ou, pour parler plus nettement, elle n’en a aucune : son intelligence, au contraire, est grande, active, avide, généreuse.
Intelligence. […] Quant à leur intelligence, elle passe pour très bornée.
Osez dire que vous entendez celle-ci : « Chacun peut observer en lui-même que les perceptions directes des sens externes, comme les images ou intuitions du sens interne, et les idées mêmes, produits élaborés de l’intelligence, venant à être réfléchis ou contemplés successivement par le moisous des modifications sensitives diverses, ou avec un sentiment variable de l’existence, triste ou pénible, agréable ou facile, se proportionnent jusqu’à un certain point à ces variations, quant aux degrés de clarté ou d’obscurité, de mobilité ou de persistance, de confiance ou de doute, qui impriment à ces idées un caractère particulier et comme une physionomie propre15. » Voilà un fait bien désigné, n’est-ce pas ? […] « Chacun peut observer en lui-même que les perceptions directes des sens externes, comme les images ou intuitions du sens interne, et les idées mêmes, produits élaborés de l’intelligence, venant à être réfléchies ou contemplées successivement par le moi sous des modifications sensitives diverses, ou avec un sentiment variable de l’existence, triste ou pénible, agréable ou facile, etc., se proportionnent jusqu’à un certain point à ces variations, quant aux degrés de clarté ou d’obscurité, de mobilité ou de persistance, de confiance ou de doute, qui impriment à ces idées un caractère particulier et comme une physionomie propre. » Cette période effaroucherait Hegel ou Duns Scot lui-même.
Intelligence supérieure, il se rendait compte de tout ; peintre incomplet, il n’eût su tout rendre, mais plume habile, déliée et pénétrante, il trouvait moyen d’atteindre et de fixer les impressions intérieures les plus fugitives et les plus contradictoires.
Les plus grandes places de poëtes sont dues, à coup sûr, à ceux qui ont mis de puissantes facultés d’imagination, de sensibilité et d’intelligence, au service des intérêts et des sentiments d’un grand nombre de leurs concitoyens et de leurs contemporains ; qui les ont soutenus, animés, récréés, ennoblis ; qui les ont aidés à pleurer, à espérer, à croire, soit dans un ordre purement héroïque et humain, soit par rapport aux choses immortelles.
Toute troublée qu’elle était au sortir d’une lutte intestine, la Convention eut, dès l’abord, l’intelligence, ou, du moins, l’instinct de sa position et y fit face.
En ce moment surtout, il semble que pour l’Europe entière les anciennes générations expirent dans la personne de leurs plus augustes représentants ; il se fait un renouvellement solennel ; les têtes sacrées des maîtres de l’intelligence et de l’art tombent de toutes parts moissonnées.
À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.
Il y a une reine charmante, extraordinairement instruite, d’une intelligence supérieure et d’une imagination puissante, qui, pouvant exercer le métier de reine, préfère celui d’homme de lettres, recherche l’approbation de ses « confrères » bourgeois et accepte avec joie et simplicité, si même elle ne les sollicite, les récompenses de l’Académie française.
Une mélancolique intelligence de la nature et de ses correspondances humaines, un art très harmonieux et d’un homme qui sent et pense.
Francisque, qui a ouvert à mes recherches la riche collection théâtrale qu’il a formée, et dont il reste le zélé conservateur, depuis qu’elle appartient à la Société des Auteurs dramatiques ; j’ai trouvé dans cette collection, créée avec une intelligence et une persévérance si remarquables, des ouvrages que j’avais demandés vainement aux plus grandes bibliothèques de Paris.
Au besoin ils poliraient des verres de lunettes, comme Baruch Spinoza ; il est vrai qu’ils aiment mieux être bibliothécaires ; mais ils copieraient de la musique, plutôt que d’interdire à leur esprit, par un renoncement une fois consenti, de se développer librement, de toucher à la physiologie après le roman, et à la géométrie après la physiologie, si les déplacements successifs de leur point de vue les y poussaient… Mais ces intelligences sont rares parmi la jeunesse lettrée.
Si la profondeur des vues, l’intelligence du plan, l’ordonnance des distributions, l’exposition des matieres, l’exactitude des regles, la vigueur des pensées, l’heureuse aisance des tours, la noblesse du style, eussent été capables d’animer les Exécuteurs de ce grand dessein, comme tous ces traits réunis ont réussi à attirer les suffrages & les souscriptions ; toute l’Europe seroit en possession du trésor des Sciences qu’elle attendoit, & M.
Et qui donc est dans ce secret, sinon cette intelligence première qui existe de toute éternité ?
Il fut soupçonné sous l’empire de Vespasien, le pere et le prédecesseur de Titus, d’intelligence avec les parthes, et il fut obligé de se sauver chez eux avec ses fils, dont l’Antiochus de Racine étoit un, pour éviter de tomber entre les mains de Cesennius Poetus qui avoit ordre de les enlever.
On n’apperçoit plus alors en eux cette vigueur d’esprit, ni cette intelligence qu’ils montrent, dès qu’il s’agit des choses pour lesquelles ils sont nez.
La sociologie n’est donc l’annexe d’aucune autre science ; elle est elle-même une science distincte et autonome, et le sentiment de ce qu’a de spécial la réalité sociale est même tellement nécessaire au sociologue que, seule, une culture spécialement sociologique peut le préparer à l’intelligence des faits sociaux.
Mais ce grand seigneur de l’intelligence exerce, sur ceux qui n’en ont pas, la fascination qu’ont pour les révolutionnaires les grands seigneurs qui ont trahi leur cause et qui se sont donnés à la Révolution.
Descartes, ce Robinson de la pensée, qui fait le désert dans l’intelligence pour s’y retrouver, fut continué effroyablement, et jusqu’à l’absurdité, par un autre Robinson sans patrie, sans principes, — la patrie de l’esprit, — échoué à Paris chez les encyclopédistes, qui lui appliquèrent le droit d’aubaine et s’en firent une de ses écrits.
Catholique d’intelligence, de sentiment, et nous dirons même de préoccupation, voyant tout à travers le catholicisme parce que le catholicisme c’est tout, même pour ses ennemis, depuis qu’il est né dans le monde et dans l’histoire, écrivain de discussion et d’apologie, Nicolas a dévoué sa pensée à l’avancement incessant, mais combattu, de l’Éternelle Vérité.
Supposez dans l’auteur du Blessé une intelligence plus mâle, un observateur plus profond, et le livre manqué, autant en esthétique qu’en morale, pouvait devenir une œuvre hardie d’effet, imposante d’enseignement et de conclusion.
Son Mage (une des grandes figures de sa Fête votive) n’est, au fond, qu’un prêtre catholique paganisé ; mais c’est d’un accent qu’une intelligence pénétrée de catholicisme pouvait seule trouver… Homme d’impression bien plus que d’opinion, Cladel reviendra par la plus belle des routes — celle du Beau — à la Vérité.
C’est à partir de cette époque que la libre vie de l’intelligence a repris son cours détourné par l’effort chrétien d’annihilation cérébrale, que la nature et l’esprit de l’homme ont repris contact et renouvelé leur alliance. « Pour la première fois, l’homme entre dans l’intimité de l’univers1. » La Réforme représente le premier coup porté au dogme catholique erroné.
Notre jeunesse actuelle, qui méprise l’intelligence, gagnerait à s’en inspirer. […] Il voit de l’intelligence et de l’ordre dans la nature. Cet ordre et cette intelligence, on peut les appeler Dieu pour la commodité du discours et Renan ne s’y refusait pas non plus. […] Bergson, mais à celle de Descartes, pour qui l’intuition est un acte intellectuel, une vision directe de l’intelligence. […] Elle s’inspire de la probité de l’intelligence, du souci de la culture ».
Je prouverai que le nombre et la force sont des signes moins trompeurs que vos faibles lumières, des guides plus sûrs que l’intelligence. […] Il y a, en effet, de très beaux mots et d’assez jolies théories pour consacrer et légitimer l’instinct de la foule dans son désaccord avec l’intelligence de l’élite. […] Il faut, pour comprendre de bonnes raisons, avoir de l’intelligence et se donner du mal. […] Qu’il puisse y avoir des gens de lettres pour écrire des énormités pareilles et un public lettré pour les lire sans scandale, peut-être sans étonnement, cela montre bien le vide et le chaos des intelligences au temps où nous sommes. […] Calculez les conséquences d’une telle méprise dans l’intelligence d’Aristote et dans la constitution de l’art poétique !
À chaque instant revient l’idée qu’en définitive c’est l’intelligence et la vertu de l’homme qui font le champ prospère. […] Ses traits étaient irréguliers, son nez trop petit, mais sa bouche charmante, et tout son visage imberbe respirait une intelligence de feu. […] Il faut à une femme plus d’intelligence qu’elle n’en avait pour savoir être un écho. […] Et l’on est ravi de cette sensibilité et de cette imagination si pénétrées d’intelligence. […] L’ironie de Voltaire était incisive et s’enfonçait dans l’esprit ; la sienne flattait l’intelligence et enveloppait l’âme d’un gracieux désenchantement.
Mais le penchant est là, et là aussi l’intelligence bien nouvelle, absolument originale, de ce que c’est qu’une idée poétique et une œuvre d’art. […] Il confondait ses contemporains par la souplesse incroyable de son intelligence, et sa facilité à oublier. « L’économie politique ? […] Mais chez un homme de grande intelligence et de forte imagination, le pessimisme n’est point plaisant. […] De cette amertume de cœur unie à cette pénétration d’intelligence sont nées les idées maîtresses et les sentiments permanents d’Alfred de Vigny. […] Du reste n’admettant sur un homme de génie ni discussion, ni critique, ni emploi aucun de l’intelligence, attendu qu’un génie « est comme une montagne, qui est à prendre ou à laisser », et qu’il faut « l’admirer comme une brute ».
Le boulangisme, surtout l’affaire Dreyfus, c’est-à-dire des manques graves de flair et d’intelligence, l’ont réduit peu à peu à une expression politique qui, si l’on en croyait le langage parlementaire, approcherait fort de zéro. […] Il faut cependant, de notre point de vue, distinguer deux sortes d’intérêts : d’une part ceux qui se présentent à l’état brut, d’autre part ceux qui ont tenté une alliance avec l’intelligence, se sont enveloppés d’un système d’idées. […] Les Intérêts généraux et supérieurs de la grande industrie ont tenté, eux, dès l’après-guerre, une entente avec l’intelligence, dont on ne peut dire qu’elle ait puissamment réussi, mais enfin qui existe, et qui est liée à la géographie et à l’histoire de l’industrialisme. […] Et la réaction contre elle est aussi un produit de l’intelligence française, en défiance, comme chez Taine, contre sa pente naturelle de facilité. […] Comme le libéralisme dans la critique, dont il forme l’atmosphère naturelle, le traditionalisme garde sa place dans l’intelligence, dans les mœurs, dans la société, dans ce qu’on appelle la civilisation.
Tout le système nerveux, y compris le cerveau, est d’une extrême activité, et les manifestations de l’intelligence sont d’une vivacité proportionnelle. […] Moreau ajoute que ce mot est applicable à toutes ou à presque toutes les grandes intelligences. […] Autre chose est l’esprit, quel qu’en soit le degré ; autre chose le travail et l’exercice de cette intelligence, soit ordinaire, soit supérieure. […] Ce n’est ni un parti pris de l’intelligence, ni une affaire d’imagination ; c’est un fait réel, physiologique. […] Ce qui donne aux anciens tableaux allemands leur valeur, ce n’est pas la forme retenue, typique, byzantine, c’est au contraire le fond tout individuel, l’intelligence naïve de la nature qui s’y manifeste, et qui est l’antithèse de l’art dogmatique.
Il n’y a pas à dire, les gens ayant une intelligence un peu vigoureuse sont tout de même plus intéressants que les « artistes » attitrés. […] cette intelligence douloureuse du mauvais moment ou l’on vient ? […] Mais qui est maître de la tournure des intelligences ? […] La psychologie de Bourget, c’est un peu de la psychologie de carton écrite par un cerveau d’une intelligence et d’une variété extraordinaires, mais c’est aussi, hélas ! […] Et Hennequin, dont ils n’ont pas soufflé mot, mort à trente ans, une des intelligences du groupe !
Il y eut un malheureux jeune homme, S…, dans l’intelligence de qui ces opinions bizarres s’embrouillèrent encore en se compliquant avec des chagrins domestiques et la pauvreté. […] Pendant les années 1797 et 1798, outre leurs travaux à l’atelier, ils parvinrent à faire des progrès assez remarquables dans l’intelligence de la langue grecque. […] Frappé de l’intelligence de l’art qui y régnait déjà, Vien donna de grands encouragements à celui qu’il prenait sous sa direction, et promit à ses parents de surveiller ses études avec le plus grand soin. […] Alors la vie studieuse de David lui faisait suivre, mais avec ses yeux, son crayon et ses pinceaux, toutes les découvertes que les hommes de pure intelligence signalaient aux artistes. […] À ces richesses, on en avait ajouté d’autres pour coordonner ce précieux convoi et lui imprimer un caractère encyclopédique, idée qui dominait alors toutes les intelligences spéculatives.
Émile Faguet a très bien défini Renan : « Une intelligence souveraine, qui eut quelquefois des jeux de prince. » M. Barrès néglige délibérément l’intelligence souveraine ; il ne montre que les jeux, et c’est pour les tourner en ridicule. […] Michaut examine successivement son intelligence, son imagination et sa sensibilité. […] Avec lui meurt la Royauté… Le comte de Chambord avait l’âme trop belle, l’intelligence trop haute, le cœur trop généreux pour régner sur nous. […] Et encore, est-on bien sûr que sa sensibilité égalerait celle d’un Pascal, si l’intelligence ne la fournissait pas d’aliments ?
Spencer a soutenu ce paradoxe que, si on dirige les yeux sur deux objets très rapprochés, par exemple une tache rouge et une tache bleue sur du papier blanc, une intelligence naissante ne pourra savoir « ni qu’il y en a deux, ni qu’elles sont co-existantes », parce qu’il faudrait pour cela avoir la perception de la « distance » qui les sépare, et nue la perception de l’espace est une acquisition ultérieure de l’expérience. […] Ne nous laissons pas ici duper par l’imagination, qui ne considère guère que des images toutes faites et principalement visuelles ; ne nous laissons même pas duper par la pure intelligence, qui ne s’applique bien qu’à des idées de contour défini, exprimées par des mots définis et immuables. […] Il n’est aucune attente qui n’enveloppe désir ou aversion. — On nous objectera l’attente tout intellectuelle, en apparence indifférente. — D’abord, répondrons-nous, c’est là un résultat très ultérieur de l’évolution mentale ; de plus, même à ce haut degré d’évolution qui caractérise l’intelligence contemplative, l’attente indifférente dans la contemplation pure est encore une simple apparence recouvrant un fond de désir. […] Si donc il est vrai de dire que la succession des représentations n’est pas la représentation de la succession, il est également faux de croire que cette représentation tardive de la succession soit la descente d’une intuition pure dans la conscience, comme celle du Saint-Esprit chez les apôtres ; elle est un perfectionnement de l’intelligence, qui, de représentations d’abord isolées, s’élève par degrés à la représentation d’une série intensive, extensive et protensive.