Anatole France, tout nourri de lettres grecques, se plaît à imiter dans l’expression des sentiments les plus modernes l’élégance du verbe antique, et que le style de M. […] Joignez à cela une peur de la rhétorique, de l’emphase d’expression qu’exigent presque toujours les fables tragiques. […] Paul de Gabry : J’ai lieu de craindre que ma physionomie n’ait trahi ma distraction incongrue par une certaine expression de stupidité qu’elle revêt dans la plupart des transactions sociales.
Les ouvrages de Raphael frappent peu au premier coup-d’oeil ; il imite si bien la nature, que l’on n’en est d’abord pas plus étonné que si l’on voyoit l’objet même, lequel ne causeroit point de surprise : mais une expression extraordinaire, un coloris plus fort, une attitude bisarre d’un peintre moins bon, nous saisit du premier coup-d’oeil, parce qu’on n’a pas coûtume de la voir ailleurs. […] On peut remarquer ici combien est grande la différence des antitheses d’idées, d’avec les antithèses d’expression. L’antithèse d’expression n’est pas cachée, celle d’idées l’est : l’une a toûjours le même habit, l’autre en change comme on veut : l’une est variée, l’autre non.
Il aime, en revanche, toutes les expressions qui sont capables d’enjoliver et d’adoucir la pensée. […] Suivant une expression du temps, « il représente » toujours. […] En ces endroits-là où il n’y a point de femmes et où les conventions mondaines sont réduites à leur plus simple expression, la conversation est plus hardie, plus débridée que dans les salons.
Toute la lettre dont je parle est d’un style bien net, bien franc, bien adapté ; l’expression déjà prend et serre exactement la pensée : c’est une des grâces du vicomte de Launay. […] Quand elle ne veut avoir que beaucoup d’esprit (et elle n’a pas même à vouloir pour cela), elle paraît avoir assez d’imagination dans l’expression. […] Quelle plus folle idée, par exemple, quelle invention plus plaisante, que, dans la description d’une chasse à Chantilly, de supposer que le pauvre cerf a eu le bon goût, dans sa fuite, de parcourir les vallons les plus pittoresques, les sites les plus célèbres : Il a traversé tout le parc d’Ermenonville, dit-elle ; il a salué en passant, rapidement, il est vrai, la tombe de Jean-Jacques, ce mortel qui, comme lui. se croyait toujours poursuivi… Après six heures de course, la victime ingénieuse (voyez-vous la curiosité de l’expression ?)
L’expression de l’abbé de Choisy est gaie, légère, et a quelque chose des grâces de l’enfance. […] Parlant d’un saint prêtre qu’il rencontre à Batavia, il le peindra avec une expression heureuse et simple : « C’est un vénérable vieillard qui a été près de trente ans à la Cochinchine ou au Tonquin : sa vie passée lui met sur le visage une gaieté perpétuelle. » Choisy est modeste, il ne se fait point valoir, et c’est une des grâces de son esprit de ne jamais prétendre à plus qu’il ne doit. […] nous en serons plus longtemps ensemble… » Il dit cela après trois mois de traversée, il le redit après cinq mois ; il ne trouve pas assez d’expressions pour se féliciter de ce voyage ; il y voit le doigt de Dieu qui a voulu le retirer du péril.
Parlant de la première, de la Cananée, elle s’écrie : « Regardez-moi quelquefois en m’approchant de vous comme cette humble étrangère, j’entends, Seigneur, comme une pauvre chienne, qui s’estime trop heureuse de ramasser les miettes qui tombent de la table où vous festinez vos élus. » L’expression est franche jusqu’à la crudité, mais elle est sincère, et, en reproduisant le texte de Mme de La Vallière, il ne fallait pas la supprimer, surtout quand on assure qu’on ne s’est pas permis d’y changer un seul mot 43. […] Deux ou trois passages dénotent seulement une expression assez figurée et assez vive : Il est vrai, Seigneur, que si l’oraison d’une carmélite qui est retirée dans la solitude, et qui n’a plus qu’à se remplir de vous, est comme une douce cassolette qu’il ne faut qu’approcher du feu pour rendre une odeur très suave, celle d’une pauvre créature qui est encore attachée à la terre, et qui ne fait proprement que ramper dans le chemin de la vertu, est comme ces eaux bourbeuses qu’il faut distiller peu à peu pour en tirer une utile liqueur. […] Mais comment se peut-il que Bossuet ait agi en ceci comme Mme de Genlis ou tout autre écrivain esclave d’une élégance timide eût été capable de faire, qu’il ait partout affaibli et atténué ce qui donnait à l’expression de l’accent et du caractère, et que sa plume, en raturant et en corrigeant autrui, soit allée au rebours de ce qu’elle pratique si hautement elle-même ?
Ce n’est pas à une faculté que se rattache ma volition présente, mais à la totalité de mes réactions mentales et cérébrales, dont elle est le terme et l’expression sensible. […] Si l’on veut dire simplement que notre conscience de désirer est parallèle au mouvement réactif du cerveau, rien n’est plus certain, et nous soutenons tout le premier que le désir ou le vouloir a toujours son expression physiologique. […] Bastian ajoute ensuite que « l’attention et la volition appartiennent l’une et l’autre à la catégorie des sensations actives », expression étrange, qui montre comment on est obligé de rétablir d’un côté l’activité qu’on nie de l’autre.
Le fait par lequel un grand écrivain, parti d’on ne sait quelles origines impossibles à dégager, ayant senti en lui un monde nouveau l’émouvoir, faisant appel à des dispositions, à des pensées, aune sensibilité intacte jusque-là et dormantes, groupe autour de lui eu cercles concentriques toujours plus étendus, ses congénères intellectuels, dégage de la masse humaine confondue, la classe d’êtres qui possèdent en eux un organisme consonnant au sien, vibratileei sous les impulsions mêmes qui sont en lui puissantes au point de l’avoir contraint à leur trouver l’expression et à les extérioriser ainsi généralement intelligibles et efficaces — ce phénomène est le semblable de celui par lequel, dans un autre ordre, l’ordre des actes et non plus des émotions, un homme ayant connu une entreprise, portant en lui cet ensemble d’images préalables de réussite, de gloire, de fortune qui constituent une impulsion, ces visions d’effet à réaliser, de moyens, de détails, d’acheminements, de dispositifs, qui constituent un but, parvient par persuasion, par des ordres, par simple communication, à les faire passer rudimentairement, vaguement, clairement, dans l’âme des milliers de suivants que forment ses lieutenants, une armée, des alliés ; que forment encore des ouvriers, des ingénieurs, des collaborateurs ; ou un public, des courtiers, des banquiers, des associés ; ou simplement le peuple, des agents électoraux, des députés, des ministres. […] En art, il n’est pas de critérium qui permette de décider entre le mérite d’œuvres également intenses d’émotions, également parfaites d’expression : mais il en est un pour le législateur et pour l’anthropologiste. […] La première, en décomposant les œuvres d’art en leurs éléments, et en étudiant le jeu des bons moyens d’expression et des émotions exprimées, fournira à l’esthétique un grand nombre de faits et permettra de fonder les généralisations futures de cette science sur de larges assises d’observations.
Il aimait, avec la rage d’un homme qui n’atteindra jamais à ce qu’il aime, toutes les manifestations et les expressions de la force. […] Trelawney, trempé et carabiné comme un tromblon d’abordage, était pour Byron une fière expression de cette force qu’il adorait, et voilà pourquoi Byron vécut avec lui comme avec le lion de Janina, si Ali pacha le lui eût donné. […] Ils peuvent manquer de phrase et même d’orthographe, mais ils ne manqueront pas d’expression.
Il a finassé avec la Muse, cette franche fille à la fière candeur et à la violence adorable ; et ce jour-là, moins vrai d’inspiration et moins vrai d’expression, car la sincérité pénètre tout comme la lumière, il est sorti des méfiances et des désespoirs, tragiquement réels, de Joseph Delorme, pour entrer dans la comédie des Consolations ! […] Dans ce Joseph Delorme que j’admire, parce qu’il y a assez de sincérité pour qu’on s’y moque du mensonge, il y a deux inspirations, l’une collective, imitative, compagnonne de toutes les poésies de 1830, poésie partagée, renvoi d’échos et de reflets, large réverbération, étincelante expression d’un temps ou les Partis (les Partis littéraires) prenaient les hommes et fondaient leur individualité dans la leur ; l’autre solitaire, isolée, personnelle, et celle-là, c’est la vraie, c’est celle-là qui a créé la poésie de Joseph Delorme. […] Jamais le mal moderne n’a eu, pour le peindre, une expression de ce hâve, de ce fiévreux — de cette transe !
Quant à moi, j’y saisis l’expression la plus complète, la plus précise et la plus raffinée de cet état spécial a quelques-uns de nos jeunes artistes, que je qualifierais de terreur du réel ou d’onanisme mental. […] Comme je comprends cette expression de si mélancolique pitié à l’égard de « ceux que la vie intéresse » ! […] Et si le don d’expression manque à la plupart, il n’en est pas moins vrai que celui qui vit dans le monde sans faire dépendre sa joie ou ses larmes exclusivement de son cerveau, qui connaît chaque parcelle d’existence pour l’avoir personnellement sentie vivre en lui, dont la solitude n’a pas ravagé le désir et la sensualité, est mille fois plus poète, sans avoir écrit une seule ligne, que le plus raffiné jouisseur de lui-même.
Disons, si vous voulez, que l’essence a nécessairement revêtu la substance, et que cette substance a revêtu la beauté extérieure, comme une expression de la beauté immatérielle de l’idée. […] Si j’ai bien compris ce que votre auteur conclut, c’est que le beau est l’expression la plus élevée de la vie divine, et que le sentiment du beau est l’expression la plus élevée de la vie humaine. […] Ce sentiment du beau matériel, dont l’art était pour nous l’expression naguère, s’applique désormais, riche des formes que l’art nous inspire, à des sujets plus étendus et plus graves. […] Non, quoique pour l’expression et pour la forme il soit le premier lyrique et le premier artiste des deux siècles qu’il a illustrés. […] Il a donc, et il le savait mieux que tous ceux qui l’ont dit, des défauts essentiels : un style tourmenté et pénible, des expressions d’un goût faux, un manque sensible de proportion dans la composition de ses œuvres.
Nous n’avons pas besoin de renouveler ici l’expression de nos vœux et de notre entière sympathie pour ce noble esprit, judicieux, élégant, ami des lettres, nourri par elles de bonne heure, et l’ayant prouvé par deux ouvrages que ses Mémoires, dès longtemps écrits, devront un jour couronner.
Elle n’est pourtant que l’expression précise de cette vérité très simple, qu’il y a, quand on examine une œuvre littéraire, des faits qu’on peut mettre hors de doute, connaître de science certaine.
On y trouve par-tout les mêmes tours, les mêmes figures, les mêmes expressions.
Du point de vue auquel on se tient actuellement, le pouvoir de concevoir les choses autres qu’elles ne sont ne doit plus apparaître que comme une expression mythologique du pouvoir pur et simple de connaître, ce que l’on nommait le pouvoir de déformation de l’esprit doit apparaître ainsi qu’un pouvoir créateur.
Pour votre st Bruno , c’est un très-joli morceau, bien dessiné, bien posé, tout à fait intéressant d’expression, largement drapé, peint avec vigueur et liberté, bien éclairé, bien colorié ; on le prendrait pour un petit Chardin, quand celui-ci fesait des figures.
Figure petite, faite avec peu de soin et d’expression.
Sa figure régulière s’animait surtout par l’expression de très-beaux yeux noirs ; le reste, sans frapper d’abord, gagnait plutôt à être remarqué, et toute la personne paraissait mieux à mesure qu’on la regardait davantage. […] Je trouve, dans des papiers et des notes d’un temps un peu postérieur, l’expression et le regret de son bonheur si complet d’alors, auprès d’une mère qu’elle ne devait pas longtemps posséder : « Il me semble la voir encore (écrivait-elle pour son fils) dans cette petite maison que vous vous rappellerez peut-être. […] Elle a senti qu’elle mourait, et cependant, en quittant une vie si heureuse, elle n’a laissé échapper que l’expression d’un regret aussi tendre que touchant : — Ne m’oubliez pas, disait-elle à ses parents et à ses amis en pleurs autour de son lit de mort ; j’aurais plus de courage s’il ne fallait pas vous quitter, mais du moins que je vive dans votre souvenir ! […] La sensibilité et l’imagination dans le style, l’expression continente et jalouse, s’acquièrent, se conservent autrement.
Délicatesse d’impression et délicatesse d’expression, tel est en effet parmi les animaux le caractère distinctif de l’homme, et, comme on l’a vu, telle est chez lui la source du langage et des idées générales ; il est parmi eux ce que serait un grand et fin poète, Heine ou Shakespeare, parmi des manœuvres et des paysans. […] Bien mieux, avant-hier, voyant un chevreau d’un mois qui bêlait, elle a dit oua-oua, le nommant d’après le chien, qui est la forme la plus voisine, et non d’après le cheval, qui est trop grand, ou d’après le chat, qui a une tout autre allure175. — Voilà le trait distinctif de l’homme ; deux perceptions successives fort dissemblables laissent néanmoins un résidu commun qui est une impression, une sollicitation, une impulsion distincte dont l’effet final est telle expression inventée ou suggérée, c’est-à-dire tel geste, tel cri, telle articulation, tel nom. […] On a déjà vu plusieurs exemples de cette généralisation spontanée ; ici, elle est aisée ; car la saveur du chocolat, celle du raisin, de la pêche, etc., coïncident en ceci qu’étant toutes agréables elles provoquent toutes le même désir, celui d’éprouver encore une fois la sensation agréable ; or un désir, une impulsion si distincte aboutit sans difficulté à un air de tête, a un geste de la main, à une expression, par suite à un nom. […] Si l’on résume les faits que je viens de raconter, on arrive aux conclusions suivantes ; c’est aux observateurs à les contrôler par des observations faites sur d’autres enfants : L’enfant crie et emploie son organe vocal à l’origine de la même façon que ses membres, spontanément et par action réflexe. — Spontanément, et par plaisir d’agir, il exerce ensuite son organe vocal de la même façon que ses membres, et il en acquiert l’usage complet par tâtonnements et sélection. — Des sons non articulés, il passe ainsi aux sons articulés. — La variété d’intonations qu’il acquiert indique chez lui une délicatesse d’impression et une délicatesse d’expression supérieures.
car Jéhovah a exaucé le murmure de mes larmes. » Quelle expression, qui donne une voix aux larmes et qui fait comprendre à Dieu les plaintes de l’eau, ces cascades du cœur tombant des yeux de ses créatures ! […] » L’évidence de la Providence lui est révélée ailleurs dans deux versets aussi saillants d’expression qu’irréfutables de pensée. […] Voilà la poésie sanctifiée à sa plus haute expression ! […] Jamais la fibre humaine n’a résonné d’accords si intimes, si pénétrants et si graves ; jamais la pensée du poète ne s’est adressée si haut et n’a crié si juste ; jamais l’âme de l’homme ne s’est répandue devant l’homme et devant Dieu en expressions et en sentiments si tendres, si sympathiques et si déchirants.
Si vous montez l’escalier sans marches du Vatican, comme une colline aplanie pour laisser les vieux pontifes monter sans perdre haleine au sanctuaire de leurs oracles ; si vous entrez dans la chapelle Sixtine pour contempler sur ses murs et sur ses voûtes le tableau du Jugement dernier, ce poëme dantesque du pinceau, peint par un géant, où l’imagination, le mouvement, l’expression, la forme, la couleur semblent défier la création par son image, et si vous demandez quelle main de Prométhée moderne a jeté derrière lui ces gouttes d’huile pour en faire des hommes, des anges, des démons, des dieux ? […] C’est un vrai miracle qu’en si peu de temps la pierre informe et brute se soit transfigurée en une telle perfection de vie, d’attitude, d’expression, de langueur, de pathétique et de piété. […] Ce fut alors que Michel-Ange sculpta pour les sépulcres de Julien et de Cosme de Médicis les quatre statues du Jour et de la Nuit, du Crépuscule et de l’Aurore. « Statues, dit Vasari, qui, par la beauté accomplie des formes, par la majesté des attitudes, par la nature surhumaine des physionomies et par la perfection du travail du marbre devenu chair et muscles sous ses mains, suffiraient pour reporter l’art à son apogée, si les vestiges de l’antiquité n’existaient pas. » On reste frappé de stupeur en admirant, à côté de ces statues symboliques, les deux célèbres figures de Laurent et de Julien de Médicis ; l’une, appelée le Penseur, parce que jamais la mélancolie muette de la méditation ne fut gravée en ombres plus transparentes et plus mouvantes sur une physionomie humaine ; l’autre appelée le Guerrier parce que jamais la mâle beauté du soldat ne revêtit une expression à la fois plus calme et plus fière. […] Jusque-là il n’avait point aimé ; une femme qu’il avait épousée et perdue dans sa jeunesse lui avait laissé, si l’on en juge par quelques expressions de ses lettres, un souvenir amer du mariage.
Il y eut assez d’unité morale, d’homogénéité sociale, pour que l’épopée, cette expression synthétique des époques primitives, se développât puissamment. […] Toutes ces horreurs sont racontées, dans Garin surtout, d’un style étrangement bref et sec, où pourtant le trait caractéristique est appuyé de façon à prendre une intense énergie d’expression : ainsi le monotone refrain des villes détruites ou incendiées par Bègue dans sa course en Bourgogne, finit par évoquer, avec une netteté singulière, je ne sais quelle image simplifiée et comme le symbole horrible de la guerre, de la guerre abstraite, d’une contrée imprécise où tout est ruine ou flammes. […] Leur expression, telle quelle, diffuse ou sèche, plate éminemment, est un chiffre qui n’a pas de beauté par lui-même. […] Une fois surtout que l’histoire, la chronique en vers, puis en prose, s’est détachée du tronc de l’épopée, les chansons de geste se vident en quelque sorte de leur solide substance historique ; elles perdent de plus en plus leur caractère de commémoration héroïque du passé pour devenir l’expression vulgaire du présent.
En ceci le théâtre dépasse certainement la littérature, mais il reste en deçà d’elle pour les expressions de pensée philosophique, de rêve poétique, aussi d’analyse psychologique, car il ne procède que par raccourcis, par éclairs… et tout le monde n’est pas Shakespeare ou Racine ! […] Dans un livre, les profonds écrivains font passer des expressions d’âme, traduisent noblement leur idéal, témoignent de la profondeur de leurs visions et nous imprègnent de leur personnalité. […] Si j’avais le temps d’avoir un avis sur cette question oiseuse, j’oserais soutenir cette thèse hardie que l’homme, qui veut nous faire part de ses idées ou de ses sentiments, dispose à cette heure de multiples moyens d’expression : sculpture, peinture, musique, poésie, mimique, théâtre, cinématographe, etc. […] Le livre n’est qu’un moyen d’expression comme les autres ; attribuer une dignité spéciale et une précellence esthétique au bouquin, ça ressemble à la folie de l’avare qui aime son or pour lui-même, oubliant qu’il n’est qu’un signe de la richesse ; le livre n’est pareillement qu’un signe de la pensée.
Quoique très lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. […] Shakspeare et Molière n’ont pas chicané non plus avec le détail révoltant et l’expression quand ils ont peint l’un, son Iago, l’autre, son Tartuffe. […] Désormais divorcée d’avec l’enseignement historique, philosophique et scientifique, la poésie se trouve ramenée à sa fonction naturelle et directe, qui est de réaliser pour nous la vie complémentaire du rêve, du souvenir, de l’espérance, du désir ; de donner un corps à ce qu’il y a d’insaisissable dans nos pensées et de secret dans le mouvement de nos âmes ; de nous consoler ou de nous châtier par l’expression de l’idéal ou par le spectacle de nos vices. […] Malheureusement, l’expression de jeune personne est une sottise, car le mot personne s’appliquant aux deux genres, un jeune garçon est aussi une jeune personne.
Il consiste en ce que la classification doit ressortir de l’étude même des objets à classer, et être déterminée par les affinités réelles et l’enchaînement naturel qu’ils présentent, de telle sorte que cette classification soit elle-même l’expression du fait le plus général, manifesté par la comparaison approfondie des objets qu’elle embrasse. […] En résumé, science, d’où prévoyance ; prévoyance, d’où action : telle est la formule très simple qui exprime, d’une manière exacte, la relation générale de la science et de l’art, en prenant ces deux expressions dans leur acception totale. […] Quels que soient les immenses services rendus à l’industrie par les théories scientifiques, quoique, suivant l’énergique expression de Bacon, la puissance soit nécessairement proportionnée à la connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciences ont, avant tout, une destination plus directe et plus élevée, celle de satisfaire au besoin fondamental qu’éprouve notre intelligence de connaître les lois des phénomènes. […] La philosophie des sciences fondamentales, présentant un système de conceptions positives sur tous nos ordres de connaissances réelles, suffit, par cela même, pour constituer cette philosophie première que cherchait Bacon, et qui, étant destinée à servir désormais de base permanente à toutes les spéculations humaines, doit être soigneusement réduite à la plus simple expression possible.
M. de Tocqueville parlait bien et très bien, quoi qu’il en dise ; il lui manquait, pour être décidément un orateur, la force des organes, les moyens d’action, et aussi, selon sa juste expression, il écoutait ses idées, plus qu’il ne les versait ; il avait un geste familier par lequel il s’adressait à lui-même et à son propre front plutôt encore qu’à ses auditeurs : il regardait son idée. L’orateur le plus spirituel et le plus facile de nos grandes assemblées15 disait un jour de lui par une ironie légère : « Quand je considère intuitivement, comme dirait M. de Tocqueville… » Voilà pour le dehors ; mais de près, dans un cercle moindre, devant un comité, dans une Académie, il reprenait tous ses avantages, toutes ses distinctions, netteté, finesse, nuance, une expression ferme et décisive, une pensée continue, un accent ému et vibrant donnant la note de l’âme.
Mais l’expression de son visage et l’allure de sa personne étaient, presque jusqu’à la fin, restés jeunes. […] Dutrey, m’écrivait : « … Ce n’est pas sans une vive émotion que j’ai retrouvé, dans ce que vous dites de lui, l’expression si fidèle des souvenirs que m’a laissés notre longue amitié.
Cette forme d’expression pour l’imagination et pour le sentiment, lorsqu’on la possède à un haut degré, est tellement supérieure, d’une supériorité absolue, à l’autre forme, à la prose ; elle est si capable d’immortaliser avec simplicité ce qu’elle enferme, de fixer en quelque sorte l’élancement de l’âme dans une attitude éternelle, qu’à chaque retour d’un grand et vrai talent poétique vers cet idiome natal il y a lieu à une attente empressée de toutes les âmes musicales et harmonieuses, à un joyeux éveil de la critique qui sent l’art, et peut-être, disons-le aussi, au petit dépit mal caché des gens d’esprit qui ne sont que cela. […] Le poëte, par manque de ce tact que j’appellerai grec ou attique, et qui n’est pas moins français, ne recule jamais devant le choquant de l’expression, quand il doit en résulter quelque similitude matérielle plus rigoureuse qu’il pousse à outrance.
Il y est tombé tout d’abord, ce me semble, dans le premier chapitre, où le technique des expressions chirurgicales repousse et trompe même le lecteur : le reste de l’ouvrage, en effet, ne répond pas exactement à cette préface. […] J’ai noté, dans ce chapitre II, page 8, une phrase sur Napoléon, sur son arc, sur la fibre humaine qui en est la corde, et sur les flèches que lance ce Nemrod, et qui vont tomber je ne sais où ; une pareille phrase, si on la lisait dans la traduction du Titan de Jean-Paul, ferait dire : « Cela doit être beau dans l’original, » et ce demi-éloge de la pensée serait, à mes yeux, la plus sensible critique du style et de l’expression.
En Allemagne, je découvrais dans les regards une expression de vague mélancolie ou de résignation inerte ; d’autres fois, l’oeil bleu gardait jusque dans la vieillesse sa limpidité virginale ; et la joue rose des jeunes hommes, la vaillante pousse des corps superbes annonçait l’intégrité et la vigueur de la sève primitive. […] Ils trouvent à l’instant et sans effort l’expression juste, et atteignent du premier coup l’objet en lui-même, sans s’empêtrer dans le magnifique manteau des métaphores, sans être troublés par l’afflux trop grand des émotions.
Cependant, sans parler de quelques critiques de style et de versification, qu’on trouve surtout chez Desmarets, et dont notre poète fit son profit, il y a parmi ces calomnies et ces injures quelques points bien touchés, encore que l’expression soit haineuse ou brutale. […] Pradon, éclairé par sa rancune, voit même quelque chose de plus : il caractérise assez bien la poésie de Boileau, lorsqu’il lui donne « la force des vers et la nouveauté des expressions », lorsqu’il lui reproche de manquer de verve et d’imagination, et de séduire le public par des « vers frappants » semés de place en place, lorsqu’il dit de la description du Repas ridicule : « C’est le fort de l’auteur, quand il a de ces peintures-là à faire. » Je n’ai pas dit autre chose au chapitre précédent.
Le goût est fixé par des règles traditionnelles, qui sont concertées pour l’expression des idées, pour la facilité de l’analyse, du raisonnement, pour l’acquisition de la connaissance abstraite. […] Le triomphe de son art, c’est l’expression indirecte qui oblige l’esprit à résoudre une petite équation ; il n’est suggestif que de signes, qu’il s’agit de substituer à d’autres par une rapide opération, pour déterminer la valeur intelligible du vers ou de la phrase.
Sainte-Beuve En faisant cela avec subtilité, avec raffinement, avec un talent curieux et un abandon quasi précieux d’expression, en perlant le détail, en pétrarquisant sur l’horrible, vous avez l’air de vous être joué ; vous avez pourtant souffert, vous vous êtes rongé à promener vos ennuis, vos cauchemars, vos tortures morales ; vous avez dû beaucoup souffrir, mon cher enfant. […] Ferdinand Brunetière Les vers de Baudelaire suent l’effort ; ce qu’il voudrait dire, il est rare, très rare qu’il le dise ; et sous ses affectations de force et de violence, il a le génie même de la faiblesse et de l’impropriété de l’expression… Prenez, une à une, dans ces Fleurs du mal, les pièces les plus vantées, à peine y trouverez-vous une douzaine de vers à la suite qui soutiennent l’examen ; et un examen où il en faut venir, parce que Baudelaire est un pédant… Le pauvre diable n’avait rien ou presque rien du poète que la rage de le devenir.
On sourira en maint endroit ; peu m’importe, si l’on veut bien reconnaître en ces pages l’expression d’une grande honnêteté intellectuelle et d’une parfaite sincérité. […] Outre le fragment inséré dans la Liberté de penser, qui a été reproduit dans mes Études contemporaines, beaucoup d’autres passages ont coulé, soit pour la pensée seulement, soit pour la pensée et l’expression, dans mes ouvrages imprimés, surtout dans ceux de ma première époque.
Eugène Montfort a prononcé des mots d’une force et d’une tendresse peut-être plus pures encore : « Puisqu’on ne se plaît plus à l’église, a-t-il écrit au cours de l’Essai sur l’amour, je voudrais qu’aujourd’hui la voix du poète — comme autrefois celle des cloches — sonnât dans toutes les âmes ; je voudrais qu’elle les réunît, elle aussi, dans un vol unanime ; je voudrais qu’elle les fît vivre ensemble dans ce temple incommensurable qu’est le monde. » Voilà l’expression positive de nos pensées. […] L’exactitude des cadences, la justesse des expressions, l’ordre et la noblesse des rapports, l’inflexible innocence des lignes, la riche vitalité des formes sont les résultats, en art, de l’obéissance aux principes du monde.
C’est ainsi que, prenant un à un les différents sentiments, les différentes passions qui peuvent servir de ressorts au drame, il nous en fait l’histoire chez les Grecs, chez les Latins, chez les modernes, avant et après le christianisme : « Chaque sentiment, dit-il, a son histoire, et cette histoire est curieuse, parce qu’elle est, pour ainsi dire, un abrégé de l’histoire de l’humanité. » M. de Chateaubriand avait, le premier chez nous, donné l’exemple de cette forme de critique ; dans son Génie du Christianisme, qui est si loin d’être un bon ouvrage, mais qui a ouvert tant de vues, il choisit les sentiments principaux du cœur humain, les caractères de père, de mère, d’époux et d’épouse, et il en suit l’expression chez les anciens et chez les modernes, en s’attachant à démontrer la qualité morale supérieure que le christianisme y a introduite, et qui doit profiter, selon lui, à la poésie. […] Saint-Marc Girardin l’a définie mainte fois et combattue sous toutes les formes ; il l’a rencontrée et décrite particulièrement avec une expression frappante dans un jeune homme à qui saint Jean Chrysostome en son temps adressait des conseils et qui passait pour possédé du démon, dans le jeune Stagyre, premier type reconnaissable de cette famille des René et des Werther.
On n’a qu’à ouvrir sa fenêtre sur le Rhin, on voit le passé ; pour voir l’avenir, il faut, qu’on nous passe cette expression, ouvrir une fenêtre en soi. […] Dans ces excursions silencieuses, il emporte deux vieux livres, ou, si on lui permet de citer sa propre expression, il emmène deux vieux amis, Virgile et Tacite ; Virgile, c’est-à-dire toute la poésie qui sort de la nature ; Tacite, c’est-à-dire toute la pensée qui sort de l’histoire.
Nous déclarerons donc qu’à notre sens la Poésie n’est pas l’apanage exclusif de la littérature, et même des vers, mais que les vers constituant la forme de langage qui tend à la plus haute expression du rythme, et le rythme étant la condition essentielle de toute poésie, il s’ensuit que ladite forme est la plus apte à réaliser celle-ci. […] Les points de vue sont déplacés, et la poésie éternelle a besoin de nouveaux modes d’expression.
Ainsi avant que de rapporter les passages des auteurs grecs ou latins qui en parlant de leur musique par occasion, ont dit des choses qui prouvent, s’il est permis d’user de cette expression, l’existence de la melodie qui n’étoit qu’une simple déclamation, je prie le lecteur de trouver bon que je transcrive encore ici quelques endroits de ceux des anciens auteurs qui ont traité de leur musique dogmatiquement, et qui prouvent cette existence. […] Je conçois qu’un compositeur de déclamation ne faisoit autre chose que de marquer sur les sillabes, qui, suivant les regles de la grammaire, devoient avoir des accens, l’accent aigu, grave ou circonflexe, qui leur étoit propre en vertu de leurs lettres, et que par rapport à l’expression, il marquoit sur les sillabes vuides en s’aidant des autres accens, le ton qu’il jugeoit à propos de leur donner, afin de se conformer au sens du discours.
Dans cette transformation de la femme, la jeune fille, qui est son expression la plus naïve et la plus vraie, disparut. […] Elles restent donc incommutablement femmes, quand elles se montrent le plus artistes ; et les arts mêmes dans lesquels elles réussissent le mieux, sont ces arts d’expression qu’on pourrait appeler des arts femmes.
D’Arpentigny, qui ne répète point les observations des autres s’il en répète les procédés, a pris la main comme l’expression résumante de l’homme tout entier ; mais avec les ressources variées de son esprit, avec le sentiment des analogies, qui est en lui à une haute puissance, il aurait pu tout aussi bien prendre le pied, et pas de doute qu’il ne nous eût dit, à propos du pied comme à propos de la main, une foule de choses vraies et charmantes. […] Elle n’a plus à juger que de l’art avec lequel l’auteur de la Chiromancie ou la science de la main 9 a fait un livre d’analogies étincelant de rapprochements ingénieux, inattendus, saisissants, où la forme didactique, cette forme d’un ennui affreux, est sauvée par la qualité de l’esprit de l’auteur, dont l’expression ne faiblit jamais et qui couvre toutes les aridités et tous les pédantismes de la nomenclature avec le luxe des élégances les plus charmantes, les plus cavalières et les plus lestes !
À elle, comme aux États, dont elle est l’expression oublieuse ou reconnaissante, il faut que l’on remplisse les mains avec de l’or ou de la terre pour qu’elle se souvienne qu’on est mort pour lui en donner. […] Il y est fulminant de talent, d’expression, — cent fois plus écrivain, dans sa spontanéité fougueuse, que ceux qui font métier, marchandise de littérature.
Dans ses ardeurs vers Dieu, le feu qui la consume, ce feu mystique, est blanc comme la neige, à force d’être concentré, et voilà pourquoi les âmes accoutumées à la grossièreté de la terre et à l’expression violente et morbide de ses passions peuvent trouver sans couleur et sans fulgurance cette flamme divinisée en Dieu, et qui a perdu l’écarlate de la flamme humaine ! […] Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique, exaltée par la Prière, et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour.
Victor de Chalambert, esprit droit et ferme, profondément convaincu, mais très calme dans ses convictions, d’une expression sereine et lucide, comme son sentiment intérieur, a écrit l’histoire spéciale de la Ligue. […] Elle était bien, comme on le dit avec plus ou moins de force et comme le répète aujourd’hui son nouvel historien avec une tranquillité d’intelligence et d’expression qui croit n’avoir pas besoin d’insister, elle était bien, cette raison supérieure, dans le catholicisme du pays et dans sa conscience religieuse.
Maintenant qu’il n’est plus, on voudrait retrouver ces cristallisations éblouissantes, et on se livre à cette recherche ; mais les hommes qui ont ce génie de l’expression instantanée sont moins heureux que Polycrate. […] Ni l’histoire de ces Cent trente femmes, inouïe, magnifique d’expression et de terreur ici et là, mais coupée à chaque instant par les platitudes d’un récit officiel de journal anglais, qui devrait être écarté s’il est vrai et qui n’aurait pas dû être inventé s’il est faux.
» ajoute-t-elle, dans un mot qui est le plus joli sourire… Tout cela est dit aussi avec cette grâce d’expression que ne connaissent pas les bas-bleus, et qui semble demander pardon pour la profondeur de la pensée. […] Elles ne se ressemblent que par l’accent du même sentiment, que par ce qui n’est pas dans les mots, mais dans le souffle, et, qu’on me passe cette expression !
C’est de nuere, faire signe, que la volonté divine fut plus tard appelée numen ; Jupiter commandait par signes, idée sublime, digne expression de la majesté divine. […] Cette science fut appelée muse, expression qu’Homère nous définit par la science du bien et du mal, qui n’est autre que la divination 44.
La pièce, « royalement mal jouée », selon l’expression de Mme Campan, eut tout le succès qu’un pareil spectacle a d’avance. […] Leconte de Lisle et ses imitateurs considèrent la poésie non comme l’expression des sentiments de l’âme, mais comme un art plastique et pittoresque. Ils sont objectifs, impersonnels, désintéressés des sujets qu’ils traitent et préoccupés uniquement de les revêtir de la plus grande beauté possible d’expression. […] Beaucoup de faits, de sentiments et d’idées s’accommodent on ne peut mieux d’une expression ornée, d’une tournure pittoresque : mais il y en a aussi qui exigent impérieusement un style paré de sa seule nudité. […] D’où notre grammairien conclut que fouetter ses chevaux à tire-larigot, s’en donner à tire-larigot sont des expressions incorrectes, mais que brailler à tire-larigot est une expression parfaitement bonne.
Le volume que nous avons sous les yeux laisse certainement à désirer pour l’art, pour la composition et l’expression ; souvent, quand il parle du Jour des Morts, quand il nous peint sa paisible et assise existence sous le toit qui est à lui, quand, dans le silence de son vallon, il entend et nous raconte la voix de son cœur, en ces endroits, tout en étant lui-même, le poète nous rappelle un peu trop le maître harmonieux dont l’inspiration l’a éveillé.
Mais peut-être la similarité des sujets entraine-t-elle celle de l’expression.
Ce n’est plus cette élocution mâle & vigoureuse, ce zele convaincant & animé, ce ton de Christianisme & de persuasion, que respirent à chaque page les Sermons de cet Orateur ; c’est le plus souvent une affectation d’esprit, une afféterie de langage, une coquetterie d’expression, une hypocrisie de sentiment, qui dégraderoient les matieres qu’ils traitent, si les grands Maîtres ne les avoient mises à l’abri du tort qu’ils pourroient leur faire.
Tout est peint avec un feu, un génie & une fraîcheur d’expression qui étonnent.
La seule différence qui se trouve entre l’Ouvrage de Coutel & le sien, est que l’un est en grands Vers, rangés par quatrains, & l’autre en Vers libres : à cela près, les pensées, les expressions, les tours, les rimes sont absolument les mêmes.
Ceux qui vivent dans les tombeaux, selon l’expression de l’Auteur du Siecle de Louis XIV, devroient au moins être à l’abri de ses traits.
Mais l’action de ce tableau est interressante, et le Titien l’a traitée avec plus de vraisemblance et avec une expression des passions plus étudiée que celles de ses autres ouvrages.
L’à-propos de circonstance, la facilité d’expression et de coloris qu’il possédait, ses sources et ses jets d’inspirations habituelles, allaient aux sentiments et aux modes de son époque. […] Delille est élégant, facile, spirituel aux endroits difficiles, correct en général, et d’une grâce flatteuse à l’oreille ; mais la belle peinture de Virgile, les grands traits fréquents, cette majesté de la nature romaine : … Magna parens frugum, Saturnia tellus, Magna virum ; les vieux Sabins, les Umbriens laboureurs menant les bœufs du Clitumne ; cette antiquité sacrée du sujet (res antiquae laudis et artis) ; cette nouveauté et cette invention perpétuelle de l’expression, ce mouvement libre, varié, d’une pensée toujours vive et toujours présente, ont disparu, et ne sont pas même soupçonnés chez le traducteur. […] Racine et Boileau l’avaient à un haut degré, bien que cette qualité, chez eux, ne soit pas aisément distincte de la pensée même et se dissimule sous l’élégance d’une expression d’ordinaire assez voisine de l’excellente prose. […] Du commerce des anciens il ne rapporta jamais ce sentiment de l’expression magnifique et comme religieuse, ce voile de Minerve, où chaque point, touché par l’aiguille des Muses, a sa raison sacrée. […] Expression de M.
Ce qui signifie deux choses : 1º le comique est le destructeur universel ; devant lui il n’y a rien de grand, ni de petit ; il se moque non de telle ou de telle catégorie d’individus, mais de l’homme, non de telle ou de telle cité, mais de l’univers ; — 2º quant à la forme, le comique a l’horreur des expressions générales, parce qu’elles ont de la noblesse et sont du style sublime ; il individualise jusqu’aux plus petites choses, et même jusqu’aux parties de ce qu’il a subdivisé. Cette expression : cela ne vaut pas grand-chose, n’est point comique ; cela ne vaut pas un liard, l’est davantage ; cela ne vaut pas un liard rogné , l’est tout à fait. […] sans doute, si l’on voulait s’en donner la peine, on pourrait relever dans les comédies d’Aristophane, de Plaute et de Térence, de Shakespeare et de Caldéron, de Molière, d’Holberg et de Louis Tieck, un assez grand nombre de traits, d’expressions, de gestes, comiques pour toutes les époques et pour toutes les nations. […] Lysidas et du Marquis, peuvent se traduire en idées ; car, puisque c’est dans l’intelligence que ces sentiments ont leur source, il n’y a, dans le fait de leur expression intelligible, de leur traduction en idées, qu’un retour à leur origine. […] Corneille appelle la Poétique un divin traité (Préface du Cid) et il en dit tant qu’on est tenté de prendre cette expression à la lettre.
Sa personne répondait à son caractère : il était d’un âge déjà mûr, de taille moyenne, d’épaisse corpulence, à figure fine d’expression, quoique un peu lourde de joues. […] De grands beaux yeux bleus pleins de lumière, encadrés dans des sourcils encore noirs, un nez carré, des joues fermes, une bouche large et façonnée à plaisir par la nature pour l’éloquence, un menton solide, relevé, presque provoquant, une expression hardie, un demi-sourire moitié de bienveillance, moitié de sarcasme, complétaient cette figure. […] Que de phrases malsonnantes, que d’expressions risquées jusqu’au grotesque napolitain, que de constructions russes ou savoyardes ne lui ai-je pas fait effacer avec la docilité du génie ! […] Ce que je lui conseillais alors d’effacer, je l’effacerais encore aujourd’hui de ses pages : toutes les excentricités de style ne sont pas des bonheurs d’expression. […] « Il y a une expression de votre lettre, répond M. de Maistre au chevalier Rossi, qui m’inspire à moi les réflexions les plus profondes et les plus tristes.
Vraiment curieuse, la mobilité du masque de l’acteur, et la succession des figures d’expression douloureuses, qu’il fait passer sur sa pétrissable chair, et les admirables et pantelants dessins qu’il donne d’une bouche terrorisée. […] Elle entre chez un pharmacien, et s’écrie, avec la tête d’expression de la Douleur, dessinée par Lebrun : « Ah ! […] Et regarder la coupole, semble un moment devoir devenir l’expression, pour peindre l’abstraction d’un académicien, d’une séance de l’Académie, la dissimulation de ses impressions, de ses sensations, quand un antipathique parle. […] Les Arabes condamnés à mort, en sa présence, ne laissaient rien voir de leur peur de la mort, dans l’expression des yeux, dans le port de la tête, dans l’ensemble des attitudes, mais en les regardant bien, on remarquait un battement de l’artère du cou, une agitation nerveuse de la pomme d’Adam. […] Et cela, toujours dit avec d’énormes difficultés, et des mots estropiés, comme Vichy, qui devient Vichin, et la physionomie d’un homme qui a l’air de trouver cela farce, s’entretenant avec une sorte de complaisance, de l’heureuse somnolence sans irritation, qu’il éprouvait dans cet état, et qui lui donnait, c’est son expression, comme des hallucinations de blanc, — l’entourant pour ainsi dire complètement de blancheur.
C’est que l’émotion, par tout ce qui constitue le beau dans l’expression, y est complète et pour ainsi dire infinie : la jeunesse, la beauté, la naïve innocence de deux amants qui ne se défient ni d’eux-mêmes ni des autres ; leurs deux fronts penchés sur le même livre, qui, semblable à un miroir à peine terni par leur haleine confondue, leur retrace et leur révèle tout à coup leur propre image, et les précipite, par la fatale répercussion du livre contre leur cœur et du cœur contre le cœur, dans le même délire et dans la même faute. […] Beaucoup de commentateurs des dogmes chrétiens ont cherché par des définitions et par des distinctions atténuantes à réduire les enfers à une privation douloureuse de la présence et de la lumière de Dieu dans des climats éternels toujours chargés de nuages ; beaucoup d’autres écrivains ou prédicateurs religieux ont déclaré ne comprendre le mot éternel appliqué à ce supplice que comme expression d’une longue durée ; mais ils n’ont pas interdit au rayon de la miséricorde infinie de traverser une fois ces cachots des mondes surnaturels, et d’apporter aux crimes expiés le pardon divin. […] Il n’y a pas de sujet, pas d’unité, pas de composition ; c’est une revue, c’est une épopée à tiroir, pour me servir d’une expression de la scène. […] « Telles que les brebis enfermées sortent de l’étable, d’abord une, puis deux, puis trois, pendant que les autres s’arrêtent tout intimidées sur le seuil, baissant l’œil et le museau à terre, — et ce que fait la première les autres le font, s’adossant à celle-ci si elle s’arrête, naïves et soumises, et ne sachant pas elles-mêmes le pourquoi ; telles, etc. » L’expression des choses métaphysiques, les définitions et les distinctions de la philosophie transcendante ne sont pas rendues par le poète avec moins de vigueur et de clarté que les scènes de la nature visible. […] Ce monument, qu’il faudra compulser sans cesse toutes les fois qu’on voudra étudier, pour s’y modeler soi-même, l’empreinte d’un puissant génie d’expression dans une langue qui tient plus du Titan que de l’homme, n’est point un monument de conception, mais un monument de style.
La synthèse organisatrice reste intérieure, silencieuse, cachée dans son expression phénoménale, rassemblant sans bruit les matériaux qui seront dépensés. […] La force vitale, la vie, appartiennent au monde métaphysique ; leur expression est une nécessité de l’esprit : nous ne pouvons nous en servir que subjectivement. […] Il est l’expression d’un fait physique. […] Cette division est l’expression de la vie dans ce qu’elle a à la fois de plus étendu et de plus précis. […] Les phénomènes de destruction organique ont pour expression même les manifestations vitales.
L’expression est poétique, mais le développement est éloquent. […] Un des caractères de l’esprit français, et de l’esprit classique qui en est la plus pure expression, c’est l’absence d’une certaine imagination. […] Il n’y a point de visage dont l’expression soit unique et constante : le meilleur portrait ne ressemble pas tous les jours. […] De fait, avec Le Sage, déjà l’observation perd en profondeur ce que l’expression gagne en réalité. […] Tout ce qu’ils disent n’est que leurs définitions traduites en termes particuliers, tout ce qu’ils font est l’expression symbolique de leurs définitions.
Il n’avait pas besoin, certes, d’activer le feu de son imagination, toujours incandescente ; mais il trouvait toujours la journée trop courte pour étudier les moyens d’expression. […] , l’immense classe des artistes, c’est-à-dire des hommes qui sont voués à l’expression du beau, peut se diviser en deux camps bien distincts. […] Voilà bien l’uniformité d’expression créée par l’obéissance et les douleurs supportées en commun, l’air résigné du courage éprouvé par les longues fatigues. […] Il n’en est pas de même du burin, ou du moins la proportion dans l’expression de la personnalité est-elle infiniment moindre. […] Où trouver des expressions assez fortement colorées, ou nuancées d’une manière assez délicate, pour répondre aux nécessités d’un sentiment exquis ?
Elles sont loin, d’ailleurs, d’en être l’expression la plus fidèle. […] Je doute si je doute, est au fond la seule expression qui lui soit permise. […] Il crée lui-même ses expressions selon le besoin ; ce sont des figures hardies, mais familières. […] Et c’est la simplicité de l’expression qui en fait la finesse. […] D’abord, il faut remarquer que son expression est plutôt générale qu’absolue.
Il s’y restreint comme dans une ligne écliptique, et ses pas ne savent point d’autre chemin… » Un reste de mauvais goût dans l’expression ; passons vite. […] c’est-à-dire quelque chose de court, d’éclatant, de concis, où le sentiment s’enferme et reluit sous une expression transparente et précise, où le limæ labor et mora s’ajoute à l’inspiration pour lui donner sa forme achevée et son poli ! […] Expression de M. de Gournay. […] Ce sont des expressions d’Homère. […] Expression de M.
Il ne sentira pas que le bleu et le rouge, la ligne droite et la ligne courbe, suffisent pour composer des concerts immenses qui, parmi tant d’expressions diverses, gardent une sérénité grandiose, et ouvrent au plus profond de l’âme une source de santé et de bonheur. […] La lumière flamboyante du gaz brûle les yeux, ruisselle à travers les vitres des boutiques, rejaillit sur les figures qui passent, et sa clarté crue, s’enfonçant dans leurs traits contractés, met en relief, avec un détail infini et une énergie blessante, leurs rides, leurs difformités, leur expression tourmentée. […] Son visage aura toujours la même expression, et cette expression sera presque toujours une grimace. […] Il me semble véritablement, en de tels instants, que j’accomplis une fonction publique. — Quand j’ai remonté cette montre intérieure, si je puis employer une telle expression, dit M. […] Lorsqu’on remonte loin dans l’histoire du génie anglais, on trouve que son fond primitif était la sensibilité passionnée, et que son expression naturelle fut l’exaltation lyrique.
L’ambition politique, nous ne la connaissons pas, l’amour n’est pour nous, selon l’expression de Chamfort, que « le contact de deux épidermes ». […] Mme Sand a été fort aimable, fort élogieuse pour nous, mais avec une enfance d’idées, une platitude d’expressions, une bonhomie morne qui fait froid comme la nudité d’un mur de chambre. […] … » Le jeune Anglais ajoutait placidement et posément : « Moi j’ai les goûts cruels, mais je m’arrête aux hommes et aux animaux… Dans le temps, j’ai loué, avec un ami, une fenêtre, pour une grosse somme, afin de voir une assassine qui devait être pendue, et nous avions avec nous des femmes pour leur faire des choses — il a l’expression toujours extrêmement décente — au moment où elle serait pendue. […] Pendant le dîner, nous avons l’agacement d’entendre le fin causeur, le fin connaisseur ès lettres, parler art, à tort à travers, louanger Eugène Delacroix comme peintre philosophique, s’étendre sur l’expression de la tête d’Hamlet dans son tableau « Hamlet au cimetière », tirade que coupe presque brutalement Gavarni par cette phrase : « L’expression ! […] Point de hautes idées, point de grandes expressions, point de ces images qui détachent en bloc une figure.
Il a été frappé, attendri, c’est son expression, du boulvari fait dans cette loyale cervelle, par les complications tortueuses de la politique du moment. […] Le soleil, qui s’est décidé à luire, éclaire des visages où toutes les lignes remontent en l’air, en ces courbes, par lesquelles on représente dans les têtes d’expression, la béatitude. […] Il a eu une jeunesse fiévreuse, une jeunesse aimant les coups, les trimballements dans les milieux canaille, une jeunesse qui a longtemps gardé, selon son expression, les vagues retardataires, les dos de monstres de la mer après une tempête. […] Dans cette traduction, où Tourguéneff cherche à nous donner la jeune vie du monde naissant, palpitante dans les phrases, je suis frappé de la familiarité, en même temps que de la hardiesse de l’expression. […] Et voici le petit bonhomme, pas plus haut qu’une botte de gendarme — c’est son expression — se présentant chez le proviseur, qui n’a pas été prévenu et qui lui dit : — « Mais, mon petit ami, qui est-ce qui vous envoie ?
Barthelemi, auroit dû citer l’Ouvrage, l’édition, le chapitre, la page, les expressions de M.
Telle expression noble dans le Latin, devient ridicule dans le François.
Dès qu’il eut fait paroître quelques-unes de ses Pieces, tous les esprits se réunirent pour admirer l’élévation de son style, la délicatesse & la force de ses pensées, l’énergie & la pureté de ses expressions, l’élégance & le naturel de ses Vers.
Dans notre étude sur la Littérature et la Critique littéraire au xixe siècle nous avons rencontré le problème si difficile, et d’un intérêt si général, de la conciliation de l’autorité et de la liberté, de la tradition et du changement, des lois du goût et des droits du génie ; et tout en restant fidèle à notre admiration pour les principes éternels de l’art classique, nous avons défendu la liberté de l’invention en littérature ; car ces lois éternelles elles-mêmes ne sont que l’expression des grandes inventions du génie.
L’expression de la Susanne est grande et noble ; elle dérobe sa gorge avec un de ses bras ; l’autre retient des linges qui descendent et couvrent ses cuisses.
Je conserve au Pigmalion son expression et son caractère ; mais je le place à gauche : il a entrevu dans sa statue les premiers signes de vie.
Et il était question des expressions employées ad hoc. […] Et avec Daudet, nous disons, qu’il faudrait renouveler la pantomime, jeter à l’eau tous les gestes rondouillards, tous les gestes qui racontent, et ne garder que les gestes de sentiment, les gestes de passion, auxquels Margueritte mettrait les grandes lignes de sa pantomime, — et nous parlions d’une pantomime sur la peur, dont ses traits savent si éloquemment rendre l’expression. […] Il peut faire de la peinture dix heures de suite, sans fatigue, tandis que lorsqu’il cherche des idées, des expressions, des mots, il est aussitôt pris de vertiges, de troubles de l’être, qui l’ont fait, depuis des années, renoncer à la poésie. […] Il déplore que nous n’ayons pas chacun de nous, un Eckermann, un individu sans vanité personnelle aucune, mettant, selon mon expression, tout ce qui flue de nous, dans les moments d’abandon ou de fouettage par la conversation : enfin toute cette expansion de cervelle ou de cœur, bien supérieure à ce que nous mettons dans nos livres, où l’expression de la pensée est, comme figée par l’imprimé. […] Mais non, ce que vous admirez, avec le plus de chaleur d’entrailles, et qui, selon votre expression, ne vous laisse pas un fil de sec sur le dos, c’est le plus gros drame du Boulevard du Crime, ou la jocrisserie, au comique le plus épais.
Écrites par des ouvriers, faits pour la foule, ces chants sont artificiels et perdus par le caractère littéraire et factice de leur expression. […] Dans le lyrisme, expression plus spontanée de sa conscience profonde, il est resté fidèle à cette forme de l’esprit latin qui répugne au dilettantisme et qui considère qu’aucun citoyen n’a le droit de se soustraire aux devoirs qu’exige la cité, aucun homme aux devoirs qu’impose l’humanité. […] Rien ne compte, sinon le Dieu qui abat et qui suscite, maître de la douleur, maître de la joie… De sorte que les plus fortes expressions du lyrisme romantique italien à son apparition seront mises au service, l’une de la patrie, l’autre de la religion. […] Des façons de penser toutes françaises, irréductibles à d’autres, ont continué à s’imposer à notre romantisme ; et le lyrisme même nous semble en avoir été l’expression : le lyrisme, la forme la plus spontanée et la plus profonde de l’âme. […] Rien de plus prosaïque, et dans le sens précis de l’expression, rien de plus terre à terre que cette attitude si on la compare aux vols sublimes de Spinoza ou de Malebranche ; rien qui doive moins favoriser les élans, les fièvres, et les fureurs.
Pourtant il nous semble que, dans ce genre de roman austère, comme elle l’appelle, je crois, madame Allart se pourrait créer une véritable originalité ; mais il lui faudrait se souvenir que si, dans le genre tendre et aventureux, il est permis, en composant, de laisser courir sa plume, qui va d’elle-même alors aux digressions faciles, aux grâces variées et abondantes, il devient indispensable, en abordant un ordre de sentiments plus contenu et plus réservé, de nourrir son expression et de marquer ses effets.
Depuis ses premiers recueils, il a marché à pas de géant ; maintenant son vers, précis et correct, a toujours le ton juste, le mot décisif qui ouvre un monde d’idées et de rêves, et la netteté d’expression qui est le signe et comme la marque du bon ouvrier.
Il semble pourtant aujourd’hui que ces plaisirs retentissants soient achevés, et que le petit livre : À travers les groins, que le poète écrivit au cours d’une affaire qui fit récemment quelque bruit, doive rester sa dernière expression dans le genre où il s’illustra.
Les Symbolistes, au contraire, ne voulaient rien garder de nos vieux usages et ambitionnaient de créer de toutes pièces un nouveau mode d’expression.
Dans ses Controverses contre le Ministre Claude, on admire une dialectique profonde, une méthode lumineuse, un enchaînement de preuves, une variété d’images, une force d’expression, qui captivent l’esprit & l’attachent agréablement.
On ne sauroit se dissimuler qu’il les défigure le plus souvent par une touche seulement nerveuse, lorsqu’elle devroit avoir ce moëlleux d’expression, cette douceur d’harmonie, cette vivacité de coloris, le vrai charme du Cygne de Mantoue : mais, comme l’a dit Horace, Ubi plura nitent in carmine, non ego paucis Offendar maculis.
Quant à l’expression plastique, ils la tinrent en disgrâce, et lui firent souffrir les pires viols.
Et, dans ce travail qui voulait avant tout faire vivant d’après un ressouvenir encore chaud, dans ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées.
Et, dans ce travail qui voulait avant tout faire vivant d’après un ressouvenir encore chaud, dans ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées.
me dit-il, c’est un massacre. ce mot aurait suffi pour arrêter ma curiosité ; mais il me parut que c’était un exemple rare de la différence du fracas et de l’action ; de l’intention du peintre et de son exécution, de la contradiction du mouvement et de l’expression.
Qu’on me pardonne l’expression : il fait monter le parterre même sur la scene.
Ces cinq expressions sont dans l’original.
de princesse révoltée est sublime, car elle allait en mourir ; mais nous, ne sommes-nous pas tenus à être moins sobres dans l’expression de nos sentiments lorsque nous retraçons l’histoire de ces exécrables jours qui ne nous menacent plus, et qui ne nous font pas un héroïsme de la légèreté de nos mépris ?
Tout ce qui est faux de pensée ou d’expression est mauvais. […] Ce public qu’on traite d’idiot demande donc une signification aux œuvres qu’on lui apporte, et s’il y voit l’expression d’un des aspects de la société, il en est transporté. […] Le vers cloue l’expression au front de la pensée. […] Tout ce qui est faux de pensée ou d’expression est mauvais. […] « Il serait difficile de citer une classe de paysages où le ciel ne soit pas la clef, la note tonique, l’échelle, la principale expression du sentiment général de l’œuvre.
La littérature est certes à ses yeux une chronique, pour emprunter une expression habituelle à Stendhal et à Mérimée, mais c’est une chronique à idées. […] Cette marche de l’esprit donne une autorité singulière à ce « tableau de la société, moulée sur le vif avec tout son bien et tout son mal », ce sont ses propres expressions. […] Les « vies romancées », pour employer l’expression contemporaine, vont se multipliant. […] On dit d’eux qu’ils sont « démodés », expression d’une vulgarité attristante qui assimile le talent littéraire à la coupe des robes ou à la forme des chapeaux. […] Mais, pour me servir d’une expression employée par le mystique Swedenborg, ils n’étaient pas du même ciel.
L’expression d’une simple préférence est encore un acte de foi, inconscient, si l’on veut, dans une certaine conception de l’art et de la vie. […] (On peut me passer l’expression ; elle est d’origine royale ; elle se rencontre souvent sous la plume du grand Frédéric.) […] Ce n’est pas une âme livresque, pour lui emprunter une expression renouvelée de Montaigne. […] « La vie et l’expression de la vie, dit encore M. […] Pourquoi certaines expressions viennent-elles aussi me rappeler que le raffinement est proche parent de l’afféterie ?
Il ne concevait même pas qu’une considération personnelle pût arrêter l’expression d’une conviction sérieuse. […] La forme n’est pour lui que l’expression de l’âme. […] Ces expressions nous montrent que Michelet sentait qu’il écrivait comme un musicien compose. […] J’y vois bien plutôt l’aveu d’une ambition que l’expression d’un regret. […] Expression de Paradol dans un article de la Revue de l’instruction publique (12 juin 1856) sur l’Essai sur Tite-Live.
Les ténèbres d’une pensée confuse y sont épaissies par l’impropriété de l’expression. […] Barrès excelle à dégager d’un aspect de nature l’expression qui y est enveloppée. […] Est-il vrai d’abord qu’elle offre pour l’expression artistique des ressources merveilleuses ? […] Toute parole qu’on lui adresse ne saurait être que l’expression d’un désir. […] Cela même donne à l’expression de son visage un je ne sais quoi d’énigmatique » et qui attire.
Elle dégage, en outrant leur expression, les caractéristiques profondes d’une époque. […] Cette expression n’est pas spéciale à Psichari. […] Cette forme d’art après avoir été l’expression favorite semble devenir l’expression unique de la pensée pour les écrivains d’aujourd’hui. […] Était-ce donc vraiment là l’expression dernière de la Science ? […] Si étrange que paraisse cette expression, comment en employer une autre ?
On perfectionne par la critique le simple talent ; mais corriger le génie de ses défauts est une expression qui n’a guère de sens, si les défauts sont la condition, la rançon de qualités qui, sans eux, n’existeraient pas. […] Vous croyez que l’œuvre est morte, la façon de sentir et d’imaginer dont elle fut l’expression ayant été remplacée par d’autres goûts : essayez de la remettre sur ses pieds, vous aurez peut-être une surprise. […] Il donne à la pensée son expression, hors de laquelle les inventions les plus riches et les plus originales sont comme si elles n’étaient pas. […] Et tout d’abord, il faut s’entendre sur le sens du mot « style » et de l’expression « bien écrit ». […] Je le définis : l’expression naturelle d’une personnalité forte dans une écriture originale, quelquefois travaillée, mais le plus souvent libre du besoin anxieux de la perfection exemplaire.
On pourra constituer l’esprit européen ; mais on n’arrivera jamais à rendre uniforme l’expression de la pensée ou de la fantaisie. […] Je me résigne difficilement à prendre pour l’expression d’une fausse modestie les très humbles salutations de M. de Lamartine. […] On avait pris pour du mépris l’expression froide et austère de son jugement, que d’ailleurs on ne voulait pas contredire. […] Plus contenu, plus réservé, plus hypocrite dans son expression, l’amour chez les femmes de cet âge a quelque chose de maladif et de furieux. […] L’homme au contraire mêle son esprit et l’artifice de sa pensée à l’expression de tous les sentiments.
Comme il distingue le bon et le mauvais dans l’expression, il discerne le mauvais et le bon qu’elle exprime ; c’est ainsi qu’il purge le style et la pensée. […] « Cicéron observe qu’il est fort aisé de censurer, ou de relever ce qu’il appelle verbum ardens (traduit en français par une expression hardie, mais qui veut dire littéralement, expression enflammée), et qu’il est facile de le tourner en ridicule par une froide et maligne critique : un petit esprit est également capable de condamner une beauté, et de faire un grand bruit sur une légère faute. […] On interprète injustement mes expressions, lorsqu’on les soupçonne d’être mêlées d’humeur et d’amertume : prend-on pour le langage d’une aversion que je n’eus aucun sujet personnel de concevoir la chaleur involontaire que m’inspire l’évidence des principes blessés et le zèle de l’antique doctrine ? […] La durée du fait théâtral, selon l’expression d’Aristote, doit peu excéder un tour de soleil ; celle du fait épique n’a point de limite exacte. […] Expressions tirées de la bulle même du pontife !
Les expressions résistent à nos pensées et les émoussent. […] Thèse pessimiste assurément, mais aussi, sans doute, expression d’un sentiment de désespoir personnel. […] C’est à cela que se borne l’expression de la mélancolie par la poésie, de 1789 à 1814. […] Mais si Schopenhauer a donné à la doctrine de Leopardi des développements inattendus, il est resté bien au-dessous de lui dans l’expression de la tristesse. […] On trouve en lui, selon l’heureuse expression de M.
Remarquez d’abord que les deux poëmes, tout en étant l’expression d’une préoccupation permanente et universelle de l’esprit humain, sont aussi l’expression particulière des préoccupations d’une époque et d’une nation. […] Le charme même de l’enfance et de la jeunesse revêt en lui quelque chose de solennel, qui semble comme la muette expression d’un grand destin. […] Que cela est singulier d’expression ! […] Quel sombre dédain d’expression ! […] Elle avait adopté de cette croyance une très poétique expression ; elle reconnaissait trois baptêmes : le baptême d’eau, le baptême de sang (le martyre), et le baptême de désir.
Racine, ce peintre de l’amour, dans ses tragédies, sublimes à tant d’autres égards, mêle souvent aux mouvements de la passion des expressions recherchées qu’on ne peut reprocher qu’à son siècle : ce défaut ne se trouve point dans la tragédie de Phèdre ; mais les beautés empruntées des anciens, les beautés de verve poétique, en excitant le plus vif enthousiasme, ne produisent pas cet attendrissement profond qui naît de la ressemblance la plus parfaite avec les sentiments qu’on peut éprouver.
L’expression, en donnant un corps à la pensée, en fait apercevoir le faible ; on la corrige, on l’étend, on l’approfondit ; parfois on l’abandonne, mais pour en prendre une autre dont la vérité s’est révélée à nous en parlant.
Superbe, étincelant, plein de sens et d’une poésie merveilleuse d’expression !
Un silence subit et pénible, des images vagues et fantastiques, succèdent au tumulte des premiers mouvements : on sent, après le cri de Pluton, qu’on est entré dans la région de la mort ; les expressions d’Homère se décolorent ; elles deviennent froides, muettes et sourdes, et une multitude d’S sifflantes imitent le murmure de la voix inarticulée des ombres.
Or la poésie n’est pas seulement que dans l’expression littéraire.
D’éminents prélats ont désiré qu’on remît la discussion à un temps où eux-mêmes en personne pourraient venir, après Pâques, défendre « la foi de leurs diocésains. » Ç’a été l’expression employée. […] Il est tel esprit, telle forme d’esprit qui, dans les faits les plus précis et les mieux constatés qui tiennent à la physiologie du cerveau, ne verra aucune nécessité de conclure à la non-existence de la pensée pur esprit, de la pensée monade essentielle et indestructible : personne plus que moi n’honore de tels hommes qui procèdent, dans la sincérité de leur conscience, avec toutes les ressources d’une intelligence élevée et déliée, et qui dans un problème aussi complexe s’obstinent à réserver, à maintenir les éléments qui échappent à nos sens, à nos instruments les plus perfectionnés, et qui ne tombent pas sous une prise immédiate : mais si d’autres venaient à conclure plus nettement et plus simplement, je ne verrais pas ce qui peut forcer l’État moderne, et le Gouvernement qui en est l’expression, à les réprouver, à les plaindre ou à les morigéner. […] Monsieur Sainte-Beuve, permettez que je vous interrompe et vous prie de ne pas vous servir d’expressions qui ne doivent pas se faire entendre dans une assemblée comme la nôtre. […] Vous continueriez, en vertu de certains articles positifs de la loi, de réprimer, de prévenir l’expression ouverte, la profession déclarée et la prédication de doctrines philosophiques que vous considérez comme dangereuses et antisociales.
On avait réussi à lui retirer cette hauteur morale, cette largeur intellectuelle qui en avaient fait l’expression supérieure du christianisme français : on l’avait réduit à une bigoterie étroite, farouche et stérile. […] Mais ce qu’il y a de plus admirable dans l’œuvre, c’en est la simplicité, l’objectivité : toute la personne de l’auteur s’efface de l’œuvre en la construisant ; elle est toute ramassée dans l’expression, absente volontairement de la matière. […] Mettant à profit la grande leçon de Malherbe, Pascal a laborieusement, lentement, patiemment amené son ouvrage à être l’expression pure et parfaite de sa pensée : il ne s’est pas contenté du premier effort de sa nature, si richement douée. […] Il a sur l’invention la superbe indifférence de nos classiques, ou plutôt il dirige comme eux son invention moins vers la nouveauté que vers la vérité ; et l’originalité qu’il cherche est celle de l’expression et du maniement des matériaux.
C’est l’expression unique et exclusive du moment présent. […] Une certaine fermeté pourtant dans les vers, quelques passages où l’expression est parfaite, parce que la pensée est vraie, font soupçonner un esprit supérieur qui ne se connaît pas encore, et qui commence par imiter ce qui réussit, en attendant qu’il crée des choses inimitables. […] Outre ses impatiences contre les incorrections d’une langue où Corneille semble créer, par la façon dont il les fait siennes, jusqu’aux expressions que lui fournissait l’usage, on peut reprocher au Commentaire sur le théâtre de Corneille le trop facile avantage que Voltaire s’y donne sur certains défauts de ce théâtre dont il n’a pas toujours su préserver le sien. […] Cette vérité-là je ne la trouve que dans le théâtre antique, et j’en vois l’expression parfaite dans le nôtre.
Tout ce qui plaît à notre imagination dans la sublimité des fables homériques, tout ce qui touche nos cœurs dans cette première et naïve expression des passions humaines, notre raison l’approuve, et elle y trouve sa part dans la leçon morale qui s’insinue sous le plaisir. […] Les premiers ne s’inquiètent pas si d’autres ont pensé ce qu’ils pensent à leur tour ; c’est assez qu’ils le pensent sincèrement ; ils sauront bien se l’approprier par l’expression. […] La science qui explique la nature et la marche des corps célestes pourra trouver des expressions plus grandes, mais non plus vives, pour graver dans notre esprit les deux plus grandes idées, après celle de Dieu, l’ordre universel et l’infini. […] Il est très vrai que ces grands principes n’ont pas reçu dans leurs livres l’expression parfaite des vérités immortelles.
Gui Patin a ainsi l’expression pittoresque, inattendue, la comparaison voyante ; il y a un peu de carnaval jusque dans son sérieux. […] Il ne croit guère aux indulgences, il croit aux prières : « Les prières des gens de bien servent merveilleusement. » Quand il est près d’être continué dans sa charge de doyen (novembre 1651), sentant le poids et les devoirs qu’elle lui impose, il écrit à un ami : « Je me recommande à vos grâces et à vos bonnes prières. » Il a sur la mort en toute rencontre des réflexions philosophiques dont il relève la banalité par un sentiment vif et un certain mordant d’expression : M. le comte de R. est mort comme il a vécu. […] Cette forme d’expression hyperbolique, je l’ai remarqué déjà, est celle qu’affectionne Gui Patin ; quand il avait ainsi lancé sa pensée dans une parole à outrance, bien imprévue, pittoresque ou même triviale, il était content : il avait l’hyperbole gaie et amusante.
À propos du clinquant qu’il avait reproché au Tasse, Boileau avait été blâmé par un traducteur du Tasse et déclaré plus poète que critique : contrairement à ces sentences du nouveau siècle, Marais tient ferme et reste dans les termes de sa première admiration : « Je dis que Despréaux était grand critique, qu’il l’a montré par ses Satires qui sont des critiques en vers, et que son Art poétique est un des plus beaux ouvrages de critique que nous ayons, aussi bien que ses Réflexions sur Longin. » Le président Bouhier, dans une dissertation savante, avait parlé un peu légèrement de Despréaux et de Bayle, les deux cultes de Marais ; celui-ci, après avoir lu la pièce manuscrite que lui avait communiquée l’auteur, le supplie (et il y revient avec instance) de modifier ce qu’il a dit d’eux et d’adoucir un peu ses expressions ; et il en donne, en définitive, une touchante et haute raison, tirée de Cicéron même, cette source de toute belle pensée et de toute littérature : « Multum parcendum est caritati hominum, ne offendas eos qui diliguntur. […] La vivacité de vos expressions, l’étendue de vos connaissances, jointe à une netteté qu’il dit n’avoir jamais vue ailleurs, le charmèrent. […] Les objections de Bayle sont disséminées ; on est libre avec lui, comme avec Montaigne, de ne pas les ramasser et, selon l’heureuse expression de Marais, de ne pas « mettre en corps cette armée-là. » Bayle fait la part des nécessités de la société, des infirmités des hommes, et de ce qu’il faut accorder aux impressions machinales qu’excitent les passions.
La vie n’est donc ni une excellente ni une très-mauvaise chose, mais, passez-moi l’expression, une chose médiocre, participant des deux. […] Mais si son expression n’est pas simple, elle est toujours grande, originale et unique ; il ne dit rien comme un autre : « (31 juillet 1837.)… Dans un temps d’instabilité, il n’est pas bon d’entrer très-jeune dans les affaires publiques ; si j’avais eu ce malheur, j’aurais été incapable de la conduite que j’ai eue sous la Restauration, et tout ce que j’ai de vie publique est là. […] Ainsi, je suis avec vous lorsque vous vous imposez de ne pas laisser aller une idée avant que vous l’avez mise dans tout son lustre ; et ce lustre, c’est la clarté, la simplicité, la concision, la pureté et la plénitude de l’expression ; ce qui fait enfin que ce qu’on dit, c’est précisément ce qu’on a voulu dire.
« J’admirai, continue Rancé, la simplicité de cet homme, et le mettant en parallèle auprès des grands dont l’ambition est insatiable, et qui ne trouveroient pas de quoi se satisfaire quand ils jouiroient de toutes les fortunes, plaisirs et richesses d’ici-bas, je compris que ce n’étoit point la possession des biens de ce monde qui faisoit notre bonheur, mais l’innocence des mœurs, la simplicité et la modération des désirs, la privation des choses dont on se peut passer, la soumission à la volonté de Dieu, l’amour et l’estime de l’état dans lequel il a plu à Dieu de nous mettre. » Ce sont là (suivant l’heureuse expression de Dom Le Nain) de ces premiers coups de pinceau auxquels le grand Ouvrier se réservait d’en ajouter d’autres encore plus hardis pour conduire Rancé à la perfection. […] Les pensées en sont remplies, les figures ménagées, les mots propres et choisis, les expressions nettes et les périodes harmonieuses. » Les traductions qu’il donne des Pères et qui sont presque continuelles dans son texte ont surtout suavité et largeur ; enfin il suffit de gravir, on recueille une abondance de miel au creux du rocher. […] Les serments vont toujours leur train ; ce sont toujours les mêmes mots, mais ils sont morts ; l’âme y manque : je vous aime n’est plus là qu’une expression d’habitude, un protocole obligé, le j’ai l’honneur d’être de toute lettre d’amour.
Le Saint-Simonisme, M. de Balzac pour sa part, l’illustre écrivain qui s’intitule George Sand pour la sienne, ont été instruments et organes de ce changement survenu, non pas dans les mœurs, mais dans l’expression des mœurs. […] » Ailleurs, dans Louis Lambert, non loin des brûlantes et simples lettres du jeune homme, ce sent des expressions de mnémotechnie pécuniaire, un enfant dont je partageais l’idiosyncrase ; dans les Célibataires, je trouve une raison coefficiente des événements, des phrases jetées en avant par les tuyaux capillaires du grand conciliabule femelle, etc. […] Les solives et les poutres elles-mêmes recèlent de l’or : l’or ruisselle et pétille dans les parloirs, suivant l’expression du romancier enivré, de même que la dentelle bouillonne autour de la longue pèlerine de Mme Claës.
. — Vous penchez sa tête un peu en arrière et vous redressez son échine, « aussitôt sa contenance prend l’expression de l’orgueil le plus vif, et son esprit en est manifestement possédé… » En cet instant, « courbez sa tête en avant, fléchissez doucement son tronc et ses membres, et la plus profonde humilité succède à l’orgueil ». […] K…, étant dans le même état anormal, fut invité à boire un peu d’eau fraîche, et tandis qu’il obéissait, l’opérateur en but un peu lui-même qu’il cracha aussitôt en employant une expression de dégoût et d’horreur. […] Baillarger, que d’entendre les malades se plaindre que les interlocuteurs invisibles leur racontent une foule de choses qui les concernent… Comment, pour me servir de l’expression d’une malade, peut-on lire dans leur vie comme dans un livre ?
Montaigne nous en donne un peu à garder ici : il a corrigé, plus d’une fois, et fort heureusement, non pas même toujours pour la justesse de l’idée, mais pour la beauté de l’expression. […] « Je prends de la fortune le premier argument : ils me sont également bons, et ne desseigne jamais de les traiter entiers : car je ne vois le tout de rien… De cent membres et visages qu’a chaque chose, j’en prends un, tantôt à lécher seulement, tantôt à effleurer, et parfois à pincer jusqu’à l’os : j’y donne une pointe, non pas le plus largement, mais le plus profondément que je sais, et aime plus souvent à les saisir par quelque lustre inusité233. » De cette libre allure vient cette fraicheur vive d’impression qui donne tant de grâce primesautière, tant de force pénétrante aussi à son expression. […] Il y a un « art de vivre », selon l’expression de M.
Mais, au reste, quand il voudrait s’appliquer, ciseler, fignoler, chercher l’expression rare, il n’y arriverait pas. […] Il ne se tient pas de joie quand un dramaturge le « met dedans », ne s’apercevant pas que l’expression même qu’il emploie rend l’éloge douteux. « Sophocle nous trompe, il nous met dedans. […] Il est comme ces critiques d’art qui, connaissant à fond les moyens d’expression, la « langue » propre à chacun des arts plastiques, sont particulièrement sensibles aux qualités de métier et les exigent avant toute chose.
Ils sont, à l’ordinaire, infiniment polis ; car la politesse leur est recommandée dès le séminaire comme une vertu chrétienne et comme une arme défensive : elle est pour eux une des formes de la charité, une expression de leur respect pour les âmes, et un rempart où ils se retranchent contre les familiarités et les indiscrétions. […] Dans l’admirable conversation de l’évêque Jourfier avec le cardinal Finella (Balzac eût certainement signé ces pages), le subtil cardinal a une réflexion qui éclaire jusqu’au fond le caractère de « Lucifer » et toute cette histoire d’un prêtre qui n’est qu’un honnête homme : Le ton de votre langage m’épouvante, et c’est, moins par sa vivacité, hors de toute mesure, que par un tour trop direct où, passez-moi une expression hasardée, ne sonne pas assez l’âme ecclésiastique. […] De là des outrances et des naïvetés : continuellement il nous avertit que ce que nous voyons ou entendons est terrible, et, comme il le croit, il nous le fait croire. « Tout à coup il eut un soubresaut, et de sa bouche s’échappèrent ces paroles épouvantables. » Ou bien : « On ne saurait croire l’expression de force, de fermeté, que la figurine de ce vieillard de soixante-quinze ans, molle, souriante auparavant, venait de prendre tout à coup. » Et voyez quelle conviction dans cette réflexion candide : « En vérité, l’homme est-il ainsi fait que la passion le puisse ravaler à ce point ?
Il faut, pour la remplir aussi bien que possible, interroger les Mémoires, les lettres, les procès, les statistiques, et, au cours de ces investigations, on remarquera vite que les œuvres littéraires ont souvent agi, non seulement sur l’expression, mais aussi sur l’intensité ou même sur la nature des sentiments que les deux sexes ont l’un envers l’autre. […] Sans vouloir dérouler la longue histoire des façons, diverses dont l’amour a été compris par les différentes époques, il est permis de choisir quelques exemples pour montrer les phases extrêmes par où ont passé ce sentiment et son expression. […] De même que l’amour dans les temps modernes s’est transformé avec une souplesse infinie et est devenu quelque chose de plus complexe, de plus troublé et partant de plus dramatique que dans l’antiquité, de même ces sentiments toujours jeunes, comme ce qui est éternel, ont varié, suivant les époques, d’expression et même d’intensité.
Louis XIV se partage entre ses favorites et son confesseur ; on remarque en lui, à certains moments, le combat de l’amour et du jubilé, suivant l’expression d’une malicieuse contemporaine ; mais c’est l’amour qui triomphe, sans préjudice de brusques accès de dévotion, jusqu’au jour où le grand roi vieilli fera décidément pénitence avec Mme de Maintenon. […] Il me semble inutile d’insister : on voit assez comment l’état moral des trois époques trouve son expression chez les trois poètes. […] Dangereuse peut-être pour les enfants d’une petite ville encore à demi puritaine, parce qu’elle leur offrait des tableaux voluptueux de couleur assez chaude, la peinture de la passion qui brûle Julie et Saint-Preux devenait inoffensive, voire même bienfaisante à Paris, parce qu’elle ramenait la société frivole et débauchée de la grande ville à voir dans l’amour, non plus un passe-temps, non plus « la bagatelle », selon l’expression significative du moment, mais un sentiment grave et fort où le cœur a plus de part que les sens.
Il était modeste en habits et même en expressions. […] Le portrait que Bussy a tracé de Mme de Sévigné dans ce vilain livre, est à la fois ressemblant et calomnieux ; c’est le chef-d’œuvre d’un peintre malicieux et caustique qui donne à chacun des traits qu’il observe et qu’il accuse, je ne sais quelle expression particulière qui noircit le tout et le dénature. […] Cela nous semble dénaturé et révoltant d’adulation et de platitude, mais au moins Bussy est net et ne marchande pas sur l’expression.
C’était l’expression d’un sentiment naturel qui, à force de profondeur et de beauté vraie, a rencontré, sans la chercher, la forme littéraire la plus exquise — Maurice de Guérin avait une sœur, non pas seulement de sang, mais de génie. […] Les femmes chuchotaient de son génie d’expression et de sentiment révélé par ses lettres ; mais on n’eut pas pour elle les importunités curieuses qu’on prend parfois si grossièrement pour des hommages. […] Seulement son génie d’expression sembla hériter et doubler de cette vie que la douleur tarissait en elle.
Le Souvenir serait une vraie élégie si la fin répondait au commencement ; mais l’expression abstraite gâte l’effet : il y manque l’image. […] La nature parle ; l’expression suit, facile, heureuse, égale à ce qui est à dire.
J’étais bien petit alors, et je ne suis pas plus grandaujourd’hui ; néanmoins je ne vous ai point oublié, et c’est pourquoi, bien que je n’aie rien à vous dire, je n’éprouve pas que le silence soit l’expression convenable de la bonne amitié que je vous porte et de la reconnaissance que je vous ai vouée, à vous et à M. de Maistre, mon autre parrain269. […] Profitant de sa situation excentrique en dehors de la capitale, il s’était fait un mode d’expression libre, franc, pittoresque, une langue moins encore genevoise de dialecte que véritablement composite ; comme l’auteur des Essais, il s’était dit : « C’est aux paroles à servir et à suivre, et que le gascon y arrive, si le françois n’y peut aller. » Cette veine lui est heureuse en mainte page de ses écrits, de ses voyages ; il renouvelle ou crée de bien jolis mots.
Ce qui peut arriver de plus heureux, c’est qu’on prenne pour nouveautés des vieilleries hors d’usage, qu’on répare et qu’on revernit, ou des banalités publiques, dont on obscurcit ou force l’expression. […] L’idée sera vôtre alors ; elle aura pour vous une valeur réelle et propre ; quand vous l’exprimerez, elle ne sonnera pas creux, et vous en trouverez sans peine l’expression énergique et précise.
Et ne croit-on pas entendre encore Malherbe, et même Boileau, quand Ronsard défend de sacrifier « la belle invention » et la justesse de l’expression, c’est-à-dire la raison, à la rime ? […] Bien des mots manquaient encore à la langue ; quand l’esprit se gonflait de tant d’idées, il fallait bien que le vocabulaire se remplît : il était impossible de ne pas innover beaucoup dans l’expression.
A l’établissement du sens littéral se rapporte l’éclaircissement de toutes les obscurités ou difficultés qui se rencontrent dans le détail de l’expression, celui des allusions de toute sorte, historiques, biographiques ou autres, qui peuvent embarrasser un lecteur moyennement cultivé. […] Ce jour est venu quand les textes français sont devenus objets d’étude, quand ils ont, en vieillissant, perdu pour les nouvelles générations cette clarté apparente d’expression et d’idée dont le premier public se contentait ; enfin quand les écoles et les collèges s’en sont emparés pour en faire les instruments de l’éducation de la jeunesse.
Mais l’outrance énorme et continue de son expression donne à tous ses livres un air théâtral, une apparence d’artifice. […] S’est-il contenté d’achever, de pousser à leur maximum d’expression les traits naturels de sa personne physique et morale ?
La pensée novice, la croyance indécise, les premières amours rencontraient, dans la vague même des douleurs chantées, la plus caressante expression de leur inquiétude confuse. […] L’expression des sentiments généreux, où il avait trouvé son domaine, appartient uniquement au génie.
Les expressions dont il se servait contre ses adversaires paraissent avoir été des plus violentes 307. […] Plusieurs autres expressions de Jean se retrouvent textuellement dans ses discours 316.
Une expression syriaque Maran atha, « Notre-Seigneur arrive 787 ! […] L’idée du « royaume de Dieu » et l’Apocalypse, qui en est la complète image, sont ainsi, en un sens, l’expression la plus élevée et la plus poétique du progrès humain.
Ils sont pleins de tours et d’expressions qui ne sont pas dans le style des discours de Jésus, et qui, au contraire, rentrent très-bien dans le langage habituel de Jean. Ainsi l’expression « petits enfants » au vocatif (Jean, XIII, 33) est très-fréquente dans la première épître de Jean.
L’expression du sentiment a aussi son mécanisme instinctif, original. […] Cette partie de l’ouvrage, un peu vague dans l’expression, est plutôt effleurée que traitée.