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664. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Vous avez cru enfin que j’étais l’ennemie du mariage tel que la conçu et réalisé le Catholicisme, cette vieille sottise que j’insulte le plus que je peux partout, même dans ce livre que je vous présente, et que j’avais de l’union de l’homme et de la femme une notion plus libre… Eh bien ! […] Louis Veuillot, ce rude contempteur des temps modernes, eut aussi sa petite faiblesse pour le talent, en tant que talent, de l’insolente ennemie du Catholicisme.

665. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Et il n’y a pas que des ennemis là-dedans : il y a des admirateurs tout aussi passionnés que les ennemis ; car le mérite de M. 

666. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chénier, André (1762-1794) »

Chénier, André (1762-1794) [Bibliographie] Avis au peuple français sur ses véritables ennemis (1789) Le Jeu de Paume, à David, peintre (1789). — La Jeune Captive, publiée le 20 nivôse an III dans la « Décade philosophique » ; La Jeune Tarentine, dans le « Mercure » du 1er germinal an XI. — Œuvres complètes, sous la direction de Henri de Latouche (1819). — Œuvres (éditions de 1862 et de 1872) avec commentaires de Becq de Fouquières.

667. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVII. Sort des ennemis de Jésus. »

Sort des ennemis de Jésus.

668. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVII » pp. 298-304

Le respect du roi très chrétien pour la religion et le soin de sa gloire que Bossuet avait réveillés, s’accroissaient à mesure que l’ardeur de l’amant satisfait diminuait ; et ce qu’écrit à ce sujet madame Scarron à madame de Saint-Géran, indique qu’elle connaissait le point par où le crédit de son ennemie était attaquable et peut-être le cœur du roi accessible.

669. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Il voyoit d’un œil indifférent ses amis & ses ennemis aux mains.

670. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre deuxième. »

Il paraît bien dur de blâmer la chauve-souris de s’être tirée d’affaire par un trait d’esprit et d’habileté, qui même ne fait point de mal à son ennemie la belette ; mais La Fontaine a tort d’en tirer la conclusion qu’il en tire.

671. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Ainsi on ne disait mot du général, et on prononçait dans le sénat un panégyrique en l’honneur du prince ; mais si par hasard l’empereur sortait de Rome en temps de guerre, pour peu qu’il lui arrivât, comme à Domitien, ou de voir de loin les tentes des armées, ou de fuir seulement l’espace de deux ou trois lieues en pays ennemi, alors il n’y avait plus assez de voix pour célébrer son courage et ses victoires ; à plus forte raison, quand l’empereur était un grand homme, et qu’à la tête des légions il faisait respecter par ses talents la grandeur de l’empire.

672. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Je ne veux pas que mes ennemis, si j’ai des ennemis, puissent jamais accuser la Sorbonne et moi d’une pareille innovation. […] Les Allemands sont des étrangers, des ennemis qui montent la garde en Italie, et ne s’y naturalisent pas. […] De plus, dans sa pensée politique, ce crime, le plus grand de tous, il fallait l’imputer aux Allemands, aux ennemis de l’Italie et des papes. […] Le comte refusa d’ouvrir ses États à ses ennemis, pour tuer ses sujets. […] Roland, abandonné, veut briser son épée, pour qu’elle ne tombe pas dans les mains des ennemis de la foi ; à chaque coup qu’il porte, il fait sauter des rocs énormes.

673. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Libertins ou jésuites, tous ont compris — tous ont senti, pour mieux dire — qu’avec l’auteur des Pensées et des Provinciales, c’était leur grand ennemi qu’ils avaient eu le bonheur de perdre. […] Entre Descartes et Boileau, n’y eût-il que ce point de division, ce serait assez pour les classer dans deux camps différents et ennemis. […] Mais il y avait des années de cela ; il y avait dix ans que Descartes était mort ; et, en entrant à Port-Royal, le premier ennemi que Pascal avait étouffé en lui, c’était l’amour-propre et l’orgueil. […] On ne dira donc pas à l’homme d’essayer de s’en distinguer, mais au contraire de s’y conformer, d’en user avec elle comme les membres avec l’estomac, de se bien souvenir qu’étant en elle il ne vit que par elle, et de ne jamais enfin la traiter en puissance ennemie. […] Ce même Baillet, qui a si bien reconnu dans Molière « un des plus dangereux ennemis de l’Église », est le biographe de Descartes.

674. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Cette tiédeur d’opinion, cette paresse et presque cette peur de penser, du moment qu’il s’en rendit compte, devint une des antipathies du jeune homme et l’ennemi principal qu’il se plut tout d’abord à harceler. […] Sous une ligue ennemie Les Français sont abattus :   Rassurez-vous, ma mie,   Je n’en parlerai plus. […] C’était à la fois instinct d’un goût délicat, ennemi du commun, et sentiment d’un esprit équitable, qui lient compte des choses. […] C’était bien le monde qui lui convenait le mieux comme exercice et développement de la pensée, un monde aussi ennemi du commun populaire que du convenu des autres salons, qui ne craint point les idées, pas même les systèmes ; où tout fait question, où tout se discute, s’analyse, se généralise ; où l’esprit n’a pas trop de tous ses replis, ni l’entendement de toutes ses formes ; où les lectures solides, les considérations élevées se résument toujours et s’aiguisent eu une rédaction ingénieuse ; où cette ingéniosité de tour est un cachet non moins distinctif que la haine du médiocre. […] Enfin, rassemblant dans un dernier Essai toutes ses forces contre le scepticisme, contre cet ennemi intime dont il peut dire : Nous nous sommes vus de près, le poursuivant dans ses divers genres et à travers ses plus récents déguisements, sous sa forme pratique et positive comme dans son raffinement mystique, il cherche à le convaincre de contradiction, d’inconséquence, et à maintenir jusqu’au sein du grand inconnu qui nous assiège quelques vérités fondamentales.

675. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Il eût pu donner encore plus largement carrière à son esprit d’ironie et de dérision, car il eût eu moins de choses à respecter ; il eût écrit d’excellents romans satiriques et réalistes ; il eût, fort aisément, mis Edmond About et quelques autres dans sa poche ; il aurait été académicien ; il aurait mené une vie commode ; il n’aurait eu, en fait d’ennemis, que sa portion congrue ; tout le monde saurait aujourd’hui qu’il fut un des maîtres de la langue ; il commencerait à entrer dans les anthologies qu’on fait pour les lycées, et une rue de Paris porterait son nom. […] Une des grandes sottises de ses ennemis fut assurément de l’avoir traité de tartufe. […] Pendant plus de quarante ans, presque chaque jour, il tient tête à ses ennemis, c’est-à-dire aux ennemis du catholicisme et, pareillement, à ceux qui n’étaient pas catholiques de la même façon que lui ; bref, il tient tête à tout le monde, ou à peu près, successivement. […] J’ai défendu tout cela par amour du peuple et de la liberté, et je suis en possession d’une réputation d’ennemi du peuple et de la liberté, qui me fera « lanterner » à la première bonne occasion.

676. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

. — Les Frères ennemis et Alexandre. — § VI. […] Corneille avait fait dire à Rodrigue, au moment où Chimène l’envoie combattre don Sanche : Est-il quelque ennemi qu’à présent je ne dompte ? […] Le pardon de Cinna change le plus mortel ennemi d’Auguste en un ami dévoué, et lui rend plus léger le poids de l’empire. […] C’est par de petites raisons que l’une regrette le pouvoir et que l’autre craint de le perdre : et malgré l’audace virile que leur a prêtée Racine, malgré l’énergie qui les rend capables de ces crimes où l’on risque sa propre vie, malgré des traits d’habileté politique, la nature féminine se décèle dans Agrippine par un dépit puéril, par des imprudences qui compromettent le succès à peine obtenu, par l’impatience d’abuser du pouvoir avant même de l’avoir reconquis ; dans Athalie, par la croyance aux rêves, par des terreurs superstitieuses qui se trahissent sur son visage, par une imprévoyance qui la livre à ses ennemis. […] Encore tout frémissant des paroles d’anathème dont il a accablé son ennemi, il prophétise.

677. (1925) La fin de l’art

Son contemporain et son ennemi, Saint-Germain, qui, comme lui, fit deux ou trois fois fortune, ce qui indique qu’il se ruina autant de fois, se vantait non seulement de transmuer l’argent en or, mais de fondre en une seule pierre magnifique les petits diamants qu’on lui confiait. […] Le latin On ne me croirait pas si je me disais ennemi du latin, mais je ne suis pas non plus ami du latin pour tous. […] Les noms étrangers Une revue, qui ne semble pas pourtant ennemie de l’extension du français, ni de son emploi comme langue internationale, vient de nous arracher la paisible possession, non de la ville de Gand, sans doute, mais du nom de cette cité flamande. […] Si on pouvait trouver à ce prix-là la guérison du cancer de l’homme, celui qui s’opposerait à de telles expériences ne serait-il pas un ennemi de l’humanité ? […] Les ennemis du vin auront confondu avec le jus de la vigne des mixtures horrifiques où il entrait jusqu’à des teintures, jusqu’à de l’acide sulfurique.

678. (1902) Le critique mort jeune

Pour les mêmes raisons et à peu près de la même façon que Nietzsche, il est profondément ennemi du christianisme. […] Dans une suite de chapitres piquants il énumère à la façon de Rabelais tous les ennemis que doit rencontrer son libéralisme. […] Ne le sait-on pas assez ennemi de l’utopie ? […] Pierre Louÿs est un si vif ennemi des protestants. […] Voilà Francine attachée à jamais à un homme qu’elle déteste, à son plus cruel ennemi.

679. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLV » pp. 176-182

C'est le jugement unanime même des ennemis.

680. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Mais lisez madame du Hausset, et elle vous apprendra quels ministres étaient bien ou mal avec madame, et pourquoi ; ce que c’était que le petit abbé de Bernis, qui menait de front une poésie légère, une intrigue d’amour, une partie de chasse et une guerre désastreuse ; ce que c’était que M. de Choiseul qui le supplanta, grand seigneur, de fort bonne mine, si ami de madame qu’on le disait doublement ministre du roi, et de quelle honnête manière il décachetait les lettres avec un gobelet d’eau tiède et une boule de mercure ; vous y verrez comment Machault fut ingrat envers sa bienfaitrice qui avait payé ses dettes, et comment elle brisa cette créature infidèle ; vous y remarquerez surtout la disgrâce de d’Argenson, ministre ennemi de la marquise : ce jour-là, il y eut des évanouissements et des sanglots ; la femme de chambre apporta des gouttes d’Hoffmann ; le roi lui-même arrangea la potion avec du sucre, et la présenta de Voir le plus gracieux à madame.

681. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de Dampmartin, Maréchal de camp »

A Berlin surtout, dans une cour timide, froide et naguère ennemie, en présence d’une Académie peut-être encore philosophique et frondeuse, en présence de cette colonie de réfugiés français qui n’avaient pas oublié les injures de leurs pères3, combien une noble contenance eût été séante, combien elle eût racheté de préjugés et d’erreurs !

682. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Il est beau, il est consolant sans doute de voir, dans les mouvements des peuples, les inspirations de l’esprit de Dieu, et, dans le sentiment qui les pousse au bien-être, la marque infaillible et divine qu’ils l’atteindront ; il serait doux de penser que les obstacles apparents contre l’affranchissement des Hellènes n’en sont que des moyens dans l’ordre de la providence ; qu’Ali-Pacha, par exemple, a servi la Grèce en détruisant les Armatolikes et en renversant les peuplades libres ; que surtout les puissances d’Europe la servent par leur politique indifférente ou ennemie ; que la Russie la sert, que l’Autriche la sert, que la France et Soliman-bey aident à son triomphe : tout cela, encore une fois, serait doux à croire.

683. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

Mais faire souffrir, par divertissement, ou pour montrer notre force, ceux qui ne nous sont pas ennemis, c’est de quoi je croyais incapable, aujourd’hui, toute âme un tant soit peu affinée.

684. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

À sa mort, il en était encore l’ennemi déclaré.

685. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

En 1757, il lui en accorda une, secrete, de trois mille livres ; en 1760, une, publique, de deux mille livres sur son Trésor Royal ; & le premier Avril 1766, une autre, secrete, de douze mille livres sur sa cassette, dont la formule, conçue dans les termes suivans, est signée & écrite en entier de sa main : « En conséquence des services que le sieur d’Eon m’a rendus, tant en Russie que dans mes armées, & d’autres commissions que je lui ai données, je veux bien lui assurer un Traitement annuel de douze mille livres, que je lui ferai payer exactement tous les six mois, dans quelque pays qu’il soit [hormis en temps de guerre chez mes ennemis], & ce, jusqu’à ce que je juge à propos de lui donner quelque poste dont les appointemens soient plus considérables que le présent Traitement.

686. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

Il étoit si peu ennemi des principes de la Religion Chrétienne, que, dans son Esprit des Loix, il réfute ceux qui les ont combattus.

687. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Après avoir commencé par être leurs protecteurs & chérir en eux le talent, ils se déclarent leurs ennemis les plus redoutables.

688. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

mon désespoir, mes larmes, Contre un cher ennemi te demandent des armes ; Et cependant, livrée à de contraires vœux, Je crains plus tes bienfaits que l’excès de mes feux43.

689. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

On concevra bientôt comment le vainqueur de Pharsale, qui sur le champ de bataille même avoit embrassé son ennemi vaincu comme son concitoïen, a pu se laisser toucher par la peinture de cet évenement que fait Ciceron, au point d’oublier qu’il fut assis sur un tribunal.

690. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Et les voici derrière une motte de terre continuellement bouleversée, au milieu de compagnons chaque jour décimés, dans un horizon morne où leurs yeux fixés nuit et jour ne voient pas flotter un drapeau, pas même se dessiner la silhouette d’un ennemi.

691. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Mais je ne veux être qu’amateur, dilettante, selon le mot des Italiens : c’est le meilleur rôle dans tous les arts, et même dans toutes les carrières de la vie civile ; on goûte, on jouit, on juge, on s’essaye, et on ne se compromet pas ; on a, en un mot, des admirateurs, et on n’a point d’ennemis. » III C’est à ce double sentiment d’instinct de la gloire et de peur du bruit dans ces hommes délicats et exquis, appelés amateurs ou dilettanti, qu’on doit ces petits volumes diminutifs du génie, sourdines de la gloire, qui se publient de temps en temps à un si petit nombre de pages et à un si petit nombre d’exemplaires qu’on ne les affiche pas sur les étalages de libraires, mais qu’on les glisse seulement de la main à la main entre quelques amis discrets, comme une confidence du talent échappée à l’imprudence du poète. […] Le chiffre n’a pas d’âme : l’âme a une force à millions de chevaux, comme on dit, qui soulèverait plus de poids que la vapeur ; ils se défient de cette force, ils dévirilisent l’humanité pour la dompter ; l’homme spécial ne leur refuse rien, l’homme universel leur fait peur ; il sent et il pense ; la conscience et la pensée sont les deux ennemies divines de la servitude, Némésis de la tyrannie ; l’antiquité n’en avait qu’une, nous en avons deux. […] Je dévorais déjà de l’œil les longues années qui me séparaient encore de la tribune et des hautes affaires d’État, ma vraie et entière vocation, quoi que mes amis en pensent et que mes ennemis en disent.

692. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

On aurait été heureux de me la voir commettre : il est si doux de déshonorer un ennemi ! […] Je le vois chercher à tâtons ses ministres parmi les complices de son avènement en 1830, et ne trouver en eux que des dévouements conditionnels, des intelligences avec ses ennemis dans le parlement ou dans la presse. […] On doit justice même à ce que l’on réprouve, et, s’il y a une vertu mêlée par hasard au crime dans un homme justement abhorré de ses ennemis ou de ses victimes, il ne faut point nier cet amalgame monstrueux, mais souvent réel ; il faut séparer, avec une sincérité loyale, cette vertu du crime, et dire à l’histoire : Ceci était vertu, ceci était crime ; et ceci, crime et vertu, était l’homme.

693. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

La Restauration fut notre mère ; est-ce à nous de lui arracher son manteau après sa mort et de montrer sa nudité à ses ennemis pour leur donner la mauvaise joie de ses ridicules et de ses fous rires ? […] Mais l’idée d’écrire sur l’œuvre d’un homme proscrit par lui-même sans doute, mais enfin proscrit par les circonstances, comme ferait à peine un ennemi, cette idée, sans convenance et sans mémoire, ne me vint même pas ; il y a des tentations qui ne surgissent que dans des âmes infimes, dignes d’être tentées par ce qui est abject comme elles. […] « Si le radical c’est l’idéal, oui, je suis radical, disait-il dans les justifications éloquentes de ses intentions d’écrivain ; oui, à tous les points de vue, je comprends, je veux et j’appelle le mieux ; le mieux, quoique dénoncé par un proverbe, n’est pas l’ennemi du bien, car cela reviendrait à dire : Le mieux est l’ami du mal….

694. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Il se réconcilia avec lui au moment où les ennemis du cardinal s’acharnèrent sur lui. […] En annonçant au gouvernement français la perte que le monde venait de faire, le duc de Laval-Montmorency, ambassadeur du Roi Très-Chrétien près le Saint-Siège, écrivit : « Il ne faut aujourd’hui que célébrer cette mémoire honorée par les pleurs de Léon XII, par le silence des ennemis, enfin par la profonde douleur dont la ville est remplie, et par les regrets des étrangers et surtout de ceux qui, comme moi, ont eu le bonheur de connaître ce ministre, si agréable dans ses rapports politiques, et si attachant par le charme de son commerce particulier. » IX C’était le 24 janvier 1824. […] Il avait des envieux, mais point d’ennemis.

695. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Les moines se souvinrent qu’ils avaient eu le grec pour ennemi, quand la royauté leur eut donné raison contre la Réforme. […] Le caractère de Montaigne, tel que nous le montrent les Essais, est celui d’un homme nonchalant par humeur, non moins que par la faveur d’une condition qui lui permettait le repos ; irrésolu, tantôt par l’effet des lumières, qui font voir autant de raisons pour s’abstenir que pour agir, tantôt par la fatigue de délibérer, détestant l’embarras des affaires domestiques, et préférant l’inconvénient d’être volé à l’ennui de veiller sur son bien ; ennemi de toute contrainte, jusqu’à regarder comme un gain d’être détaché de certaines personnes par leur ingratitude ; ne donnant prise sur lui à rien ni à personne, ne se mettant au travail qu’alléché par quelque plaisir simple, naïf, vrai avec lui-même et avec les autres ; ayant le droit de parler de sa facilité, de sa foi, de sa conscience, de sa haine pour la dissimulation, dans un temps où toutes ces qualités étaient autant de périls142 ; « ouvert, dit-il, jusqu’à décliner vers l’indiscrétion et l’incivilité » ; délicat à l’observation de ses promesses jusqu’à la superstition, et pour cela prenant soin de les faire en tous sujets incertaines et conditionnelles143 ; franc avec les grands, doux avec les petits ; le même homme que le besoin d’ouverture pouvait rendre incivil ; poussant la civilité jusqu’à être prodigue de bonnetades 144, notamment en été, dit-il, sans doute parce qu’on risque moins en cette saison de s’enrhumer en général, ayant les vertus de l’honnête homme, et sachant, en un cas pressant, en montrer ce qu’il en fallait, mais n’en cherchant pas l’occasion un mélange de naïveté et de finesse, d’ouverture et de prudence, de franchise et de souplesse ; modérant ses vertus comme d’autres modèrent leurs vices ; mettant pour frein à chacune ce grand amour de soi, dont il ne se cache pas et qui formait son état habituel ; enfin, s’il fut vain, ne l’étant guère moins de ses défauts que de ses qualités. […] Ses ennemis, d’ailleurs, ne sont pas plus nombreux que ses amis.

696. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Du reste, cet incroyable jugement, bâti sur les Charivaris du temps de Charlemagne (il y en avait), est bientôt réparé par l’inconséquence habituelle de l’auteur qui, dans un portrait, abominablement flatté, de l’empereur Frédéric Barberousse, pour lequel il se sent les plus tendres entrailles, compare, pour lui faire piédestal, le juste, le vaillant Frédéric, si ambitieux d’épargner ses ennemis, ambition nouvelle, à ce superstitieux et sanguinaire Charlemagne de la page 106, transformé, comme vous allez le voir à la page 468. […] Tous ceux qui tombent des deux côtés sont des ennemis de moins. […] Les troubles, les impuissances, les folies, les crimes des villes italiennes pendant tout le Moyen Âge, de ces rivales les unes des autres, des factions qui se dévorèrent elles-mêmes quand elles n’eurent plus d’ennemis à dévorer, constituent un état de choses si profondément anormal et exceptionnel dans les annales du genre humain, qu’il est impénétrable à une intelligence simplement politique, et qu’il faut entrer plus avant que dans l’histoire pour l’expliquer… Malgré le sang et le fer qui brillent ; malgré le poison, le génie du mal en toutes choses, une richesse d’horreurs, d’abominations et de scélératesses comme on n’en vit chez aucun peuple, toutes ces villes, bourgades et campagnes d’Italie, ne méritent guère, après tout, que quelques lignes d’histoire, et encore le plus souvent c’est trop !

697. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Hugo en est l’ennemi, et s’il pouvait y avoir quelque chose de profond et de durable dans les poètes, c’en serait un ennemi implacable. […] Quand il a repris, dans son poème, la vieille idée de tous les ennemis de l’Église, il l’a faite sentimentale pour la faire plus meurtrière, pour la faire d’un plus large et d’un plus sûr coup de poignard.

698. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Un jour, sur son carnet de soldat, il note :‌ Avec ma manie de chercher à comprendre les autres, même les ennemis, j’ai découvert une grande beauté au rêve colossal de conquête de ce peuple allemand qui, l’âme embrumée par son tabac et sa musique, s’est rué sur nous et a failli nous asservir par sa discipline et son héroïsme. […] Tout cela donne à l’ennemi une franche supériorité. […] Les lettres de Jacques de Laumont, sergent au 66e régiment d’infanterie, tué à l’ennemi, près d’Arras, le 22 septembre 1916, à l’âge de 23 ans, ne sont que d’un jeune être qui a dans le sang toute la tradition.

699. (1774) Correspondance générale

Mes ennemis en font, selon leur caractère, un sujet de plaisanterie ou d’injure. […] Amis, ennemis, associés élèveront leur voix contre vous. […] La belle nuée d’ennemis secrets que vous allez vous faire ! […] Je ne voudrais prendre ce ton amer qu’avec mon ennemi, encore ne serait-ce qu’en représailles. […] Rousseau, ses amis et ses ennemis, correspondance publiée par MM. 

700. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Il lui restait à engager les hostilités contre l’ennemi qui lui avait été si cher. […] Tandis qu’elle veut, aux yeux de la postérité, passer pour, avoir été l’ennemie irréconciliable, au contraire elle s’est laissé adoucir. […] S’il a un petit groupe de fidèles, Napoléon est d’ailleurs environné d’ennemis. […] Ils ont, beaucoup d’adulateurs et quelques ennemis, comme c’est l’habitude des puissants du jour. […] D’une susceptibilité ombrageuse, elle flaire dans tout contradicteur un ennemi et regimbe au moindre avertissement.

701. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Il se priverait de pain pour nourrir même un méchant, surtout son ennemi. […] Mais par sa divination des plans de l’ennemi et par la rapidité foudroyante de ses marches, il réussit souvent à atteindre et à combattre l’ennemi à forces presque égales. […] Nous n’avons pas vu des Français dans les rangs de l’ennemi. […] Oublions-nous : nous n’avons d’ennemi que nous-même. […] Il divise, il endort les ennemis de la constitution.

702. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Gomberville, le grand ennemi du mot car, enjoignait à tous les faiseurs de comédies de ne point prendre, sans sa permission, des sujets de pièces dans son roman de Polexandre. […] Ces doctrines ne plaisaient guère au plus fougueux des ennemis de Boileau, le « sieur Carel de Sainte-Garde. » Il trouvait tout cela bourgeois, comparé à la poésie des ruelles, à la poésie gagée par les grands seigneurs, au galant, qu’il continuait de défendre contre Boileau. […] Aujourd’hui, il est devenu amoureux de plus sévères plaisirs : J’aime mieux mon repos qu’un embarras illustre… Mes défauts désormais sont mes seuls ennemis. […] Mais le plaidoyer va plus loin que le temps et l’ennemi présents. […] Tel novateur n’est qu’un vieil ennemi de l’esprit français : il y a deux siècles, on le nommait Pradon.

703. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Ils ont abouti, après bien des luttes contre l’ennemi commun et entre eux, à réinstaller le philosophisme de la Renaissance, c’est-à-dire le philosophisme antique. […] Les moines sont des ennemis de Rabelais pour d’autres causes. […] La crasse du moyen âge a eu un très grand ennemi dans Rabelais. […] Mais c’était aussi son intérêt ; il constituait ainsi son armée et son instrument de règne, et c’est ce que ses ennemis faisaient remarquer sans cesse. […] Il est un roi qu’il faut servir bien, qui a de bons sujets qui a des ennemis, qui court des dangers, qui dispute le monde à quelqu’un, qui n’a pas victoire certaine.

704. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

ô qu’il est doux de plaindre Le sort d’un ennemi quand il n’est plus a craindre Notre ami M.  […] La mode, au vol changeant, aux mobiles aigrettes, Semble avoir pour lui seul fixé ses girouettes ; Sur son char fugitif où brillent nos Laïs, L’ennemi des navets en vainqueur s’est assis, Et ceux qui pour Jeannot abandonnent Préville Lui décernent déjà le laurier de Virgile. […] C’est chose convenue d’en faire une seconde Thérèse Le Vasseur… Je l’ai bien connue, et jusqu’à sa mort, moi qui vous parle ici, monsieur, et dans ma vie entière déjà longue, je n’ai jamais rencontré son égale, cœur et âme ; ses dernières années se sont éteintes dans les plus amères épreuves, sans qu’un seul jour elle ait démenti le noble nom confié à son honneur ; mais, je l’avoue, elle avait les inconvénients de ses qualités, une franchise indomptable surtout, qui lui a valu la plupart de ses ennemis : l’ingratitude a fait les autres. — Je n’ai nul intérêt, monsieur, dans cette protestation posthume ; mais vous me paraissez digne de la vérité, et je viens de la dire. — Au reste, si vous teniez aux détails réels de la vie intime de Delille, je vous offre le manuscrit laissé par sa veuve… » Ce manuscrit nous a été communiqué, en effet, par la confiance de la personne qui l’a entre les mains, et nous en avons tenu compte dans cette réimpression. […] L’anonyme, qui paraît avoir connu depuis longtemps Delille, s’attache, en ennemi intime, à flétrir toute sa vie ; il fait d’ailleurs de la publication de la Pitié un crime d’État, et le dénonce au Gouvernement consulaire.

705. (1929) Dialogues critiques

Pierre Un de mes amis, député socialiste, m’a confié qu’aucun membre de la plus extrême gauche n’oserait proposer cette suppression, par crainte d’être qualifié de philistin et d’ennemi des lettres. […] Le président de l’Anti-Stendhal Club, l’ennemi de Baudelaire, de Mallarmé, de Valéry ? […] C’est pourquoi Taine a tant d’ennemis à droite et à gauche. […] Leurs ennemis ont tort.

706. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Mais les événements transforment la scène ; la main se lasse, le public se rassasie, les ennemis dénigrent : qui dit public dit hasard ; le métier d’hommes de lettres n’est qu’un jeu de dé avec l’opinion. […] mes ennemis ou mes amis peuvent interroger à cet égard tous les notaires de Paris, de Lyon, de Mâcon, de France, chargés de vendre ces propriétés, même à perte ; ces honorables officiers publics répondront unanimement qu’ils n’ont pas reçu une offre d’un centime pour ces terres, évaluées par les estimateurs les plus consciencieux à une valeur qui dépasse deux millions. […] Ainsi enfermé dans ce dilemme de la bienveillance ou de la malveillance des acquéreurs, je reste cloué à la terre comme à l’instrument de mon supplice, sans que ni amis ni ennemis consentent à me décharger de ce brillant et mortel fardeau ! […] Cependant, qui que vous soyez, amis ou ennemis, mais hommes de cœur, sachez-le bien, vous ne m’enlèverez pas la conscience de vous avoir aidés pendant vos tempêtes.

707. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

C’est un vif chagrin pour leurs ennemis, pour leurs amis une grande joie, et pour eux-mêmes surtout une bonne renommée.” […] Pensez-vous que ce soit quelque ennemi ? […] « J’ai contemplé les grands rochers de l’Hémus, qui s’agitaient en cadence à la voix d’Orphée ; j’ai interrogé ces échos, toujours muets maintenant, qui, après avoir répété ses accords, redirent les cris furieux de ses sanguinaires ennemis. […] Si mon petit chien voit passer un régiment dans la rue, il me suit sans y faire attention ; mais s’il aperçoit de loin un groupe d’enfants sur le trottoir, il se jette à toute course de l’autre côté de la rue, il se range et il évite les ennemis naturels de tout ce qui est bon et faible, et il va m’attendre bien loin au-delà du danger.

708. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

« Il semblerait résulter de cet antagonisme que l’ennemi de l’homme, c’est son corps, qui sert tout au moins d’intermédiaire au vice, quand il n’en est pas directement la cause. Cependant cet ennemi, sans être nous précisément, est une partie indispensable de nous. […] À cette stupidité il reconnut les successeurs d’Anytus, et il sentit qu’il fallait mourir. — Il mourut, les uns disent de sa propre main, les autres par la violence de ses ennemis. […] Ainsi finit ce grand homme ; combien ne serait-il pas mort plus dignement s’il était mort comme Socrate, non pour échapper à ses ennemis, mais pour Dieu !

709. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Déjà l’on murmurait à Paris et à Rome qu’il n’était pas étonnant de voir les négociations du Concordat tourner si mal, puisque le premier ministre de Sa Sainteté était un ennemi juré de la France. — Et, à propos du général Duphot dont j’ai prononcé le nom tout à l’heure, je dois affirmer que je n’étais pas moins innocent de son assassinat que le gouvernement pontifical et le peuple lui-même. […] Enfin, pour ne pas trop m’étendre sur ce sujet, il était par malheur devenu l’intime ami d’une famille dont le mari, par soif du lucre, et la femme, par vanité, étaient mes plus cruels ennemis. […] « Cette note demandait encore que l’on entrât dans le système de l’Empereur, que le Pape fît la guerre aux Anglais, qu’il reconnût pour ses amis et pour ses ennemis les amis et les ennemis de l’Empereur, et autres choses semblables, conséquences de sa prétendue soprasovranità.

710. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

La France est inondée de ce reflux trop naturel d’ennemis que Bonaparte est allé provoquer partout pendant quinze ans. […] La seconde bataille entraîne toute l’armée française, les alliés deviennent ennemis, il revient se traînant à la suite du bataillon. […] … Les ennemis sont en France ! […] Mais ne parlons pas de ces choses, l’avenir les jugera : il dira qu’après Lutzen et Bautzen, les ennemis nous offraient de nous laisser la Belgique, une partie de la Hollande, toute la rive gauche du Rhin jusqu’à Bâle, avec la Savoie et le royaume d’Italie, et que l’empereur a refusé d’accepter ces conditions, — qui étaient pourtant très-belles, — parce qu’il mettait la satisfaction de son orgueil avant le bonheur de la France !

711. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Chapitre V Jean-Jacques Rousseau Rousseau philosophe et ennemi des philosophes. — 1. […] Il était pourtant philosophe aussi ; il alla tout simplement plus avant que les autres, et fit sortir la negation de leurs principes du développement de ces principes mêmes : il fut plus indépendant, plus ennemi que personne de la tradition, de la discipline, de la règle ; il fut carrément, outrément individualiste, jusqu’à renverser les dernières barrières qu’on eût respectées, les deux règles élevées sur la ruine de toutes les règles, la raison et le savoir-vivre. […] La société selon la nature, c’est celle que peut rêver un homme de peuple, ennemi du luxe et des aises dont il se passe, heureux dans sa vie simple, mais humilié par l’opinion qui en fait une vie inférieure : un homme du peuple qui a pâti, a vu pâtir autour de lui, jalousement égalitaire pour ces deux causes, et réduisant tout à l’antithèse de la richesse et de la pauvreté. […] Chez les catholiques, le dogme étroitement défini, maintenu par une autorité souveraine, oblige celui qui ne croit plus tout à fait selon l’orthodoxie, à devenir ennemi radical et irréconciliable.

712. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Dieu me garde de songer jamais à excuser le crime ou à désarmer la société contre ses ennemis ! […] Les sages qui vont à la réalité ont l’air d’être ses ennemis ; et les charlatans qui s’en tiennent aux lieux communs sont de droit ses amis. […] Notre libéralisme français, croyant tout expliquer par le despotisme, préoccupé exclusivement de liberté, considérant le gouvernement et les sujets comme des ennemis naturels, est en vérité bien superficiel. […] Ajoutons qu’il est assez étrange de voir la politique moderne et indifférente salarier ses plus mortels ennemis, ceux qui l’ont combattue à outrance, ceux qui ne l’embrassent que pour l’étouffer ou en faire leur profit.

713. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Son parallèle des anciens & des modernes, en ce qui regarde les arts & les sciences, fut cause qu’il s’attira de si puissans ennemis. […] Parmi les ennemis de cette illustre sçavante, il faut compter encore l’abbé Cartaud de la Vilate. […] Il a fait à la fois, d’Énée, un prince religieux & un grand homme ; un héros qui craint les dieux, mais à qui les oracles n’en imposent pas ; un héros plein de franchise & de valeur, ne sauvant sa gloire, & ne s’arrachant à Didon, qu’après l’avoir rendue triomphante de ses ennemis, & fait preuve des sentimens les plus élévés. […] On ne fait aucune grace à nos intrigues compliquées, à nos épisodes entassés, à nos fictions sans vraisemblance, à nos monologues abstraits, à nos dialogues doucereux, à nos développemens métaphysiques du cœur, à nos pensées épigrammatiques, à notre affetterie de stile voisine du phœbus & nécessairement ennemie de toute correction.

714. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Le royalisme de Madame Hugo, si tant est qu’elle eut une opinion politique, devait être bien platonique : autrement il faudrait admettre que cette femme si courageuse, si fidèle en ses amitiés (pendant 18 mois, au risque de mille dangers, elle cacha aux Feuillantines, le général Lahorie, traqué par la police impériale), aurait ainsi renié sa foi et pactisé avec les plus cruels ennemis de son parti. […] III Madame Hugo n’aimait pas Napoléon, elle choisissait pour amis ses ennemis ; après la défaite de Waterloo, afin de fouler aux pieds la couleur de l’Empire, elle se chaussa de bottines vertes, ce simple fait caractérise la nature violente de ses sentiments9. […] Après l’insurrection de juin, il ne restait, selon Hugo, qu’un moyen de sauver la République : — la livrer à ses ennemis. […] Personne n’accusera ces hommes d’État de pactiser avec les socialistes et les ennemis de la propriété.

715. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Le poète y lance quelques imprécations, aujourd’hui aussi froides que ce marais du Styx, contre Florence et contre ses ennemis politiques, papes, cardinaux, magistrats souillés de différents vices, et contre les hérésiarques. […] Vers que je rougirais de traduire, et que M. de Lamennais lui-même a été obligé d’envelopper d’une décente circonlocution ; des bustes sans têtes portant dans leurs mains ces têtes en guise de lanterne : Di se faceva a se stesso lucerna ; Des galeux qui se déchirent la peau en se grattant avec leurs ongles, comme le couteau qui enlève les écailles du poisson ; Antée, qui prête son dos gigantesque au poète pour lui faire franchir un fossé des enfers ; des crânes de ses ennemis qu’il empoigne par la chevelure pour les sommer de parler ; d’autres damnés qui se déchirent à coups de dents comme des tigres ; des récits sans cesse brisés qui fuient derrière vous en laissant dans l’esprit l’impression de l’horreur succédant à l’horreur ; puis tout à coup un récit qui dépasse tous les autres, au trente-troisième chant, mais celui-là horreur sublime, le supplice et la mort d’Ugolin ! […] IX « Nous avions déjà quitté l’ombre de ce traître qui ouvrit aux ennemis les portes de Faënza pendant le sommeil de la ville, quand je vis au bord d’une fosse creusée dans l’étang de glace deux ombres. […] « Si jamais il arrive », s’écrie-t-il, « que ce poème sacré, auquel ont mis la main le ciel et la terre, et qui pendant tant d’années m’a exténué de maigreur, triomphe de la cruauté de ma patrie, qui me relègue hors du beau bercail où je dormis petit agneau, ennemi des loups qui lui font la guerre ; avec une autre voix alors, avec un autre vêtement reviendra le poète, et sur les fonts de mon baptême je prendrai la couronne ! 

716. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Il lui manque l’intelligence et l’énergie, l’amour de la vérité, le sentiment de la dignité personnelle, les convictions morales et religieuses qui constituent la véritable humanité, et voilà pourquoi la nature se conduit envers lui comme une ennemie ; mais donnez-lui toutes ces qualités, et la nature aussitôt se mettra de son côté. La nature n’est une ennemie pour l’homme que dans la mesure où il est un ennemi pour lui-même. » On a fait beaucoup de bruit dans ces derniers temps de la sélection naturelle et de l’hérédité. […] «  Hérophile, ce médecin, ou plutôt ce boucher, qui ouvrit nombre de gens pour surprendre les secrets de la nature, qui se fit l’ennemi de l’homme pour le connaître ; et encore en connut-il bien toutes les parties intérieures ?

717. (1903) La renaissance classique pp. -

Ils parcourent l’Afrique, l’Asie, l’Extrême-Orient, tous ces pays où des races neuves grandissent, où des peuples réveillés de leur sommeil séculaire par la menace de l’Étranger se préparent à une lutte sans merci contre nous, où l’on voit se lever déjà les pires ennemis de notre civilisation ! […] Ils y ont mis une sorte de rage et de fureur, ils ont dégradé leurs compatriotes et leur pays, comme ne le feraient jamais les pires ennemis de notre peuple. […] Déjà les anciens sages avaient remarqué que notre univers paraît être le théâtre d’une lutte éternelle entre deux principes ennemis, qui produisent tour à tour la vie ou la mort, la confusion ou l’harmonie. […] En ce moment le Barbare, qui en est le pire ennemi, est dressé contre elle.

718. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Elle lui opposait une autorité, selon elle, convaincante, celle du délicat et très dédaigneux Alcibiade, qui n’aimait rien que le neuf et qui ne pouvait souffrir d’entendre la même chose deux fois : Cependant cet homme, si ennemi des répétitions, disait-elle, aimait et estimait si fort Homère, qu’un jour, étant entré dans l’école d’un rhéteur, il lui demanda qu’il lui lût quelque partie d’Homère ; et le rhéteur lui ayant répondu qu’il n’avait rien de ce poète, Alcibiade lui donna un grand soufflet. […] Mme Dacier continua quelque temps de le défendre avec vigueur, mais contre d’autres ennemis, et en évitant de se rencontrer face à face avec son premier antagoniste.

719. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Son cœur est à l’abri des tempêtes civiles, Et ne s’alarme point quand, pour piller nos villes, D’escadrons ennemis il voit ses champs couverts. […] Il défendit ce qu’il croyait le bien public avec ardeur et sincérité ; il ne craignit même point, par sa fermeté, de se faire des ennemis.

720. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Il se compare à Clément Marot, poète et valet de chambre également, et qui s’est mal trouvé en Cour des accusations et calomnies de ses ennemis ; mais Sénecé n’a pas d’ennemis, il n’a pas été calomnié ; à lui, il ne lui est arrivé qu’un accident bien simple : une mort de reine l’a dégagé d’une domesticité honorifique, d’une chaîne dorée ; il est retombé dans son ordre et dans sa classe : c’est assez pour son malheur, pour son incurable ennui, car le bonheur le plus souvent dépend pour nous de ce premier cadre idéal dans lequel l’imagination, dès la tendre jeunesse, s’est accoutumée à placer et à découper la perspective flatteuse de la vie.

721. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

« D’ailleurs l’esprit du paysan est monté à tel point que, si l’ennemi entre, l’Empereur doit déclarer tous les hommes de France soldats, et ce pays sera pour vous ce qu’a été l’Espagne pour nous. […] Mme d’Albany : « Je souffre au dedans de moi de la seule pensée que les Français n’auront leurs propres lois, une liberté, un gouvernement à eux, que sous le bon plaisir des étrangers ; ou que leur défaite est un anéantissement total, qui les laisse à la merci de leurs ennemis, quelque généreux qu’ils soient.

722. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Gœthe osait donc se découvrir devant Eckermann et montrer les nombreuses piqûres que son amour-propre avait reçues ; il semblait lui dire en les étalant : « Voyez, il n’y a pas d’homme complètement heureux. » Ainsi, un jour qu’il causait de son recueil de poésies à l’orientale, le Divan, et particulièrement du livre intitulé Sombre humeur, dans lequel il avait exhalé ce qu’il avait sur le cœur contre ses ennemis : « J’ai gardé beaucoup de modération, disait-il ; si j’avais voulu dire tout ce qui me pique et me tourmente, ces quelques pages seraient devenues tout un volume. — Au fond, on n’a jamais été content de moi, et on m’a toujours voulu autre qu’il a plu à Dieu de me faire. […] Que cela arrive dans la vie de l’esprit jusqu’à sept fois, et que les ennemis en soient confus !

723. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Ces hommes de talent et d’ambition qui, la plupart, depuis l’Assemblée législative avaient déjà tâté de la vie politique et étaient chaque jour en scène, avaient des engagements pris, des liaisons, des antipathies vives, des amis et des ennemis déclarés : lui, il arrivait sur le grand théâtre, à l’état abstrait, pour ainsi dire, neuf, pur du moins de toute prévention personnelle, et l’on peut dire qu’à cet égard il offrait table rase. […] Il a ce que bien peu obtiendront, il a par là sa journée marquée dans l’histoire ; il a sa place parmi ces représentants plus généreux qu’expérimentés, prodigues d’eux-mêmes et des autres, qui durent tout improviser, tout organiser, et la victoire et jusqu’à la défaite, cette fois glorieuse ; dont les uns moururent en chargeant l’ennemi, comme Fabre ; dont les autres, comme Merlin de Thionville, figurent en artilleurs sur la brèche dans des défenses mémorables.

724. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Comme il m’aime plus que ses enfants, je l’ai attaqué du côté de la religion, et lui ai fait sentir si ce mariage (espagnol) n’était pas heureux, on s’en prendrait à lui ; que Rome donnait des dispenses auxquelles bien des honnêtes gens, dans le royaume, ne donnaient pas leur approbation ; enfin je me suis retourné de tant de manières, que le roi m’écrit qu’il a pris son parti, et qu’après avoir vaincu ses ennemis, il faut bien que tout me cède (c’est une galanterie de sa part). » Ainsi le maréchal, qui sous ses airs de soldat a des finesses de négociateur, s’est fait casuiste un moment avec Noailles ; il a eu recours à un ordre d’arguments gallicans et presque jansénistes. […] C’est peut-être pour me flatter qu’elles prétendent être invincibles quand je suis à leur tête, mais au moins les ennemis du roi craignent-ils d’être battus lorsque je commande une armée vis-à-vis d’eux.

725. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Il en est de même de tous les fanatismes ; l’imagination a peur du réveil de la raison, comme d’un ennemi étranger qui pourrait venir troubler le bon accord de ses chimères et de ses faiblesses. […] D’action en réaction, de vengeance en vengeance, les victimes qu’on avait immolées sous le prétexte du bien général, renaissent de leurs cendres, se relèvent de leur exil ; et tel qui restait obscur si l’on fût demeuré juste envers lui, reçoit un nom, une puissance par les persécutions mêmes de ses ennemis.

726. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

« L’un a la colère noble, le courage magnanime, le naturel sensible ; il méprise les insultes ; il pardonne à de petits ennemis des libertés offensantes ; l’autre, trop long de corps, trop bas sur ses jambes, n’a que les caractères de la basse méchanceté et de la cruauté insatiable. » Une science plus exacte les a reconnus tous les deux également capables d’attachement et de reconnaissance. […] Les animaux sont pour lui, non des objets d’histoire naturelle, mais des amis ou des ennemis.

727. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

C’est un des mensonges primordiaux de la morale que de nous voiler l’antagonisme irréductible et perpétuel qui fait de chaque individu l’ennemi de tous les autres, pour déployer à nos yeux la solidarité tout aussi réelle, qui les relie et les contraint à se rendre, même sans le vouloir et sans le savoir, même contre leur gré, des services réciproques. […] Chacun est à la fois les autres et l’ennemi des autres.

728. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Alfred de Vigny voit en elle une étrangère inquiétante : On me croit une mère et je suis une tombe, dit-elle par la bouche du poète, qui a peur de son impassible beauté. « La nature pour moi est ennemie, s’écrie Edmond de Goncourt54. […] On peut même observer que, depuis le milieu du siècle dernier, la nature, cessant d’être une ennemie et un objet de terreur, est devenue pour nos écrivains une inspiratrice et un objet d’admiration enthousiaste.

729. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Mais les pamphlétaires catholiques ne sont pas moins injustes que leurs ennemis quand ils retournent le reproche non seulement contre les libres-penseurs mais encore contre les penseurs libres, quand ils attaquent chez tout non-catholique le penseur. […] Je craindrais, en insistant, de réjouir tel misérable ennemi de Léon Bloy.

730. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Seulement, ce n’est pas avec les aiguilles de fileuse qu’elles égorgillent leur ennemie, mais avec les ongles lustrés au citron de mondaines envieuses plutôt qu’indignées. […] D’un élan de guerrière, Séverine s’élance sur son ennemie ; son bras se lève, comme s’il tirait une épée nue du fourreau.

731. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Chaulieu, de bonne heure, par sa liberté de parole, s’était attiré bien des ennemis. […] Il fait même à ses ennemis personnels, comme Louvois, toute la part qui leur est due.

732. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Par exemple, considérant la société à Rome, vous y distinguez la faculté très générale d’agir en corps, avec une vue d’intérêt personnel, faculté instituée en partie par des dispositions primitives102, mais principalement par cette circonstance que Rome, dès sa naissance, fut un asile, ennemi de ses voisins, composé de corps ennemis, où chacun était absorbé par la pensée de son intérêt, et obligé d’agir en corps.

733. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Ses ennemis ont dit de lui qu’il avait eu peur pour ses rentes. […] Nos ennemis séculaires ont, hélas ! […] Elle est aussi trop profitable à nos ennemis pour ne pas être délibérée. […] Nos ennemis d’aujourd’hui nous en feraient uniquement comprendre la hideur. […] Cette nécessité nous impose la même diplomatie que jadis, la même défense des mêmes frontières contre les mêmes ennemis.

734. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Je mets de mes pensées où je puis, et à chaque édition nouvelle d’un ouvrage j’en profite comme d’un convoi qui part pour envoyer au public, à mes amis et même à mes ennemis (dussent-ils se servir de cette clé comme d’une arme, selon leur usage) quelques mots qu’il m’importe de dire sur moi-même et sur ce que j’écris.

735. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Le caractère du style aussi bien que de la vie du marquis d’Argenson est le bon sens, comme on le croira sans peine ; ennemi du clinquant et de ce qu’il appelle les épigrammes politiques, il ne l’est pas moins des pointes et des épigrammes du langage ; avide avant tout de vérités proverbiales, de dictons populaires, et heureux d’en confirmer sa pensée, la trivialité même ne l’effraye pas, il ne l’évite jamais ; mais par malheur la raison n’est pas toujours triviale ; il arrive donc souvent aux saillies à force de sens, et beaucoup de ses comparaisons sont piquantes parce, qu’elles sont justes, Qu’Albéroni, par exemple, vivant à Rome après sa disgrâce, entreprenne, au nom du pape, souverain temporel, la conquête de la petite république de Saint-Marin ; M. d’Argenson, qui vient de nous exposer avec précision et peut-être sécheresse les travaux et les talents du cardinal, saura bien ici nommer cette entreprise une parodie des comédies héroïques qu’Albéroni a données à l’Espagne vingt ans auparavant, et, lui-même, le montrer joueur ruiné quoique habile qui se conduit en jouant aux douze sous la fiche, comme il faisait autrefois en jouant au louis le point.

736. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

La toilette actuelle des femmes est l’irréconciliable ennemie de leurs devoirs naturels : voilà la vérité.

737. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

Des feuilles ultramontaines, dûment stipendiées, publient ces petits filets : « Sans doute Gros-Pierre, le secrétaire d’État, est un homme suspect, sinon taré, puisqu’il est de la fripouille démocratique : néanmoins faut-il reconnaître que sous son administration d’utiles réformes s’opèrent au ministère de la Ficelle-Rouge. » Vienne à tomber le cabinet dont Gros-Pierre est un des ornements, un favori nouveau en édifie un autre, et composant son personnel, il se dit : « Conservons toujours Gros-Pierre, puisque les ennemis du pouvoir sont contraints d’avouer sa valeur. » Gros-Pierre garde son portefeuille ; il a bien placé son argent.

738. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Ils ont menti, Dorat, ceux qui le veulent dire, Que Ronsard, dont la plume a contenté les Rois, Soit moins que du Bartas ; & qu’il ait, par sa voix, Rendu ce témoignage ennemi de sa lyre, &c.

739. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Je souscris volontiers au livre qui a dit : que les plus grands ennemis de la gloire des heros, étoient leurs valets de chambre : les heros gagnent toujours à n’être connus que par le recit des historiens ; la plûpart se plaisent à rapporter ces traits naïfs et ces petits faits anecdotes qui font encore admirer davantage les hommes illustres, mais ils taisent volontiers tout ce qui feroit un effet contraire.

740. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Plus d’une fois la France a vu son sol couvert d’ennemis ; mais il y a en elle une telle énergie vitale qu’elle n’a pu jamais succomber, ni plier son front au joug de la conquête.

741. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Dans ces assemblées politiques de l’an v, composées d’éléments ennemis et inconciliables, trop de levains contraires rapprochés et mis en contact fermentaient violemment et allaient produire de nouveaux éclats. […] Le poète-tribun s’était fait, avant et après le 18 fructidor, l’ennemi personnel et le satirique acharné de Camille. […] Ses ennemis (il en avait toujours) déterrèrent je ne sais quelle lettre qu’il avait écrite, qu’il avait peut-être publiée anciennement, et qui était de nature à donner le change sur ses opinions actuelles. […] Il fut appelé au pouvoir dans des jours de discorde, et il répondit dignement à sa haute mission ; d’une main ferme il contint les factions au-dedans, il vainquit les ennemis au-dehors, il dicta la paix, il commença la justice, il consola le malheur. […] C’est une chose rare dans les temps actuels que d’avoir traversé tous ces orages sans se faire un ennemi, et d’être suivi dans sa retraite de l’affection de ses amis et de la haute estime des indifférents. — Ce M. de Norvins est certainement un homme d’esprit.

742. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Il est, et je tâcherai de le prouver dans la troisième partie de cet ouvrage, il est des distractions utiles et constantes pour l’homme qui sait se dominer ; mais la foule des êtres passionnés, qui veulent échapper à leur ennemi commun, la sensation douloureuse de la vie, se précipitent dans une ivresse qui, confondant les objets, fait disparaître la réalité de tout.

743. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVI. Jésus au tombeau. »

À vrai dire, la meilleure garantie que possède l’historien sur un point de cette nature, c’est la haine soupçonneuse des ennemis de Jésus.

744. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Rien n’est bon, rien n’est innocent, rien n’est sans danger dans l’ennemi vaincu ; ni ses doctrines, ni ses habitudes morales, ni ses plaisirs intellectuels.

745. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Ils se quittent ennemis jurés, Malherbe plein de mépris pour le magistrat, & le magistrat ne se possédant point dans son dépit contre Malherbe.

746. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Qu’est devenue cette redoutable cavalerie qu’on voit fondre sur l’ennemi avec la vitesse d’un aigle ?

747. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

« Je suis une force », criait-il, écrasant amis et ennemis, bouchant aux survenants la brèche qu’il avait lui-même ouverte.

748. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

« Mon Dieu et mon Roi », « Pour Dieu et pour la France », c’est le cri de nos aïeux unanimes, quand ils marchaient à l’ennemi.

749. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

On conçoit comment il put louer Stilicon, qui n’était pas à la vérité un citoyen, mais qui était à la fois et un ministre et un général ; mais Honorius, qui toute sa vie fut, comme son frère, un enfant sur le trône ; qui, mené par les événements, n’en dirigea jamais aucun ; qui ne sut ni ordonner, ni prévoir, ni exécuter, ni comprendre ; empereur qui n’avait pas même assez d’esprit pour être un bon esclave ; qui, ayant le besoin d’obéir, n’eut pas même le mérite de choisir ses maîtres ; à qui on donnait un favori, à qui on l’ôtait, à qui on le rendait ; incapable d’avoir une fois du courage, même par orgueil ; qui, dans la guerre et au milieu des périls, ne savait que s’agiter, prêter l’oreille, fuir, revenir pour fuir encore, négocier de loin sa honte avec ses ennemis, et leur donner de l’argent ou des dignités au lieu de combattre ; Honorius, qui, vingt-huit ans sur le trône, fut pendant vingt-huit ans près d’en tomber ; qui eut de son vivant six successeurs, et ne fut jamais sauvé que par le hasard, ou la pitié, ou le mépris ; il est assez difficile de concevoir comment un homme qui a du génie, peut se donner la peine de faire deux mille vers en l’honneur d’un pareil prince.

750. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Voltaire, à Ferney, ne se doutait pas, en face du Mont-Blanc, que là grandissait, que de là sortirait un jour son redoutable ennemi, son moqueur le plus acéré. […] C’était le secret de sa tactique qui lui échappait, c’était son geste ; il faisait ainsi : il s’avançait seul contre toute une armée ennemie, le défi à la bouche, et tirait droit au chef à brûle-pourpoint. […] Insistant sur la nécessité d’un interprète vivant et d’un pontife de vérité : « Nous seuls, dit-il, croyons à la parole, tandis que nos chers ennemis s’obstinent à ne croire qu’à l’écriture…. […] Necker y est attaqué, il n’est pas du comte de Maistre, car il n’a en tout que sa parole. » Belle certitude morale en amitié, de la part d’un de ces chers ennemis ! […] M. de Maistre a comme un sens particulier, excellent, pour pénétrer les ennemis cauteleux du christianisme (Hume, Gibbon), pour les démasquer dans leurs circuits et leurs ruses.

751. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

La poésie française, qu’on veuille bien le noter, a eu à combattre dès l’abord deux sortes d’ennemis : les pédants de cabinet, faiseurs de rhétorique, idolâtres de la régularité, et les mondains frivoles, incapables de sentir une certaine simplicité naturelle. […] Au sujet de la mort d’Agamemnon, dans le récit que fait l’Ombre de ce grand roi à Ulysse qui l’interroge dans les Enfers, il est dit : « Noble fils de Laërte, ingénieux Ulysse, ce n’est ni Neptune qui m’a dompté sur mes vaisseaux en déchaînant le vaste souffle des vents funestes, ni quelque peuplade ennemie qui m’a détruit sur terre ; mais Ægisthe, tramant contre moi la mort et le mauvais destin, m’a tué d’accord avec ma perverse épouse, après m’avoir invité dans son palais ; pendant le festin même, il m’a tué, comme on tue un bœuf sur la crèche. […] » — Et si vous dites cela, voguez au plus vite, voguez à souhait : Jupiter propice soufflera dans votre voilure. » Démo, la petite-maîtresse aux parfums, lui inspirera aussi quelques vrais accents ; c’est pour elle qu’il s’écriait à l’aurore : « Point du jour, pourquoi, ennemi des amoureux, m’es-tu survenu si vite sur ma couche lorsqu’à peine je commençais à m’attiédir auprès de ma chère Démo ?

752. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Jure-lui, par ton salut éternel, que, sans cette charité de sa part, il sera responsable à Dieu de la perdition de nos deux âmes, de la tienne par la vengeance que tu emporteras dans l’éternité contre nos ennemis les sbires ; de la mienne, par le désespoir qui me fera maudire à jamais la Providence à laquelle je ne croirais plus après toi ! […] Il a paru réfléchir en lui-même longtemps, comme un homme qui doute sans rien dire ; puis, en se levant pour s’en aller : — Me promettez-vous, m’a-t-il dit, si cette grâce du mariage in extremis avec celle que vous aimez plus que le ciel et qui vous aime plus que sa vie vous est accordée, me promettez-vous d’embrasser le chef des sbires de bon cœur, et de bénir vos bourreaux, au lieu de maudire en mourant vos ennemis ? […] j’avais encore une autre raison de tromper un peu Hyeronimo sur ma fuite avec lui hors de la ville : c’est que je ne pouvais lui donner le temps d’assurer sa fuite qu’en amusant quelques heures ses ennemis et en leur livrant une vie pour une autre ; or, peu m’importait de mourir, pourvu que lui il vécût pour nourrir et consoler mon père et ma tante.

753. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

La noblesse féodale fournira des mérites, des dévouements individuels : mais, à la prendre en corps, son rôle bienfaisant est fini ; elle fait décidément banqueroute à l’intérêt public ; elle devient l’obstacle, l’ennemie, et réunit contre elle la bourgeoisie et le roi, rendant dès lors inévitables ces deux étapes du développement national : la monarchie absolue et la Révolution. […] Et de là, quand manque l’ennemi national, la fièvre des lointaines aventures, ou les ligues contre le roi, pour le bien public : entendez, comme on l’a dit, que le bien public est le prétexte et la proie. […] On s’aperçoit que cette impartialité, dont on lui sait gré malgré tout, lui était facile : il écrit pour des gens qui ne reconnaissent que la chevalerie, et qui sentent leur cœur plus près de l’ennemi qu’ils combattent que du peuple dont ils se disent les défenseurs.

754. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Nous avons vu, au Théâtre-Libre, les Revenants et le Canard sauvage ; au Vaudeville, Hedda Gabler et Maison de Poupée ; au théâtre de l’Œuvre, Rosmersholm, Un ennemi du peuple, Solness le constructeur, Brand, et le Petit Eyolf ; au théâtre des Escholiers, la Dame de la mer. […] Dans l’Ennemi du peuple, un médecin de petite ville découvre que la source d’eau minérale dont l’exploitation fait toute la richesse du pays est empoisonnée. […] Mais aussitôt les autorités constituées et le peuple ameuté par elles le traitent en ennemi public, et il succombe sous ces pharisaïsmes et ces égoïsmes ligués ensemble.

755. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Ennemi né des Érynnies, il représente vis-à-vis d’elles l’antagonisme de la lumière contre les ténèbres, de l’harmonie contre la discorde, du pardon contre la rancune. […] Polias « qui protège les villes », Cledouchos « gardienne des clefs », Pylaïtis « protectrice des portes » : ses surnoms militaires la posent appuyée sur la lance, dans une attitude défensive, attendant l’ennemi sans le provoquer. […] Que les citoyens n’aient entre eux qu’une même amitié, qu’une même haine contre l’ennemi ! 

756. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Il regarde le vice en face, mais comme un ennemi qu’il connaît bien et qu’il affronte. […] Il a pour titre l’ENNEMI : Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants soleils ; Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils. […] le temps mange la vie, Et l’obscur ennemi qui nous ronge le cœur Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

757. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

On sait la célèbre réponse du premier président Achille de Harlay au duc de Guise, qui lui vient demander son concours dès le soir même du triomphe des Barricades : « C’est grand pitié quand le valet chasse le maître, etc. » Faisant quelque mention de cette réponse, Mézeray ajoute : Toutefois ceux-là sont plus croyables qui racontent que ce sage magistrat, usant d’un procédé plus convenable à un temps si dangereux, écouta patiemment ses excuses et les offres qu’il lui fit pour le maintien de la justice, le remercia de la bonne intention qu’il lui témoignait de ne s’éloigner jamais du service du roi, et l’exhorta de la confirmer par de bons effets, afin de rejeter tout le blâme de cette journée sur le front de ses ennemis. […] On sait encore qu’il se piquait de mettre une boule noire à chaque élection nouvelle ; quel que fût le candidat, il votait contre invariablement : « C’était, disait-il, pour prouver à la postérité par cette marque qu’il y avait liberté à l’Académie dans les élections. » Ennemi de tout ce qui était étiquette et cérémonie, il se moquait, ainsi que Patru, de voir la compagnie y mettre tant d’importance et se rattacher à tout propos par des compliments et des députations aux événements de la Cour ; tous deux, dans leur sans-façon, ils avaient donné à l’Académie les épithètes de délibérante, de dépistante et remerciante.

758. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Bourdaloue, c’est l’orateur qu’il faut être quand on veut prêcher trente-quatre ans de suite et être utile : il ne s’agit pas de tout dissiper d’abord, de s’illustrer par des exploits, d’avoir des saillies qui étonnent, qui ravissent et auxquelles on applaudit, mais de durer, d’édifier avec sûreté, de recommencer sans cesse, d’être avec son talent comme avec une armée qui n’a pas seulement à gagner une ou deux batailles, mais à s’établir au cœur du pays ennemi et à y vivre. […] voici l’ennemi.

759. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

presque chaque jour il est dérangé ; les affaires, les amis lui prennent ses heures, — les amis, dites plutôt les ennemis. Les devoirs de famille sont aussi de grands ennemis de l’étude : de ceux-ci, il n’ose se plaindre ; il est l’homme des devoirs et des tendresses.

760. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Un autre motif qui l’avait fait différer jusque-là, quoique cette idée de renonciation fût déjà très ancienne chez lui, c’était que, s’il avait abdiqué un peu plus tôt, et vers le temps de sa fuite d’Inspruck, il eût quitté la partie sur des revers, qu’il eût donné gain de cause aux ennemis de la foi catholique et eût paru céder au découragement moral, quand il ne se rendait qu’à la fatigue. […] Après donc avoir donné ses soins à réparer ses affaires, à les régler une dernière fois et à les remettre sur un pied suffisant, il se retirait en prudent et en sage sur un dernier bon semblant de fortune, sur un succès modeste, sans pousser plus avant les chances, sans trop demander au sort, et, sans se soucier d’ailleurs des discours et propos, mêlés de sourire, qu’en tiendraient immanquablement entre eux les ennemis et les jaloux.

761. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Aimer Molière, c’est être guéri à jamais, je ne parle pas de la basse et infâme hypocrisie, mais du fanatisme, de l’intolérance et de la dureté en ce genre, de ce qui fait anathématiser et maudire ; c’est apporter un correctif à l’admiration même pour Bossuet et pour tous ceux qui, à son image, triomphent, ne fut-ce qu’en paroles, de leur ennemi mort ou mourant ; qui usurpent je ne sais quel langage sacré et se supposent involontairement, le tonnerre en main, au lieu et place du Très Haut. […] Celui qui aime passionnément Corneille peut n’être pas ennemi d’un peu de jactance.

762. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

la belle arme aux mains des ennemis ! […] Mais si l’infortune opiniâtre attache à tes pas quelque ennemi, ne souffre point qu’une main mercenaire se lève sur toi ; meurs libre comme tu sus vivre, et que ce généreux courage qui fait ma justification l’achève par ton dernier acte. » Mme Roland dans sa prison lisait beaucoup Tacite et cherchait à se pénétrer de sa forme : on s’en aperçoit à la condensation et à l’obscurité de la dernière phrase. — Cette apostrophe à la Caton, cette tirade à la Sénèque ou à la Lucain, très raturée dans le manuscrit, a été reconquise par le présent éditeur.

763. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Un homme qui n’est pas suspect quand il s’agit de juger les femmes célèbres, qui ne les aimait ni savantes, ni politiques, ni philosophes, et qui n’a jamais pu pardonner à Mme de Staël une certaine affectation de sentimentalité et une teinte de métaphysique, Fontanes, ennemi d’ailleurs de la Révolution et des révolutionnaires, écrivait dans un journal, le Mémorial, à l’occasion d’une Histoire du Siège de Lyon qui venait de paraître (1797) : « L’auteur dévoile très bien les intrigues assez basses du ministre Roland qui réunissait à quelques connaissances un orgueil sans bornes et un pédantisme insupportable ; mais il paraît injuste envers Mme Roland. […] En lisant les Mémoires de Mme Roland, on aperçoit l’actrice qui travaille pour la scène et qui noie dans une foule de puérilités l’apologie de ses amis et la satire de ses ennemis : toutes les figures y sont peintes en buste et le plus souvent par le pinceau des passions.

764. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Dans les vives polémiques qui s’engagèrent, les partisans du nouveau genre et ses ennemis ne le comparaient pas ordinairement à la comédie pure, mais à la tragédie : de La Chaussée à Beaumarchais, le grand argument qu’on fait valoir en sa faveur, c’est qu’il est plus vrai, et plus moral que la tragédie, parce qu’il peint des personnages pareils à nous, dans des situations pareilles à celles où nous nous trouvons tous les jours. […] Diderot est indépendant, chercheur ; il n’est pas de parti pris ennemi du classique.

765. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Michelet prophète de la démocratie, ennemi des rois et des prêtres : influence de ses passions sur son histoire. […] Il en fait la légende plutôt que l’histoire, malgré ses très sérieuses recherches : maudissant, invectivant, embrassant, bénissant, dressant au-dessus de tous ses ennemis, amis et serviteurs, la sainte figure du peuple, du peuple idéal, terrible, fécond et généreux comme la Nature, toujours grand et toujours pur, quoi qu’il fasse.

766. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Mais son esprit caustique lui fit des ennemis. […] Mais c’est une ville profane, où il y a plus d’infidèles que de croyants ; ce serait se mettre au milieu de ses ennemis.

767. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Les poètes de cour, les rivaux et ennemis littéraires de Ferdousi prétendirent que le succès de son ouvrage tenait à l’intérêt des sujets bien plutôt qu’au talent de l’auteur. […] Roustem, déguisé en Turc, s’introduit dans un château qu’occupe l’ennemi, pour juger de tout par lui-même.

768. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Il expliquera avec la même netteté et la même franchise les motifs qui lui firent prendre les devants sur ses ennemis au début de la guerre de Sept Ans, et qui le décidèrent à paraître agresseur sans l’être. […] En parlant des autres, même de ses plus grands ennemis, il est juste.

769. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Établissant des degrés dans le mal et dans la calamité publique : La paix vaut mieux que la guerre, dit-il ; la guerre qui est faite contre l’ennemi étranger est beaucoup plus tolérable que l’autre qui se fait de citoyen à citoyen : mais, entre les guerres civiles, il n’y en a point de si aiguë, et qui apporte tant de maux, que celle qui est entreprise pour la religion… Il y a deux grands camps par la France… Il revient en maint endroit sur cette idée que, de toutes les guerres, il n’en est de pire que celle qui se fait sous voile de religion. […] » C’est ainsi que parlaient de la royauté, dans le péril et en face de l’ennemi, ceux qui lui résistaient en face à elle-même.

770. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Je me prends fermement au plus sain des partis, mais je n’affecte pas qu’on me remarque spécialement ennemi des autres. […] Cependant les choses se gâtent de plus en plus ; la guerre civile s’engage ; des partis amis ou ennemis (il n’y a pas grande différence) infestent le pays.

771. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

À toutes les pages de ses Mémoires, il se montre l’ennemi de ce gouvernement qu’il appelle le règne par soi-même et qui est la seule ressource que les fautes et les malheurs de plusieurs générations laissent à un peuple. […] Il est évident que les Mémoires devenaient alors pour lui ce que le poème de l’Enfer fut pour Dante qui, dit-on, y mit ses ennemis.

772. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

C’est un vainqueur qui, sur ses ennemis tombés, étale la pourpre éclatante de son manteau. […] Par religion et par inclination, il était l’ennemi de Cabanis et de Saint-Lambert.

773. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Pour elle, la gloire la plus grande, la plus éclatante récompense, c’est de gagner une bataille sans l’avoir cherchée, c’est d’abattre un ennemi sans l’avoir provoqué. […] Le roi se trouve en face de don Juan, d’un ennemi libre et qu’il avait enchaîné ; il ne pense pas à l’intervention de son père ; il épargne son ennemi et l’abandonne à Charles-Quint, quand il aurait pu se venger personnellement, et sans autre dépense qu’un signe de tête. […] Son bras serait assez fort pour terrasser l’ennemi ; mais il vaut mieux le prévenir par la ruse et ménager le sang de l’armée. […] Mais ne devrait-il pas découvrir tout d’abord la face de son ennemi pour lui cracher au visage ? […] Le séjour des armées ennemies prépara l’échange des littératures ; les livres de Berlin et de Londres devinrent populaires dans les salons de Paris.

774. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

Leurs amis les célèbrent sur tous les tons, leurs ennemis les injurient au besoin.

775. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Les temps sont changés ; ils vont en détail et font entrer l’ennemi dans la place par petites bandes.

776. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Il vous sera permis de dire alors que rien d’incompatible avec le plus scrupuleux sentiment de notre dignité ne trouverait une excuse dans l’or reçu en échange ; mais vous saurez aussi que des richesses loyalement acquises seraient d’un grand prix, et vous laisserez la prétention de mépriser les biens à ceux qui, ne pouvant s’en détacher, s’irritent contre une sorte d’ennemi toujours victorieux. » Voilà le cri à demi étouffé d’une nature haute que la pauvreté comprime : mais, cela dit, il faut se taire.

777. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

778. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Alors il va guetter son ennemi au bord d’un canal, le provoque de nouveau et, comme il refuse de se battre, le fait, d’un vigoureux coup de poing, rouler dans l’eau profonde.

779. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

Louis XIV, roi à l’âge de 5 ans, sous la régence d’Anne d’Autriche sa mère, assistée du cardinal de Mazarin, avait passé l’intervalle de 1643 à 1648, époque de sa minorité, à écouter chaque jour le récit des victoires que le prince de Condé, âgé seulement de 22 ans, remportait sur les ennemis de la France.

780. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

Quand nous disons Poésie, nous ne prétendons pas la réduire à la simple versification : on sait en particulier que Mallebranche n’a fait que deux vers en sa vie, qui l’ont même rendu ridicule : nous parlons de cette Poésie, qui bien loin d’être ennemie de la prose, en est l’ame & l’ornement.

781. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Ses ennemis prétendent que, pour échapper au supplice, il chargea sa mère, & rejetta sur elle tous les complots.

782. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

L’élégance de ses mœurs, ses belles manières, son goût pour la société, et surtout son humanité, l’auraient vraisemblablement rendu un des plus grands ennemis du régime révolutionnaire.

783. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Ce sont ces excès qui ont donné tant d’avantages aux ennemis des sciences, et qui ont fait naître les éloquentes déclamations de Rousseau et de ses sectateurs.

784. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Qu’importe cependant qu’il soit mauvais père, mauvais époux, ami suspect, dangereux ennemi, méchant homme ?

785. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

De là sont nées les extravagances de tant d’amans dont la plûpart n’étoient point amoureux ; les uns se sont fait assommer en écrivant le nom des belles qu’ils pensoient aimer sur les murailles des villes assiegées ; d’autres sont allez de vie à trepas pour avoir voulu rompre dans les portes d’une ville ennemie leur lance enrichie des livrées d’une maîtresse qu’ils n’aimoient point, ou qu’ils n’aimoient gueres.

786. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Quoique les armées grecques et romaines marchassent avec plus de celerité que les nôtres, il est toujours vrai qu’il n’y a point de troupes qui puissent durant trois mois, et sans jamais sejourner, faire chaque jour près de huit lieuës, sur tout en passant par des païs difficiles et ennemis, ou du moins suspects, tels qu’étoient la plûpart des païs que Mithridate avoit à traverser.

787. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

Comme il avoit découvert que le quartier d’assemblée des romains, en cas d’allarme imprevûë, étoit le théatre de la ville, il y fit sonner le même air que les romains faisoient sonner pour s’assembler : mais les soldats de la garnison reconnurent bien-tôt à la mauvaise maniere avec laquelle la trompette étoit embouchée, que ce n’étoit pas un romain qui en sonnoit, et se doutant bien de la ruse de l’ennemi, ils se refugierent dans la forteresse, au lieu de se rendre sur la place d’armes.

788. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Catholique d’intelligence, de sentiment, et nous dirons même de préoccupation, voyant tout à travers le catholicisme parce que le catholicisme c’est tout, même pour ses ennemis, depuis qu’il est né dans le monde et dans l’histoire, écrivain de discussion et d’apologie, Nicolas a dévoué sa pensée à l’avancement incessant, mais combattu, de l’Éternelle Vérité.

789. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Leurs ennemis auraient voulu apparemment anéantir ces deux noms, et défendre même à la postérité de s’en souvenir ; mais ces efforts ne servirent qu’à prouver l’impuissance de la haine.

790. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Il y connut deux poëtes, Simonide et Bacchylide, le premier plus âgé que lui, l’autre plus jeune, et son concurrent trop inférieur pour n’être pas son ennemi.

791. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Elle se débat dans le vide, plutôt qu’elle ne combat en ennemie la vérité. […] Or, écoutons maintenant nos modernes ennemis de la société. […] La société m’a traité en ennemi, j’ai traité la société en ennemie. […] Le jour où nous sommes nés, vous riche et moi pauvre, nous étions ennemis. […] Le jour où ils sont nés, ils étaient ennemis, ennemis par la force des choses, ennemis par la volonté de la loi sociale.

792. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

De mon temps on l’eût fusillé… S’entendre avec l’ennemi ! […] ma plaisanterie m’a valu un ennemi, car mon interlocuteur était un candidat futur. […] Les ennemis de nos ennemis sont nos amis, tel a été le cri de ralliement de ceux qui se sont groupés autour de M.  […] Ajoutons qu’il n’est jamais sage, si fort qu’on soit, de se faire des ennemis éternels, or la jeunesse ne meurt pas. […] Veuillot est moins un adversaire qu’un ennemi personnel, un ennemi qui a parfois de fort mauvaises façons.

793. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Le saint-père avait des moyens sûrs de se défaire de ses ennemis. […] Ses ennemis l’ont emmené prisonnier dans une île de la mer… La paix est faite. […] C’est donc qu’elle était moins méchante que n’ont dit ses ennemis. […] après son ennemi, s’ils l’eussent rencontré dans les rues. […] Mais, sans nous l’avouer à nous-mêmes, nous avons grand’peine à rendre justice à nos ennemis.

794. (1899) Arabesques pp. 1-223

Bien qu’ennemi, en principe, des embrigadements sous étiquette, j’ai applaudi à ce mouvement ; j’ai cru qu’il serait fécond, — et je ne cesse pas de le croire. […] Les deux écoles divergent quant à la doctrine et, surtout, quant à la technique… Et pourtant, elles sont sœurs — sœurs ennemies, si l’on veut. […] ce n’est pas la Sphynge, ni l’ennemi démoniaque, ni la Dégoûtante que les Huysmans veulent dépiauter et que les saint Augustin maudissent. […] ces chimériques, ces fous, ces « ennemis du peuple » ont trouvé un disciple inattendu. […] à l’ennemi. » Les Suceurs étrangers haranguent de même leurs victimes.

795. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

ce n’est pas là que sont les ennemis. […] & vos amis seroient d’avis que vous fissiez de votre bon gré ce que le plus grand effort de vos ennemis ne sauroit vous contraindre de faire ? […] C’est un juste éloge dans un général qui marche avec fierté à l’ennemi. […] La hauteur avec laquelle Louis XIV. traita quelquefois ses ennemis, est d’un autre genre, & moins sublime. […] On voit par l’étendue de ses états quel est le tort des déclamateurs en vers & en prose, de traiter de fou Alexandre, vengeur de la Grece, pour avoir subjugué l’empire de l’ennemi des Grecs.

796. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Comment ne vit-il pas qu’un tel édifice ne résisterait pas à une secousse, et que le choc d’un ennemi puissant devait nécessairement le faire crouler ?  […] La résolution fixe de l’aristocratie prussienne de vaincre la révolution française a eu ainsi deux phases distinctes, l’une de 1792 à 1815, l’autre de 1848 à 1871, toutes deux victorieuses, et il en sera probablement encore ainsi à l’avenir, à moins que la révolution ne s’empare de son ennemi lui-même, ce à quoi l’annexion de l’Allemagne à la Prusse fournira de grandes facilites, mais non encore pour un avenir immédiat. […] Un peuple sans nobles est au moment du danger un troupeau de pauvres affolés, vaincu d’avance par un ennemi organisé. […] Nos ennemis peuvent être rassurés si le Français, pour reprendre sa place, doit préalablement devenir un Poméranien ou un Diethmarse. […] Le jour où l’humanité deviendrait un grand empire romain pacifie et n’ayant plus d’ennemis extérieurs serait le jour où la moralité et l’intelligence courraient les plus grands dangers.

797. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il ne se fera point d’alliés, et s’attirera deux ennemis. […] Il exploite ses gens et sa famille, ses amis et ses ennemis. […] La haine de ses ennemis croissait avec leur impuissance. […] Ils voyaient grandir la ville naissante, et se trouvaient battus aux élections par le vote compact de leurs ennemis. […] Tel est le profit de ces sortes d’actions : on y gagne pour soi le nom d’assassin, et pour son ennemi le nom de martyr.

/ 1897