Pour nous, la question se pose autrement ; il s’agit simplement de savoir si, pendant les rêves, cet état de monoïdéisme relatif se constitue. Il est certain que souvent une sensation, une image, devient prédominante dans cette série d’états de conscience qui se déroulent, pendant les rêves, d’un cours rapide et désordonné. […] Telles sont les solutions de problèmes, les découvertes scientifiques, les inventions artistiques ou mécaniques, les combinaisons ingénieuses qui se sont révélées en rêve. […] Parfois l’absurdité de certains rêves nous révolte ; nous nous appliquons à en faire ressortir pour nous-même les contradictions. […] Maury, le Sommeil et les Rêves, p. 235.
J’en serre l’annulaire avec frénésie, je fais et refais des révérences, j’en sue le jour, j’en rêve la nuit ! […] Cela résume tout son bonheur, tout son rêve. […] Il eut aussi un rêve de grandeur française qui ne fut pas d’un esprit sain, mais qui ne fut pas non plus d’un esprit médiocre. […] Elle tomba dans un demi-sommeil, dans un engourdissement qui la laissa flottante entre le rêve et la réalité. […] L’idée de cette mort, qui m’avait tant de fois fait frémir quand nous la possédions, me parut un rêve quand elle fut arrivée.
Espérons toujours, il n’y a que cela qui nous soutienne ; car, pour mes pauvres jambes, elles ne me soutiendront bientôt plus : je suis tellement habitué à les remuer, que, même en rêve, je marche. […] Malgré tout, et quoique Milianah devienne par moments centre d’opérations, Saint-Arnaud trouve qu’on n’en fait pas assez, que l’Afrique se gâte ; les succès même acquis et obtenus nuisent désormais aux belles occasions : « Alors (en 1840 et 1841) on faisait de l’éclatant, aujourd’hui on fait du pénible, du fatigant, du méritant. » Son vœu et son rêve est toujours une grande guerre en Europe. […] Son rêve ici lui ouvre par avance l’avenir, et cette belle et bonne bataille où il verra, non pas cinquante mille, mais plus de cent mille hommes engagés, et où il commandera en chef, aura nom l’Alma.
Ainsi, à un autre endroit, il prolongera dans le sable fin et mobile de la plage les ondulations vagues qui bercent la voiture et le rêve d’Antonia175. […] A la date du 8 juin, je note un doux projet d’Éden, un rêve adolescent de chaumière ; et puis (8 mai) l’ascension à la Dôle, le Chalet des Faucilles, ce joli nid à romans qu’on appelle pays de Vaud, et l’éblouissante splendeur des monts d’au-delà, de laquelle on peut rapprocher encore, dans la nouvelle d’Amélie, la plus flottante description de brume automnale et matinale au bord du lac de Neuchâtel ; car c’est le triomphe de cette plume amusée d’avoir à dérouler ainsi des réseaux tour à tour scintillants ou Vaporeux. […] Mais, avant tout, un dégoût bien vrai de la gloire, un pur amour du rêve y respiraient : Loué soit Dieu !
elle fut la femme rayonnante et attrayante ; elle fut la Vénus sans ciel, la Cléopâtre sans couronne, la Fornarina sans faute, la Béatrice sans rêve, la Laure sans platonisme mystique, la lady Hamilton sans vices, la Guicioli sans larmes, hélas ! […] Le lendemain, baignée de larmes, je venais de franchir la porte que je me souvenais à peine d’avoir vue s’ouvrir pour me laisser entrer ; je me trouvai dans une voiture avec ma tante, et nous partîmes pour Paris. — Je quitte à regret une époque si calme et si pure pour entrer dans celle des agitations ; elle me revient quelquefois comme dans un vague et doux rêve, avec ses nuages d’encens, ses cérémonies infinies, ses processions dans les jardins, ses chants et ses fleurs. […] Ne fût-ce que comme la belle image d’un beau rêve, on aime à rêver.
Toute argutie d’école, toute controverse religieuse écartée, il n’y a au fond que deux philosophies dans le monde : la philosophie du plaisir, ou la philosophie de la douleur ; la philosophie des rêves, ou la philosophie réelle. […] Voilà la philosophie de la réalité, en opposition avec la philosophie des rêves. […] Est-ce la philosophie de Platon, qui rêve inutilement pour la vertu des idéalités à deux faces, l’une faite pour les anges, l’autre pour les démons ?
ne sont rien à ses yeux Qu’un fantôme impuissant que l’erreur fait éclore, Rêves plus ou moins purs qu’un vain délire adore, Et dont par ses clartés la superbe oraison, Siècle après siècle, enfin délivre l’horizon. […] S’immoler sans espoir pour l’homme qu’on méprise, Sacrifier son or, ses voluptés, ses jours, À ce rêve trompeur… mais qui trompe toujours ; À cette liberté que l’homme qui l’adore Ne rachète un moment que pour la vendre encore ; Venger le nom chrétien du long oubli des rois ; Mourir en combattant pour l’ombre d’une croix, Et n’attendre pour prix, pour couronne et pour gloire Qu’un regard de ce Juge en qui l’on voudrait croire Est-ce assez de vertu pour mériter ce nom ? […] sachons enfin si c’est un rêve ou non !
C’est là un rêve de philosophes et ce rêve n’est pas toujours bien attrayant si nous nous reportons à celui que Renan a exposé dans ses Dialogues philosophiques. […] * * * Tous ces motifs de découragement se résument dans la constatation que la société est loin de réaliser le rêve des hommes supérieurs.
Que de beaux rêves ne faisais-je pas, la nuit, sur mon oreiller, quand j’avais déposé la plume après une scène dont les vers sonores retentissaient après coup dans ma mémoire ! […] Elle souriait à demi, mais sans malice, en me regardant : on voyait qu’elle était habituée à introduire bien des rêves et à éconduire bien des illusions. […] Je préférais, comme je préfère encore, la pensée réalisée en action à des rêves flottants sur des pages !
Tant qu’il eut un reste de jeunesse pourtant, il était mélancolique ; il se plaint de vapeurs ; il a des rêves de roman et des soupirs d’ambition. […] Il semble y rêver pour la France dans un avenir idéal le gouvernement et le régime anglais, moins les passions et la corruption ; il se prononce contre les conquêtes et n’admet la guerre que dans les cas de nécessité ; il a, sur la milice provinciale, sur la liberté individuelle, sur le droit de paix et de guerre déféré aux assemblées, sur un ordre de chevalerie accordé au mérite seulement, et à la fois militaire et civil, sur l’unité du Code et celle des poids et mesures, sur le divorce, enfin sur toutes les branches de législation ou de police, toutes sortes de vues et d’aperçus qui, venus plus tard, seraient des hardiesses, et qui n’étaient encore alors que ce qu’on appelait les rêves d’un citoyen éclairé ; il est évident que M. de Lassay, s’il avait pu assister soixante ans plus tard à l’ouverture de l’Assemblée constituante, aurait été, au moins dans les premiers jours, de la minorité de la noblesse.
Mais je ne parle que pour moi à qui, dans mes rêves d’amour-propre, la distinction et la considération suffisent. […] Il n’avait cessé de songer à cette idée principale et maîtresse dont il pourrait se faire le chef auprès des générations nouvelles, et qu’il pourrait inscrire sur son drapeau : « Mon plus beau rêve en entrant dans la vie politique, écrivait-il à son frère, homme monarchique et catholique, était de contribuer à la réconciliation de l’esprit de liberté et de l’esprit de religion, de la société nouvelle et du Clergé. » Mais cette réconciliation s’en alla en fumée avant qu’il eût pu en rallier les éléments et en formuler la doctrine.
Il flotte de projets en projets : tantôt il voudrait attirer son frère à Paris pour y fonder en commun avec lui quelque journal ou revue ; tantôt il rêve de se retirer avec lui à La Chesnaie, et là de se livrer uniquement à la composition d’une Histoire ecclésiastique dont il a le plan en tête, « ouvrage de toute une vie » ; tantôt il n’ambitionne que de finir un autre ouvrage projeté ou même commencé, l’Esprit du Christianisme : « Ce serait un bel ouvrage, écrit-il de Paris (5 novembre 1814). […] » En attendant qu’il réalise son rêve de solitude, il est tellement violent et injurieux pour le clergé de son temps, qu’on ne saurait le citer avec convenance.
Il avait un parrain, l’abbé de Châteauneuf, qui réalisa ses premiers rêves : par lui, tout enfant, Voltaire entrevit Ninon, qui s’intéressa, dit-on, à ce spirituel gamin et lui légua de quoi acheter des livres. […] Au milieu des embarras d’un nouveau règne, un des premiers soins de Frédéric fut de voir Voltaire ; un de ses rêves les plus ardents d’ambition fut de l’avoir près de lui, à lui.
… Ses caresses me désolent ; ses beaux rêves, ont elle me parle sans cesse et que je n’ai pas le courage de contredire, me navrent le cœur. […] que j’en voulais à ma raison de m’avoir ravi mes rêves !
Chaque nuit, l’insomnie la retournait sur sa couche hantée par les rêves ; le roi d’un moucheron la redressait en sursaut. […] Cependant Clytemnestre invite la captive à entrer dans le palais avec elle ; Cassandre ne répond pas et semble absorbée dans la stupeur d’un grand rêve. — « Elle a l’air — dit le Chœur — d’une bête fauve qu’on vient de prendre. » La reine s’impatiente et insiste : — « Ta langue est-elle donc celle de l’hirondelle, étrangère, inintelligible ?
Il y a là l’élégie royale dans toute sa gloire, puis, tout à côté, le mystère d’un réduit riant et studieux couronné de rameaux, et propice au rêve du poète, au rêve de l’amant.
Cependant un rêve de cette nature semble plus conforme encore au tempérament des noirs qu’à celui de l’Indo-Européen65. […] Quant à celle de Marama (Le sounkala de Marama) c’est une vision de rêve et non pas un revenant réel.
Que cherche donc, que rêve donc M. […] Leur existence étrange est le réel du rêve !
Compléter un souvenir par des détails plus personnels ne consiste pas du tout à juxtaposer mécaniquement des souvenirs à ce souvenir, mais à se transporter sur un plan de conscience plus étendu, à s’éloigner de l’action dans la direction du rêve. […] Mais pour comprendre le mécanisme de ces associations et surtout la sélection en apparence capricieuse qu’elles opèrent entre les souvenirs, il faut se placer tour à tour sur ces deux plans extrêmes que nous avons appelés le plan de l’action et le plan du rêve.
Ce jeune Shelley, mélancolique ennemi d’une société où il était né heureux et riche, et où il vivait libre, ce poëte sceptique qui, sur le registre des moines hospitaliers du mont Saint-Bernard inscrivait ironiquement son nom de visiteur, en y ajoutant l’épithète Ἄθεος, dans son rêve du passé et sa folle anticipation de l’avenir, faisait, sous le titre antique de Promet fiée délivré, une sorte de dithyrambe pour l’âge de raison de Thomas Payne, vaine tentative méditée par des esprits faux, dès l’abord noyée dans le sang par des furieux, stérilement reprise par des plagiaires insensés, et dont l’apparente menace ne sert qu’au pouvoir absolu, qu’elle arme d’un prétexte étayé sur la peur publique ! […] Mais toi qui fais si bien résonner sur la lyre les doux sons du printemps, commence pour nous des anapestes : « Ô vous, hommes, plongés dans les ténèbres de la vie, semblables à une génération de feuilles, êtres imbéciles, fange animée, foule insaisissable et pareille à une ombre, êtres éphémères sans plumes, misérables mortels, hommes qui ressemblez à des rêves, songez à nous, race immortelle, à nous, vivant toujours dans notre vie aérienne, exempte de vieillesse, contemplateurs des choses éternelles : et, de la sorte, ayant une fois appris de nous la vérité sur le monde céleste, connaissant à fond par moi l’essence des oiseaux, la filiation des dieux et des fleuves, de l’Érèbe et du Chaos, vous direz de ma part à Prodicus de désespérer du reste.
Il est curieux et profitable pour nous et les jeunes hommes de notre bord, qui n’avons rien senti de cela, mais qui avons passé également par nos rêves, d’étudier ce côté nouveau, primitivement inhérent à des convictions adverses qui sont en train de nous revenir aujourd’hui.
Quand je suis seul et que je souffre, dans ma chambre, près d’un livre que je ne lis pas, je rêve sans trop presser mes pensées, je me résigne, je jouis d’une tristesse sévère ; et à ma porte, sans avoir frappé, se présentent debout ces deux hôtesses silencieuses, la Philosophie et la Nécessité, belles encore dans leur attitude auguste, — mais combien différentes de ce que me furent autrefois ces deux jeunes déesses, la Grâce et le Désir !
Je crois que l’artiste ne peut trouver dans la nature tous ses types, mais que les plus remarquables lui sont révélés dans son âme comme la symbolique innée d’idées, et au même instant. » Et il ajoute avec justesse que Decamps a le droit de répondre au critique qu’il a été, en peignant, fidèle à la vérité fantastique, à l’intention d’un rêve, à la vision nocturne de ces figures sombres courant sur un fond clair.
Ce n’était plus dans une fermentation lente et obscure qu’on pouvait couver au fond de sa pensée un rêve d’organisation à venir ; on en était déjà à sentir le besoin de préciser les doctrines, et à prévoir le moment de les appliquer.
Or, 1º la personne d’Alfred de Musset remplit son théâtre : il est l’amant de Camille, le neveu de Van Buch ; il montre trop d’esprit et trop de son esprit, quand il dispute contre son oncle ; 2º il rêve, il fait de la fantaisie sur la scène, de même que dans ses Nuits ou dans Rolla ; qu’est-ce qu’une comédie qui s’ouvre par le chant d’un chœur : « Doucement bercé sur sa mule fringante, Messer Blazius s’avance dans les bluets fleuris1 ?
Désormais ses yeux sondent l’immensité des cieux mornes : Vers tes éternités mes yeux lèvent leurs flammes… Le farouche s’immobilise en des pensées pleureuses d’anciens rêves, et ce Faust dont chaque poème est un prestigieux monologue, incarne l’esprit d’un demi-siècle.
À rebours fut la solution imaginaire, le rêve quasi réalisé d’un intellect distingué et décadent, « écœuré de l’ignominieuse muflerie du présent siècle », d’un exceptionnel jeune homme moderne s’édifiant une vie insolemment factice, bâtissant hors du siècle, dont l’auteur étudie les dégénérescences et les interversions avec la sûreté d’un physiologiste devant un cas morbide.
Les environs, d’ailleurs, sont charmants, et nul endroit du monde ne fut si bien fait pour les rêves de l’absolu bonheur.
A qui n’est-il pas arrivé de localiser ses rêves de bonheur dans quelque coin de terre à peine entrevu, mais qui nous a paru, peut-être pour cela même, une réduction du Paradis terrestre ?
Même en sa jeunesse première, dans la gloire de sa beauté blonde, quand il portait fièrement la tête d’un Christ qui rêve d’être Madeleine : cet être à deux faces jouisseuses aima surtout les besognes crépusculaires et équivoques.
Se moquant également de l’usage reçu, de l’inutilité & des inconvéniens d’une trop grande innovation, & de l’habitude des yeux qu’un pareil changement blesse, il ne s’est embarrassé que d’établir ses idées singulières, de réaliser ses rêves sur le néographisme, de mettre un accord parfait entre l’orthographe, & la prononciation.
Un texte obscur est un miroir brouillé où chacun contemple le visage qu’il rêve d’avoir.
à quelle loi supérieure remontait-il pour reconnaître toujours, à coup sûr, la beauté dégradée de ce monde, cet art puisqu’il a parlé des choses de l’art encore plus que des choses littéraires — qui se rêve dans le cerveau grec, mais qui se sent dans le cœur chrétien ?
L’air flamboie et brûle sans haleine ; La terre est assoupie en son rêve de feu.
Heureux encor celui pour qui tu te prolonges, Ô sainte Illusion du rêve baptismal, Et qui, sous l’humble abri de son clocher natal, Vit et meurt dans la douce extase où tu le plonges.
L’auteur du Roman d’une conspiration n’a pas tiré de la foule de tous les conspirateurs qui mettent leur vie au jeu, et bravement l’y laissent, ce Goujet, et surtout ce Rochereuil, qu’il fallait marquer d’un signe à part, — comme ce Redgauntlet, par exemple, qui est aussi un conspirateur, et que le génie de Walter Scott a marqué, pour que l’imagination le revoie toujours dans ses rêves, de ce fer à cheval sur le front, signe du malheur de toute une race, qui perd toutes les causes pour lesquelles elle combat, sans que jamais son courage faiblisse sous le poids de cette sombre et désespérante fatalité !
Plus ne reviendront les rêves de ce temps, qu’il est doux d’évoquer. […] Le Nord travaille, il se peut ; le Midi rêve et pense. […] Le rêve était très loin de la réalité, — très loin au-dessous, il faut bien le dire. […] Quel odieux serpent, quel succube infernal Roula tes rêves blancs sous l’infâme caresse ? […] Seulement, comme tous les poètes, il est un sensitif qui se plaît à donner une forme artistique à ses impressions : un coin de nature, un tableau entrevu au Salon, un marbre, une page de poète étranger lui sont des sujets de rêve, et son rêve n’est jamais infécond.
Il est une disproportion ou une distance, un hiatus, entre ce qu’on voit et ce qu’on rêve. […] Moi, très féministe, comme on sait, je rêve un temps où les femmes seules « feront de la littérature ». […] Qu’est-ce que ce rêve puéril d’artiste ? […] Elle vit dans un rêve continu de beauté et de grandeur et d’immaculé. […] Et, bien entendu, Daudet rêve aussi de romans de mœurs contemporaines.
avec autant de légèreté que d’esprit, mais avec moins d’esprit que d’injustice, et sans une parcelle de cette sympathie dont il nous reproche de manquer quand nous parlons, nous, de la Terre ou du Rêve. […] C’en était fait de l’épicurisme élégant où son imagination délicate s’était complu jusqu’alors ; et c’en était fait de ce goût du romanesque et du rêve où l’on avait pu craindre qu’il ne s’attardât. […] La poésie peut-elle enchaîner la liberté de l’imagination et lier les ailes du rêve ? […] et sacrifiera-t-il son rêve à cette paternité ? […] Consentir à l’épouser, ce serait donc, pour essayer de ressaisir un rêve évanoui, se condamner tous les deux à une vie de souffrance.
C’est un mythe qui se retrouve ailleurs avec d’innombrables variantes, une des formes que la pauvre humanité a données à son éternel rêve de bonheur. […] Le rêve de volupté est devenu un mystère de perdition ; le sort du héros, qui remplissait d’enthousiasme et d’envie les auditeurs primitifs, est aux yeux des hommes du Moyen Âge un objet d’horreur et d’effroi, tout en gardant un périlleux attrait pour les âmes. […] Mais dans ce « paradis », dans cette « terre de la joie », dans ce « pays de l’éternelle jeunesse », il éprouve au bout de quelque temps la satiété de voluptés sans lutte, d’une vie sans activité et sans travail ; il ressent l’impérieuse nostalgie de la vraie vie humaine avec ses désirs rarement satisfaits, avec ses peines qui assaisonnent les joies, avec ses efforts qui donnent du prix aux résultats atteints… Ainsi ce bonheur parfait que l’âme humaine rêve toujours, elle a beau le construire librement d’après son rêve, dès qu’elle essaie de le réaliser, elle sent qu’elle ne saurait en jouir. […] C’est ainsi que les rêves des vieux âges, passant de lieux en lieux, et de générations en générations, se colorent des pensées changeantes des époques, des races et des patries qui se les transmettent. […] Le christianisme est venu : l’Église voit dans ce faux paradis un véritable enfer, et refuse d’absoudre le téméraire qui assure y avoir pénétré ; mais le peuple croit que Dieu aurait pardonné à celui qu’a égaré le rêve indomptable du bonheur.
C’est le rêve, le rêve étrange fourmillant de pensées profondes, la contemplation douloureuse de la destinée humaine, l’idée vague de la grande énigme, la réflexion tâtonnante qui, dans la noirceur des bois hérissés, à travers les emblèmes obscurs et les figures fantastiques, essaye de saisir la vérité et la justice. […] Dans la solitude des champs, aux longues veillées d’hiver, l’homme rêve ; bientôt il a peur et devient morne. […] Le long hiver boueux, la plainte du vent qui se lamente dans les poutres mal jointes du toit, la mélancolie du ciel incessamment noyé de pluies ou cerné de nuages, assombrissent encore le lugubre rêve. […] Les dialogues coulent de sa plume comme en un rêve. […] — Et je vis dans mon rêve que ces deux hommes arrivaient à la porte.
Béranger [1864] Aux époques vivaces où les rêves, les terreurs, les espérances, les passions vigoureuses des races jeunes et naïves jaillissent de toute part en légendes pleines d’amour ou de haine, d’exaltation mystique ou d’héroïsme, récits charmants ou terribles, joyeux comme l’éclat de rire de l’enfance, sombres comme une colère de barbare, et, flottant, sans formes précises, de génération en génération, d’âme en âme et de bouche en bouche ; dans ces temps de floraison merveilleuse de poésie primitive, il arrive que certains hommes, doués de facultés créatrices, vastes esprits venus pour s’assimiler les germes épars du génie commun, en font sortir des théogonies, des épopées, des drames, des chants lyriques impérissables. […] Aux époques lointaines où les rêves, les terreurs, les passions vigoureuses des races jeunes et naïves jaillissent confusément en légendes pleines d’amour et de haine, d’exaltation mystique ou héroïque, en récits terribles ou charmants, joyeux comme l’éclat de rire de l’enfance ou sombres comme une colère de barbare, et flottant, sans formes précises encore, de génération en génération, d’âme en âme et de bouche en bouche ; dans ces temps de floraison merveilleuse, des hommes symboliques sont créés par l’imagination de tout un peuple, vastes esprits où les germes épars du génie commun se réunissent et se condensent en théogonies et en épopées. […] Mais, si la Légende des Siècles, bien supérieure comme conception et comme exécution, est plutôt, çà et là, l’écho superbe de sentiments modernes attribués aux hommes des époques passées qu’une résurrection historique ou légendaire, il faut reconnaître que la foi déiste et spiritualiste de Victor Hugo, son attachement exclusif à certaines traditions, lui interdisaient d’accorder Une part égale aux diverses conceptions religieuses dont l’humanité a vécu, et qui, toutes, ont été vraies à leur heure, puisqu’elles étaient les formes idéales de ses rêves et de ses espérances. […] Il a été toute sa vie l’évocateur du rêve surnaturel et des visions apocalyptiques.
Delmare, se montrèrent de prime abord comme d’attachantes nouveautés qui réalisaient nos propres réminiscences, et que plus d’un profil entrevu, plus d’une aventure ébauchée, les situations qu’on rêve, celles qu’on regrette ou qu’on déplore, se ranimèrent pour nous et se composèrent à nos yeux dans un émouvant tableau, autour d’une romanesque, mais non pas imaginaire créature, alors on s’est laissé aller à aimer le livre, à en dévorer les pages, à en pardonner les imperfections, même les étranges invraisemblances vers la fin, et à le conseiller aux autres sur la foi de son impérieuse émotion : « Avez-vous lu Indiana ?
L’idée réelle de Lélia, avons-nous dit, est l’impuissance d’aimer et de croire, la stérilité précoce d’un cœur qui s’est usé dans les déceptions et dans les rêves.
Le tableau de l’élégiaque romain est touchant dans sa réalité, mais on sent aussitôt la différence : il y manque, pour égaler le rêve sicilien, je ne sais quoi d’un loisir tout facile, je ne sais quel horizon plus céleste.
Ce que je veux, c’est une femme toute jeune et toute naissante à la beauté ; je consulte mon rêve, je le presse, je le force à s’expliquer et à se définir : cette femme dont le fantôme agite l’approche de mon dernier printemps, est une toute jeune fille.
lui dit-elle tout d’abord, comme en continuant son rêve ; mais bientôt, à mesure que l’explication se déroule à ses yeux et que sa raison se ressaisit elle-même, elle recule peu à peu, elle regagne insensiblement le terrain qu’un instant de surprise lui avait fait perdre, elle finit par le congédier.
Enfin, un homme avait vu toutes les prospérités de la terre se réunir sur sa tête, la destinée humaine semblait s’être agrandie pour lui, et avoir emprunté quelque chose des rêves de l’imagination ; roi de vingt-cinq millions d’hommes, tous leurs moyens de bonheur étaient réunis dans ses mains pour valoir à lui seul la jouissance de les dispenser de nouveau ; né dans cette éclatante situation, son âme s’était formée pour la félicité, et le hasard qui, depuis tant de siècles, avait pris en faveur de sa race un caractère d’immutabilité, n’offrait à sa pensée aucune chance de revers, n’avait pas même exercé sa réflexion sur la possibilité de la douleur ; étranger au sentiment du remord, puisque dans sa conscience il se croyait vertueux, il n’avait éprouvé que des impressions paisibles.
S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !
maison à porte close Ouverte sur mon rêve d’or.
Il était évident que son cœur était assez rempli d’un rêve pour ne pas sentir le vide de toute affection domestique. […] Une silencieuse contemplation qui flotte sur tout, qui ne s’attache à rien, s’empare de vous, semblable à un sommeil imparfait où l’on se sent rêver, mais où on sait qu’on rêve. […] Et si vous doutez de son talent, regardez sa vie et regardez sa mort ; il a vécu de ses rêves, il a peint du sang de son cœur, il est mort de son génie.
Il ne flatte pas le rêve, mais il écoute l’homme. […] Le rêve eut un triste réveil. […] La conquête et l’unification par le Piémont n’est qu’un rêve.
Le ciel d’Italie a des rayons qui font fleurir deux fois les femmes comme les citronniers de cette terre ; elles ont autant de printemps que d’années, jusqu’à l’âge où il n’y a plus de printemps que dans le ciel ; c’est alors qu’elles disparaissent du monde et qu’on ne revoit plus leurs charmants fantômes que dans les corridors des monastères ou sous les colonnades de leurs églises ; de là leurs rêves montent pieusement au paradis, qui n’est encore pour elles qu’une dernière floraison de leur éternelle jeunesse. […] Sa charmante mère était moins émue, mais pas moins charmée ; elle recueillait son plaisir intérieur sous ses longs cils fermés sur ses yeux ; mais, pendant que le haut du visage gardait ainsi la gravité de l’attention, ses lèvres souriaient par moments comme en rêve. […] Il faut vous laisser ces charmants bocages et ces charmants fantômes dans l’imagination pour enchanter cette nuit vos rêves de quinze ans !
J’ai fait de beaux rêves à ce sujet, je te les dirai peut-être. […] Puis la lecture, les conversations, un peu la parure, les rêves, les beaux rêves !
X Le conscrit, devenu un brave soldat, est blessé à Leipzig ; il passe la nuit dans un fossé de la route, il rêve à sa situation, il voit dans son délire Catherine, sa tante Grédel, le bon Goulden. […] Il me semble bien avoir entendu depuis comme un roulement d’orage, des cris, des commandements, et même avoir vu défiler dans le ciel la cime de grands sapins au milieu de la nuit ; mais tout cela pour moi n’est qu’un rêve. […] pourvu que ceci ne soit pas un rêve !
Car la Divinité ne permet pas que d’autres qu’elle se glorifient. » Xerxès hésitait entre les deux avis, un rêve intervint et le décida. […] Son interprétation clairvoyante faisait d’un esclave un vizir, comme il arriva pour Joseph expliquant à Pharaon son rêve des vaches grasses et des vaches maigres. […] L’hypothèse prend le vol du rêve pour sonder le vide qu’aurait creusé dans le monde la disparition de la Grèce.
Moi, le matin, ce qui m’éveille, c’est que je rêve que j’ai faim. […] Pauvre salle de spectacle, où jamais comédie ne fut jouée, et qui pourtant, s’élevant de terre et se parant de sculptures, dut prendre tant de place dans les rêves du bâtisseur de cette maison au temps jadis. […] 20 août Me voilà en plein rêve de bien des gens, à la campagne, de l’argent dans ma poche, avec une femme bon garçon, vieille amie qui me raconte ses amants ; libres tous les deux, n’ayant à craindre l’amour ni l’un ni l’autre, et bien à l’aise.
Pas de distraction pour nous enlever à notre état malingre, au tourment de notre santé, comme ces hautes élévations de la science, ces hypothèses médicales, ces rêves dans l’inconnu de la vie, et qui nous apportent les oublis et les étourdissements que donnent aux autres les enivrements d’une fête du monde, d’un bal, d’un spectacle. […] » * * * — Les tapisseries, c’est mieux que les peintures ; elles me semblent en être le rêve. […] Ses gestes sont des gestes de rêve, et ses lèvres très souvent oublient de boire au verre, qui touche ses dents… On dirait que c’est un chef-d’œuvre du chagrin !
En exil, pour plaire à son entourage, il pérora sur la liberté de la presse, de la parole et bien d’autres libertés encore ; cependant il ne détestait rien plus que cette liberté, qui permet « aux démagogues forcenés, de semer dans l´âme du peuple des rêves insensés, des théories perfides… et des idées de révolte ». […] Jeté à bas de ses rêves ambitieux et enfiévré par l’attente incessante de la chute immédiate de Napoléon III, Hugo pour la première et l’unique fois de sa vie lâche la bride aux passions turbulentes qui angoissaient son cœur. […] Les Diderot, les Voltaire, les Rousseau, les D’Alemberte et les Condillac du xviiie siècle l’avaient trop fait penser pour qu’elle ne désirât se reposer et goûter sans cassements de tête une douce philosophie et une sentimentale poésie, qui ne devaient plus mettre en jeu l’intelligence, mais amuser le lecteur, le transporter dans les nuages et le pays des rêves, et charmer ses yeux par la beauté et la hardiesse des images, et ses oreilles par la pompe et l’harmonie des périodes.
» Puis de ce mouvement de colère il retombe, comme retombe la nature, dans une langueur de tristesse ; et il se rappelle les rêves de félicité qu’il faisait dans sa jeunesse. […] Si son sort est rude et intolérable, il ne sent l’existence que par la douleur, et regrette le néant, où il dormait du moins sans rêve. […] S’il se désintéresse de lui-même pour se dévouer, en vue de Dieu, à l’amélioration de sa race, au progrès de la raison et des institutions humaines, il a la dérision ou le martyre pour récompense ; il s’aperçoit que les hommes, formés, depuis le premier jour jusqu’au dernier, de la même fange, changent de forme sans changer de nature ; qu’on peut les pétrir différemment de limon, mais jamais transformer ce limon en bronze ; que le progrès indéfini sur cette terre est le rêve de l’argile qui veut être Dieu et qui ne sera jamais que poussière.
« “Une étroite lucarne à travers les murailles de la tour de la Faim, qui a reçu son nom de moi, et qui se referma encore sur tant d’autres, m’avait déjà laissé entrevoir plusieurs fois la clarté du jour par ses fissures, quand je fis un rêve qui déchira pour moi le voile de l’avenir.” » Ugolino raconte ici son rêve, qui n’est qu’une allusion symbolique aux partis qui se combattaient entre Lucques, Pise et Florence. […] Mais déjà l’amour, qui donne le mouvement au soleil et aux étoiles, tournait mon désir et mon velle (ma volonté) comme une roue qui circule sous une impulsion universelle. » XXVI Et ainsi finit par ce dernier vers le triple poème, comme le rêve d’un théologien qui s’est endormi dans un cloître aux fumées de l’encens et aux chants du chœur, et à qui son imagination représente en songe les images incohérentes des tableaux de sacristie qu’il regardait sur les murailles en s’endormant.
Le livre qu’il publie aujourd’hui est le reflet poétique de la vie sage et voluptueuse qu’il mène, — existence paisible, soutenue par une nature robuste et saine, embellie par les rêves d’une âme lyrique, que pénètrent la suavité du ciel provençal et la splendeur de sa lumière, qu’exalte et que contient la sévère beauté des grands paysages classiques de la Méditerranée. […] Le rêve napoléonien hante la cervelle des boutiquiers de Londres, et le commis voyageur allemand qui colporte sa camelote à travers les deux hémisphères est convaincu qu’il travaille pour la plus grande gloire de l’Empire. […] Ce rustre qui passe, le fouet sur l’épaule, en suivant son chariot, porte peut-être en lui une âme de maître, et, s’il ne rêve encore que l’aisance ou la fortune, peut-être que ses arrière-neveux rêveront l’Empire.
Il n’a rien renoncé du rêve de sa jeunesse et garde ses chimères : il ne consent pas qu’elles soient des chimères, et dangereuses. […] Cela posé, Paul Adam constate que son rêve ne s’est jamais réalisé. […] Tito Bassi est un garçon qui se rêve une destinée, qui en accomplit une autre. […] une science vaine, pas un rêve, pas une de ces idées qui aident à vivre et pour lesquelles on meurt ! […] Son rêve serait, semble-t-il, de n’être pas un littérateur ou de réduire à ne se pas voir et à ne pas nuire le cachet que la littérature ajoute à ce qu’elle touche.
La nature aime, rêve ou s’enfièvre. […] Ô rêve de beauté sous de libres cieux !… ô rêve, tu rayonnais enfin sans voiles, fleuri en chair sous de libres cieux ! […] Dans le sommeil, nous n’avons aucun contrôle de nos rêves : la cérébration n’est-elle pas toujours jusqu’à un certain point un rêve éveillé ? […] Murillo, comme tous les grands artistes, a cherché à réaliser son rêve.
Le fond des paysages est baigné de brouillards légers qui invitent le rêve à s’égarer dans les anses des lacs ou des mers, ou dans les anfractuosités des montagnes, aux contours moelleusement arrondis ; mais les verdures des premiers plans s’offrent trop visiblement aux ébats folâtres qu’encourage l’œil engageant des Faunes et des Priapes de marbre enguirlandés de roses ; les moutons, les colombes, les oiselets, ne sont que prétextes pour des jeux sans innocence. […] Cette sympathie vraie, sincère, attendrie jusqu’à la pitié secourable, tient de la charité chrétienne qui fait aimer les hommes en Dieu, et qui fortifie le sentiment humain de la bienfaisance par le sentiment divin de l’adoration : « J’ai poursuivi la vie dans la réalité, non dans les rêves de l’imagination, et je suis arrivé ainsi à celui qui est la source de la vie », nous dit Dostoïevsky. […] « Dans notre enquête moderne, après nos dissections de la journée, les féeries seraient, le soir, le rêve éveillé de toutes les grandeurs et de toutes les beautés humaines143. » Proudhon ne se montre pas d’aussi bonne composition : il n’est pas homme à donner ainsi un demi-congé aux artistes et aux poètes : il les veut à tout prix pour collaborateurs. […] Les Poèmes barbares épandent des clartés diffuses dans la nuit des cosmogonies et des théogonies hindoues, qui s’obscurcissent encore par le contraste de paysages tout embrasés de lumière chaude, et dormant dans une somnolence sans rêve et sans mystère.
C’était pour moi comme une conversation que j’aurais suivie en me promenant dans un jardin, de l’autre côté de la haie ou de la charmille : il ne m’en arrivait que quelques mots qui me suffisaient et qui, dans leur incomplet, prêtaient d’autant mieux au rêve. […] Ils comprirent pour la première fois comment les rêves de l’imagination peuvent peupler et animer la solitude. […] croit-on avoir beaucoup gagné à remplacer des rêves dorés par une réalité brutale et bornée ? […] C’est son rêve, l’argent ; c’est son Apollon, l’argent ; c’est sa muse, l’argent ! […] Seulement c’est, comme on l’a dit : « un rêve continuel, un cauchemar presque constant.
Elle fut la confidente de ses rêves, de ses amours, de ses projets et de ses premiers ouvrages. […] C’est un état de sommeil lourd et sans rêve, ou c’est un état de sommeil traversé de rêves, d’hallucinations plutôt agréables. […] Je rêve d’un très frêle attachement, qui dure. […] Il croit que le rêve de beauté et le rêve de force sont, tout au moins, la représentation du monde la meilleure, la plus salutaire, la plus conforme à sa nature que l’humanité ait pu se donner. […] On voit en lui la réalisation de cette « démocratie royale » qui fut, pendant une année ou deux, le rêve de l’époque.
… Et sa voix tranquille et railleuse prenait une expression de douceur, de pitié infinie… On a vécu des années ensemble, dormi l’un contre l’autre, confondu ses rêves, sa sueur. […] Enfin, et c’est là ma vraie raison, j’ai élevé mon grand fils, j’ai refait mes études avec lui ; mon rêve est d’agir de même pour mon second, le petit. […] En tout cas, Dostoïevsky y prit la moindre part ; toute sa faute ne fut qu’un rêve défendu ; l’instruction ne put relever contre lui aucune charge effective. […] Elle n’avait pas prononcé une parole, elle semblait autre part, comme les soirs où, enfermée dans sa chambre, perdue au fond de quelque rêve, elle se déshabillait machinalement, sans y prêter attention. […] mais elle me semblait plus belle que le rêve et d’un éclat surnaturel.
Regardez-le, il rêve…, il rêve qu’il est dans la cour et qu’on lui a chipé…, non, c’est pis que cela…, il rêve qu’il est en classe, et, par une habitude criminelle, il parle, le malheureux ! […] Ce rêve, elle espérera le réaliser avec le jeune Francis, qui a la même ambition d’éterniser la passion. […] ce rêve plus impossible encore de l’amour ! […] Quelques jours de joie succèdent à tant d’angoisses ; — un rêve de bonheur, puis un réveil terrible. […] qui ne l’a senti, subtil et pénétrant, se répandre, un jour ou l’autre, dans le ciel bleu de ses rêves ?
A la contemplation de ces scènes voisines et déjà fabuleuses qui se confondaient avec nos premiers rêves du berceau, l’imagination s’est enrichie de couleurs encore inconnues ; d’immenses horizons se sont ouverts de toutes parts à de jeunes audaces pleines d’essor ; en éclat, en puissance prodigue et gigantesque, la langue et ses peintures et ses harmonies, jusque-là timides, ont débordé. […] Hugo a tout d’abord tendu la main à ce haut et grave vieillard ; c’est ainsi qu’il les aime, qu’il les peint et qu’il les rêve : don Ruy Gomès de Sylva, dans Hernani, n’est pas d’une autre souche ; et lui-même, poëte, il m’a fait souvent l’effet de représenter cette sorte de type inflexible, transporté, dépaysé dans la littérature et dans l’art de nos jours : de là en partie, j’imagine, ce qu’il y a de faussé dans sa puissance.
Il osa désobéir à ce bon père qu’il vénérait, et seul, sans appui, brouillé avec sa famille (quoique sa mère le secourût sous main et par intervalles), logé dans un taudis, dînant toujours à six sous, le voilà qui tente de se fonder une existence d’indépendance et d’étude ; la géométrie et le grec le passionnent, et il rêve la gloire du théâtre. […] … » En disant ces derniers mots, j’avais les yeux tournés au ciel ; et mon religieux, les yeux baissés, méditait sur mon apologue. » Diderot a exposé ses idées sur la substance, la cause et l’origine des choses dans l’Interprétation de la Nature, sous le couvert de Baumann, qui n’est autre que Maupertuis, et plus nettement encore dans l’Entretien avec d’Alembert et le Rêve singulier qu’il prête à ce philosophe.
Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) I Finissons-en avec les théories imaginaires de ces législateurs des rêves, qui, en plaçant le but hors de portée parce qu’il est hors de la vérité, consument le peuple en vains efforts pour l’atteindre, font perdre le temps à l’humanité, finissent par l’irriter de son impuissance et par la jeter dans des fureurs suicides, au lieu de la guider sous le doigt de Dieu vers des améliorations salutaires à l’avenir des sociétés. […] Peuple de beaux instincts, mais de peu de moralité politique, toujours ivre de lui-même, enivrant les autres peuples de son génie et de son exemple ; mais ne tenant pas plus à ses vérités qu’à ses rêves, et créé pour lancer le monde, plutôt que pour le diriger vers le bien.
En entendant chez madame d’*** la lecture de ce rêve de démagogie, je ne doutai pas qu’il ne fût rejeté à l’unanimité par des hommes sortis d’un autre œuf que de celui de ce rêve ; je ne voulais pas en décourager trop vite l’auteur, et je me bornai à lui faire quelques critiques sommaires sur son système, en lui présentant le nombre innombrable d’exceptions que la société bien constituée pouvait opposer à cette comptabilité absurde des droits numériques de tous les hommes ; mais je n’insistai pas trop pour lui laisser l’illusion de son système.
Et d’abord une grande pièce éclairée par le jour morne d’une cour, et, tout autour, dans des poses affaissées et pleurantes, les hardes de la morte, hardes de femmes, hardes de reines ; les sorties de bal de satin blanc et les robes d’Athalie, tous les chiffons-reliques de ce corps, tous les costumes de cette gloire, accrochés en grappes, comme aux murs d’une Morgue, avec un aspect d’enveloppes fantomatiques et de vêtements ondoyants et radieux de rêves, immobilisés et morts au premier rayon du jour. […] 2 août Par la littérature qui court, c’est vraiment un noble type littéraire que ce Saint-Victor, cet écrivain dont la pensée vit toujours dans le chatouillement de l’art ou dans l’aire des grandes idées et des grands problèmes, couvant de ses amours et de ses ambitions voyageuses la Grèce d’abord, puis l’Inde qu’il vous peint sans l’avoir vue, comme au retour d’un rêve haschisché, et poussant sa parole, ardente et emportée et profonde et peinte, autour de l’origine des religions, parmi tous les grandioses et primitifs rébus de l’humanité : curieux des berceaux du monde, de la constitution des sociétés, pieux, respectueux, son chapeau à la main devant les Antonins, qu’il appelle le sommet moral de l’humanité, et faisant son évangile de la morale de Marc-Aurèle, ce sage et ce si raisonnable maître du monde.
Ce sont d’autres souvenirs du pays et de la famille, des noces singulières, des retours de vacances, des adieux et de tendres envois d’un fils à sa mère, de calmes et riants intérieurs de félicité domestique ; ce sont par endroits des confidences obscures et enflammées d’un autre amour que celui de Marie, d’un amour moins innocent, moins indéterminé et qui peut se montrer sans rivalité dans les intervalles du premier rêve, car il n’était pas du tout de même nature ; ce sont enfin les goûts de l’artiste, les choses et les hommes de sa prédilection, le statuaire grec et M.
Le poème d’Olivier épris douloureusement d’un amour virginal et qui voit son rêve flétri par le souvenir des débauches passées, aurait charmé le Sainte-Beuve analyste des Pensées d’août.
Les prophètes, Isaïe en particulier et son continuateur du temps de la captivité, avec leurs brillants rêves d’avenir, leur impétueuse éloquence, leurs invectives entremêlées de tableaux enchanteurs, furent ses véritables maîtres.
La première génération chrétienne vécut tout entière d’attente et de rêve.
Atossa, la femme de Darius, avait un désir fantasque et obsédant comme un rêve, celui d’être servie par des jeunes filles athéniennes.
Évanouis comme un rêve devant l’heure divine, les dix-neuf ans d’exil.
Et pourquoi, puisque Quitard écrit un Dictionnaire ou rêve une Histoire des Proverbes, se priverait-il des plus énergiques, des plus pittoresques, des plus populaires, sous prétexte qu’ils sont grossiers, comme si, la grossièreté étant parfois dans l’esprit humain, elle ne devait pas avoir son expression dans le langage ?
Ce gouvernement temporel, qu’on rêve de supprimer, se reformerait comme à l’origine de la société chrétienne, tant il est nécessaire à cette société pour qu’elle soit, et tant, sans ce pouvoir temporel, il est impossible à la raison même de concevoir cette société !
Inspirer les angoisses de la jalousie aux autres femmes, voilà les paradis de sa pensée quand elle se souvient et quand elle rêve !
Inspirer les angoisses de la jalousie aux autres femmes, voilà les paradis de sa pensée quand elle se souvient et quand elle rêve !
Il y a, si vous vous le rappelez, dans cette gravure, une femme qui rêve et pleure, avec de longues anglaises défrisées, lesquelles semblent pleurer comme elle.
Dans ces Mémoires de Lamartine, il n’y a que le jeune homme vêtu de noir d’Alfred de Musset ; le mystérieux rêveur, qui porte son rêve comme un verre plein, sans le répandre ; enfin, le jeune homme inconnu qui n’a que sa jeunesse : Mais qui sera Virgile un jour !
Controversiste infatigable d’une époque où l’Angleterre était déchirée par tous les genres de controverse, il préféra toujours les ardeurs de l’argumentation et de la dispute, dont il faisait peut-être son héroïsme et sa vertu, aux rêves inutiles de la poésie.
Il est de cette race disproportionnée dans laquelle la nature de l’homme disparaît pour faire place au rêve d’un poète qui, même dans ses autres œuvres plus fortes, plus mûres et plus finies, a toujours caressé l’affreuse chimère du monstrueux.
Ce fut là, on ne saurait en douter, le rêve favori de M. de Balzac, et il suffit de lire les trois numéros de sa fameuse Revue parisienne ou les lourds prologues politiques de quelques-uns de ces récits, pour se convaincre que cette tête olympienne ne pouvait se contenter de la gloire des lettres. […] Pour qu’un roman s’élève jusqu’à la poésie, et prenne place dans la grande littérature, il faut ou qu’une génération tout entière y reconnaisse ses pressentiments, ses souffrances et ses rêves, comme dans René, ou qu’il retrace une maladie de l’âme, une situation de la vie, comme Adolphe, ou au moins qu’il suppose un magnifique travail d’érudit, d’antiquaire ou d’artiste, comme les romans de Walter Scott ou même Notre-Dame de Paris. […] Il a ensuite subdivisé ses deux gros volumes en sous-titres : Aurore, l’Âme en fleur, la Lutte et les Rêves, d’une part ; de l’autre, Pauca meæ, En marche et Au bord de l’infini. […] Ces mots supposeraient qu’il reconnaît qu’il s’est trompé, qu’il s’en explique les causes, qu’il profite de ses expériences, et il n’en est rien : pour cette imagination imperturbable dans sa sérénité, ce n’est pas son rêve qui a tort de n’avoir pas prévu l’événement ; c’est l’événement qui est coupable de n’avoir pas justifié son rêve ; à peu près comme ces malades qui sont inexcusables de mourir au moment où ils allaient prouver la science de leur médecin et l’efficacité de ses remèdes. […] De là ces choix incroyables, ces monstres à face d’homme proclamés par des prétoriens ivres, ces inconnus, originaires de la Pannonie ou de la Perse, salués tout à coup empereurs de cette Rome qu’ils ne devaient jamais voir ; de là aussi cet affaiblissement immense, continu, dissolvant, accidenté de crises, aboutissant au partage du pouvoir impérial entre plusieurs Augustes et plusieurs Césars, et donnant à cette étrange époque le caractère d’une orgie, d’un rêve et d’une agonie.
La lumière et l’ordre se feront dans votre esprit obscurci par de vains rêves, obsédé par des fantômes gigantesques. […] L’esprit l’évoque de la même façon qu’il conçoit l’idée ou le rêve. […] Son art le possède si bien tout entier qu’il le poursuit jusque dans ses rêves. […] Enlacés, confondus, ils se joignaient par les lèvres et mêlaient leurs rêves. […] Interrogez-le sur sa vie passée, il s’embrouille, il balbutie, il vous raconte des fragments de rêves..
Soliman rêve, Soliman n’est pas tranquille, Soliman veut revoir la petite esclave et la fait mander par Osmin. […] Un octogénaire peut espérer vivre encore dix ans ; il peut, sans folie, accorder quelques années à ses projets et à ses rêves. […] Çà et là un peu de rhétorique et de phraésologie de théâtre : « … Tous mes rêves, toutes mes innocences, toutes mes pudeurs, je lui ai tout donné… » Et encore : « Il me reste la résignation et la prière, ou la galanterie et le déshonneur. […] On y voit réalisé le rêve le plus naturel et le plus sincère de l’humanité, le rêve d’Israël si vous voulez (mais, sur ce point, toute l’humanité est Israël), un idéal qui, tout en étant celui de beaucoup de bonnes âmes, est aussi, n’en doutez point, celui de Jean Hiroux ou de Pranzini : le désintéressement solidement renté, la vertu millionnaire. […] S’il était arrivé un jour plus tôt, avant que le rêve flottant de Janik eût pris une forme, ce rêve aurait pris la sienne, et c’est assurément lui qui eût été aimé.
Zola, c’est qu’ils nourrissent, tout au fond d’eux, une ambition timide ou un rêve avorté d’auteur dramatique ou de romancier. […] Rodolphe de la Huchette, c’est, avec les rêves due son imagination délirante, la caricature ou la parodie des femmes incomprises, des adultères échevelées, et des amours fatales du drame et du roman romantiques. […] En supposant d’ailleurs que j’y voulusse corriger quelque chose, on me permettra d’en attendre une meilleure occasion que l’Immortel, ou que le Rêve. […] Sous la fixité voulue de son regard, les objets se déforment et les proportions s’en altèrent ; ils prennent insensiblement les contours et les couleurs du rêve son œil les magnétise, et, en les magnétisant, les anime d’une autre vie que la leur. […] Pourras-tu revenir dans les soirs, ô vieux Rêve !
Il avait été collégien vers 1835 et il se rappelait très bien que le rêve d’un collégien de cette époque était de porter un pourpoint de peau (« un buffle », comme on disait en fort bonne langue classique) et d’être chaussé de souliers à la poulaine […] C’est Adolphe, le jeune et beau capitaine qui rêve de la guerre, non pas comme d’un moyen d’avancement, mais comme d’un moyen pour se faire aimer. […] Huguenet n’est pas mauvais ; mais il n’a aucune verve ; il a l’air d’être plutôt ennuyé qu’heureux de jouer Paturel ; il s’acquitte ; et c’est cela si l’on veut, mais ce n’est pas ce que l’on rêve.
Voyez-vous les rêves d’Andalousie réduits en pâte pectorale. […] L’air est embaumé, et la fille qui rêve aux pieds du pommier en fleurs « alanguie et grisée », comme dit André Theuriet. […] Seulement j’avoue que je suis assez folle pour avoir fait le rêve impossible d’une amitié par lettres avec vous. […] Et pourtant j’ai fait le rêve très naïf probablement et très 1830 de gagner votre amitié par lettre. […] Quant à mon talent, je l’ai en une estime profonde et même, en rêve, je ne me comparerai jamais à votre protégé.
Et le soir, rentrant à la pension Goubaux, dans un rêve qui tenait du cauchemar, ma tante de Courmont, l’intelligente femme, dont j’ai fait Madame Gervaisais, celle qui, tout enfant, m’a appris le goût des belles choses, m’apparaissait en une réalité, à douter si ce n’était pas une vraie apparition, me disant : « Edmond, ton père ne passera pas trois jours ! […] Eh bien, chez les jeunes, au moins chez ceux que nous connaissons, je ne vois aucun procédé de travail particulier, personnel. » Jeudi 21 juillet Dans le rêve, chez les figures hostiles, le côté sournois, astucieusement méchant, le jésuitisme des physionomies, c’est extraordinaire ; non, ce n’est plus la pleine lumière des haines du jour, ça en est, pour ainsi dire, les ténèbres et la grisaille. […] De ce second appartement, ma mémoire a gardé, comme d’un rêve, le souvenir d’un dîner avec Rachel, tout au commencement de ses débuts, d’un dîner, où il n’y avait qu’Andral, le médecin de ma tante, son frère et sa femme, ma mère et moi, d’un dîner, où le talent de la grande artiste était pour nous seuls, et où je me sentais tout fier et tout gonflé d’être des convives. […] Vendredi 2 décembre Ce treillage, que j’ai fait élever au fond de mon jardin, a quelque chose, par les nuits claires, de la construction aérienne d’un rêve, et me rappelle le palais imaginaire, édifié dans le disque de la Lune, par Outamaro, en sa poétique illustration de : L’Admiration folle de la lune.
Les esprits de feu, les esprits subtils et rapides, vont plus vite ; ils franchissent les intervalles, ils ne s’arrêtent qu’au rêve et à la chimère, si toutefois ils daignent s’y arrêter ; mais, après tout, il est un moment d’épuisement où il faut revenir ; on retombe toujours, on tourne dans un certain cercle, autour d’un petit nombre de solutions qui se tiennent en présence et en échec depuis le commencement.
Les grandes infortunes étonnaient encore l’espèce humaine ; on leur supposait une cause miraculeuse ; on les entourait de rêves mythologiques.
Respectons les joies simples des simples et ne médisons pas des albums d’Épinal en qui leurs âmes trouvent, malgré tout, des motifs de rêve et de désintéressement.
Les horizons mal fermés de ces scènes lointaines incitent au rêve mieux qu’une pièce bien close d’Émile Augier ; et les esprits les plus incurablement classiques se souviendront que les régents qui gardent devant les lycéens les chefs-d’œuvre nationaux situent le charme décisif et supérieur du Misanthrope dans l’incertitude, presque l’inexistence du dénouement.
Plus l’homme se développe par la tête, plus il rêve le pôle contraire, c’est-à-dire l’irrationnel, le repos dans la complète ignorance, la femme qui n’est que femme, l’être instinctif qui n’agit que par l’impulsion d’une conscience obscure.
Par là, elle n’est plus prince de Ligne, mais la femme des Rêves du prince de Ligne ; cette femme qu’après avoir été page et officier à sa première bataille, il voulait être, avant d’être cardinal, entre vingt et vingt-cinq ans, je crois.
Vision sublime, que la réalité du Jacobinisme fit disparaître aux yeux du somnambule d’imagination qu’était Chénier en le tirant brutalement de son rêve, tandis que ce grand songeur de Lamartine ne fut jamais tiré du sien !
Un rêve vain, du reste, comme en ont tant d’hommes qui restent sans jamais y entrer au seuil de l’histoire, dont on dit tout parce qu’ils ne firent rien, quoiqu’ils fussent capables de faire.
Et si ce n’était encore qu’un vieux républicain de la première heure, sur lequel Lamartine aurait laissé son rêve, comme Lekain laissa son talent sur La Rive, certainement ce ne serait pas très imposant d’intelligence, mais ce serait touchant, comme une folie de sentiment, que cette fidélité obstinée aux illusions de ses beaux jours.
Elle aima deux fois… et peut-être trois (lisez le Rêve de d’Alembert, dans Diderot !).
Il le compare au géant Antée, fort dès qu’il touche la terre, mais faible dès qu’il rêve et devient fantastique.
L’auteur a manqué à la promesse de sa jeunesse et au rêve de sa vie.
Il n’a pas les ardentes ambitions d’un Montanus ; il ne se rêve pas le Paraclet ; il ne veut pas fonder une religion nouvelle, pas même rétablir l’ancienne pureté du Christianisme.
Mais un poète, l’homme du pur sentiment, de l’idéal et du rêve !
Il fallait nous peindre, avec le noir de ses meurtrissures, la tête radieuse si prématurément meurtrie, au lieu de ce gracieux profil fuyant, qui fuit trop… Ce n’est là ni l’Alfred de Musset de nos curiosités, ni celui de nos rêves, ni même celui de nos souvenirs.
Le rêve de plus d’un Conquérant s’acheva dans la boue fétide et sanglante des ruelles de Triana.
Selon nous, celui de madame Sand ne méritait pas l’anxiété qui a, dit-on, rongé la vie de ce rêveur d’Alfred de Musset, et le livre, qui n’est pas un rêve, à ce qu’il paraît, de son frère.
Selon nous, le livre de Mme Sand ne méritait pas l’anxiété qui a, dit-on, rongé la vie de ce rêveur d’Alfred de Musset, et le livre, qui n’est pas un rêve, à ce qu’il paraît, de son frère.
et pourquoi Autren, nu jusqu’à la ceinture sur son écueil, fait-il surgir dans l’imagination, qui a le souvenir autant que le rêve, la nette image de ce matelot, nu aussi jusqu’à la ceinture, et qui, debout sur le pont du navire, demandait à genoux à Virginie l’honneur de la prendre dans ses bras et de la sauver ?
C’était le rêve de Fourier, l’illustre secrétaire de l’Académie des sciences.
Un vent frais m’éveilla, je sortis de mon rêve, J’ouvris les yeux, je vis l’étoile du matin. […] Si l’homme pouvait vivre et faire souche quoique étant tout nerfs et tout cerveau, il tendrait à devenir tel et à réaliser ainsi ce qu’imagine Diderot dans le Rêve de d’Alembert. […] Quant à la poésie, selon le rêve de Strauss elle constituerait, avec la musique, la religion de l’avenir. […] Dissipez-la, vous ferez peut-être fuir ses rêves, et parmi eux ce rêve divin, la beauté ; peut-être n’y a-t-il de poésie que dans ce qu’on soupçonne sans le voir. […] Gautier, on ne rêve que trois choses dans l’existence, l’or, le marbre et la pourpre, on peut y ajouter ce quatrième idéal, la rime riche, et on sera parfaitement heureux à assez bon marché !
C’est un rêve bien chimérique. […] Barrès rêve de l’acier qui le tranchera, canif de Philippe, sabre de général, et, dans l’ombre et la solitude irrespirables des Mères, couteau de Racadot. […] Au nom de quoi, sinon de l’orgueil ou du rêve, jugerions-nous qu’un homme, nous ou autrui, est de trop ? […] Deffoux et Zavie, étaient presque tous bureaucrates, on se gaussait de leurs rêves érotiques et on se répétait le dernier vers des Assis de Rimbaud. […] « Je suis, dit Suzanne, la seule personne qui voit le soleil en rêve. » M.
Parmi les rêves d’ambition que peut faire un écrivain à notre époque, il n’en est certainement pas de plus vaste. […] Le rêve d’un cordonnier qui écoule la symphonie en la, vaut le rêve d’un élève de l’École polytechnique. […] Il y a là des forçats dans un parc, une jeune personne qui sait une phrase entendue en rêve, un père en casaque rouge qui pousse des hurlements à ameuter le château. […] c’est le rêve, et les gens très riches peuvent seuls se permettre une pareille tentative. […] Ici, l’imagination, j’entends le rêve, la fantaisie, ne peut que vous égarer.
La rue n’avait pour lui que la lumière et le bruit d’un rêve. […] Il éprouvait une sorte d’irritation nerveuse depuis que Jean Levabre avait parlé ; cette réalité militante était si loin de ses rêves ! […] Avant de renvoyer son fils à Paris, l’objet de ses rêves, le comte tint à lui expliquer que ni lui ni son oncle ne sont, comme il le suppose, deux inutiles. […] Le mariage est décidé, le rêve de toute la vie de Jeanne va s’accomplir. […] Blessée dans ce qu’elle a de plus cher, Mme de Talyas rêve toutes les vengeances.
Ils s’enchantaient de beaux rêves, et conservaient une foi inébranlable en de grands mots vides de sens. […] Il rêve des rêves qui ne sont que vous. […] Il comprend maintenant que les plus beaux rêves ne valent pas l’image de la vie aperçue directement. […] Elle se conduit quelquefois bien, quelquefois mal, sans grand goût pour le bien ni pour le mal, parce qu’elle rêve quelque chose de mieux que le bien et de pire que le mal. […] Aussi rêve-t-il de faire entrer la science dans la littérature.
Je lis beaucoup, et lorsque je suis fatiguée de lire, je rêve, je m’amuse à faire des conjectures sur l’avenir. […] Que de rêves ne fit-il pas jusqu’à ce qu’il arriva à la porte de sa maison ? mais à tous ces rêves s’associait l’image de Viéra. […] XI Après diverses aventures aussi légères que les rêves d’un jeune homme incertain s’il est épris, l’intérêt se resserre. […] Le vieillard, souffrant et agité, tantôt s’assoupissait, tantôt paraissait absorbé dans un rêve, et ne répondait que par quelques brèves et insignifiantes paroles aux questions et aux diverses insinuations de Boris.
L’esprit agit alors comme un rêve. […] Songez que c’est dans une chambre de malade qu’est né ce beau rêve, au milieu des fioles, des remèdes et des médecins, à côté d’une garde, parmi les anxiétés de l’indigence et les étouffements de l’hydropisie. […] Laissez-la se développer dans son entier comme elle y aspire173, et vous verrez qu’elle est par essence une image active et complète, une vision qui traîne avec soi tout un cortége de rêves et de sensations, qui grandit d’elle-même, tout d’un coup, par une sorte de végétation pullulante et absorbante, et qui finit par posséder, ébranler, épuiser l’homme tout entier.
Mais, quand Platon voulut transporter sur la terre ses rêves impossibles et introduire ses fantaisies dans le domaine des réalités, Aristote le plaignit, repoussa modestement ses doctrines politiques, aigrit son maître, qui tenait plus à ses chimères qu’aux vraies doctrines de Socrate, et s’éloigna respectueusement de lui. Il crut qu’il ne convenait pas de donner au peuple des rêves dont le réveil pourrait être funeste. […] « Ce que nous avons dit de la constitution de Phaléas suffit pour qu’on en juge les mérites et les défauts. » XXIII Aristote met en poudre dans les chapitres suivants tous les systèmes de communauté, tous les rêves de Socrate et de Platon, toutes les législations de Crète et de Sparte, celle même de Solon faisant régir les hommes par le hasard du sort ; il examine ensuite ce qu’est devenu le citoyen.
C’est là que la famille et jusqu’aux chiens s’acheminaient tous les beaux jours après le dîner, pour laisser passer en lectures, en doux entretiens, en sommeils, les heures trop chaudes, dont le murmure des feuilles et de l’eau abrégeait la lenteur ou notait les rêves. […] Pénélope se couche enfin et rêve à son fils. » — « Hélas ! quel autre rêve visite les mères quand leurs fils sont absents ou exposés aux dangers de la vie ?
Elle attachait un rêve à chaque coup qu’elle donnait à la pauvre feuille déchiquetée ; mais qui pouvait reconnaître, dans le travail de sa rêverie, la feuille brillante de l’arbre immortel dont on couronne le front des héros et des dieux ? […] Tous, plus ou moins, ont attaché leurs rêves à cette immense réalité de Shakespeare. […] Incorrigible manie d’expliquer son auteur par ses propres rêves à soi, et d’embrouiller sa traduction avec son commentaire !
Nous éprouvons quelque chose d’analogue dans certains rêves, ou nous n’imaginons rien que de très ordinaire, et au travers desquels résonne pourtant je ne sais quelle note originale. […] L’idée de l’avenir, grosse d’une infinité de possibles, est donc plus féconde que l’avenir lui-même, et c’est pourquoi l’on trouve plus de charme à l’espérance qu’à la possession, au rêve qu’à la réalité. […] En voyant repasser devant nos yeux ces images, nous éprouverons à notre tour le sentiment qui en était pour ainsi dire l’équivalent émotionnel ; mais ces images ne se réaliseraient pas aussi fortement pour nous sans les mouvements réguliers du rythme, par lequel notre âme, bercée et endormie, s’oublie comme en un rêve pour penser et pour voir avec le poète.
En le voyant ainsi, de mes rêves passés Je croyais ressaisir la fugitive image, Et retrouver un être aimé depuis longtemps ; Mon écharpe effleura le mobile feuillage, Et l’inconnu put voir le trouble de mes sens7 ! […] C’est qu’aussi Louise Labé, telle qu’on la rêve de loin et telle que nous l’avons devinée d’après ses aveux, demeure, par plus d’un aspect, le type poétique et brillant de la race des femmes lyonnaises, éprises qu’elles sont de certaines fêtes naturelles de la vie, se visitant volontiers entre elles avec des bouquets à la main, et goûtant d’instinct les vives élégances, les fleurs et les parfums.
Est-ce que tu rêves ? […] Les chants de la nuit remontèrent avec peine dans sa mémoire comme les impressions d’un rêve.
Voici ce que je me répondis, en croyant véritablement entendre la voix creuse et impassible, la voix lapidaire de l’oracle des cabinets : X « Il y a deux partis à prendre, quand on est maître absolu de ses décisions, le lendemain d’un événement qui a fait table rase en Europe, quand on est la France de 1848 et qu’on s’appelle république : on peut se placer en idée sur le terrain des ambitions napoléoniennes, des ressentiments de Waterloo, des vengeances militaires, des humiliations populaires, des propagandes insurrectionnelles, des appels des peuples contre tous les trônes ; on peut faire appel à toutes les turbulences soldatesques ou populaires ; jeter au vent tous les traités, toutes les cartes géographiques qui limitent les nations ; lever, au chant d’une Marseillaise agressive, un million de soldats lassés de la charrue ou de l’atelier ; les lancer, comme des proclamations vivantes, par toutes les routes de la France, sur toutes les routes de l’Italie, de l’Espagne, de l’Allemagne, de la Belgique, de la Hollande, et promener ces quatorze armées révolutionnaires avec le drapeau de l’insurrection universelle des peuples contre les rois, la grande Jacquerie moderne, le rêve de tous les démagogues et de tous les forcenés de gloire, contre toutes les bases sociales, contre tous les pouvoirs et contre toutes les paix du continent. […] L’unité de l’univers dans la servitude est le rêve de l’homme ; la diversité dans l’indépendance est la loi de Dieu.
Les événements le disent assez, la perfection idéale d’un gouvernement est le rêve qui les fait tous tomber, sans parvenir à rien de meilleur. […] On se croit capable de ce qu’on rêve, et ce que je rêvais n’était-il pas en effet le plus beau drame historique des temps connus ?
Comme on y lit des vérités, comme on y trouve des lumières, comme les illusions, les rêves de la vie s’y dissipent, et tous les enchantements ! […] Tout cela s’est mis avec moi sur ce lit ; j’ai vu, revu, pensé, béni ; puis un petit sommeil et un rêve… » XXVII Qu’on ne s’étonne pas à me voir tant citer ; je suis sans cesse tenté de laisser aller ma plume, mais qu’écrirait-elle qui valût ce que nous lisons ainsi ensemble ?
Son âme, comprimée par les doigts de la vie, laisse jaillir des rêves comme des jets d’eau vers l’azur. […] Elles ont moins de propension au « rêve intérieur ».
Nous y reconnaissons nos sentiments, comme en un rêve où nous n’avons qu’à demi conscience de nous-mêmes, et où nous goûtons la vie sans en sentir le poids. […] Nous l’avons vue aussi parmi les choses les plus voyantes et les plus bruyantes, moitié rêve, moitié chant lyrique, idéalisant les multitudes, et cherchant les grands hommes dans les propos de leurs valets, tombant des hauteurs du symbole dans l’anecdote, mais éloquente, vivante, dans une langue dont les emportements mêmes sont savants et qui est travaillée jusqu’au souci du rythme.