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1223. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Anglais de mœurs poétiques, Maurice Bouchor est un shakespearien d’une telle préoccupation qu’il a coupé son poème en vers par des couplets en prose, comme le fait quelquefois Shakespeare dans ses drames, ce que j’ose blâmer, même en Shakespeare ; car ce que je respecte plus encore que Shakespeare lui-même, c’est la beauté dans les œuvres et leur unité, sans laquelle la beauté n’est pas !

1224. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Ce qu’en effet, depuis ces dernières vingt-cinq années, le théâtre a fait peser sur nos mœurs, sur les habitudes de notre pensée, sur toutes ses formes et tous ses langages, ne peut être dit en quelques mots.

1225. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

c’est là une mesure qui n’est plus de notre temps, un terme qui a cessé de faire partie du dictionnaire de nos mœurs !

1226. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Et, d’ailleurs, il y a peu de faits à apprendre dans cette vie studieuse, méditative et fermée de Corneille, et qui n’a transpiré dans l’Histoire que par le génie, la gravité des mœurs et la pauvreté.

1227. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Du reste, voulez-vous pénétrer d’un mot dans le monde de ce livre par sa seule donnée, qui est la donnée de la plupart des comédies, des vaudevilles et des drames qui se jouent à la superficie de nos théâtres et de nos mœurs ?

1228. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Aux mœurs les plus douces, il joignit le savoir le plus profond.

1229. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

tout ce que nous venons de dire caractérise les mœurs des cités aristocratiques ou héroïques.

1230. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Les mœurs devenant moins farouches avec le temps, les violences particulières commençant à être réprimées par les lois judiciaires, enfin la réunion des forces particulières ayant formé la force publique, les premiers peuples, par un effet de l’instinct poétique que leur avait donné la nature, durent imiter cette force réelle par laquelle ils avaient auparavant défendu leurs droits.

1231. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

On sait quelle était, dans l’antiquité, la renommée des mœurs lydiennes et la douceur efféminée du mode musical auquel la Lydie donnait son nom.

1232. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Ces horlogers champêtres sont une classe d’artisans lettrés, une aristocratie de travail dont les mœurs élégantes et simples font de ces montagnes une Arcadie d’artistes. […] Les gouvernements policés les poursuivent, les mœurs du pays ne les déshonorent pas. […] XXX « J’ai été frappé en entrant en Italie, écrivait à cette époque Léopold Robert à un des confidents de son âme, de la beauté de ces figures italiennes, des mœurs antiques, des costumes pittoresques et sauvages de ces montagnards du Midi.

1233. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Il faut se souvenir, pour bien comprendre ce mariage précédé d’un long noviciat domestique, que Goethe, aux yeux de la ville de Weimar, n’était pas seulement un poète, un ministre, un favori du souverain, mais une sorte de dieu antique au-dessus des mœurs et des lois, un être d’exception qui avait ses mœurs et ses lois à part du reste de l’humanité. […] « Ordre saint, enfant béni du Ciel, c’est toi qui formes de douces et libres unions ; c’est toi qui as jeté les fondements des villes ; c’est toi qui as fait sortir le sauvage farouche de ses forêts ; c’est toi qui, pénétrant dans la demeure des hommes, leur donnes des mœurs paisibles et le bien le plus précieux, l’amour de la patrie.

1234. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

V Les mœurs de ces familles de gentilshommes sont, d’un côté, simples et rurales comme les paysans au milieu desquels ils vivent ; de l’autre, chevaleresques et militaires comme la cour et l’armée, qu’ils fréquentent pendant leur jeunesse. […] Nous savons bien que c’était là une affectation d’habileté diplomatique à tout prix, une jactance de légèreté qui ne portait point atteinte à la sévérité de ses vrais principes et à la pureté de ses mœurs ; mais un rigoriste ne doit pas même badiner avec ces vices de cour, de peur de perdre dans des badinages l’autorité morale avec laquelle il aura à les flétrir comme écrivain. […] La confédération seule est le mode futur de l’indépendance italienne, parce qu’elle laisse, à chacune des nationalités si diverses et si justement fières de la Péninsule, son nom, sa capitale, ses mœurs, sa langue, sa dignité, son poids personnel dans l’ensemble.

1235. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Les hommes qui croient que l’esprit de déception et de supercherie est capable de ces prodiges sont dans l’erreur, ils méconnaissent la portée du génie humain ; les vraies beautés d’Ossian sont dans les mœurs plus que dans l’intelligence. Il n’est donné à personne d’inventer des mœurs. Les mœurs sont les couleurs des tableaux.

1236. (1903) La renaissance classique pp. -

Si d’autre part on songe qu’ils ont créé des mœurs et une civilisation qui, à travers mille changements superficiels, sont encore les nôtres ; que l’épanouissement de leurs œuvres a coïncidé avec la période la plus brillante de notre histoire, avec le moment où les forces vives de notre pays ont atteint leur maximum d’intensité et leur parfait équilibre, on avouera que nous pouvons assez glorieusement nous réclamer de tels ancêtres intellectuels. […] Jadis nos voyageurs français, gens de bonne souche gauloise, à l’esprit curieux et avisé, en vrais compatriotes de Montaigne ou du Président de Brosses, se préoccupaient surtout des mœurs et des coutumes des « pays estranges », et s’ils se passionnaient pour un tableau du Guide ou une statue de Bernin, ils ne dédaignaient pas de s’intéresser au commerce, ni au rendement des terres, voire aux recettes des cuisines exotiques. […] Mais il n’a pas suffi aux naturalistes d’humilier l’homme, il a fallu encore qu’ils l’avilissent dans ses instincts d’abord, puis dans tout ce qui vient de lui : les institutions, les mœurs, la société tout entière.

1237. (1924) Critiques et romanciers

Les nouvelles d’Amours anglais et de Vacances d’artiste peignent, en anecdotes, les mœurs d’Angleterre et de France. […] Il a même l’usage habituel de ne pas juger une idée, entre celles de son époque, sans consulter l’avenir : « Pas plus que vous, je ne suis sûr de la bonté de tel système et, comme vous, je vois qu’il est en opposition avec les mœurs de mon temps ; mais qui me garantit la bonté de ces mœurs ? […] Roman, drame et poème indiquent les mœurs d’une époque. Ces mœurs ont des causes : les états de sensibilité que traduisent le roman, le drame et le poème dérivent de conditions sociales et politiques. […] Le romancier peint les mœurs contemporaines.

1238. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Voltaire en était ravi ; Horace Walpole, en Angleterre était partagé entre le plaisir que lui causait l’esprit de l’écrivain et l’indignation qu’il éprouvait contre les mœurs judiciaires de notre pays. […] C’est une chose étrange et remarquable qu’une telle femme ait pu être l’amie intime de personnes irrépréhensibles dans leurs mœurs, plus irrépréhensibles même que la comtesse de Rochefort : l’amie de Mme de Choiseul, par exemple. […] Villon a de mélancoliques retours ; il s’écrie : Bien sçay si j’eusse estudié Au temps de ma jeunesse folle, Et à bonnes mœurs dédié, J’eusse maison et couche molle ! […] Pesez, examinez les conclusions dont il a fait suivre l’analyse des coutumes et des mœurs de la chevalerie au moyen âge, et dites si vous trouvez inexacte ou légère la page qu’il me reste à citer. […] Cependant on ne saurait nier que la morale chevaleresque, la poésie chevaleresque n’existassent aussi à côté de ces mœurs grossières et barbares, de ce désordre social.

1239. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

entrait dans les esprits et dans les mœurs, le qui sait ? […] Ce qui a frappé ensuite, c’est l’attitude arrogante des débauchés se faisant gloire de leurs mauvaises mœurs. […] Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants. « Aux bonnes mœurs », c’est tout. « Leur faire craindre Dieu » ou « leur faire aimer Dieu », ce qui serait si naturel dans la bouche d’un bourgeois du xviie  siècle, non. « Les bonnes mœurs » ; c’est tout. […] Mais est illicite aussi toute convention qui est contraire aux bonnes mœurs.

1240. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Il s’est contenté d’avouer quelque part que « Sœur Philomène est une étude de cœur et de mœurs qui semble prise sur la réalité ». […] Son exotisme n’a rien non plus de convenu ni d’étiqueté ; ce n’est pas une curiosité des mœurs, des usages, de l’organisation ou des idées d’un pays. […] L’idéalisme littéraire ne doit pas craindre d’aborder ces sortes de discussions, qui ont une si grande portée sur les mœurs et sur les talents. Si les ouvrages modifient les mœurs, les mœurs, à leur tour, déterminent les ouvrages, et c’est en améliorant les uns qu’on épurera les autres. […] Les livres chastes gardent l’âme chaste ; la pureté des mœurs fait les honnêtes femmes ; les livres où l’on peindra des honnêtes femmes seront donc des livres d’observation.

1241. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Toutes ces leçons sont supposées débitées par une femme très comme il faut, dans un Lycée des mœurs ! […] Ce que je fais sera une histoire de la civilisation graduelle des Grecs par les colonies égyptiennes, etc., depuis les premières traditions que nous avons sur la Grèce jusqu’à la destruction de Troie, et une comparaison des mœurs des Grecs avec les mœurs des Celtes, des Germains, des Écossais, des Scandinaves, etc. […] et par les mœurs, visant au nouveau par la tête et par les tentatives, il fut heureux qu’à une heure décisive, un génie cordial et puissant, le génie de l’avenir en quelque sorte, lui apparût, lui apprît le sentiment, si absent jusqu’alors, de l’admiration, et le tirât des lentes et misérables agonies où il se traînait. […] La sensation qu’elle a produite a été diverse, selon les esprits et les mœurs ; mais, en général, nous sommes indulgents pour qui nous donne du plaisir. […]  » Cet opuscule, intitulé Essai sur les Mœurs des temps héroïques de la Grèce, est bien certainement la première publication imprimée de Benjamin Constant.

1242. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Aussi distinguai-je promptement parmi ces Messieurs, d’abord les romanciers intimes, en grand nombre, les romanciers historiques, aussi nombreux, les romanciers maritimes plus clairsemés, les romanciers de mœurs, les romanciers phrénologiques, palingénésiques, utilitaires, humanitaires, etc., etc. […] C’était le chroniqueur de la Flandre française, l’auteur de dix volumes de romans de mœurs, le rédacteur en chef du Musée des Familles, M.  […] Paul de Kock ne vous aurait pas fait supposer, mon cher Monsieur, c’est que cet écrivain est un homme d’un aspect sombre et de mœurs tristes. […] On m’a dit qu’il avait une quarantaine d’années et que c’était un homme de mœurs simples. […] À coup sûr, cette révélation est quelque chose, comme peinture des mœurs parisiennes et littéraires.

1243. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Oubliez-vous que je me suis assis sur les bancs de la Correctionnelle comme prévenu d’outrage aux mœurs, et que les imbéciles et les méchants se font des armes de tout ? […] Si la couleur n’est pas une, si les détails détonnent, si les mœurs ne dérivent pas de la religion et les faits des passions, si les caractères ne sont pas suivis, si les costumes ne sont pas appropriés aux usages et les architectures au climat, s’il n’y a pas, en un mot, harmonie, je suis dans le faux.

1244. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

On a pourtant acquis des résultats incontestables de bien-être sinon de gloire, l’égalité dans les mœurs sinon la grandeur dans les actions, les jouissances civiles sinon le caractère politique, la facilité à l’emploi des industries et des talents, sinon la consécration de ces talents à l’intérêt général d’une patrie. […] Il y avait lieu entre eux à des discussions sur l’étendue du droit, à des dissidences sur la mesure de la liberté ; mais l’incompatibilité radicale de principes, comme de mœurs, comme de tempérament, un abîme enfin, qui se déchira au 2 septembre sous les pas de la Gironde, les séparait eux tous d’avec les hommes une fois engagés dans les partis extrêmes et sanglants, dans les systèmes farouches.

1245. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Dimanche, entre M. de Sotenville lui-même et George Dandin, l’intervalle était immense : habits, logis, mœurs, caractère, point d’honneur, idées, langage, tout différait. […] Pour des gens qui veulent contrôler le pouvoir et abolir les privilèges, quel maître plus sympathique que l’écrivain de génie, le logicien puissant, l’orateur passionné qui établit le droit naturel, qui nie le droit historique, qui proclame l’égalité des hommes, qui revendique la souveraineté du peuple, qui dénonce à chaque page l’usurpation, les vices, l’inutilité, la malfaisance des grands et des rois   Et j’omets les traits par lesquels il agrée aux fils d’une bourgeoisie laborieuse et sévère, aux hommes nouveaux qui travaillent et s’élèvent, son sérieux continu, son ton âpre et amer, son éloge des mœurs simples, des vertus domestiques, du mérite personnel, de l’énergie virile ; c’est un plébéien qui parle à des plébéiens  Rien d’étonnant s’ils le prennent pour guide, et s’ils acceptent ses doctrines avec cette ferveur de croyance qui est l’enthousiasme et qui toujours accompagne la première idée comme le premier amour.

1246. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Il faudra éviter toute liaison intime avec ceux dont les mœurs sont décriées, non seulement pour l’inconvénient de la chose en elle-même, mais aussi à cause de l’opinion publique, qu’il est bon de se concilier ; parlez de choses générales avec chacun. […] J’aimerais mieux vous voir mettre votre luxe à rassembler les restes précieux de l’antiquité, ou des livres rares, à réunir autour de vous des hommes instruits et de bonnes mœurs, qu’à vous entourer d’un nombreux domestique.

1247. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Les mœurs le secondèrent, et il alla, comme ambassadeur, porter lui-même à Rome le funeste présent qu’il avait obtenu du gouvernement de son pays. […] Ses bassesses, ses œuvres, ses vulgarités, ses colères, ses férocités, ses supplices même, dont il avait été témoin et victime par sa famille, et par son père, et par sa mère, morte innocente en prison, en punition d’être née noble, lui avaient donné un dégoût haineux contre les mœurs de cette race, qui ne sentait alors sa grandeur qu’en faisant sentir sa terreur.

1248. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

En outre, dans la pratique, ces curieuses archives sont utiles pour l’érudit qui veut s’éclairer sur un point particulier de l’histoire des lettres ou des mœurs, ou qui cherche tout simplement, comme l’entomologiste ou le botaniste, à connaître tous les individus de la classe des écrivains. […] Mais l’étude de ces origines est un digne sujet pour nous ; car c’est là que nous reconnaissons, dans toute leur naïveté, les caractères que tire l’esprit français du sol même de la France, des mœurs locales, des diverses circonstances de la formation, de notre pays en corps de nation ; c’est là que nous entrevoyons la forme particulière que va recevoir l’esprit humain représenté par l’esprit français.

1249. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Ils conviennent que parmi les Ouvrages de M. de Voltaire, il y en a quelques-uns d’excellens ; mais ils soutiennent [on commence à les croire, & on les croira de plus en plus] qu’il y en a beaucoup de médiocres & un grand nombre de mauvais : que le talent de saisir les rapports éloignés des idées, de les faire contraster, semble lui être particulier ; mais qu'il y met trop d'affectation, & que les productions de l'art sont sujettes à périr : qu'il n'a que l'éloquence qui consiste dans l'arrangement des mots, dans leur propriété, & non celle qui tire sa force des pensées & des sentimens, qui est la véritable : qu'il n'a aucun systême suivi, & n'a écrit que selon les circonstances, & presque jamais d'après lui-même : que le plus grand nombre de ses Ouvrages ne sont faits que pour son Siecle, & que par conséquent la Postérité n'en admettra que très-peu : que si la gloire du génie n'appartient qu'à ceux qui ont porté un genre à sa perfection, il est déjà décidé qu'il ne l'obtiendra jamais, parce qu'il ressemble à ce fameux Athlete, dont parle Xénophon, habile dans tous les exercices, & inférieur à chacun de ceux qui n'excelloient que dans un seul : que son esprit est étendu, mais peu solide ; sa lecture très-variée, mais peu réfléchie ; son imagination brillante, mais plus propre à peindre qu'à créer : qu'il a trop souvent traité sur le même ton le Sacré & le Profane, la Fable & l'Histoire, le Sérieux & le Burlesque, le Morale & le Polémique ; ce qui prouve la stérilité de sa maniere, & plus encore le défaut de ce jugement qui sait proportionner les couleurs au sujet : qu'il néglige trop dans ses Vers, ainsi que dans sa Prose, l'analogie des idées & le fil imperceptible qui doit les unir : que ses grands Vers tomdent un à un, ou deux à deux, & qu'il n'est pas difficile d'en composer de brillans & de sonores, quand on les fait isolés : enfin, que la révolution qu'il a tentée d'opérer dans les Lettres, dans les idées & dans les mœurs, n'aura jamais son entier accomplissement, parce que les Littérateurs qu'il égare, & les Disciples qu'il abuse, en les amusant, peuvent bien ressembler à Charles VII, à qui Lahire disoit, On ne peut perdre plus gaiement un Royaume ; mais qu'il s'en trouvera parmi eux, qui, comme ce Prince, ouvriront les yeux, chasseront l'Usurpateur, & rétabliront l'ordre. […] Pourquoi systématiser sans principes, moraliser sans mœurs, dogmatiser sans mission, rétracter dans un temps ce qu'on a avancé dans un autre, y revenir ensuite après les désaveux les plus formels ?

1250. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Ainsi lorsqu’un groupe national, enclin naturellement à quelque douceur de mœurs ou dont la violence native fut atténuée déjà par une civilisation antérieure, adopte telle forme de la morale chrétienne élaborée par un groupe plus violent, et qui eût besoin, à l’époque où il emprunta sa discipline au christianisme, d’un frein plus fort. […] Par suite de diverses circonstances parmi lesquelles il faut mettre au premier rang sa richesse, la douceur de ses mœurs, et la décroissance de sa population, la France, parmi toutes les nations pourvues depuis très longtemps d’une personnalité sociale, est celle qui est le plus largement ouverte à l’immigration étrangère.

1251. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

La jolie métaphore qui a transformé en petite bergère l’oiseau qui vit dans les prés et voltige autour des troupeaux ne se trouve, il semble, qu’en français : les mœurs de la bergeronnette n’ont frappé que nos bergers154. […] L’idée plaisante que le fourmi-lion est le « lion des fourmis » égaie quelques dictionnaires : que de mal ont pris les grammairiens pour expliquer logiquement les mœurs d’un insecte par une déformation linguistique !

1252. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

On y voit les mœurs des soldats, sous les tentes qu’ils habitent ; les uns chantent, les autres boivent, d’autres reviennent enrichis des dépouilles du paysan. […] Cette manière de voir se fait remarquer dans leurs institutions et dans leurs mœurs, comme dans leurs productions littéraires.

1253. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Des gens qui, comme nous, s’américanisent chaque jour davantage de ton, d’intérêts et de mœurs, répugnent naturellement à la simplicité du génie antique, à ce génie statuaire, c’est-à-dire nu, même en vers. […] C’étaient, à la distance de quelques siècles, les mêmes hommes, les mêmes institutions, les mêmes temps, les mêmes mœurs qu’il avait à peindre.

1254. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Comme il arrive toujours, lorsque le dogme est compromis, lorsque la tradition s’altère, la discipline s’est relâchée et les mœurs se sont corrompues. […] Il ne leur a pas suffi de comparer les masses et les époques entre elles et de signaler le pas de géant fait par les idées catholiques, dans ce pays où un pas à faire, en toutes choses, est si difficile, tant les mœurs, les croyances et les préjugés possèdent fortement ces esprits anglais, énergiques et persévérants.

1255. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Et, véritablement, si effacés, si énervés que nous soyons dans les dernières passions qui nous restent, ce n’est pas encore un fait ordinaire — une habitude dans nos mœurs — que cette commisération conjugale qui fait reprendre à un mari sa femme l’âme pleine d’un homme qui n’est pas le premier, mais le second, qu’elle ait mis dans son cœur. […] X Ainsi, mesquinerie de mœurs, mesquinerie de passion, mesquinerie de sujet, mesquinerie d’enseignement moral, — car l’enseignement moral de ce roman c’est d’apprendre aux femmes à rendre des lettres d’amour compromettantes sans trop de façons, — c’est là ce roman mesquin par tous les côtés à la fois, et dont le grêle talent de Feuillet ne peut pas draper la mesquinerie.

1256. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Qu’on jette les docteurs de l’égalité au milieu d’êtres totalement différents d’eux par les idées, les mœurs, la conformation anatomique elle-même, et l’on verra ce que deviendra, sous l’assaut des sentiments éveillés par de telles impressions, leur idée générale des droits de l’humanité ! […] En un mot, historiens des croyances, critiques ; d’art, observateurs des mœurs aboutissent à deux thèses analogues à celles que nous trouvions, au début de ce chapitre, sous la plume des anthropologues : dans nos sociétés modernes tout s’unifie, en même temps que tout se diversifie150.

1257. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Ce sont là des avantages certains pour qui étudie l’histoire des mœurs, des idées et des sentiments. […] Si notre science contemporaine agit si peu, ou si mal, sur les mœurs, c’est qu’elle se contente trop souvent d’aligner des faits, sans beauté : elle ne va pas à l’âme.

1258. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Les Athéniens, avec des mœurs plus douces que celles des Spartiates, se montrerent moins dociles ; jamais leurs femmes ne les gouvernerent. […] Ces fables n’étoient autre chose que des Romans très passionnés, souvent même très dissolus, & dont les mœurs des Ioniens avoient fourni le canevas.

1259. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Picard ; cependant, dans plusieurs de ses comédies, les personnages destinés à nous égayer ont des mœurs si basses que je n’admets aucune comparaison d’eux à moi ; je les méprise parfaitement aussitôt qu’ils ont dit quatre phrases.

1260. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Ce qu’il peint de préférence ce sont les sentiments les plus ordinaires et les mœurs les plus modestes.

1261. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Fidele à ses engagemens, malgré toutes les réactions, il s'est persévéramment tenu renfermé dans les formes intellectuelles & les forces combinées de son style, & s'est élevé même au dessus du niveau de son immense génie, dans son Essai sur le caractere, les mœurs, & l'esprit des Femmes.

1262. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Toute pauvre et exiguë qu’elle était, la conscience de son aristocratie native lui faisait appeler « Barbares » ceux qui vivaient hors de ses mœurs et de ses cités.

1263. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

C’est ce groupe, ses principaux représentants, sa formation, sa durée, sa condition, ses mœurs, que la synthèse sociologique devra retrouver avec de délicats procédés d’enquête, conjecturant, décrivant, résumant, agglomérant les données les plus hétérogènes, parvenant enfin à exprimer visiblement les créatures dans lesquelles a vécu l’esprit de l’œuvre et de son auteur.

1264. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Il étoit recherché pour son esprit agréable & solide, pour sa conversation brillante, pour ses mœurs douces & ce mérite de caractère qui souvent influe sur la réputation.

1265. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Tendant à l’émancipation universelle de leurs personnes ; de libre conduite comme de libre pensée, hardis comme des enfants qui jouent à l’homme, ils ont, ces aimables bas-bleus, en général, l’esprit fortement célibataire et les mœurs légèrement mormones.

1266. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Il l’était déjà de nature, mais ils l’achevèrent… Né de tempérament grand seigneur, il en avait les mœurs déboulonnées et fastueuses : la main libérale, prompte au bouton et au teston.

1267. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Les mœurs étaient fortes et la législation sévère, et les bons tours, comme ils disaient, ces joyeux compaignons, trop joyeux, ne coûtaient rien moins… qu’un licou.

1268. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Français comme Corneille et Racine, Fréron eut presque exclusivement la Critique française, mais pour être dans la tradition nationale du xviie  siècle et de ses mœurs, il n’en voyait pas moins, par-dessus la frontière, les qualités de l’esprit d’une race différente de la sienne, et il l’a bien prouvé pour les Anglais, à qui il reconnaît « ces cris du cœur qui pour lui sont l’expression la plus certaine du génie ».

1269. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Ce passionné du devoir, qui, dans son dernier ordre du jour et le plus beau, ne devait rien trouver de mieux à dire aux marins anglais que ces mots tout-puissants : « L’Angleterre espère que chacun de vous fera son devoir », oublia le sien envers un être auquel il brisa froidement le cœur, envers son pays dont il choquait les mœurs et dont l’opinion était le meilleur de sa gloire, et envers cette gloire elle-même dont il était couvert et qu’il aurait dû respecter !

1270. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Dans ce livre de M. de L’Épinois, nous n’avons point affaire, il est vrai, à un historien complet de l’Église, qui ait retracé, comme Rohrbacher, en de vastes proportions, le tableau synthétique de l’Église catholique dans son dogme, ses doctrines, ses mœurs et les majestueuses personnalités de ses pontifes, de ses grands hommes et de ses Saints.

1271. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Ce passionné du devoir, qui, dans son dernier ordre du jour et le plus beau, ne devait rien trouver de mieux à dire aux marins anglais que ces mots tout puissants : « L’Angleterre espère que chacun de vous fera son devoir », oublia le sien envers un être auquel il brisa froidement le cœur, envers son pays dont il choquait les mœurs et dont l’opinion était le meilleur de sa gloire, et envers cette gloire elle-même dont il était couvert et qu’il aurait dû respecter !

1272. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

Le blafard Grimm, Duclos le sanguin, et le bilieux Chamfort, en sont, eux : ils en ont les idées, les passions, les mœurs, le goût et le ton.

1273. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Il en a pris les goûts, les opinions et les mœurs.

1274. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Esprits d’une civilisation si complètement différente avec des habitudes et des mœurs qui pénètrent jusque dans ce que l’intelligence a de plus impersonnel et de plus intime, nous ne pouvons chercher dans les livres comme celui-ci que ce qui est universel par le sentiment humain et par la beauté.

1275. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Ce n’est pas non plus une question pour une nation historique qui sait, comme la nôtre, par son histoire, que le mariage indissoluble est une affaire de race, de tempérament, de mœurs et de siècles.

1276. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Caractère physiologique de la race, croyances religieuses, lois, coutumes, mœurs domestiques, ornements et parures, ustensiles et armes, chasses, constructions, maladies, boglias (médecins), funérailles, tout, jusqu’à un lexique très bien fait de la langue de ces tribus sauvages, Mgr Salvado n’a rien oublié de ce qu’il a été à portée de bien voir et de recueillir.

1277. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Virgile est depuis deux mille ans sur son socle, couronné de laurier par la sculpture de tous les temps qui ont suivi le sien, et Lamartine n’est que d’hier, et moi, qui écris ce chapitre, je l’ai vu dans le prosaïsme de nos plates mœurs et de nos tristes costumes, avec le chapeau blanc de Louis-Philippe et des épiciers endimanchés sur sa noble tête… Rapprochement de plus d’influence qu’on ne croit sur l’imagination déconcertée et qui compare deux poètes immortels !

1278. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Or, comme il n’y avait là à attendre ni manière nouvelle de regarder et de juger cette société méprisable en tout, depuis ses mœurs jusqu’à ses arts, ni manière nouvelle non plus dans le procédé pour la peindre, car on ne renouvelle son talent qu’en agissant fortement sur le fond même de sa pensée, nous n’eussions plus parlé de MM. de Goncourt.

1279. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Seulement, pour cela, il lui eût fallu le bénéfice et le soutien d’une éducation morale quelconque, et l’on se demande avec pitié ce que fut la sienne, à lui, le fils d’une actrice et de l’aventure, dans une société qui a trouvé, un beau matin, les Mormons, au fond de ses mœurs !

1280. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Ils avouent que l’abaissement des grands était nécessaire ; mais ceux qui ont réfléchi sur l’économie politique des États, demandent si appeler tous les grands propriétaires à la cour, ce n’était pas, en se rendant très utile pour le moment, nuire par la suite à la nation et aux vrais intérêts du prince ; si ce n’était pas préparer de loin le relâchement des mœurs, les besoins du luxe, la détérioration des terres, la diminution des richesses du sol, le mépris des provinces, l’accroissement des capitales ; si ce n’était pas forcer la noblesse à dépendre de la faveur, au lieu de dépendre du devoir ; s’il n’y aurait pas eu plus de grandeur comme de vraie politique à laisser les nobles dans leurs terres, et à les contenir, à déployer sur eux une autorité qui les accoutumât à être sujets, sans les forcer à être courtisans.

1281. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Presque toutes ses opérations de finance se réduisirent à des emprunts et à une multitude prodigieuse de créations d’offices, espèce d’opération détestable qui attaque les mœurs, l’agriculture, l’industrie d’une nation, et qui d’une richesse d’un moment fait sortir une éternelle pauvreté.

1282. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Arnolphe a étudié les mœurs de son temps et se vante de les bien connaître. […] Vraisemblance des incidents, habileté des ressorts, vérité de mœurs, connaissance parfaite du pays où la scène est placée, rien n’y manque. […] Étienne, que la comédie n’exprime ni la conduite ni les mœurs d’une nation. […] Puisqu’il s’agit de François Ier, et non pas d’un autre, le poème doit être la vivante expression des mœurs et des passions de son temps. […] En imposant à l’Italie du seizième siècle des mœurs qui ne sont d’aucune date, il se donne de son plein gré le droit de créer des personnages qui n’ont jamais pu vivre nulle part.

1283. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

On ne se tromperait pas extrêmement en prenant toutes les œuvres de Platon comme des satires contre les Athéniens, leurs mœurs, leurs institutions et leur politique. […] Ils étaient très savants en toutes choses, particulièrement en philosophie générale, en métaphysique, en psychologie, en science des mœurs, en art politique et en art oratoire. […] Il faut « veiller sur les poètes et les contraindre à nous offrir dans leurs vers un modèle de bonnes mœurs ou à n’en point faire du tout ». […] Mais s’il y a d’assez grandes différences de mœurs dans la population de la contrée supposée, si les familles ont reçu de leurs ancêtres des principes différents touchant le culte des Dieux et les rapports sociaux ; si celles-ci montrent des mœurs plus douces et celles-là des mœurs plus rudes selon le génie des parents qui gravaient leur caractère et leurs penchants dans le cœur de leurs enfants et des enfants de leurs enfants, alors il y a de grandes chances pour que la nécessité s’impose d’un pouvoir confié à un seul homme qui domine toute la situation et qui ait le dernier mot dans les délibérations assez violentes qui devront avoir lieu. […] Il y a enfin des éphores qui sont à la fois comme les censeurs des mœurs, les correcteurs de la jeunesse et les surveillants des rois.

1284. (1894) Études littéraires : seizième siècle

À Paris on suspectait ses écrits, et l’on tolérait ses mœurs ; à Genève on mit ses écrits en musique et l’on fut scandalisé de sa faconde vivre. […] Le certain, c’est que ses mœurs furent jugées mauvaises. […] Rabelais et les mœurs de son temps. […] Peu gênés par leurs évêques dans la liberté de leurs mœurs, du reste décentes, mais aimables et un peu abandonnées, les Génevois, d’abord touchés, pour la plupart, par cette contagion d’esprit religieux et de régénération morale qui est le grand fait psychologique du xvie  siècle, devaient, de plus, pour que le despotisme nouveau fût très différent à leurs yeux de l’ancien, souhaiter obscurément, aimer ensuite, une autorité très sévère sur les mœurs, et qui, au moins en apparence, les réformât. […] On connaît la fameuse lettre « à Monsieur de Poët, dauphinois », que Voltaire cite avec horreur dans l’Essai sur les mœurs: «  Ne faites faute de défaire le pays de ces zélés faquins qui exhortent les peuples à se bander contre nous, noircissent notre conduite, et veulent faire passer pour rêverie notre croyance.

1285. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

C’est toujours en vain que l’on veut infliger à une époque les mœurs ou les coutumes d’une autre ; chacune d’elles a sa marque indélébile en philosophie comme en art, et le rappel aux mœurs antiques tenté par les législateurs de notre première République, paraît aussi ridicule aujourd’hui que les objets de style Renaissance confectionnés sous Louis-Philippe. […] La justice, la science, l’armée, la finance, les usages, les mœurs, la littérature, l’administration, l’histoire, etc., y ont leur chapitre, et jusqu’à notre immortelle Académie. […] Et je vous confesse que j’ai été jusqu’ici trop raisonnable dans la critique des lois et des mœurs. […] Leur entendement sera plus clair, leurs mœurs s’adouciront. […] Bien qu’examinant surtout l’Égypte d’aujourd’hui, l’auteur a étudié dans toutes ses parties, histoire, politique, mœurs, etc., etc., le pays qu’il voulait nous faire connaître ; il a recueilli maints faits, de menus détails même, qui lui ont permis de juger des causes par la connaissance des effets.

1286. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Molière, qui aimait les bonnes mœurs, n’eut pas moins d’attention à former celles de Baron que s’il eût été son propre fils : il cultiva avec soin les dispositions extraordinaires qu’il avait pour la déclamation. […] Le monde par vos soins ne se changera pas : Et, puisque la franchise a pour vous tant d’appas, Je vous dirai tout franc que cette maladie, Partout où vous allez, donne la comédie ; Et qu’un si grand courroux contre les mœurs du temps Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens. […] des mœurs du temps mettons-nous moins en peine Et faisons un peu grâce à la nature humaine ; Ne l’examinons point dans la grande rigueur, Et voyons ses défauts avec quelque douceur. […] La sincère Éliante a du penchant pour vous, La prude Arsinoé vous voit d’un œil fort doux ; Cependant à leurs vœux votre âme se refuse, Tandis qu’en ses liens Célimène l’amuse, De qui l’humeur coquette et l’esprit médisant Semblent si fort donner dans les mœurs d’à présent.

1287. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ce voyage, dont la durée fut de près d’un an, lui fournit l’occasion de saisir les ridicules des provinces, et d’étudier les mœurs de la cour et des gouvernants. […] ô mœurs ! […] La correspondance charmante d’une femme dont Bussy lui-même n’a jamais cherché à attaquer les mœurs, de madame de Sévigné, nous l’offre mainte et mainte fois, même dans les lettres adressées à sa fille. […] La douceur de ses mœurs, la modestie de son caractère, la rendaient pour ainsi dire inaperçue au milieu de cette cour bruyante. […] Ce caractère, comme presque tous ceux qu’a tracés Molière, est étroitement lié à l’histoire des mœurs de son siècle.

1288. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Dans ses pièces, les situations sont plus fortes, la passion est peinte avec plus d’abandon, et les mœurs théâtrales sont plus rapprochées de la vérité.

1289. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Ainsi Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV, raconte d’abord toutes les guerres du règne, puis, arrivé à la paix d’Utrecht, revient à l’avènement du roi, pour raconter les anecdotes de la cour et des mœurs du temps, après quoi il reprend encore les choses au début pour développer le gouvernement intérieur, les lois, les réformes, les principes d’administration, les mesures heureuses ou funestes dans chaque département, enfin il finit par exposer chacune des principales disputes religieuses : faisant ainsi non pas une histoire générale du siècle de Louis XIV, mais une dizaine d’histoires spéciales, qui sont simplement mises bout à bout et n’ont d’unité que par le titre unique.

1290. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Pour les besoins d’un travail étranger, il se trouve que je viens de relire les grands romans de Tolstoï, et Tolstoï, comme Balzac, comme Stendhal vous décourage de tout nouvel essai touchant les mœurs.

1291. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Jésus fut donc livré à une cohorte de troupes auxiliaires, et tout l’odieux des supplices introduits par les mœurs cruelles des nouveaux conquérants se déroula pour lui.

1292. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

Celles d’Amiot ont été longtemps recherchées pour leur stile naïf & charmant : on met encore au rang des bonnes celles des lettres de Pline, par l’avocat Sacy, de l’académie Françoise ; des lettres de Cicéron à Atticus, par l’abbé Mongaut ; celles de Virgile, par l’abbé Desfontaines ; de l’Anti-Lucrèce, par M. de Bougainville ; de la vie d’Agricola & des mœurs des Germains, par M. l’abbé de la Bletterie.

1293. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Il n’y a rien d’absurde à ce qu’une religion déjà existante, ayant une tradition historique, associée aux habitudes et aux mœurs d’une société, continue à vivre en se dépouillant successivement de toute superstition.

1294. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

Lord Byron, qui a cravaché les bas-bleus dans une comédie de leur nom, prétendait que sa femme, qui était un bas-bleu, savait les mathématiques… Mais de ces temps-là à ces temps-ci, la tendance des femmes vers le bas-bleuisme, ce ridicule transcendant de l’histoire des mœurs contemporaines, s’est généralisée et précisée d’une façon si effroyable, qu’on ne trouvera bientôt plus de femmes en France, on n’y trouvera que des bacheliers.

1295. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Mais, quels que soient la médaille l’exergue du roi qui passe, c’est, depuis la Renaissance, l’identité du même paganisme restant dans les mœurs de la royauté.

1296. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

… Ou il doit recommencer sérieusement, ce qui ne manquerait pas de hardiesse, la comédie de Molière, cette comédie des Précieuses, qui n’a point passé comme le temps qu’elle a peint, et dans laquelle tout est resté aussi vrai et aussi réel que cet éternel bonhomme que Molière met partout, ce Gorgibus qui est Chrysale ailleurs, et Orgon, et même Sganarelle ; car Sganarelle, c’est Gorgibus avec quelques années de moins et une… circonstance de plus ; ou bien — ce qui serait beaucoup plus crâne encore — il doit être, ce livre, la défense enfin arborée des Madelon et des Cathos contre les moqueries de Molière, la négation des ridicules mortels qu’il leur a prêtés, et la cause épousée par un spiritualiste du xixe  siècle de ces idéales méconnues qui tendaient à s’élever au dernier bien des choses, et voulaient des sentiments, des mœurs et une langue où tout fût azur, où tout fût éther !

1297. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Drames, romans, comédies, anecdotes, biographies, et jusqu’aux modes (si souvent le mensonge des mœurs), tout n’a-t-il pas été et n’est-il pas encore rempli des souvenirs et des reflets de cet éternel xviiie  siècle ?

1298. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Il prouve admirablement, au contraire, qu’au xvie  siècle les novateurs, à commencer par Luther lui-même, ne surent d’abord où aller, voulant une réforme des mœurs, mais tenus en respect par le dogme et l’opinion des peuples qui aimaient encore la « Sainte mère l’Église ».

1299. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Seulement, Rabelais caricaturise, d’un bout à l’autre de ses œuvres, les hommes, les choses, les mœurs et l’esprit humain de son temps, en des compositions étranges qui sont des Épopées comiques, des Iliades et des Odyssées d’un Homère ivre, ou plutôt d’un Bacchus aimé des Muses et traîné par des tigres ; car les plaisanteries de Rabelais sont d’assez fières tigresses !

1300. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

D’ailleurs, pour pénétrer impunément dans les institutions tapageuses, les mœurs brutales, les travaux fiévreux et les entreprises gigantesques de ce peuple d’Effrénés, qui a commencé par la révolte contre la mère patrie et qui est toujours à la veille de la guerre fratricide entre ses enfants, il faudrait une force et une froideur de tête inaccessibles au vertige, et ce n’était pas le cas de ce pauvre Tocqueville, qui, entré là-dedans, en ressortit sceptique pour toute sa vie, en en pensant tout et n’en pensant rien, Montesquieu Brid’oison !

1301. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Les « mottes de terre » de Pelletan ne sont l’âme, ni le génie, ni les mœurs, ni les habitudes séculaires de la France.

1302. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Ainsi, avec deux livres, avec ce mince bagage de deux livres, dans un temps où l’abondance de la production intellectuelle semble avoir passé dans les mœurs littéraires, Tocqueville était presque arrivé à la hauteur de considération qu’on ne doit vraiment qu’au génie et à une tranquillité de possession dans l’influence que le génie n’a pas toujours.

1303. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

… Benjamin Constant, qui a traduit le Wallenstein, qui parlait allemand et qui s’est marié en allemand à une femme de grande maison allemande, Mademoiselle Charlotte de Hardenberg, Benjamin Constant, dont la nerveuse inconsistance toucha un jour à la trahison politique, fut, de nature et de mœurs, le plus agité et le plus étourdi des Français.

1304. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Guy Livingstone, ce Samson, victime de sa force comme l’autre Samson ; Guy Livingstone, ce dandy héroïque, qui efface d’un trait tous les dandys connus dans l’histoire des mœurs de l’Angleterre, finit par la douceur de l’humilité sous la plus mortelle injure, parce qu’il a promis à la femme qu’il a aimée et perdue d’être doux, et qu’il veut la revoir dans le ciel !

1305. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Taine lui-même a reproché ses basses débauches à Venise, était l’être le plus chaste de nature et probablement de mœurs ?

1306. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Quoique sans génie, sans talent, sans esprit, sans homme d’intelligence première, elles s’emparent de l’esprit moderne avec un effroyable ascendant, et elles rencontrent précisément dans le « sens commun » d’un temps matérialisé de mœurs par une corruption de deux siècles, le plus redoutable auxiliaire.

1307. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Il y a des différences dans la gloire de Bossuet, comme il y a des places plus rayonnantes, plus condensées, plus blanches dans la lumière, mais de l’absence de lumière, mais de l’ombre positive à un seul endroit de cette vie étonnante, on la cherche en vain… Seulement, cette lumière qui partout l’inonde, et dont l’écrivain qui la retrace finirait par être ébloui, passant à travers les mœurs simples et fortes de cet homme trop grand pour n’être pas un bon homme, donne à cette vie, aveuglante d’éclat, des tons doux, charmants, attendris, qui nous reposent et qui nous touchent, et qui ont influé, sans qu’on s’en soit rendu bien compte jusqu’ici, sur ce qu’il y avait de plus beau et de plus profond dans sa pensée.

1308. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Il savait mieux que qui que ce fût ce qu’un homme comme Vincent pouvait pour la gloire et la vertu d’un sacerdoce qui avait besoin d’être relevé dans la doctrine et dans les mœurs.

1309. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

J’ai tenu à signaler ce léger détail de nos mœurs littéraires plus encore qu’à parler au long de la littérature d’Alfred de Musset, qui d’ailleurs n’a pas besoin de moi.

1310. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Guy Livingstone, ce Samson, victime de sa force comme l’autre Samson, Guy Livingstone, ce dandy héroïque, qui efface d’un trait tous les dandys connus dans l’histoire des mœurs de l’Angleterre, finit par la douceur de l’humilité sous la plus mortelle injure, parce qu’il a promis à la femme qu’il a aimée et perdue d’être doux, et qu’il veut la revoir dans le ciel !

1311. (1929) La société des grands esprits

Arcésilas était aussi peu stoïcien que possible dans ses mœurs : Carnéade se contentait de ne pas l’être dans sa doctrine. […] Poursuivant son analyse de la nature humaine, Pascal s’acharne à nous montrer les absurdités de nos mœurs et la débilité de notre raison. […] Ces deux là ont-ils écrit le moindre roman psychologique, ou d’aventures, ou de mœurs parisiennes ? […] Ce que Voltaire raconte, avec une crudité caustique, des mœurs de Sa Majesté prussienne est confirmé par tous les témoignages de l’époque. […] Tout le mérite de ce lancement revient au parquet, qui intenta des poursuites pour outrage à la religion et aux bonnes mœurs.

1312. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Il commence par un bon conseil : il veut que les mères nourrissent elles-mêmes leurs enfants, car « non-seulement les petits succent le laict de leur mère, mais aussi leur amour, mœurs et complexions ». […] Avec la bienveillance et les mœurs qui y règnent partout, elle est pleine d’esprit et de sentiments, et d’un si grand intérêt que les spectateurs y sont attendris. » C’est étonnant, voyez-vous, la quantité de fois que le théâtre a été « renouvelé » depuis Thespis ! […] Hors de cela, on n’y apprend rien des mœurs des Français. […] Les mœurs libres seront exclues du Théâtre-Libre. « Là galanterie vénale et le proxénétisme, soigneusement maintenus jusqu’ici dans les théâtres à exhibitions », seront ignorés chez Antoine. […] Mais cette fidélité paraîtra plus éclatante si le roi est exilé et malheureux, si ses sujets ne l’ont jamais vu, s’il n’a ni leurs mœurs, ni leur esprit, ni leur costume, s’il est aussi affiné et aussi frivole qu’ils sont naïfs et sérieux.

1313. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

On se demande si la grande règle des mœurs humaines est bien celle qui n’a pas de fin plus noble et qui n’obtient ni ne désire résultat plus glorieux. […] Chose effrayante, quand on y songe ; car il est certain que c’est le bien et le mal, et la conduite des mœurs, et la règle des mœurs, qui importent le plus. […] Elle est faite pour une élite qui seule représente l’humanité, qui seule est véritablement l’humanité, et qui doit gouverner l’humanité et mépriser profondément la masse, son tempérament, sa complexion, ses mœurs et ses préjugés. […] Il a son art à lui, en tout temps le même, qui est très caractéristique de ses mœurs. […] Les Barbares n’étaient ni intelligents ni artistes ; mais ils étaient courageux et forts, et organisés selon la force, et sans aucun esprit de faiblesse dans leur institution ni dans leurs mœurs.

1314. (1911) Nos directions

Les mœurs et les costumes l’ont séduit à l’égal des passions les plus secrètes. […] Il se développe amplement d’acte en acte, dans une continuelle pénétration des deux éléments dramatiques ; le cas particulier de Dom Marc, drame de conscience ; le sort du Cloître, drame de mœurs et de réactions psychologiques. […] La comédie de mœurs et le drame bourgeois ont imposé à nos contemporains une optique scénique bien arbitrairement simpliste. […] Une nuée, je le répète ; un concept vide ; un absolu affranchi du temps et du lieu, des mœurs et du caractère des hommes ; la panacée de l’art applicable indifféremment à tous les cas. […] Loin de moi la pensée d’interdire au poète d’aborder tel ou tel sujet — fût-ce le moins conforme aux mœurs du temps, le plus mystique.

1315. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Weiss, Le Théâtre et les mœurs : « M.  […] Le « théologien de la Providence » ; — et comment tous les ouvrages de J. de Maistre se rapportent à l’intention de prouver le gouvernement de Dieu sur le monde. — Les Considérations sur la France ; — et qu’à la lumière de l’idée de la Providence, personne n’a mieux vu que J. de Maistre le caractère « apocalyptique » de la Révolution française. — Son admiration pour la France ; — et comment elle perce jusque dans ses invectives. — Des livres de l’Église gallicane et du Pape ; — et que l’objet en est de montrer le mal que la France s’est fait à elle-même ; — toutes les fois qu’elle s’est éloignée de la Papauté ; — considérée comme l’instrument de la Providence sur la terre ; — et le centre dont on ne saurait s’éloigner sans errer. — Les Soirées de Saint-Pétersbourg ; — combien le sous-titre d’Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence en est caractéristique ; — et du rapport des Soirées de Saint-Pétersbourg avec l’Examen de la philosophie de Bacon ; — si ce que Joseph de Maistre a surtout attaqué dans Voltaire, c’est la philosophie de l’Essai sur les mœurs ; — et, dans l’Essai sur les mœurs, la conception baconienne qui, en excluant la considération des causes finales, — exclut Dieu même de toute action sur le monde. […] Ernest Daudet, La Police et les Chouans sous l’Empire] ; — si les soudards de la Restauration se montrent quelque part à nous, c’est dans un Un ménage de garçon ; — et pour voir revivre à nos yeux les bourgeois censitaires du temps de Louis-Philippe, nous n’avons qu’à rouvrir César Birotteau ou La Cousine Bette. — Il convient d’ajouter que les moyens dont il a usé, sont encore ceux de Walter Scott ; — « états des lieux », inventaires, descriptions précises, minutieuses et pittoresques des mobiliers et des costumes ; — « localisation » des mœurs provinciales et des milieux parisiens ; — « généalogie », physiologie, psychologie détaillée de ses moindres personnages ; — « rattachement », par brèves indications, de leur histoire particulière à l’histoire générale de leur temps ; — et généralement tout ce qui manque, à cet égard, — dans Volupté ; dans Valentine ou dans Indiana ; — dans Adolphe. — C’est le premier mérite de Balzac, et déjà un mérite unique. — Il a été non seulement le « peintre », mais « l’historien » des mœurs de son temps ; — dont il a non seulement saisi la physionomie, — mais fixé la succession ou le mouvement même. — Et, tandis que Walter Scott a besoin, pour nous donner la sensation de la diversité des temps, — d’en être lui-même séparé par d’assez longs intervalles, — Balzac nous a rendu les traits distinctifs des trois ou quatre générations d’hommes que l’on peut fréquenter dans le cours d’une seule vie. […] 3ª Car, en troisième lieu, ses documents sont bien des documents scientifiques ; — et ce n’est point du tout affectation de sa part ; — quand il invoque les noms de Geoffroy Saint-Hilaire ou de Cuvier, — mais expression de sa reconnaissance ; — si l’on peut dire en effet que nul n’a contribué plus que lui à faire de l’histoire des mœurs une dépendance ou une province de l’histoire naturelle [Cf. l’Avant-Propos de La Comédie humaine]. — Comme les naturalistes, il a procédé par des monographies [Cf.  […] Du grand défaut des romans de George Sand ; — et, l’immoralité naïve de quelques-uns d’entre eux mise à part, — qu’il consiste en ceci, qu’ils partent bien de la réalité ; — mais ils se continuent ou s’achèvent tous dans le vague. — C’est ce que l’on peut exprimer d’une autre manière ; — et d’une formule où les qualités et les défauts se compensent ; — en disant que, depuis Indiana jusqu’au Marquis de Villemer, — ils tiennent tous du poème en prose, — bien plus que de l’étude des mœurs ; — et il faut ajouter : du poème en prose « improvisé ».

1316. (1842) Discours sur l’esprit positif

À l’insu des pouvoirs actuels, cette résistance instinctive concourt à faciliter la véritable solution, en poussant à transformer une stérile agitation politique en une active progression philosophique, de manière à suivre enfin la marche prescrite par la nature propre de la réorganisation finale, qui doit d’abord s’opérer dans les idées, pour passer ensuite aux mœurs, et, en dernier lieu, aux institutions. […] D’une part, en effet, il démontre que les principales difficultés sociales ne sont pas aujourd’hui essentiellement politiques, mais surtout morales, en sorte que leur solution possible dépend réellement des opinions et des mœurs beaucoup plus que des institutions ; ce qui tend à éteindre une activité perturbatrice, en transformant l’agitation politique en mouvement philosophique. […] Lorsque, par exemple, la théologie protestante tendait à altérer gravement l’institution du mariage par la consécration formelle du divorce, la raison publique en neutralisait beaucoup les funestes effets, en imposant presque toujours le respect des mœurs antérieures, seules conformes au vrai caractère de la sociabilité moderne. […] Elle y devra rencontrer, en même temps, des affinités morales non moins précieuses que ces harmonies mentales, d’après cette commune insouciance matérielle qui rapproche spontanément nos prolétaires de la véritable classe contemplative, du moins quand celle-ci aura pris enfin les mœurs correspondantes à sa destination sociale. […] À la vérité, les préjugés inhérents à l’état transitoire ou révolutionnaire ont dû trouver aussi quelque accès parmi nos prolétaires ; ils y entretiennent, en effet, de fâcheuses illusions sur la portée indéfinie des mesures politiques proprement dites ; ils y empêchent d’apprécier combien la juste satisfaction des grands intérêts populaires dépend aujourd’hui davantage des opinions et des mœurs que des institutions elles-mêmes, dont la vraie régénération, actuellement impossible, exige, avant tout, une réorganisation spirituelle.

1317. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. Un état-major en vacances pendant un siècle et davantage, autour du général en chef qui reçoit et tient salon : voilà le principe et le résumé des mœurs sous l’ancien régime. […] Commandants, lieutenants généraux, partout les envoyés du centre sont conduits de même, par les mœurs, par les convenances et par leur propre désœuvrement, à tenir salon ; ils apportent avec eux les élégances et l’hospitalité de Versailles.

1318. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Il comprit tout de suite que ce n’était plus le temps des affaires, mais des violences, dans sa patrie ; que ses opinions constitutionnelles et novatrices, son amitié avec Mirabeau, ne rachèteraient pas, aux yeux des girondins embarrassés de leur victoire, des jacobins exaltés, des cordeliers sanguinaires, les torts de sa naissance, de son état, de ses mœurs aristocratiques, de ses talents incriminés. […] Elle aimait dans M. de Talleyrand tout à la fois l’aristocratie réhabilitée par la république, le talent remis à sa place par la liberté, le charme personnel de la grâce des mœurs et de la politesse d’esprit réinstallé dans la société par ce débris si jeune encore de l’ancien régime, recueilli et relevé par son influence. […] L’esprit monarchique de M. de Talleyrand ne résistait certainement pas au rétablissement du trône ; au contraire, tout atteste que le ministre trouvait le consul trop lent ou trop timide à se saisir du pouvoir dynastique : « La paix n’est solide, disait-il, qu’entre puissances qui ont les mêmes formes et les mêmes mœurs.

1319. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Mais, toujours aussi, qu’un texte soit, qui explique au public l’œuvre qu’il s’agit de propager hors son terroir, parmi de mœurs et des idées plus différentes que les langages mêmesad. […] Nous avons pris d’autres mœurs ; et les temps ont exagéré la monogamie de vos opinions. […] Le promoteur véritable de la littérature moderne, le seul père intellectuel de nos âges, est le philosophe René Descartes, jamais un homme n’a exercé sur son temps une influence aussi vive que l’a fait sur les pensées et les mœurs du XVIIe siècle cet écrivain peu bruyant.

1320. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Telles sont cependant les mœurs du Coucou d’Amérique qui fait son propre nid, et qui a tout à la fois des œufs et des petits qui éclosent à intervalles successifs. […] Cette espèce est très répandue dans le sud de l’Angleterre, et ses mœurs ont été observées avec persévérance et décrites avec détail par M.  […] Les observations de François Huber peuvent avoir été de même parfaitement exactes ; et cette différence des témoignages prouverait seulement la variabilité des mœurs des Abeilles.

1321. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Quelle fable dans nos mœurs que la lettre de Philippe à Aristote, le jour de la naissance d’Alexandre1 ! […] Sensible au sort de ces âmes neuves, et par conséquent si propres à recevoir les impressions du beau, du grand et du vrai, il n’aurait que trop d’occasion de répéter à leurs maîtres cette maxime jusqu’à présent appliquée aux mœurs seules, que l’enfance ne saurait être trop respectée. […] Disons mieux, qu’on punisse sévèrement les satires personnelles contre quelque citoyen que ce puisse être, celles qui l’attaquent dans sa probité, dans ses mœurs, dans son état ; mais qu’il soit libre l’apprécier devant le public l’esprit et les talents de ceux qui protègent, comme de ceux qui écrivent ; ces hommes orgueilleux et vils, qui regardent les gens de lettres comme des espèces d’animaux destinés à combattre dans l’arène pour le plaisir de la multitude, descendraient alors de l’amphithéâtre, et verraient leurs juges y remonter.

1322. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Je sais bien que les très rares témoignages que nous avons sur la douceur de mœurs de Shakespeare sont à l’avantage du grand poète, mais François Hugo avait-il besoin d’y ajouter des certificats de la force de ceux que l’on trouve dans des épîtres dédicatoires et dans des suscriptions de lettres adressées à la personne avec qui on est en politesse d’amitié ? […] Or, le génie est souvent plus fort que les mœurs. […] Ils diffèrent de société, de costume et de mœurs.

1323. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Elle répéta avec platitude que les anglais trouvaient que Féval ne savait ni la grammaire de leur langue ni la grammaire de leurs mœurs, comme si, dans leur insularisme susceptible et hautain, et tout aussi intellectuel que politique, les anglais, enragés de nationalité blessée et justes comme des bœufs qui saignent, ne dénigreront pas toujours l’étranger qui voudra les peindre ou s’avisera de les juger. […] Trop philosophe et trop libertin pour avoir le génie de la passion, cette source inépuisable du roman de grande nature humaine, le xviiie  siècle, le siècle de l’abstraction littéraire comme de l’abstraction philosophique, qui n’eut ni la couleur locale ni aucune autre couleur, — qui ne peignit jamais rien en littérature, car Rousseau, dans ses Promenades, n’est qu’un lavis, et Buffon, dans ses plus belles pages, qu’un dessin grandiose, — ce siècle, qui ne comprenait pas qu’on pût être Persan, dut trouver, le fin connaisseur qu’il était en mœurs étrangères ! […] Paris, la cour, les personnages de cette fin du xviiie  siècle, qu’on a peints tant de fois, ont été rechampis par Paul Féval une centième fois de plus avec un pinceau infatigablement spirituel, audacieux et léger comme cette époque où les jolies manières avaient remplacé les bonnes mœurs.

1324. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Quoique tout à fait Parisien de mœurs, de ton et d’éducation, Charles Magnin considéra toujours Salins comme le lieu de son origine ; il y possédait quelque bien, des vignes dont le vin lui plaisait et qu’il aimait à faire goûter à ses amis ; il y retournait chaque année passer une partie des vacances ; il accueillait à Paris tous les jeunes Salinois sur le pied de compatriotes, et il a testé finalement, en faveur de la ville de Salins, où il a voulu que ses restes fussent transportés pour y reposer dans le terroir paternel. […] Magnin, tel que je l’ai connu avant que la maladie fût venue l’affaiblir et attrister ses dernières années ; j’ai besoin de rassembler en quelques mots les impressions que m’a laissées sa personne en des saisons meilleures, et de fixer aux yeux de tous comme aux miens l’idée de sa vie, de ses mœurs, de son habitude studieuse, réfléchie, une sensible et parlante image qui ne puisse se confondre avec nulle autre.

1325. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Les mœurs de chaque siècle sont si à part et si sujettes à des mesures différentes, qu’il serait, après tout, très-possible que Louise, en sa qualité de bel-esprit, se fût permis, jusque dans le sein du mariage, ces chants d’ardeur et de regret, comme une licence poétique qui n’aurait pas trop tiré à conséquence dans la pratique. […] On peut chercher une de ces chansons diffamantes et tout à fait fescennines dans un petit écrit intitulé Documents historiques sur la vie et les mœurs de Louise Labé, Lyon, 1844 ; mais de telles malignités, ainsi exprimées, ne prouvent rien.

1326. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

XI Longtemps réunis à l’Allemagne sous la maison d’Autriche, gouvernés par les vice-rois espagnols de Charles-Quint et de Philippe II, le régime et le caractère espagnols y sont restés fortement empreints dans des mœurs et dans des familles castillanes ; la gravité catholique et la loyauté chevaleresque sont des traits du visage comme du caractère franc-comtois. […] Si on entre dans la cour, on voit d’un côté une allée de marronniers, luxe rare de végétation dans ces contrées déjà froides ; de l’autre, à l’extrémité de carrés du jardin, un pavillon de repos du style architectural de Louis XV, rappelant prétentieusement Versailles dans cette sauvagerie des lieux et des mœurs.

1327. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

« J’ai vu les mœurs de mon temps, et j’ai publié ce livre », écrivait Rousseau en tête de sa Nouvelle Héloïse. Quand on compare Werther aux mœurs et aux livres de notre époque, on doit le juger excellent.

1328. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Comment ses conceptions, ses idées, son style même pourraient-ils ne pas s’en ressentira Les lois, les mœurs, les croyances surtout, ne sont pas moins à étudier que les lieux et les événements, dans l’appréciation du génie d’un poète. […] Sur quelles bases établir les règles du goût, lorsque depuis les temps anciens jusqu’à nos jours les hommes de génie ont écrit sous des inspirations si diverses et pour des nations si différentes de mœurs et de religion ?

1329. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

C’était l’image de ses mœurs, et l’expression de son tour d’esprit. […] C’est à bâtir ce monstrueux édifice, qui devait crouler après lui, que Ronsard passa une assez longue vie, au milieu de la faveur universelle, richement doté, sauf la difficulté de toucher ses rentes dans ces temps de guerres civiles ; aime des princes, qui comparaient leur couronne à la sienne ; qualifié de prodige de la nature et de miroir de l’art ; admiré par Montaigne et consulté par le Tasse, qui lui lut les premiers chants de la Jérusalem délivrée ; respecté, dans ses vers, par les protestants qui l’attaquaient dans ses moeurs, et remercié officiellement par le pape, pour s’être donné la peine de leur répondre ; pour comble de fortune, mourant avant que Malherbe, qui avait alors trente ans, eût songé à être poète.

1330. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

» La règle des mœurs était le point sur lequel ces bons prêtres insistaient le plus, et ils en avaient le droit par leur conduite irréprochable. […] Un colombier, une tourelle, deux ou trois fenêtres bien bâties, presque comme des fenêtres d’église, indiquaient une demeure noble, un de ces vieux castels qui étaient habités avant la Révolution par une classe de personnes dont il est maintenant impossible de se figurer le caractère et les mœurs.

1331. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

C’est Voltaire qui compose son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. Vers le même temps, Duclos lance ses Considérations sur les mœurs de ce siècle et Diderot publie son Essai sur le mérite et la vertu.

1332. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

V, chap. 2] M. l’abbé Fleury, dans ses Mœurs des Chrétiens, pense que les anciens monastères sont bâtis sur le plan des maisons romaines, telles qu’elles sont décrites dans Vitruve et dans Palladio. […] Ces murs, encor noircis d’un deuil religieux, Répétèrent souvent ses cantiques pieux ; Elle-même attachoit aux pilastres antiques D’un saint ou d’un martyr les modestes reliques, Dans cet étroit enclos cultivoit quelques fleurs, Image de son âme et de ses chastes mœurs.

1333. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Ici vient se placer la description des mœurs de la charcuterie, générale et privée, et des opérations culinaires de cette attrayante industrie. […] Il y a une page de mœurs et d’histoire à écrire sur la société qui les lit.

1334. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Il considère cette société antérieure et postérieure à l’individu ; il la voit subsistante, nécessaire, harmonieuse, agissant en mille façons et par toutes sortes d’influences inappréciables, plus mère encore que marâtre, ne retirant à l’homme primitif du côté des forces physiques que pour rendre davantage par le moral à l’homme actuel, et imposant dès lors à quiconque naît dans son sein des devoirs, des obligations qui ne sont point proprement de particulier à particulier, mais qui prennent un caractère commun et général : Car les individus, dit-il, à qui je dois la vie, et ceux qui m’ont fourni le nécessaire, et ceux qui ont cultivé mon âme, et ceux qui m’ont communiqué leurs talents, peuvent n’être plus ; mais les lois qui protégèrent mon enfance ne meurent point ; les bonnes mœurs dont j’ai reçu l’heureuse habitude, les secours que j’ai trouvés prêts au besoin, la liberté civile dont j’ai joui, tous les biens que j’ai acquis, tous les plaisirs que j’ai goûtés, je les dois à cette police universelle qui dirige les soins publics à l’avantage de tous les hommes, qui prévoyait mes besoins avant ma naissance, et qui fera respecter mes cendres après ma mort.

1335. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Le savant Brunck l’aurait recueillie dans ses Analecta veterum poetarum ; le président Bouhier et La Monnoye, c’est-à-dire des hommes d’autorité et de mœurs graves (castissimae vitae, morumque integerrimorum), l’auraient commentée sans honte, et nous y mettrions le signet pour les amateurs, en nous rappelant le vers d’Horace : “Tange Chloen semel arrogantem”. » — Je lui aurais dit cela et bien d’autres choses encore, tenant compte surtout à Baudelaire, comme il en faut tenir compte à Bouilhet, comme il le faut pour un récent auteur de sonnets très distingués, Joséphin Soulary, de ce qu’ils viennent tard, quand l’école dont ils sont a déjà tant donné et tant produit, quand elle est comme épuisée, quand toutes les voix d’autrefois se taisent, hors une seule grande voix67.

1336. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

« De la sorte, l’énergique et brutal conseil de Caton l’Ancien fait place aux galantes fadaises de Dorat, et, au lieu des mœurs de la vieille Rome, le lecteur n’entrevoit que l’âge brillant des cinq maîtresses.

1337. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

La poésie alors, orale, vivante, forme naturelle et souveraine, support et enveloppe de tout, de la science, de l’histoire, de la morale, du culte, tenait au fond même de l’existence d’une race, et enserrait, comme en un tissu merveilleux, mœurs, exploits, souvenirs, les dieux et les héros d’une nation.

1338. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

La maturité vint à son génie comme à son humeur, du moins une maturité relative ; dès lors le roman s’ouvrit véritablement pour lui, non pas le roman, sans doute, pris dans le milieu de l’expérience habituelle, dans le courant ordinaire des mœurs, des passions et des faiblesses, non pas le roman familier à la plupart, mais le sien, un peu fantastique toujours, anguleux, hautain, vertical pour ainsi dire, pittoresque sur tous les bords, et à la fois sagace, railleur, désabusé : Notre-Dame de Paris put naître.

1339. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Un intérêt historique plus élevé s’attache à cette peinture fidèle des mœurs d’une province d’alors.

1340. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Ce n’est pas seulement à la physionomie de son style qu’on s’en aperçoit : le choix peu scrupuleux de ses sujets, et, encore plus, le déréglement absolu de sa vie, se ressentaient des habitudes de la bonne Régence ; le favori de Fouquet avait longtemps vécu au milieu des scandales de Saint-Mandé ; il les avait célébrés, partagés, et était resté fidèle aux mœurs autant qu’à la mémoire d’Oronte.

1341. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Molé ne trouverait à y opposer, a-t-il dit, que le « for intérieur du promeneur pensif et solitaire, auquel notre vie, notre civilisation active et compliquée fait chercher, avant tout, le calme, le silence et la fraîcheur. » Analysant avec détail le beau travail sur Lesueur et sur les révolutions de l’art, insistant sur l’accord mémorable avec lequel ces trois jeunes gens, Poussin, Champagne et Lesueur, se dégagèrent du factice des écoles et vinrent retremper l’art dans le sentiment intérieur et dans la nature, le directeur de l’Académie a fait entendre de nobles et bien justes paroles : « Constatons-le, a-t-il dit, ces trois hommes étaient de mœurs pures, d’une âme élevée ; tout en eux était d’accord.

1342. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

« L’Assemblée (constituante) abolit toutes les distinctions honorifiques, toutes les armoiries, jusqu’aux titres insignifiante de monsieur et de madame, locutions de pure courtoisie, si l’on veut, mais qui, réunies à d’autres semblables, rendent plus douces les relations ordinaires de la vie, et entretiennent cette urbanité de mœurs que les Français désignaient par l’expression heureuse de petite morale. » Notez ce mot en passant, MM. de l’Académie ; et vous tous qui étudiez l’histoire, n’oubliez pas que l’Assemblée constituante abolit les titres de monsieur et de madame.

1343. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

L’incertitude de nos mœurs publiques, notre mobilité oublieuse, les revirements fougueux de chaque jeunesse nouvelle qui survenait, ont dû en grande partie tenir à ce manque de guides naturels établis et imposants.

1344. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Mais, les yeux fixés avec admiration sur les sommets les plus lointains et les plus âpres du passé, il ne voyait pas les moissons florissantes que l’équité et l’humanité des mœurs avaient fait naître dans le champ d’une civilisation plus moderne.

1345. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Si l’on joint à ces deux exemples ceux que l’on trouvera cités dans ce livre, si l’on examine avec soin tous les ouvrages de l’antiquité, l’on verra qu’il n’en est pas un qui ne confirme la supériorité des Romains sur les Grecs, de Tibulle sur Anacréon, de Virgile sur Homère dans tout ce qui tient à la sensibilité ; et l’on verra de même que Racine, Voltaire, Pope, Rousseau, Goethe, etc. ont peint l’amour avec une sorte de délicatesse, de culte, de mélancolie et de dévouement qui devait être tout à fait étrangère aux mœurs, aux lois et au caractère des anciens.

1346. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Elle ne la laisse subsister que comme une branche de l’histoire, histoire des mœurs, ou histoire des idées.

1347. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Et, comme cela s’est toujours vu, comédiens et comédiennes étaient les premiers à médire d’eux-mêmes sur le théâtre et à faire la satire de leurs propres mœurs.

1348. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Voyant que son maître l’écoute avec assez d’attention, il s’enhardit, et poursuit en ces termes : « — Je me souviens d’avoir lu dans Homère, en son Traité pour empêcher que les grenouilles ne s’enrhument, que, dans Athènes, un père de famille ayant fait l’acquisition d’un cochon de lait, gentil, d’une agréable physionomie, de mœurs douces, dans sa taille bien pris, conçut tant d’amitié pour le petit cochon, qu’au lieu de le mettre en broche, il donna les plus grands soins à son éducation, et le nourrit avec des biscuits et du macaroni.

1349. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Ce n’était pas notre sérieux germanique et celtique ; mais, bien que souvent peut-être la bonté fût chez eux superficielle et sans profondeur, leurs mœurs étaient tranquilles, et ils avaient quelque chose d’intelligent et de fin.

1350. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Jésus, qui tenait fort aux bonnes vieilles mœurs, engageait les disciples à ne se faire aucun scrupule de profiter de cet ancien droit public, probablement déjà aboli dans les grandes villes où il y avait des hôtelleries 830. « L’ouvrier, disait-il, est digne de son salaire. » Une fois installés chez quelqu’un, ils devaient y rester, mangeant et buvant ce qu’on leur offrait, tant que durait leur mission.

1351. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Lorsque, la première fois, le brillant écrivain abordait ces portions d’étude si compliquées et parfois si sombres, il n’avait connu que les grâces de la vie, et il n’en avait recueilli que les applaudissements faciles : « Lecteur profane, disait-il, je cherchais dans ces bibliothèques théologiques les mœurs et le génie des peuples… » Pour bien apprécier le génie des Ambroise et des Augustin durant ces âges extrêmes de la calamité et de l’agonie humaine, il fallait avoir fait un pas de plus, et y revenir avec la conscience qu’on n’a été soi-même étranger à rien de l’homme.

1352. (1902) L’humanisme. Figaro

L’administration des affaires humaines, quand on l’exerce de très haut et qu’on y apporte un esprit dégagé de toute routine égoïste, est apparemment une excellente préparation à la philosophie humaniste et à l’étude rationnelle des mœurs contemporaines.

1353. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Ainsi l’histoire, la légende, le conte, la réalité, la nature, la famille, l’amour, des mœurs naïves, des physionomies sauvages, les princes, les soldats, les aventuriers, les rois, des patriarches comme dans la Bible, des chasseurs d’hommes comme dans Homère, des titans comme dans Eschyle, tout s’offrait à la fois à l’imagination éblouie de l’auteur dans ce vaste tableau à peindre, et il se sentait irrésistiblement entraîné vers l’œuvre qu’il rêvait, troublé seulement d’être si peu de chose, et regrettant que ce grand sujet ne rencontrât pas un grand poëte.

1354. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Ainsi, le comédien Molé se montrait dans ce rôle comme le représentant des vieilles mœurs, des vieux usages, de l’obéissance et du respect depuis longtemps établis.

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