Si bien que les choses les plus fluides, telles que le rêve du poète ou de l’artiste, s’y trouvent prises et contraintes. […] Il enjoint à la réalité de se conformer à son rêve, et, pour l’y contraindre, nulle violence, j’allais dire nulle amputation, ne lui coûte. […] Il lut trop de livres et fit trop de rêves. […] Par une de ces contradictions qui furent son tourment, cette action ostensiblement dédaignée était son rêve. […] Déchoir de son rêve était un crime à ses veux, un crime qu’il définissait d’un mot quasi brutal.
leurs rêves ? […] Et qu’eût-il pu offrir à ce public, sinon l’objectivation factice de ses rêves les plus fragiles, la révélation parodique de ses plus secrets sentiments, le travestissement de son âme ? […] Sur un spectacle11 41 Ballet d’art, féerie d’art, le rêve de Mallarmé, notre rêve se réalise — et non par nous. […] La Rubinstein s’étire longuement sur la musique encore endormie à l’orchestre et que par avance elle rêve. […] Le premier coupable est le musicien qui n’avait pas à détailler pour nous le rêve littéraire ou plastique, en tout cas extra-musical, qu’il entreprenait de traduire en musique pure.
La terre ne fut plus qu’un lieu d’exil, la vie que le rêve d’une ombre, et la mort, anéantissant ce qui n’était point, prit la force d’une double négation ; elle délivra l’esprit de son élément fini, et lui ouvrit les portes de la vraie et réelle existence179. […] Mais cette largeur est rare, et la concorde des Dieux dans l’Humanité n’est qu’un beau rêve. […] À la tête d’une poignée d’« hommes tels que lui », c’est-à-dire de huit brigands, le voilà parti pour réaliser son rêve. […] Ils ne pèchent pas moins contre la poésie, ces romans qui prétendent intéresser pathétiquement un cœur d’homme à de jeunes niais, dont le rêve est de ressusciter la chevalerie dans notre société moderne237. […] Il rêve, il rime, et son imagination habite la lune et les étoiles.
Il rêve l’empire d’Occident ; il couronne son second frère Louis roi de Hollande ; son beau-frère Murat reçoit le duché de Berg ; des principautés sont données à tous les princes et à toutes les princesses de sa famille ; ses généraux reçoivent des titres, des dotations, des souverainetés ; il partage les dépouilles d’Austerlitz entre sa cour ; il rétrécit ou il élargit à son gré les États des princes allemands ; il crée la Confédération du Rhin, dont il se déclare le chef : grande pensée qui lui crée un parti français en Allemagne, et qui mine l’Autriche par les mains de ses propres feudataires. […] qui ne lui manque jamais, de prédire les fautes d’un génie désormais irrésistible, de prétendre qu’à de tels succès aucune raison humaine ne pourrait tenir ; et il est malheureusement vrai que le génie, après avoir désespéré l’envie par ses succès, se charge lui-même de la consoler par ses fautes. » IX Maître de la monarchie prussienne, sûr de l’immobilité de la Russie, de la tolérance forcée de l’Autriche, de la complaisance de l’Espagne, de l’obéissance de la Hollande, Napoléon rêve à Berlin le blocus du continent contre l’Angleterre, qu’il veut étouffer dans son île par l’écoulement refoulé de ses produits sur ses manufactures. […] Ce n’était pas un intérêt économique, c’était un orgueil qui pouvait seul jeter ainsi la moitié d’un continent contre l’autre : le rêve de l’empire d’Occident partagé entre Alexandre et Napoléon était devenu le rêve de l’empire napoléonien unique. À l’exception de la guerre d’Espagne, lèpre systématique qui rongeait la force militaire de la France, le moment était assez bien choisi par Napoléon pour accomplir ce rêve.
En vain fit-il suivre les Hortensias bleus du Parcours du Rêve au Souvenir. […] Cela je ne le sus jamais, car, à ce moment, je m’éveillais de mon rêve, à la fois ravi et désespéré… Hélas ! la merveilleuse rencontre n’eut jamais lieu qu’en rêve. […] Étiez-vous allé au théâtre entendre la blonde Jenny Colon, ou les Chimères vous ont-elles retenu si longtemps dans leur cercle magique que votre esprit s’est perdu dans le rêve ? […] Sera-ce l’amour, le rêve, le vin, l’art ?
La vie des gens de mer, de bonne heure, le sollicitait : il l’a vécue, un certain temps, au sens propre du mot, et il en est resté obsédé comme d’un long rêve. […] Mais n’allons point fausser le sens d’une vie qui fut avant tout d’action et d’effort, en permettant à nos regrets mal dirigés d’y agrandir, sans que Jouffret nous l’ait permis, la part du rêve. […] Giraud ne fait pas le cas que je voudrais de ces années de bohème et de rêve. […] Toujours vois-tu mon âme en rêve ? […] ……… Ce sera comme quand un rêve et qu’on s’éveille, Et que l’on se rendort et que l’on rêve encor De la même féerie et du même décor, L’été, dans l’herbe, au bruit moiré d’un vol d’abeille.
. — Et n’étant échauffé, comme un érudit, par aucune flamme idéale, illusionné par aucun rêve, il a écrit froidement ; il a remplacé par quelques traits d’esprit les généreuses erreurs que le rêve ajoute en ce genre à la vérité ; il a laissé à Platon son idéal, quelquefois brillant, souvent absurde, de sa République ; à J. […] Rousseau écrivaient de plus beaux rêves ; mais c’étaient des rêves plus dangereux que des réalités.
Lamoureux l’a tel qu’il le voulut, tel qu’on le rêve, sans défauts, enviable aux meilleurs théâtres allemands, doux, féroce, et sublime. […] Ni l’admirable Gluck à qui manqua un grand poète, et qui sentait les ailes de sa mélodie prises dans le péplum de la poésie classique, ni le sublime Beethoven, qui lutta vainement dans Fidelio contre la niaiserie de son livret, ni Weber lui-même, qui par Euryanthe cependant a fait prévoir Lohengrin, n’ont réalisé ce rêve : la dualité de la poésie et de la musique, harmonieusement absorbée dans l’unité du drame. […] Nous ne nous faisons pas d’illusions ; si l’on peut espérer qu’un jour les autres ouvrages de Richard Wagner deviendront populaires en France, il ne faut pas, à l’égard de celui-ci, former le même rêve ; l’Anneau du Niebelung est une composition d’un ordre particulier ; la légende interprétée ou, pour mieux dire, renouvelée par Richard Wagner est tellement imprégnée de l’esprit de la race à qui elle s’adresse, que, certainement, transportée devant d’autres spectateurs, elle perdrait la plus grande partie de son intérêt. […] Ils ont considéré, non sans étonnement, la soubrette jusqu’alors occupée des rubans de son corsage fripés par son bel ami le garde-française, et, pleins d’un beau rêve, dévorés du désir des cimes, ils ont violemment saisi Dorine, Fanchon ou Marinette, et l’ont forcée à lever la tête, sans lui prendre le menton.
Dans le volume qu’il intitule Chants modernes, il a eu plus d’un dessein : il n’a pas voulu seulement recueillir les vers personnels et lyriques dans lesquels il a célébré ses rêves, ses désirs, ses amours, ses tristesses et ses souvenirs, il a prétendu ouvrir la route à des chants nouveaux, à l’hymne des forces physiques, des machines et de l’industrie. […] Maxime du Camp, avec moins de fini, se rattache par le côté de Théophile Gautier à l’école de Victor Hugo ; il aime et cultive la description pour elle-même, il la cherche ; un de ses premiers soins a été de visiter cet Orient que le maître n’avait chanté que de loin et sur la foi du rêve.
Il souffrait de plus, et avec toute l’intensité morale qui lui était propre, de la marche des choses publiques, qui allaient à l’encontre de son rêve, de la fondation idéale de toute sa vie. […] Y a-t-il en effet dans le sujet que j’ai choisi de quoi faire le livre que j’ai rêvé, et suis-je l’homme qu’il faut pour réaliser ce rêve ?
On peut faire mieux, on peut faire autrement ; on ne remplace pas plus une pensée poétique qu’on ne remplace une âme : chaque création de ce genre, pour autant qu’elle est poétique, est unique et irréparable ; ce qui a été dit par un poëte, un autre ne le redira pas. » De nos jours, où toutes les vocations sont remuées et où tous les numéros, même incomplets, ont chance de sortir, combien ne savons-nous pas de ces âmes poétiques qui essayent de s’exprimer partout où elles sont, en province, dans le fond d’un bureau, au creux d’une vallée, au bord de leur nid enfin, et cela sans trop de manie d’imitation, sans trop de rêve de gloire, mais pour se satisfaire humblement et se suffire ! […] Il a dit lui-même, dans sa pièce à la Mémoire de George Farcy : Un soir, en nous parlant de Naples et de ses grèves, Beaux pays enchantés où se plaisaient tes rêves, Ta bouche eut un instant la douceur de Platon : Tes amis souriaient, lorsque, changeant de ton, Tu devins brusque et sombre, et te mordis la lèvre, Fantasque, impatient, rétif comme la chèvre !
Fauriel, dans les ingénieuses Réflexions qui précèdent sa traduction de la Parthénéide de Baggesen, établit que ce n’est point la condition des personnages représentés dans la poésie idyllique qui en constitue l’essence, mais que c’est proprement l’accord de leurs actions avec leurs sentiments, la conformité de la situation avec les désirs humains, en un mot la rencontre harmonieuse d’un certain état de calme, d’innocence et de bonheur, que la nature comporte peut-être, bien qu’il soit surtout réservé au rêve. […] Chacun, plus ou moins, est ainsi ; chacun a son rêve, sa patrie d’au-delà, son île du bonheur.
. — Pour ce qui est des images, de leur effacement, de leur renaissance, de leurs réducteurs antagonistes, le grossissement requis s’est rencontré dans les cas singuliers et extrêmes observés par les physiologistes et par les médecins, dans les rêves, dans le somnambulisme et l’hypnotisme, dans les illusions et les hallucinations maladives. — Pour ce qui est des sensations, les spécimens significatifs ont été donnés par les, sensations de la vue et surtout par celles de l’ouïe ; grâce à ces documents et grâce aux récentes découvertes des physiciens et des physiologistes, on a pu construire ou esquisser toute la théorie des sensations élémentaires, avancer au-delà des bornes ordinaires jusqu’aux limites du monde moral, indiquer les fonctions des principales parties de l’encéphale, concevoir la liaison des changements moléculaires nerveux et de la pensée. — D’autres cas anormaux, empruntés également aux aliénistes et aux physiologistes, ont permis d’expliquer le procédé général d’illusion, et de rectification dont les stades successifs constituent nos diverses sortes de connaissances. — Cela fait, pour comprendre la connaissance que nous avons des corps et de nous-mêmes, on a trouvé des indications précieuses dans les analyses profondes et serrées de Bain, Herbert Spencer et Stuart Mill, dans les illusions des amputés, dans toutes les illusions des sens, dans l’éducation de l’œil chez les aveugles-nés auxquels une opération rend la vue, dans les altérations singulières auxquelles, pendant le sommeil, l’hypnotisme et la folie, est sujette l’idée du moi. — On a pu alors entrer dans l’examen des idées et des propositions générales qui composent les sciences proprement dites, profiter des fines et exactes recherches de Stuart Mill sur l’induction, établir contre Kant et Stuart Mill une théorie nouvelle des propositions nécessaires, étudier sur une série d’exemples ce qu’on nomme la raison explicative d’une loi, et aboutir à des vues d’ensemble sur la science et la nature, en s’arrêtant devant le problème métaphysique qui est le premier et le dernier de tous. […] Ajoutez-y de nouveaux recueils de rêves notés au moment du réveil par le dormeur, des récits de mangeurs d’opium plus détaillés que ceux de Quincey, des hallucinations hypnagogiques observées par le patient lui-même, selon le procédé de M.
Wagner est venu annoncer que la synthèse de l’Art, c’était « le Rêve joyeux de la vérité belle ». […] Issu d’une vieille famille noble, d’origine germanique, introduite en Italie à la suite de Charlemagne et devenue française à l’époque du premier empire, il portait en lui une longue hérédité d’agitations, de fièvres, de rêves éthérés et de sang lourd.
Rousseau, quand il trace le dessin d’un verger selon ses rêves, a soin de border les limites de cet Elysée d’une rangée de grands arbres, afin que la vue ne s’égare pas sur les hautes montagnes environnantes : il emprisonne le regard dans le fouillis frais et vert où se complaît sa rêverie. […] Elle peut emporter les esprits au-delà du monde sensible, offrir des visions de choses surhumaines, s’élancer sur les ailes du rêve dans des régions inaccessibles à la science et à la raison.
Rien de plus simple, en apparence, que de remarquer que cette loi d’association est le phénomène vraiment fondamental, irréductible de notre vie mentale ; qu’elle est au fond de tous nos actes ; qu’elle ne souffre point d’exception ; que ni le rêve, ni la rêverie, ni l’extase mystique, ni le raisonnement le plus abstrait ne s’en peuvent passer ; que sa suppression serait celle de la pensée même ; cependant aucun ancien ne l’a compris, car on ne peut sérieusement soutenir que quelques lignes éparses dans Aristote et les stoïciens constituent une théorie et une vue claire du sujet169. […] Nous tournons la tête à droite et à gauche ; nous remuons notre corps et notre perception varie ; nous arrivons ainsi à distinguer les choses que nos mouvements font changer de place, des idées ou rêves qui varient d’eux-mêmes, quand nous sommes au repos.
C’est que, après une noble mais épuisante époque de rêve métaphysique, il faut reployer ses ailes et reprendre terre. […] Ils ne savent pas que Platon, Plotin et Malebranche sont les plus hardis des poètes et que toute synthèse est nécessairement faite d’autant de rêve que de pensée ou, s’ils le savent, ils ne parviennent point à se consoler de cette beauté inéluctable.
Un rêve de cerveaux trop courts, tel serait, à en croire l’anthropologie renouvelée41, l’esprit égalitaire. […] Les uns l’en jugent plus méprisable, la dénonçant comme un concept a priori, rêve de philosophe, « chimère de Rousseau » ; les autres, plus admirable, rappelant qu’il est le résultat précieux des longs efforts spéculatifs des plus hauts représentants de l’humanité46. — Ainsi la thèse idéologique satisfait dès l’abord à des préférences diverses.
Si les événements politiques s’étaient déroulés selon son désir, que la monarchie de ses rêves se fût réalisée, la Comédie serait peut-être en son genre un Roland plus sublime, la glorification d’une jeune Italie. […] On s’étonne souvent du contraste qu’il y a entre le rêve généreux de ses poètes de jadis et les brutalités de sa « Realpolitik » d’aujourd’hui ; mais on s’étonne à tort.
Ce qu’on a bercé d’une autre chanson se berce encore d’autres rêves. Il est vrai que toutes les chansons sont d’amour ; et tous les rêves. […] Nous nous découvrions nos peines, nos rêves, nos espérances. […] Le rêve enfin se réalisa. […] On rêve à ce qu’eût donné Lekeu s’il avait vécu.
Que si vous l’eussiez fait intervenir un peu plus souvent, en deux ou trois endroits bien distincts, cela eût suffi pour que votre pensée se dégageât, pour que tous ces rêves du mal, toutes ces formes obscures et tous ces bizarres entrelacements où s’est lassée votre fantaisie, parussent dans leur vrai jour, c’est-à-dire à demi dispersés déjà et prêts à s’enfuir devant la lumière.
Quelques nobles esprits prétendent qu’une autre ère commence, et M. de Lamartine, par exemple, ne rêve que l’avénement d’un grand Chatham pacifique et humanitaire.
D’une part, engagée par les sollicitations de votre mémoire, disons mieux, de votre conscience ; de l’autre retenue par les scrupules de votre amour-propre, ou du moins de votre délicatesse, il vous faudra, et j’adopte ici la supposition la plus douce, il vous faudra tout ménager, tout prévoir, conter avec apprêt et réserve, fausser presque à votre insu vos réminiscences, prendre à propos vos rêves pour des souvenirs, en un mot, par un officieux et perpétuel mensonge d’imagination, reconstruire le passé en croyant le reproduire ; à moins toutefois, ce que je ne redoute guère, qu’il ne vous advienne l’orgueilleux caprice de nous confesser voire vie pleine et entière, à la mode de saint Augustin, sinon de Jean-Jacques.
Stanislas Cavalier C’est le début d’une jeune âme qui obéit à sa sensibilité, à son amour de la nature, à ses rêves d’avenir.
Ses progrès rapides promettaient un artiste de talent, lorsqu’une ophthalmie cruelle vint l’arrêter au plus fort de son travail, au plus beau de son rêve.
Chacun arrange et rêve un entretien à sa manière.
Dans cette pépinière, on connaît la formule dite décadente, cette fumisterie inventée par Tailhade et perfectionnée par M. de Montesquiou ; on se sert sans aucune vergogne du néant aromal, de la lampe des rêves que l’on accroche à l’urne des désespoirs (à moins que ce soit le contraire !)
Je cueille au hasard ces beaux vers : Ne te lamente pas, homme des nouveaux âges, Parce que, dans les yeux des voyants et des sages, Les rêves du passé ne resplendiront plus.
Le rêve scientifique domine cette œuvre, où l’auteur, dans son écriture, veut synthétiser les différentes formes d’art : littéraire, musicale, picturale et plastique.
Il rêve, en pleurant de tendresse, d’une société bien faite et noblement circulaire où chacun restituerait en engrais matériel et moral les bonnes choses avalées par la bouche et par l’oreille.
Je rentre en moi-même, et je rêve.
L’énorme polypier du Journal, devenu une manière d’île coralienne où l’enfant qui sommeille au cœur de tout philosophe rêve et place ses Robinsonnades, comme il trouve dans le Berlin d’avant 1848, pour ses assises premières, des eaux tranquilles, un favorable climat, et l’abondance des calcaires ! […] ne deviez-vous pas — je l’ose dire à peine — Voir de quelle hauteur mon rêve tomberait ? […] … Car il y a désillusion. « Les choses ne sont pas le centième de ce qu’on les rêve, quand on a de l’imagination. […] L’image qui apparaît le plus volontiers dans les rêves ou la rêverie d’Amiel est celle de la jeune veuve. […] Dans la Prairie aussi se passent volontiers ces rêves quand ils approchent plus des contes de La Fontaine que de Schleiermacher.
Elle n’a pas l’air d’avoir cédé : à entendre les paroles qu’elle prononce, son crime est presque un rêve. […] Il reconnaît à chaque pas les lieux qu’il a visités dans les rêves de son enfance. […] Comment discuter sérieusement le rêve angélique, le rêve céleste que je viens de raconter ? […] À huit jours de distance, sa figure se ressemble si peu, que la date de sa naissance semble absolument dépendre de ses rêves et de son sommeil. […] Serait-il vrai que la destinée humaine répudie, comme un rêve de jeune fille, les dévouements illimités ?
C’est la peur d’être « bête » qui a toujours retenu l’esprit de Mérimée au seuil du rêve, dans certaines limites qu’il aurait pu dépasser d’un coup d’aile et d’un glorieux essor. […] I, Primavera, Ïambes, La Mort du Juif-Errant, Le Rêve, L’Elkovan, Prométhée délivré, etc. ; t. […] Nos poètes eux-mêmes voudraient bien vendre au poids leurs mélancolies, leurs élans et leurs rêves. […] Tout de même, il creuse bel et bien la fosse où tomberont, si nous n’y prenons garde, nos illusions, nos rêves, nos amours, tous les « cordiaux », tous les « excitants » qui nous font vivre et nous aident à mourir. […] Le sens de « l’écoulement des choses » est nécessaire au sage, s’il ne rêve rien au-delà des félicités molles du doute et des béatitudes languissantes du scepticisme.
Vous savez d’ailleurs que tous les rêves de cette aimable Ondine sont si hauts et si purs, que l’on peut du moins y sacrifier en toute sûreté la joie de sa présence. […] « Tout ce qui est alentour et devant moi est vraiment aimable. — L’air, le ciel et les arbres suffiraient bien, sans la maison très-confortable et riante96 ; mais on dirait que j’y suis en rêve ; je ne peux rien m’approprier ici, sinon le poids d’une crainte qui corrompt tout… » Et encore de Passy, 30 décembre : « Je ne peux la résoudre à vous voir ni personne. […] … » Ce souhait agréable et sensé, qui est celui de bien des familles, resta toujours pour elle à l’état de rêve.
Et cette noble tête se détachant ainsi derrière le lecteur dans la bordure du tableau de Corinne, tableau un peu trop rapproché de nous, je me disais : « Enfant, de tels fonds ont surmonté longtemps et dominé nos rêves. […] Ici commence toute une vie de René autre que celle que nous connaissons, avec le même fonds pourtant d’inquiétude et de rêve ; un René plus réel et non moins idéal, aussi romanesque, aussi attachant sans catastrophe et sans le malheur d’Amélie. […] Mais la route, les grands chemins seulement, les rêves du poëte-ambassadeur, de Sterne-René, dans la vieille calèche autrefois construite à l’usage du prince de Talleyrand ; mais les paysages de Bohême, les conversations avec la lune où tous les souvenirs reviennent et se jouent, tantôt dans une moquerie légère, tantôt dans une ivresse voluptueuse qui ranime, comme sous des baisers, les plus chers fantômes ; mais Venise et la Zanzé de Pellico, et le Lido où l’enfant des mers salue avec amour ses vagues maternelles ; mais Ferrare, et la destinée du Tasse qu’il marie à la sienne, comme un poëme dans un poëme ; ce serait là matière à bien des réminiscences aussi, à bien des fuites sinueuses et des étincelles.
Dans les vastes échanges cosmiques, la vie universelle va et vient en quantités inconnues, roulant tout dans l’invisible mystère des effluves, employant tout, ne perdant pas un rêve de pas un sommeil, semant un animalcule ici, émiettant un astre là, oscillant et serpentant, faisant de la lumière une force et de la pensée un élément, disséminée et indivisible, dissolvant tout, excepté ce point géométrique, le moi ; ramenant tout à l’âme atome ; épanouissant tout en Dieu ; enchevêtrant, depuis la plus haute jusqu’à la plus basse, toutes les activités dans l’obscurité d’un mécanisme vertigineux, rattachant le vol d’un insecte au mouvement de la terre, subordonnant, qui sait ? […] C’était l’apparition de l’adolescence à l’adolescence, le rêve devenu roman et resté rêve, le fantôme souhaité enfin réalisé et fait chair, mais n’ayant pas encore de nom, ni de tort, ni de tache, ni d’exigence, ni de défaut ; en un mot, l’amant lointain et demeuré dans l’idéal, une chimère ayant une forme.
En attendant, poëte, cela lui fait plaisir ; il y rêve avec complaisance, et, s’il laisse tomber une larme, c’est pour la faire éclore en une adorable élégie, — ce qui serait pourtant plus adorable encore, si un accent très-sensible de fatuité ne la gâtait pas. » LXVIII Je n’accuse pas l’intention du critique, dont la bienveillance est évidente dans toutes ces comparaisons du poëte en prose avec le poëte en vers ; mais il se trompe bien en voyant dans cette élégie involontaire du Premier Regret l’ombre de fatuité. […] Cette pensée me revint et me plongea pendant une heure dans des regrets qui ressemblaient à des rêves. […] De là il va jusqu’à la cataracte du Niagara, ce qui est plus douteux encore, car il ne tente pas même, lui si parfait descripteur, de décrire ce miracle des eaux, mais ce qu’il imagine est mieux que ce qu’il décrit ; il rêve des amours sauvages et des mélancolies de solitude.
Cela est du plus bel art, et la musique s’y révèle si colorée, si parlante, — si dramatique par instants — que l’on rêve une trame poétique à cette étrange symphonie, et que l’on maudit une fois de plus le stupide aveuglement de certaines personnalités qui ferment à M. […] Alors, les beautés se succèdent, selon la plus étonnante des progressions : le rêve d’Elsa, l’appel du héraut, deux fois répété dans un mortel silence de l’orchestre et des chœurs, l’invocation fervente de la vierge par tous abandonnée, l’apparition de la nacelle sur les méandres lointains du fleuve, la stupeur, l’allégresse de la foule, traduites en un double ensemble choral d’une animation prodigieusement réelle ; puis l’adieu au cygne, l’interdiction faite à Elsa par Lohengrin, l’ouverture du champ clos, le combat, la victoire. […] Il est évident que Wagner a réalisé ce rêve d’une œuvre typiquement allemande, qui se démarque des codes de l’opéra italien, et c’est plutôt en ce sens qu’il faut comprendre ces mots.
L’homme, « déterminé » de toutes parts, rêve de liberté. Ce rêve fût-il impossible à réaliser, il n’en demeure pas moins le fait significatif, l’effort héroïque et la gloire de notre histoire. […] « Vivre, sur un sol libre, avec des hommes libres », c’est le rêve de Faust.
Ce nom fatidique a probablement suggéré à l’auteur l’idée de Balthasar Claës au pourchas de son rêve impossible. . […] » Les magnificences des Jardies n’existaient guère qu’à l’état de rêve. […] S’il fut aimé comme il le souhaitait dans ses rêves de jeunesse, le monde n’en sut rien. […] A Naples, un mariage déterminé par une de ces admirations qui attirent les femmes vers le poëte de leurs rêves le fit heureux et riche. […] si courte, a tout entière été consacrée à la poursuite de son rêve et à l’étude de son art.
Le romantisme est fils du Nord, et le Nord est coloriste ; les rêves et les féeries sont enfants de la brume. […] Cependant Rembrandt n’est pas un pur coloriste, mais un harmoniste ; combien l’effet sera donc nouveau et le romantisme adorable, si un puissant coloriste nous rend nos sentiments et nos rêves les plus chers avec une couleur appropriée aux sujets ! […] Que le moraliste ne s’effraye pas trop ; je saurai garder les justes mesures, et mon rêve d’ailleurs se bornait à désirer ce poëme immense de l’amour crayonné par les mains les plus pures, par Ingres, par Watteau, par Rubens, par Delacroix ! […] Ainsi l’idéal n’est pas cette chose vague, ce rêve ennuyeux et impalpable qui nage au plafond des académies ; un idéal, c’est l’individu redressé par l’individu, reconstruit et rendu par le pinceau ou le ciseau à l’éclatante vérité de son harmonie native. […] C’est l’imagination du dessin importée dans le paysage : jardins fabuleux, horizons immenses, cours d’eau plus limpides qu’il n’est naturel, et coulant en dépit des lois de la topographie, rochers gigantesques construits dans des proportions idéales, brumes flottantes comme un rêve.
si parfois une femme, Pensive, en les lisant, à la fuite du jour, Sent son œil qui se mouille et son cœur qui s’enflamme A tes récits d’amour ; Si, parmi les amis qu’a chéris ton enfance, Un seul peut-être, un seul qui t’aurait oublié, Y trouve avec bonheur quelque ressouvenance D’une ancienne amitié ; Ou, si d’enfants chéris une troupe rieuse Qu’amusent tes récits, que charment tes accents, En t’écoutant, devient meilleure et plus joyeuse, Et t’aime pour tes chants : Ce rêve est assez beau pour enivrer ton âme !
Saint-Georges de Bouhélier est un artiste comme je les rêve.
Eut-elle au contraire quelque regret d’un mari autrement rêve ?
Voilà mon rêve.
Mardi 5 février Un rêve biscornu et cauchemaresque. J’étais condamné à mort pour un crime, commis dans une pièce que j’avais faite, un crime dont je n’avais pas la notion exacte dans mon rêve, et c’était Porel qui était le directeur de la prison, le Porel aux yeux durs du directeur de théâtre emmoutardé, — et qui m’annonçait que j’allais être guillotiné le lendemain, me laissant seulement le choix de l’être à sept heures au lieu de cinq heures du matin, et je n’étais préoccupé que de n’avoir pas un moment de faiblesse, en montant à l’échafaud, pour que ça ne nuisît pas à ma réputation littéraire. […] Elles m’apparaissent aussi ces fleurs, en le coloris de leurs nuances délavées autour de l’aigrette noire de leur calice, comme ayant la tendresse surnaturelle de couleurs, entrevues dans un rêve. […] Jeudi 16 mai Ce soir Léon Daudet conte un rêve assez original qu’il a fait ces jours-ci. […] Daudet est rentré, et assis, à demi couché sur une petite table, pendant qu’il prend à de lentes avalées, une tasse de café, interrompant soudain nos doléances sur la société moderne et sa veulerie, il se met à parler éloquemment sur la ressemblance de la génération actuelle avec Hamlet, de cette génération chez laquelle, selon une expression de Baudelaire, l’action ne correspond pas avec le rêve, prétendant que l’époque ne comporte pas l’action.
Le rêve me suffit. […] Le rêve atroce de Caligula, que le genre humain n’eût qu’une tête qu’il pût trancher d’un seul coup, fut réalisé par l’Inquisition dans les Flandres. […] Le rêve qu’a souvent fait M. […] On sent couver dans cette foule une fièvre d’attente pleine d’angoisse, des espoirs furieux, des rêves de vanité naïve et démesurée. […] Mais, la nuit suivante, elle fait un rêve, oh !
Napoléon, encore consul, rêve d’être bientôt un nouveau Charlemagne, sacré, lui aussi, par le Pape. […] Elle ne peut plus se bercer paresseusement dans son rêve de beauté. […] L’histoire de nos révolutions démontre en lui la persistance du rêve de justice et de bonheur universels qui inspira soit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soit la fête de la Fédération. […] A ceux-là, nous devons des œuvres niaises et plates, ou criardes et enluminées comme des images d’Epinal, n’ayant souci ni de style ni de vraisemblance, relevant moins de l’art que de l’industrie : chansons dont la musique aigrelette est digne des paroles ineptes ou grossièrement bouffonnes ; romans interminables déroulés durant des mois au rez-de-chaussée d’un journal, débités par tranches à des abonnés patients et promenant du bagne à la cour, du boudoir à l’hôpital, tout un monde de personnages comme on n’en voit qu’en rêve ; mélodrames naïfs et voyants, pauvres de psychologie, mais riches de coups de théâtre et de coups de fusil, rouges de sang et de feux de Bengale, fertiles en miracles de la Providence et du machiniste, étourdissant les yeux et les oreilles par l’éclat des costumes, des décors et des tirades ; littérature faite Sur commande pour un public friand de grosses émotions et de spectacles qui parlent aux sens, parce qu’il ne sait pas encore apprécier des mets plus délicats, parce qu’il n’est initié que d’hier aux jouissances esthétiques, parce qu’il n’a pas fait son apprentissage littéraire.
Le Coq rêve donc qu’il voit je ne sais quelle chose qui est dans le courtil et qui lui vient dessus pour le revêtir : ce je ne sais quoi a une peau rousse, blanche sous le ventre ; le bord est en os, le col est étroit, et force lui est, après y être entré, de s’en revêtir au rebours, c’est-à-dire de telle sorte que sa taille aille à l’autre extrémité de l’habit et que sa queue reste dans le collet. Il s’éveille effrayé et court jusqu’à ses poules ; il s’adresse à Pinte, en qui il a le plus de confiance, et lui raconte son rêve.
Ramond y fit son apprentissage d’explorateur hardi et léger ; dans ses promenades et ses excursions d’alentour, il exhalait ses rêves de première jeunesse, revoyait en idée les vieux temps évanouis, les comtes et les prélats guerroyants, les beautés recluses et plaintives, et il repeuplait à son gré de scènes touchantes ou terribles les ruines gothiques, les torrents et les rochers. Des sentiments personnels se joignaient à ce qui n’était qu’imagination et rêve : il aimait.
Ce gentilhomme qui abhorre les « philosophicailleries modernes », qui l’ait de la religion la base de la société, qui sollicite du despotisme royal des lettres de cachet contre fils, femmes et filles, cet homme de vieille roche, ce dur, cet intraitable féodal est l’ennemi des prêtres, des commis, des financiers, des courtisans, fait des avances à Jean-Jacques, bénit Quesnay, ne rêve que progrès, améliorations sociales, bonheur du peuple, et se fait mettre à Vincennes pour le libéralisme de sa théorie de l’impôt. […] Il n’écrit que pour occuper son loisir, tromper son impatience ; et quand il doit se dire qu’il n’y a pas de rôle pour lui en ce monde, il écrit le rôle qu’il ne jouera pas : c’est un rêve d’action que toute sa littérature développe.
A propos d’un mauvais drame de Ponson du Terrail, il nous trace de Henri IV, envisagé par certains côtés secrets, un portrait, avec preuves à l’appui, qu’il est impossible d’oublier. « … Il faut donc conclure, pour Henri IV jeune ou vieux, à un fonds ingénu de vilenie bestiale qu’il dominait moins dans son âge mûr et sa vieillesse, mais qui au temps de sa jeunesse, n’étant point revêtu par la gloire, choquait plus en sa nudité. » — A propos de Kléber, drame militaire, il développe ingénieusement et magnifiquement « le rêve oriental de Napoléon ». — A propos du Nouveau Monde, de M. […] Weiss, n’est point de subir ou de copier la réalité, mais de la dominer, de la pétrir, soit en des œuvres d’art, soit par l’action matérielle ; c’est de lui imposer, dans la mesure où on le peut, la forme de son rêve.
Le petit Chose commence donc par la fantaisie et le rêve. […] Au petit drame touchant se mêlent les jolis détails d’un paradis d’enfant de chœur, de petit clerc de la manécanterie de Saint-Nizier : « Mes yeux et mon cœur l’ont aussi reconnu, ce petit chérubin vêtu de mousseline, à ceinture d’azur, qui agite dans l’air, de toutes les forces de ses petits bras dodus et roses, une bannière à fleurs d’or aussi grande que lui ; c’est ma sœur, ma petite sœur Anna, que j’ai tant pleurée. » Surtout il y a dans ce rêve bien humain une tendresse profonde, un don de faire monter aux yeux de petites larmes chaudes, don précieux que M.
En face de ces hâbleurs et encombrants individus, qui ne sont même pas assez propres moralement pour leur être fidèles après les avoir traînées dans une existence de saleté et de misère, elles apparaissent aimantes, simples et travailleuses, indulgentes à ces mâles prétentieux qui les assomment de leurs « rêves » et les laissent cuisiner en barbouillant une toile ou en bâillant sur un poème. […] Tout s’achète, et l’artiste a toujours cru pouvoir entrer de plain-pied dans les rêves sans en acheter les droits civiques : de là son infirmité, le livrant aux bêtes de la vie ordinaire.
si souvent dans les choses de l’art et de l’intelligence, c’est précisément le mérite de ces sortes de compositions qui fait leur infortune, et, nous le répétons, pour publier un volume de ces choses dédaignées du public, il faut ou la candeur d’un mouton qui au bord d’une route rêve un pré, ou l’insouciance altière d’un véritable artiste qui écrit pour ses pairs littéraires et donne sa démission à l’avance de toute popularité. […] Il ne rêve pas les gros publics !
Or, il est évident que par tout le reste de son œuvre, Attila, Saint Paul, Mahomet et les poèmes couronnés par l’Académie, M. de Bornier est « un monsieur bien sage », je veux dire un excellent littérateur de plus de noblesse morale que de puissance expressive, poète par le désir et l’aspiration, mais un peu inégal à ses rêves.
Les blêmes faces de rêve, les apôtres, les poètes échevelés, les prêtres de la nature, les contemplateurs pâles, tous les altérés d’infini sont des mages qui ont découvert « le sens caché de la nature ».
Taine, au lieu d’étudier la littérature pour elle-même, l’a considérée trop souvent comme un moyen de mieux connaître la société dont elle exprime les mœurs, les tendances, les rêves.
Le but de l’art, au contraire, est la réalisation immédiate en pensée et en imagination, et immédiatement sentie, de tous nos rêves de vie idéale, de vie intense et expansive, de vie bonne, passionnée, heureuse, sans autre loi ou règle que l’intensité même et l’harmonie nécessaires pour nous donner l’actuel sentiment de la plénitude dans l’existence.
S’il fait cette comparaison, il ne verra certainement dans ce qu’on a écrit sur ces matières que des souvenirs confus, que les rêves d’une imagination déréglée ; la réflexion y est restée étrangère, par l’effet des deux vanités dont nous avons parlé (axiome 3).
Mais au reste, si Chateaubriand rêve de voyage, il rêve surtout, et par là même, de littérature. […] C’est un fils de marin, qui rêve voyages de découvertes. […] « Mêlée de rêve », ai-je dit. […] La mélancolie vient souvent de ce que nous sentons notre vie inégale à nos rêves, ou la distance entre ce que nous voudrions et ce que nous pouvons. […] On dirait que son rêve est de faire appliquer les idées de la Révolution par un personnel royaliste.
L’Angleterre, il l’accuse d’égoïsme : ne rêve-t-elle pas d’« opprimer » toutes les nations ? et un pangermaniste ne tolère pas ce rêve, chez les autres. […] Il rêve, il frémit d’une terrible ardeur. […] « Les premiers anciens inventaient ; nos grands hommes étaient obligés de réparer. » Vivre la vie nouvelle et ne point ressasser la vie séculaire : voilà le rêve de Chénier, son rêve politique et poétique. […] « Si quelque chose représente ici-bas le rêve, c’est la science !
L’invraisemblance ne les choquait pas ; ce n’étaient pas des imitateurs minutieux, des observateurs de mœurs ; ils créaient ; la campagne, pour eux, n’était qu’un cadre, et le tableau tout entier était sorti de leurs rêves et de leur cœur. […] Il n’y a ici que le rêve d’un moment, mais ils ont à chaque moment de semblables rêves. […] Des attentes et des rebuts, beaucoup de tristesses et beaucoup de rêves, quelques douceurs et tout d’un coup un malheur affreux, une fortune petite et une fin prématurée : voilà bien une vie de poëte. […] Il est au niveau de tant de noblesse, de grandeurs et de rêves. […] Et que signifient les disparates dans l’heureuse et sublime illusion du rêve ?
Il se réveille frappé de terreur, et, après avoir réfléchi sur son rêve, il se détermine à donner une femme à son fils, et lui ôte le commandement de ses troupes qu’il avait coutume de lui confier. […] « — Tu l’emportes, mon fils, reprit Crésus ; cette explication que tu donnes à mon rêve me persuade, et je cède à tes raisons ; je reviens donc sur ma résolution, et consens que tu prennes part à cette chasse. » « En achevant ces mots, Crésus fit appeler le Phrygien Adraste et lui parla ainsi : « Adraste, lorsque, chargé du poids importun d’un malheur que je suis loin de vous reprocher, vous êtes venu me trouver, je vous ai purifié. […] « Cambyse et Mandane étant unis, Astyage eut, dans la première année de leur mariage, un autre rêve : il lui parut voir naître de sa fille une vigne dont les rameaux s’étendaient sur toute l’Asie. […] Voulant ensuite délibérer sur ce qu’il devait faire de Cyrus, il appela près de lui les mêmes mages qu’il avait autrefois consultés, et leur demanda quel était le vrai sens de l’interprétation qu’ils avaient donnée à son rêve. […] Je crois que l’enfant ayant porté le nom de roi, mon rêve, en ce qui le concerne, est accompli et qu’il n’est plus à craindre.
Toutefois dans le beau grec, il n’y a ni rêve, ni fantaisie, ni mystère, pas enfin ce grain d’opium, si montant, si hallucinant, et si curieusement énigmatique pour la cervelle d’un contemplateur. […] Il parle de ses projets, de ses ambitions, de ses rêves de romans. […] Puis, causant de sa vente et du peu de chic de son cabinet de toilette, après qu’elle m’a dit qu’il lui faudrait un hôtel, un hôtel dans lequel elle ferait faire une piscine en marbre où elle recevrait… elle s’interrompt, songeuse, et reprend, joliment souriante, qu’elle est arrivée à la réalisation de son rêve : une mansarde, — et elle va avoir cela à Neuilly, et elle passera tout son temps à faire de la tapisserie sous les saules. […] On se perd dans les horizons du passé, on rêve aux choses ensevelies, on pense tout haut, on feuillette du souvenir les vieux chefs-d’œuvre, on retrouve et on retire de sa mémoire des citations, des fragments, des morceaux de poèmes, pareils à des membres de Dieux, sortant d’une fouille dans l’Attique. […] Une voix de l’autre pièce crie, comme du fond d’un rêve : « Qui est là !
C’est ainsi qu’il nous parle des voiles repliées du bateau endormi sur le courant et « semblables aux pensées repliées du rêve ». […] C’est la vision du rêve, où ne subsistent que quelques traits en reliefs qui, à eux seuls, évoquent tout le reste. […] Madame Bovary abonde en exemples : « Alors elle allongea le cou (vers le crucifix) comme quelqu’un qui a soif. » — « Si Charles l’avait voulu cependant, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier quand on y porte la main. » — « Elle se rappela… toutes les privations de son âme, et ses rêves tombant dans la boue, comme des hirondelles blessées. » — « Si bien que leur grand amour, où elle vivait plongée, parut se diminuer sous elle, comme l’eau d’un fleuve qui s’absorberait dans son lit, et elle aperçut la vase. » Voici d’autres exemples empruntés à l’Education sentimentale : « Il tournait dans son désir comme un prisonnier dans son cachot. […] Dompter tout ce qui l’a jadis persécuté, Se construire lui-même une étrange monture Avec toute la vie et toute la nature281… Ces vers sont beaux par la profusion et la hardiesse des images, comme par le mouvement qui les entraîne ; cependant, quand on a lu des pages entières de cette forme, où les rimes amènent successivement les visions les plus disparates, on éprouve un sentiment de vertige et de lassitude : on se frotte les yeux comme au sortir d’un rêve. […] Voici des phrases carrées à quatre membres : Car personne ici-bas ne termine et n’achève ; Les pires des humains sont comme les meilleurs ; Nous nous réveillons tous au même endroit du rêve.
En se conservant dans la mémoire, en se reproduisant dans la conscience, ne vont-elles pas dénaturer le caractère pratique de la vie, mêlant le rêve à la réalité ? […] Mais vienne un accident qui dérange l’équilibre maintenu par le cerveau entre l’excitation extérieure et la réaction motrice, relâchez pour un instant la tension des fils qui vont de la périphérie à la périphérie en passant par le centre, aussitôt les images obscurcies vont se pousser en pleine lumière : c’est cette dernière condition qui se réalise sans doute dans le sommeil où l’on rêve. […] Sans doute ce sont des images de rêve ; sans doute elles paraissent et disparaissent d’ordinaire indépendamment de notre volonté ; et c’est justement pourquoi nous sommes obligés, pour savoir réellement une chose, pour la tenir à notre disposition, de l’apprendre par cœur, c’est-à-dire de substituer à l’image spontanée un mécanisme moteur capable de la suppléer. […] Encore reste-t-elle capricieuse dans ses manifestations, et comme les souvenirs qu’elle apporte ont quelque chose du rêve, il est rare que son intrusion plus régulière dans la vie de l’esprit ne dérange pas profondément l’équilibre intellectuel. […] Les images passées, reproduites telles quelles avec tous leurs détails et jusqu’à leur coloration affective, sont les images de la rêverie ou du rêve ; ce que nous appelons agir, c’est précisément obtenir que cette mémoire se contracte ou plutôt s’affile de plus en plus, jusqu’à ne présenter que le tranchant de sa lame à l’expérience où elle pénétrera.
Il vit cela en poète, mais le poète voyait ici plus loin que bien des politiques, et quand le rêve s’est réalisé, l’honnête homme chez Béranger a eu le bon sens de ne pas démentir le poète.
Pour ne pas les entendre, on s’abîma de plus en plus dans le tourbillon des voluptés et des intrigues ; en partie volonté, en partie fatalité, on s’étourdit sur les dangers de sa postérité et d’un avenir qu’on ne jugeait pas si prochain : l’illusion de cette cour usée semblait un rêve de la caducité délirante.
« La Montagne est inattaquable par le côté droit et le Marais, s’écrie Camille ; elle n’est prenable, comme les Thermopyles, que par les hauteurs. » Effrayé enfin de cette sombre licence dont il a été le promoteur imprudent, il ne se lasse pas de présenter la liberté sous la forme aimable et sage dont il l’a toujours conçue ; il revient à chaque instant à cette idée, on dirait qu’elle l’obsède, et qu’il sent que ce rêve brillant couvrira seul dans l’avenir les taches de sa mémoire.
. — Le Rêve de Caliban (1890). — L’Espagnol (1891). — Théâtre en vers, 1884-1887 (1891). — Le Salon de 1892.
Alors il dit tout cette vie surnaturelle et toute l’autre, celle des heures où il forme les yeux ; et la nature et le rêve s’enlacent si discrètement, dans une ombre si bleue et avec des gestes si harmoniques, que les deux natures ne font qu’une seule ligne, une seule grâce… [Le Livre des masques, 2e série (1898).]
La plupart des bons poètes symbolistes, et non des moindres, avaient enfermé leur rêve et leur inspiration en une certaine quantité d’images limitées autour desquelles leur génie broda de radieuses et superbes variations.
Toute société, avant d’être réalisée, existe à l’état de rêve, de conception, de désir ; et cela devient de plus en plus vrai à mesure que les peuples prennent d’eux-mêmes et de leurs besoins une conscience plus claire.
Renan avait des ambitions politiques, que le siège de Sainte-Beuve devait hanter ses rêves, et que ses paradoxes d’autrefois pouvaient le gêner dans sa nouvelle carrière. » Oui, mon sourire avait dit ce que M.
C’est un très aimable poète qui donna jadis chez Lemerre Le Jardin des rêves, mais qui depuis, a affirmé par diverses pièces parues en des revues sa sympathie pour une rénovation de la forme poétique.
de la Chevalerie, dont les rêves ont charmé l’univers, revenez tout entière, car vous êtes vivante d’immortalité ! Vous n’êtes point captive dans les liens de la mort, comme tout ce qui n’a eu que le domaine du mal pour régner ou pour servir. » Et elle finit en montrant la Croix laissée dans ces lieux comme un autel magnifique qui doit tout rallier, et qui dira : « Ici fut adoré Jésus-Christ par le héros et l’armée chère à son cœur : ici les peuples de l’Aquilon demandèrent le bonheur de la France. » Ces pages expriment clairement en quel sens Mme de Krüdner concevait et conseillait la sainte-alliance ; mais ce qui était son rêve, ce qui fut un moment celui d’Alexandre, se déconcerta bientôt, et s’évanouit en présence des intérêts contraires et des ambitions positives, qui eurent bon marché de ces nobles chimères. […] Il n’aurait pas fallu non plus que Mme de Krüdner, même en venant au treizième siècle, eût vécu trop avant dans ce siècle et jusqu’au moment où des mystiques commencèrent de prêcher l’Évangile éternel ; son imagination, toujours périlleuse, aurait pu s’échapper de ce côté, si voisin de la pente de ses rêves.
Entre les fleurs, Psyché, dormant au bord de l’eau, S’anime, ouvre les yeux à ce monde nouveau ; Et, baigné des vapeurs d’un sommeil qui s’achève, Son regard luit pourtant comme après un doux rêve. […] J’appris des laboureurs et des batteurs de grain Ce rythme indéfini qui dans l’écho s’achève ; Que de soirs, j’ai trouvé, dans ce vague refrain, Enfant, un doux sommeil, jeune homme, un plus doux rêve ! […] C’est ainsi que je rêve !
Un progrès intellectuel, un progrès matériel, sont nécessaires pour que le rêve du sentiment se réalise. […] Soit qu’il peigne son homme originel dans la forêt primitive, soit qu’il rêve l’amour aux bords du Léman, la nature est un observatoire d’où il pense à l’Humanité. […] Décomposant alors son âme en deux, c’est-à-dire idéalisant en deux personnages l’esprit du bien et l’esprit du mal, l’esprit qui en lui cherche l’avenir et l’esprit qui lui dit que ses espérances sont des rêves, l’esprit qui souffre et qui aime et l’esprit qui n’aime pas, il place Méphistophélès à côté de Faust ; et son œuvre principale fut terminée.
Enfin, cette voix de l’oiseau, c’est l’écho même de nos pensées ; c’est de notre désir qu’elle parle, elle ne nous annonce que nos propres rêves : « Joyeuse dans la peine, ma chanson chante l’amour … les cœurs seuls la comprennent, qui désirent ! […] Fétis ne ménage pas les termes de son mépris : les conceptions de Wagner sont des monstruosités, des rêves insensés destinés à s’évanouir au grand jour. […] Hewig ne croit cependant pas à la réalisation de ce rêve ; le théâtre ne peut être réformé, il est le résultat naturel de conditions qui existent et qui agissent encore.
Sous le titre de « nouvelle théorie du rêve » M. […] Dans l’état d’excitation cérébrale appelé hallucination, cette confrontation des diverses données des sens est négligée ; dans l’état d’isolement cérébral nommé rêve, cette confrontation est impossible. […] Ainsi s’explique le phénomène du rêve et la croyance à la réalité objective de nos idées et de nos sensations.
Évidemment, ceci ressemble fort à du mysticisme et à du rêve. […] Son mysticisme est précisément le contraire du mysticisme religieux, c’est le mysticisme renversé de l’athée pour qui le fait est Dieu, et son rêve, je ne le nie pas, a une certaine fierté et une certaine grandeur, mais en est-ce moins pour cela du mysticisme et du rêve ?
Un jour, sur son carnet de soldat, il note : Avec ma manie de chercher à comprendre les autres, même les ennemis, j’ai découvert une grande beauté au rêve colossal de conquête de ce peuple allemand qui, l’âme embrumée par son tabac et sa musique, s’est rué sur nous et a failli nous asservir par sa discipline et son héroïsme. […] Je sais qu’à l’Action Française on veut surtout être raisonnable, mais un camelot du roi âgé de quinze ans est sûrement un prodige de romanesque, et je sens bien qu’Henri Lagrange avait donné corps par la politique royaliste à tous ses rêves, à tout ce qu’il y a de plus insaisissable et de plus secret dans les mouvements d’une jeune âme. […] De tels enfants avaient prodigieusement souffert de porter en eux les rêves les plus salubres, auxquels ils se dévouaient avec l’enthousiasme d’une conviction profonde, et de les servir avec les armes de l’anarchie.
Pourquoi chicaner un poète sur son rêve de l’au-delà ? […] Il me semble que vous avez rêvé ce rêve-là autrefois. […] Dans quel rêve ou dans quel pays ? […] Je ne dirai pas que la République a réalisé le rêve de Platon : un Etat gouverné par des philosophes. […] Des choses vues et des échappées dans le rêve !
Mais l’acte en toi valait le rêve, Le beau toujours, le beau sans trêve ! […] Avec son rare talent d’écrivain, l’auteur y a entassé toutes les fantaisies, tous les rêves, toutes les ivresses, voire même les cauchemars qui puissent sortir d’un cerveau humain. […] Elle est encore là, cette femme, chaque fois qu’on rêve tout éveillé, sur la plaine brûlée du soleil ; et il y a tant et tant de prière, de souffrance, de désespoir sur sa pauvre figure ! […] Ils ne demandaient qu’à vivre, et leur part de bonheur, leurs songes d’avenir, ils les ont donnés pour cet autre rêve, la Patrie ! […] On se figure les rêves d’an enfant bercé de la sorte.
Et, à côté de cette architecture poétique, des dessins d’un naturel, comme cet homme qui dort la tête sur une table, visité par un rêve paradisiaque ; comme cette société sur un pic de montagne, saluant le lever du soleil, les robes et les cheveux flottants et soulevés derrière eux par l’air du matin. […] Un serviteur fidèle a fait le même rêve. Donc, si un homme vient, un homme semblable à l’homme du rêve, ce sera bien l’assassin du mari. […] J’ai dessiné ainsi que j’ai rêvé, et comme le rêve d’un spectateur ne peut pas exactement tout donner, si vous voulez bien danser, apprenez-le près d’un maître. Or, si mon rêve ne peut pas faire un vrai danseur, ça fait tout de même un album.
Tous reconnaissaient sa charmante bonté, son désintéressement absolu de tout ce qui n’était pas son rêve, tous furent touchés par la façon dont il mêlait la noblesse mélancolique de ce rêve aux hasards de son existence vagabonde. […] Quelques-uns de ces rêves sont devenus les magnifiques sonnets qui s’appellent Armor, Mer montante ou Maris Stella. […] Il amasse autour de nous cette atmosphère d’isolement et de magie dont je parlais tout à l’heure et nous nous apparaissons à nous-mêmes selon les exigences de notre rêve. […] Quoi qu’il en soit, aimons-la, cette « associée », aimons-la parce qu’elle est une amoureuse et qu’elle rêve d’être, ce qu’il y a de plus rare au monde, une amoureuse raisonnable ? […] Ce qui, longtemps, fut un rêve deviendra une réalité.
Mon frère était condamné à mort, pour une cause dont je n’avais pas la conscience bien exacte dans mon rêve. […] Elle m’accueillait avec ce doux sourire triste du regard, que sa figure, un peu rude, prend à certaines heures… C’est étonnant, comme parfois la vision spirituelle du rêve vous donne le délicat portrait de la physionomie des gens ! La princesse me disait que l’Empereur n’était plus empereur, qu’il ne pouvait rien pour mon frère… et mon rêve finissait dans l’incohérence bête des rêves, et une anxiété que le réveil ne dissipait pas tout de suite. […] Cette nuit, à l’approche de l’année 1871, de cette année que je vais commencer seul, les tristes pensées ont amené, dans le malaise de mes rêves, mon frère bien-aimé. […] Et j’avais dans mon rêve, à l’état aigu, toutes ces perceptions douloureuses, absolument comme si je les revivais.
Ils vivent dans un rêve. […] Il poursuivait un rêve. Ce rêve était impossible à réaliser. […] Il nous raconte, dans l’Inconnu, une terrible histoire de folie qui finalement se trouve n’être qu’un rêve, mais bien le plus effrayant et le mieux suivi des rêves : le rêve d’un fou. […] Le rêve tint peu de place en son âme toujours présente aux choses.
C’est le rêve d’une ombre. » On a cru voir aussi dans Hésiode, Simonide, Euripide, Sophocle, des indices de mélancolie. […] Elle se chargea d’accomplir par la violence le rêve des philosophes. […] L’un se nourrit de rêves, l’autre de rêveries ; ou plutôt ils essaient inutilement de s’en nourrir. […] Il reste dans le monde et n’y voyant que bassesse, alors qu’il ne rêve que grandeur d’âme, il le prend en dédain. […] Vous vous préoccupez des rêves creux de votre héroïne.
Rêve d’une femme qui l’entend lui reprocher les plaisirs qu’elle a goûtés avec son amant devant la croix. […] Car deux choses paraissent aujourd’hui presque également certaines : l’une, que si l’on a pu jadis rêver de concilier ensemble la raison et la foi, c’était un beau rêve, mais c’était bien un rêve, que l’humanité ne recommencera plus ; et l’autre, que la science, non seulement ne résoudra jamais l’énigme du monde et de la destinée, mais encore que les questions mêmes qui nous intéressent le plus demeureront toujours en dehors de ses prises. […] Ce n’est qu’un rêve, dit-il encore ; ou moins qu’un rêve, car le rêve est encore quelque imitation de la réalité ; ce n’est qu’un souhait, et un souhait que sa raison n’approuve pas toujours. […] Sully Prudhomme, — ainsi sur l’idée trop romantique, à notre humble avis, qu’il se fait de Pascal, — nous nous contenterons d’ajouter que le souhait est d’un penseur et le rêve d’un poète. […] Au lieu donc de tyranniser la liberté de l’imagination et du rêve, ils demandent que la poésie les rende à leur essor.
Herman et Dorothée, pastiche admirable d’Homère, poème qui a la simplicité des scènes de Nausicaa ; le Comte d’Egmont, tragédie moderne ; enfin Faust, moitié drame, moitié poème, toujours rêve, mais rêve du génie, selon nous le plus vaste, le plus haut, le plus universel de ses chefs-d’œuvre. […] Elle rêve à haute voix en se parant. […] — « Elle est maintenant inquiète, agitée, ne sait ni ce qu’elle veut ni ce qu’elle doit, rêve nuit et jour aux bijoux, et bien plus à celui qui les a apportés !
Ses idées étaient des rêves, c’est pourquoi il les a portées jusqu’au surhumain. […] Il rêvait, quand il refusait la paix à Dresde, et il venait expier son rêve à Leipsick. […] Toute sa diplomatie ne fut qu’un rêve aussi inconsistant que son imagination. Le rêve, chez lui, anéantit sans cesse la réalité.
Le rêve pris pour une réalité et affirmé comme tel. […] Les mythologies ne sont plus pour nous des séries de fables absurdes et parfois ridicules, mais de grands poèmes divins, où les nations primitives ont déposé leurs rêves sur le monde suprasensible. […] Au plus bas degré apparaîtrait le fétichisme, c’est-à-dire les mythologies individuelles ou de familles, les fables rêvées et affirmées avec l’arbitraire le plus complet, sans aucun antécédent traditionnel, sans que l’idée de leur vérité se présente un instant à l’esprit, pas plus que dans le rêve, la fable pour la fable. […] Tel est le procédé qui préside à la formation des mythes les plus anciens : le rêve affirmé.
* * * — Une des curiosités de l’hôtel de la Païva, ce sont les deux coffres-forts au chevet du lit de la maîtresse de la maison, et entre lesquels elle dort : sa fortune, son argent, son or, ses diamants, ses perles, ses émeraudes, à droite et à gauche de son sommeil, de ses rêves et peut-être aussi de ses cauchemars. […] Et nous voilà, tout le jour, dans un contentement anxieux et dans une fièvre de rêves d’embellissements, suspendus sur cette pensée de maison, sur ce grand changement de notre existence, et où nous espérons trouver plus de paix pour nos nerfs, plus de respect des milieux pour notre travail. […] * * * — Ce qui sauve les souverains de devenir fous par la multiplicité des affaires et la contention des préoccupations, c’est que, par une grâce d’état, ils vivent dans une espèce de rêve de tout ce qu’ils font. […] 30 septembre Quinze jours passés dans l’arrangement de cette maison, qui est la maison du restant de notre vie, dans le rêve de trouvailles pour l’orner, la parer d’art : nos yeux tout heureux de ce que son jour illumine et transfigure, en jouant sur nos dessins, nos terres cuites, nos tapisseries ; — quinze jours à la parcourir du haut en bas, en y cherchant des contrastes et des harmonies sur les murs.
Dimanche 1er mai Mes rêves sont maintenant toujours des cauchemars, et ces cauchemars se réduisent à un cauchemar unique. […] Je me demande, si la persistance de ce rêve, n’est pas un symptôme, une indication dissimulée d’une mémoire qui se perd. […] Une jeune femme du monde me disait, ce soir, à propos d’un rêve sur Balzac, donné dans notre Journal, et où il y est parlé de lacunes, comme il y en a dans le Satyricon : — Qu’est-ce que vous avez pu vouloir dire par là… ça doit être salé… si vous saviez comme je me suis creusé la tête pour le deviner. — Mais je n’ai pas voulu dire autre chose, que dans mon rêve, il y avait des trous, des lacunes comme dans le livre de Pétrone, où il manque des morceaux du texte.
On ne savait ce que c’était que « ces femmes assises du côté de l’Aquilon qui pleuraient Thammus. » Impossible de deviner ce que c’est que le « hasmal », ce métal qu’il montre en fusion dans la fournaise du rêve. […] Aucun rêve n’approche du sien, tant il est avant dans l’infini. […] Dans l’un comme dans l’autre il y a le possible, cette fenêtre du rêve ouverte sur le réel. […] Dans cette brume sacrée où se meut l’esprit allemand, Isidore de Séville met la théologie, Albert le Grand la scolastique, Hraban Maur la linguistique, Trithême l’astrologie, Ottnit la chevalerie, Reuchlin la vaste curiosité, Tutilo l’universalité, Stadianus la méthode, Luther l’examen, Albert Durer l’art, Leibnitz la science, Puffendorf le droit, Kant la philosophie, Fichte la métaphysique, Winckehnann l’archéologie, Herder l’esthétique, les Vossius, dont un, Gérard-Jean, était du Palatinat, l’érudition, Euler l’esprit d’intégration, Humboldt l’esprit de découverte, Niebuhr l’histoire, Gottfried de Strasbourg la fable, Hoffmann le rêve, Hegel le doute, Ancillon l’obéissance, Werner le fatalisme, Schiller l’enthousiasme, Gœthe l’indifférence, Arminius la liberté.
Massillon abonde un peu trop en ce sens ; il n’y apporte aucun correctif ; il ne maintient pas le coin de fermeté, et il faut avoir gardé quelque chose du rêve de la monarchie pastorale selon le xviiie siècle pour s’écrier avec Lémontey : « Le Petit Carême de Massillon, chef-d’œuvre tombé du ciel comme le Télémaque, leçons douces et sublimes que les rois doivent lire, que les peuples doivent adorer ! » Il y a là un je ne sais quoi, en effet, du règne et du rêve de Salente.
L’idée philosophique de Condorcet, le rêve ardent du progrès, cessait d’être une aspiration vague et presque chimérique : elle prenait corps, elle allait trouver son moyen d’exécution et son organe. […] ce seul nom cependant est si beau, et la chose en elle-même si digne d’envie ; elle est si chère à ceux qui l’ont adoptée à l’heure où l’on croit et où l’on aime, et qui sont restés fidèles à ce premier idéal trop souvent brisé ; elle a été tellement notre rêve à tous, notre idole dans nos belles années ; elle répond si bien, jusque dans son vague, aux aspirations des âmes bien nées et trouve si bien son écho dans les nobles cœurs, qu’on hésite à venir y porter l’analyse, à la vouloir examiner et décomposer.
sinon que, présente avec ce soldat, tu sois comme absente ; que jour et nuit tu m’aimes, que tu me regrettes, que tu rêves de moi, n’attendes que moi, ne penses qu’à moi ; que tu m’espères, etc. » Ce qu’André Chénier a trouvé moyen, en transposant la situation, de traduire dans ces beaux vers d’élégie : Ce que je veux ? […] Présente au milieu d’eux, sois seule., sois absente ; Dors en pensant à moi ; rêve-moi près de toi ; Ne vois que moi sans cesse, et sois toute avec moi !
Dans son ambition juvénile, il se promettait encore et cueillait déjà en rêve le laurier tragique. […] Le temps a fait un pas, et la face de la terre est renouvelée 19. » C’est en ce site des plus romantiques entre tous ceux de la belle Normandie, qu’au milieu de ses livres et de ses rêves M.
Ménard, tout en l’honneur de la Grèce primitive, de la Grèce religieuse et héroïque, peut se résumer en ces mots : « Aucun rêve ne fut plus beau que le sien, et aucun peuple n’approcha plus près de son rêve. » Peuple à jamais aimable, en effet, dont le caractère se marquait en tout, et dès la première rencontre !
Ce qu’il trouvera, ce ne sera pas sans doute ce que nous savons déjà sur la façon et sur l’artifice du livre, sur ces études de l’atelier si utiles toujours, sur ces secrets de la forme qui tiennent aussi à la pensée : il est bien possible qu’il glisse sur ces choses, et il est probable qu’il en laissera de côté plusieurs ; mais sur le fond même, sur l’effet de l’ensemble, sur le rapport essentiel entre l’art et la vérité, sur le point de jonction de la poésie et de l’histoire, de l’imagination et du bon sens, c’est là qu’il y a profit de l’entendre, de saisir son impression directe, son sentiment non absorbé par les détails et non corrompu par les charmes de l’exécution ; et s’il s’agit en particulier de personnages historiques célèbres, de grands ministres ou de grands monarques que le poëte a voulu peindre, et si le bon esprit judicieux et fin dont nous parlons a vu de près quelques-uns de ces personnages mêmes, s’il a vécu dans leur familiarité, s’il sait par sa propre expérience ce que c’est que l’homme d’État véritable et quelles qualités au fond sont nécessaires à ce rôle que dans l’antiquité les Platon et les Homère n’avaient garde de dénigrer, ne pourra-t-il point en quelques paroles simples et saines redonner le ton, remettre dans le vrai, dissiper la fantasmagorie et le rêve, beaucoup plus aisément et avec plus d’autorité que ne le pourraient de purs gens de lettres entre eux ? […] Ainsi l’homme d’imagination plaidera sa cause sans déployer ses cahiers, et il évitera le reproche le plus sensible à tout ami de l’idéal, celui d’être taxé de rêve et de chimère.
De là son rêve de royauté pacifique et paternelle : l’éternel rêve des ruraux.
On peut regretter ces premières délices, comme, au fort de la vie, on regrette souvent les rêves et les joies de l’enfance ; mais il faut virilement marcher, et, au lieu de regarder en arrière, poursuivre le rude sentier qui mènera sans doute à un état mille fois supérieur. […] Alors il y aura de nouveau des Orphées et des Trismégiste, non plus pour chanter à des peuples enfants leurs rêves ingénieux, mais pour enseigner à l’humanité devenue sage les merveilles de la réalité.
On n’a pas assez remarqué que sur les républiques anciennes ce sage politique a exactement les mêmes idées que Mably et que Rousseau : ce qu’il appelle la république n’est pour lui qu’un rêve des temps antiques ; il n’a eu aucun pressentiment de la démocratie moderne. […] Tandis que les écoles démocratiques et humanitaires s’enivraient elles-mêmes de leurs rêves et de leurs formules, croyant que les mots d’avenir, de progrès, de peuple, répondent à tout, tandis qu’elles confondaient l’égalité avec la liberté et s’imaginaient que l’une est toujours le plus sûr garant de l’autre, Tocqueville démêlait avec précision ces deux objets.
J’ai entendu une femme de trente ans dire : « Je n’ai jamais pu comprendre ce qu’on trouve d’intéressant dans Madame Bovary. » J’ai pensé à lui répondre : « Ce qu’on trouve d’intéressant dans Madame Bovary, c’est vous », car il n’y a pas de femme de trente ans, je ne dis point qui ne soit Madame Bovary, mais qui ne contienne en elle une Madame Bovary avec toutes ses aspirations et tous ses rêves et toute sa conception de la vie ; une Madame Bovary latente, qui n’éclora point, comprimée et déroutée par toutes sortes d’autres éléments psychiques, mais qui existe. […] Ce ne sont point des livres faits pour le plaisir, chez l’auteur, de conter, chez le lecteur, d’entendre bien conter ; ce ne sont pas des livres d’observation générale et par conséquent que nous puissions contrôler ; ce ne sont point des livres d’idéalisation et que par conséquent nous puissions contrôler encore en ce sens qu’ils présentent comme réalisé ce qui est en nous belle inspiration, beaux rêves et belles ambitions morales.
Si une nouvelle révocation de l’édit de Nantes exterminait du sol de la patrie ces ferments utiles de sa vie et de sa civilisation ; si le rêve absurde des nationalistes « la France aux Français ! […] Bâtis amoureusement ton œuvre, travaille, lutte pour vivre, et fais tous tes efforts : situ n’as pas l’amitié chaleureuse d’un critique influent qui mette sa voix et sa plume autorisées au service de ta réputation, l’oubli noir te menace, tout ton travail est vain, et ton chef-d’œuvre ignoré ne sera qu’un rêve dans la nuit. […] La seule ombre au tableau, c’est qu’il peut encore se trouver de naïfs jeunes gens qui tiennent à l’argent moins qu’à l’honneur, en sorte que leur rêve de gloire n’est point satisfait. […] L’effort d’un enfant pour sauter hors de son ombre n’est pas plus vain que ne le serait celui de l’homme ayant fait ce rêve, d’échapper aux influences qui pèsent sur son esprit de toutes parts. […] Toute œuvre d’art ou de philosophie est un rêve bien fait.
En tout cas, il mérite de réussir, car ce qu’il rêve n’est point banal. […] Les formes conventionnelles du rêve varient avec les âges. […] Cela est à remarquer : toute forme du rêve destinée à devenir populaire ; — en d’autres termes, le rêve bourgeois ou, si vous préférez, le romanesque, — est toujours à cent lieues du monde réel. […] C’est le renversement de tous ses rêves d’ambition et de grandeur. […] Elles se meuvent comme dans un rêve, avec des gestes lents.
Sa vision s’éloigne autant des enluminures du moine et du jongleur que le rêve des théologiens musulmans du paradis coranique. […] Rien ne nous prouve mieux la force du rêve sur l’action. […] Le soir, on le voyait tomber dans un brusque sommeil, la tête près du feu, et se réveiller les yeux et l’esprit chargés de rêve. […] Il y ajoute un rêve (ô Pauline ! […] C’est un homme inférieur à son rêve et inégal à toutes les situations où son rêve l’engage.
Chacun apportait sa portion de zèle et de lumières ; l’un était chargé de l’histoire des finances ; l’autre, de celle du commerce ; un troisième, d’une histoire des États-généraux et des Parlements ; mais le plus inépuisable lecteur était sans contredit le digne abbé de Saint-Pierre que notre auteur aime à nommer en toute occasion son bon ami ; il y épanchait ses rêves bienveillants, y enfantait ses projets pleins d’espérance, et puisait dans les regards et jusque dans les sourires de l’amitié ses croyances les plus fermes à un bienheureux avenir.
Je voudrais enfin l’abolition du chapeau haut de forme, objet aussi inconcevable pour le moins et aussi mystérieux que l’« habit », et plus épouvantable encore, en dépit de la perverse accoutumance de nos yeux… Mais je sens bien ici que je suis en plein rêve.
Ses Rêves sont ceux de Jupiter ; il n’appartient, nous le répétons, qu’au Génie de créer de pareils systêmes.
Le drame qu’il rêve et qu’il tente de réaliser pourra toucher à tout sans se souiller à rien.
VI Une page inédite de Taine sur l’association La Ligue de la « Patrie Française » avait entrevu (comme, dans un rêve) qu’il pourrait y avoir convenance pour elle de s’associer prudemment, un jour ou l’autre, à une conférence d’un distingué avocat, Me Michel Pelletier, sur le régime auquel sont soumises les associations en France et à l’étranger.
mais elle a été le rêve des plus grands génies, mais tout leur effort a tendu à cela : devenir populaires. […] La mort planait au-dessus de ces beaux rêves qu’elle emportait un à un. […] Heureux encore si ce rêve d’un passé impossible avait pu durer ! […] Mais non, même après ces grands coups de tonnerre, le rêve dure encore, sommeil plus obstiné et plus incroyable que celui de la Belle-au-bois-dormant. […] Il était un but, il était un rêve !
Il vous demandait des détails sur votre vie, vos projets, vos rêves, les vieux parents que vous aviez laissés en province. […] « Les plus beaux paysages que j’ai vus, nous disait-il, je les ai vus en rêve ». […] On admirait des livres comme Une page d’amour et Le Rêve. […] Moréas a traîné son ennui de café en café, aux bras des amis qui voulaient bien le suivre, dans ce Paris nocturne où il semait au hasard ses vers et ses rêves. […] Le rêve pour nous, c’est le travail.
Dans un moment d’émotion, il n’y a plus de jugement, il n’y a que de l’espérance et de la crainte ; on éprouve quelque chose du plaisir des rêves, les limites s’effacent, l’extraordinaire paraît possible, et les bornes ou les chaînes de ce qui est, et de ce qui sera, s’éloignent ou se soulèvent à vos yeux.
Charles Baudelaire Je rêve à ce que me faisait éprouver la poésie de Madame Valmore quand je la parcourus avec ces yeux de l’adolescence qui sont, chez les hommes nerveux, à la fois si ardents et si clairvoyants.
. — Rêve sans temps au même site, si naïf, que si loin qu’aille le chemineau, sensuelle milice, il ne gagne un pouce sur l’astre auquel il s’acoquine.
Marsolleau, levé, quittait sa pipe, et récitait d’une voix dolente des vers charmants : MOI J’ai dans mon sang le sang des époques hautaines, Je suis le petit-fils des marquises lointaines Et des trouvères blonds, de grâce revêtus, Qui passaient — de châteaux en châteaux attendus Par le rêve espérant des vierges amoureuses — Et puis disparaissaient par les routes ombreuses, Comme un chant qui s’éteint que l’on n’entendra plus.
Robert de Montesquiou : Le Parcours du rêve au souvenir.
Ce fut cet amour idéal qu’il peignit dans L’Astrée, durant sa retraite, se rappelant la période de son amour où il était borné aux rêves de l’espérance et du désir.
Les pièces qu’il intitule Ballades ont un caractère différent ; ce sont des esquisses d’un genre capricieux : tableaux, rêves, scènes, récits, légendes superstitieuses, traditions populaires.
Fait-il avec elle des rêves d’avenir ? […] Il rêve un carnage de conseillers d’État et de ministres, et il le rêve accompli par un prince débonnaire qui n’a à la bouche que le nom de Henri IV, et qui, ne fût-il pas clément par facilité d’humeur et par libéralité d’esprit, le serait par mollesse et par crainte de la fatigue. […] L’œil perçant de Saint-Simon démêlait clairement que ce n’était rien de plus qu’un rêve. […] Clarice aspire au mariage en dépit de son frère qui rêve pour elle les félicités du cloître, afin d’hériter de sa dot. […] Ç’a été son rêve constant ; une vie où l’on pût être fou à l’aise et jouir de tous ses penchants sans être emporté par aucun.
Bonne catholique, elle salue dans l’antique basilique l’asile suprême où se rassemble tout ce qui monte de rêve de la cité « nombreuse et triste ». […] Ces rêves étaient ceux d’un enfant malheureux. […] Ces rêves étaient fous. […] J’étais dès lors résolu à faire carrière d’écrivain, mais ce n’était pas sans regret que je renonçais au rêve, caressé également un jour, d’être, moi aussi, un des apprentis de cet art dont je constatais de visu la bienfaisance. […] mon cœur, loin de ces grèves Fuis et te plonge, insensé, Dans tout ce gouffre de rêve Que nous nommons le passé.
Les rêves éblouissants de sa jeunesse et les souvenirs de son âge mûr se rassemblaient en lui, autour des dogmes calvinistes et des visions de saint Jean, pour former l’épopée protestante de la Damnation et de la Grâce, et l’immensité des horizons primitifs, les flamboiements du donjon infernal, les magnificences du parvis céleste ouvraient à « l’œil intérieur » de l’âme des régions inconnues par-delà les spectacles que les yeux de chair avaient perdus. […] L’âge est venu ; exclu du pouvoir, de l’action, même de l’espérance, il revient aux grands rêves de sa jeunesse. […] Quand Spenser écrit, il rêve. […] Cette nuit, par exemple, la pauvrette a fait un mauvais rêve, et Adam, en bonnet carré, lui administre cette docte potion psychologique508 : « Sache que dans l’âme il y a beaucoup de facultés inférieures qui servent la Raison comme leur souveraine. […] Ainsi muni, il traverse la vie en combattant, en poëte, avec des actions courageuses et des rêves splendides, héroïque et rude, chimérique et passionné, généreux et serein, comme tout raisonneur retiré en lui-même, comme tout enthousiaste insensible à l’expérience et épris du beau.
Il doit à son art, il se doit de tracer un rêve réalisable, viable, jouable et, si l’on me permet de forger un très vilain mot, « extériorisable ». […] Celui qui écrit et imprime souhaite d’être lu, sinon il écrirait peut-être encore pour fixer ses idées, son rêve, mais n’imprimerait pas. […] Mais faute d’instrument, il reste dramaturge en chambre ; il ne conçoit plus ses ouvrages que comme des rêves irréalisables ; pourquoi donc s’inquiéterait-il des moyens matériels de les réaliser ? […] Peu avant de mourir, le traducteur des Tisserands, le drame de Gerhardt Hauptmann, avait fait un rêve semblable. […] Mais si tous nos rêves ne sont pas encore passés dans la réalité, leur réalisation ne tardera plus guère.
Cette espèce de brute nue qui gît tout le long du jour auprès de son feu, inerte et sale, occupée à manger et à dormir38, dont les organes rouillés ne peuvent suivre les linéaments nets et fins des heureuses formes poétiques, entrevoit le sublime dans ses rêves troubles. […] Ce qu’il désigne par des noms divins, c’est ce je ne sais quoi d’invisible et de grandiose qui circule à travers la nature et qu’on devine au-delà d’elle40, mystérieux infini que les sens n’atteignent pas, mais que « la vénération révèle » ; et quand plus tard les légendes précisent et altèrent cette vague divination des puissances naturelles, une idée reste debout dans ce chaos de rêves gigantesques : c’est que ce monde est une guerre et que l’héroïsme est le souverain bien.Au commencement, disent ces vieilles légendes écrites en Islande41, il y avait deux mondes : Nilflheim le glacé et Muspill le brûlant. […] Y en a-t-il un qui ait chassé aussi entièrement de ses rêves la douceur de la jouissance et la mollesse de la volupté ? […] » Si peu nombreux que soient les chants qui nous restent, ils reviennent sur ce sujet : l’homme exilé pense en rêve à son seigneur47 ; « il lui semble dans son esprit — qu’il le baise et l’embrasse, — et qu’il pose sur ses genoux — ses mains et sa tête, — comme jadis parfois, — dans les anciens jours, — lorsqu’il jouissait de ses dons. — Alors il se réveille, — le mortel sans amis. — Il voit devant lui — les routes désertes, — les oiseaux de la mer qui se baignent, — étendant leurs ailes, — le givre et la neige qui descendent, mêlés de grêle. — Alors sont plus pesantes — les blessures de son cœur. » — « Bien souvent, dit un autre, nous étions convenus tous deux — que rien ne nous séparerait, — sauf la mort seule. — Maintenant ceci est changé, — et notre amitié est — comme si elle n’avait jamais été. — Il faut que j’habite ici — bien loin de mon ami bien-aimé, — que j’endure des inimitiés. — On me contraint à demeurer — sous les feuillages de la forêt, — sous le chêne, dans cette caverne souterraine. — Froide est cette maison de terre. — J’en suis tout lassé. — Obscurs sont les vallons — et hautes les collines, — triste enceinte de rameaux — couverte de ronces, — séjour sans joie… — Mes amis sont dans la terre. — Ceux que j’aimais dans leur, vie, — le tombeau les garde. — Et moi ici avant l’aube, — je marche seul — sous le chêne, — parmi ces caves souterraines… — Bien souvent ici le départ de mon seigneur — m’a accablé d’une lourde peine. » Parmi les mœurs périlleuses et le perpétuel recours aux armes, il n’y a pas ici de sentiment plus vif que l’amitié, ni de vertu plus efficace que la loyauté.Ainsi appuyée sur l’affection puissante et sur la foi gardée, toute société est saine. […] Cette émotion était déjà dans leurs légendes païennes, et Cœdmon, pour raconter l’origine des choses, n’a besoin que de trouver les anciens rêves, tels qu’ils se sont fixés dans les prophéties de l’Edda.
Les femmes apparaissent dans ses écrits telles que nous les voyons dans les rêves de notre adolescence, parées de leur beauté virginale, et ne tenant à la terre que par l’amour. […] Les idéologues sont des rêveurs, mais on ne gouverne pas les faits par des rêves. […] Mais on ne lui reprocha jamais de faiblesse envers le crime puissant, il ne désavoua jamais ses respects et ses hommages envers l’homme de son cœur et de ses rêves, Louis XVI, son premier bienfaiteur. […] Aucun ne vous laissera dans l’âme cette harmonie paisible du beau antique que les Grecs, ou les Latins, ou les Indous appelaient la beauté suprême, parce qu’elle était à la fois vérité et volupté, et qu’elle produisait sur le lecteur un effet divin et éternel sentiment de l’âme à tout ce que l’on désire, qui la remplit sans la laisser désirer rien de plus, ivresse tranquille où les rêves mêmes sont accomplis, et où le style, où l’expression ne cherche plus rien à peindre, parce que tout est au-dessus des paroles. […] On sent qu’il rêve ; sa ville de Salente est construite de fantasmagories qui se détruisent les unes les autres.