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820. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Pour de petits talents, passe ; mais quand le talent s’élève, quand il est cette puissance supérieure et magique qui sait voir et qui sait rendre, qui devine, qui ressuscite, qui crée de nouveau tout un passé évanoui, qui agrandit du même coup les horizons de la mémoire historique et ceux de la science morale, il mérite aussi quelque respect. […] Il s’agit du maréchal de La Feuillade et de son énorme flagornerie, lorsque ayant acheté l’hôtel de Senneterre, il le fit abattre, y établit la place dite des Victoires et y dédia solennellement la statue pédestre de Louis XIV avec les quatre principales puissances de l’Europe enchaînées sous la figure d’esclaves.

821. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

De même que du sein des rangs royalistes une voix éloquente s’élevait par accès, qui conviait à une chevaleresque alliance la légitimité et la liberté, et qui, dans l’ordre politique, invoquait un idéal de monarchie selon la Charte, de même, tout à côté, et avec plus de réussite, dans la haute compagnie, il se trouvait une femme rare, qui opérait naturellement autour d’elle un compromis merveilleux entre le goût, le ton d’autrefois et les puissances nouvelles. […] Mais, vers le même temps, il se faisait en elle, tout au dedans, un grand travail de soumission religieuse et de piété ; elle n’avait jamais été ce qu’on appelle dévote dans le courant de la vie ; elle arrivait aux sources élevées par réflexion, par refoulement solitaire, en vertu de toutes les puissances douloureuses qui l’oppressaient.

822. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Simples chansons et fabliaux, chansons de caractère et monologues, tout cela, comme les parades des bateleurs, contenait de quelque façon en puissance la comédie : tout cela dut en influencer le développement. […] L’imagination éveillée des poètes picards, ou peut-être la fantaisie originale du seul Adam de la Halle147, saisit la variété et la puissance des effets qui étaient contenus dans la forme de ces « jeux » sacrés.

823. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

C’est dans ces pièces philosophiques et dans la sentimentale féerie d’Arlequin poli par l’amour (1720) que l’on sent combien Marivaux à sa façon est vraiment poète : il y a en lui une poésie d’une espèce rare, une poésie fantaisiste, ingénieuse, alambiquée, brillante, qui rappelle avec moins de puissance et plus de délicatesse la Tempête ou Comme il vous plaira de Shakespeare. […] Il ne manque à cet ouvrage finement écrit que la puissance dramatique.

824. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

L’oreille, l’œil, trouvent leur plaisir dans le rapport harmonique de deux sons ou de deux couleurs ; mais ici c’est pour ainsi dire le plus haut degré de consonance que l’âme puisse percevoir, car en même temps toutes ses puissances sont en jeu : l’imagination, les sens sont séduits, satisfaits par un des termes de la comparaison ; la raison spéculative ou le sens du beau moral, par l’autre ; et ce double plaisir est encore surpassé par celui qui naît simultanément du rapport entre les deux termes, c’est-à-dire de la similitude même. […] Il faut qu’on nous accorde que toute poésie vit de métaphore, et que le poète est un artiste qui saisit des rapports de tout genre par toutes les puissances de son âme, et qui leur substitue des rapports identiques sous forme d’images, de même que le géomètre substitue au contraire des termes purement abstraits, des lettres qui ne représentent rien de déterminé, aux nombres, aux lignes, aux surfaces, aux solides, à tous les corps de la nature, et à tous les phénomènes7.

825. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Étrangère à la théorie des récompenses individuelles, que la Grèce a répandue sous le nom d’immortalité de l’âme, la Judée avait concentré sur son avenir national toute sa puissance d’amour et de désir. […] Ces grandes dominations brutales, terribles dans la répression, n’étaient pas soupçonneuses comme le sont les puissances qui ont un dogme à garder.

826. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Le jour où tout semblait fini par l’acquittement d’Esterhazy, Zola fut celui dont la vaillance inattendue effare la marche brutale et tranquille des puissances. […] Il n’a jamais la joie des larges mouvements et de l’irrésistible puissance à demi-consciente.

827. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

On sent si bien une puissance qui, du haut de cette chaire, est dans la sincérité de sa direction et dans la plénitude de sa nature, une parole qui a cru entendre son mot d’ordre d’en haut : « N’interrogez pas le cours des fleuves ni la direction des montagnes, allez tout droit devant vous ; allez comme va la foudre de Celui qui vous envoie, comme allait la parole créatrice qui porta la vie dans le chaos, comme vont les aigles et les anges. » Il va donc et nous emporte mainte fois sur les crêtes et sur les cimes ; on frémit, mais il ne tombe pas. […] À peine établi dans cette chaire de Notre-Dame, il n’avait pas été sans se rendre compte de sa puissance d’action sur son public ; il avait senti qu’il était en voie d’opérer une œuvre, et, selon qu’il l’espérait, une œuvre bénie.

828. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

L’éloquence, à ce degré, est une grande puissance ; mais n’est-ce pas aussi une de ces puissances trompeuses dont a parlé Pascal ?

829. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

tu as le don de la parole, tu as de la jeunesse, tu sais conter un récit héroïque : raconte de nouveau ce livre royal, et cherche par là la gloire auprès des grands. » Cet ami lui abrégea les recherches, lui procura un certain recueil déjà fait, et le poète, voyant la matière en sa puissance, sentit sa tristesse se convertir en joie. […] Au reste, ce n’est point par un désir égoïste de vengeance qu’il écrit cette satire, c’est dans une pensée plus haute : Voici pourquoi j’écris ces vers puissants : c’est pour que le roi y prenne un conseil, qu’il connaisse dorénavant la puissance de la parole, qu’il réfléchisse sur l’avis que lui donne un vieillard, qu’il n’afflige plus d’autres poètes, et qu’il ait soin de son honneur ; car un poète blessé compose une satire, et elle reste jusqu’au jour de la résurrection.

830. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Avec un talent du premier ordre et tel qu’on n’en trouverait pas de supérieur en notre littérature dès l’origine, elle semble craindre que ce talent, dans son activité et dans sa puissance, ne manque de sujet, ne manque de pâture. […] Organisation singulière, qui a le don et la puissance d’absorber ainsi tout d’un trait et de s’assimiler d’abord ce qui lui convient !

831. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

À ce premier don de pénétration instinctive et irrésistible, Saint-Simon en joignait un autre qui ne se trouve pas souvent non plus à ce degré de puissance, et dont le tour hardi le constitue unique en son genre : ce qu’il avait comme arraché avec cette curiosité acharnée, il le rendait par écrit avec le même feu, avec la même ardeur et presque la même fureur de pinceau. […] Il fallait effort pour cesser de le regarder… Quand on a une fois peint un homme de cette sorte et qu’on l’a montré doué de cette puissance d’attrait, on ne saurait jamais être accusé ensuite de l’avoir calomnié, même lorsqu’on l’aurait méconnu par quelques endroits.

832. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

dans une lettre écrite de Genève, en septembre 1832, à une femme aimable et supérieure, qui eut le don jusqu’à la fin (et sans être Mme Récamier) de le dérider un peu et de le distraire, il écrivait : Puissance et amour, tout m’est indifférent ; tout m’importune. […] Puis le soir (n’allant jamais dans le monde), il rentrait au logis en puissance de Mme de Chateaubriand, laquelle alors avait son tour, et qui le faisait dîner avec de vieux royalistes, avec des prédicateurs, des évêques et des archevêques : il redevenait l’auteur du Génie du christianisme jusqu’à nouvel ordre, c’est-à-dire jusqu’au lendemain matin.

833. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Pascal fait porter en effet tout son raisonnement sur la contradiction intérieure, inhérente à la nature de l’homme, qui, selon lui, n’est qu’un assemblage monstrueux de grandeur et de bassesse, de puissance et d’infirmité, et qu’il veut convaincre à ses propres yeux d’être, sans la foi, une énigme inexplicable. […] » Il a résumé toute sa théorie à cet égard dans ce mot si souvent cité, et qui, déjà dit par d’autres13, restera attaché à son nom, comme au nom de celui qui était le plus digne de le trouver et de le dire : « Les grandes pensées viennent du cœur. » Comme critique littéraire, et dans les jugements qu’il porte au début sur les écrivains qui ont été le sujet favori de ses lectures, Vauvenargues n’est pas sans inexpérience : sur Corneille, dont l’emphase lui répugne jusqu’à lui masquer même les hautes beautés, sur Molière dont il ne sent pas la puissance comique, Voltaire le redresse avec raison, avec une adresse de conseil délicate et encore flatteuse : Vauvenargues reprend ses avantages quand il parle de La Fontaine, de Pascal ou de Fénelon.

834. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Enfin je remarque que la vue du cadavre m’avait causé alors une profonde tristesse et que tout à l’heure aussi j’étais triste. » C’est donc la similarité d’émotion, c’est l’état de la sensibilité qui a été la puissance dominatrice et déterminante ; ici encore les idées empruntent leur principale force aux sentiments ou appétitions qui les animent, et la conscience, loin de refléter passivement les impressions, agit pour les accepter ou les repousser. […] La conscience n’est donc ni si haut ni si bas que la placent ses admirateurs ou ses détracteurs : elle n’est pas une puissance indépendante du mécanisme naturel, mais elle n’est pas non plus un simple effet accidentel et superficiel de ce mécanisme ; elle est l’intérieur dont le mécanisme est l’extérieur.

835. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Or, en fait, elle est, de plus, le foyer d’une vie morale interne dont on n’a pas toujours reconnu la puissance et l’originalité. […] C’est que, non seulement toutes les forces de l’univers viennent aboutir en elle, mais de plus, elles y sont synthétisées de manière à donner naissance à un produit qui dépasse en richesse, en complexité et en puissance d’action tout ce qui a servi à le former.

836. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Ce sont donc en réalité des guinné sous forme animale et non des animaux ayant la puissance surnaturelle des guinné. […] Ces exorcistes sont doués d’un pouvoir plus ou moins fort C’est sous la dictée de l’un d’eux qui se targue d’une puissance supérieure à celle de ses confrères, que j’ai transcrit le conte intitulé L’ensorcelée de Thiévaly.

837. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Dans ces derniers contes, la puissance de l’amitié chez les noirs est fortement mise en relief. […] Ici, comme partout, l’anthropomorphisme se manifeste et les dieux sont faits à l’image des plus puissants des hommes dans une société où la puissance fut initialement la plus respectée des qualités.

838. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Doué d’une rare puissance d’imitation, il pastiche quand il veut, avec succès, les écrivains les plus différents, les plus personnels. […] Elles sont à peu près exclusivement composées de jeunes, c’est-à-dire d’hommes qui remplaceront demain les puissances intellectuelles d’aujourd’hui.

839. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Seulement, poussant plus avant, en raison des habitudes et de la puissance métaphysique de sa pensée, il a fait trouée, lui, jusque dans l’argumentation philosophique. […] Mais le penseur qui l’y a mis l’en tire, et avec quelle puissance !!

840. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

elles n’ont plus la jolie puissance de nous égayer. […] L’opinion transforma cet élève de la science allemande, qui n’est pas une si grande sorcière, en une puissance scientifique redoutable.

841. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Mais je ne sache pas que la condamnation judiciaire qui l’a frappé ait supprimé le livre ; je ne sache pas qu’elle puisse l’ôter des mains qui l’ont acheté et de la mémoire de ceux qui l’ont lu ; je ne sache pas, enfin, que cette condamnation doive empêcher la Critique littéraire de rendre son jugement aussi, non sur la chose jugée, qu’il faut toujours respecter pour les raisons sociales les plus hautes, mais sur les mérites intellectuels d’un poète au début de la vie4 et aux premiers accents d’un talent qui chantera très ferme plus tard, si j’en crois la puissance de cette jeune poitrine. […] Mais je ne sache pas que d’être monocorde soit, pour un poète, une infériorité ou une diminution de puissance, quand il tire d’une idée ou d’un sentiment unique la plus étonnante diversité, et l’abondance, de la profondeur.

842. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

» Sous la paternelle puissance, Veux-tu reprendre un calme essor, Et dans des parfums d’innocence Laisser épanouir ton sort ?

843. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Que ce soit la tombe du ministre d’État Goethe, ou celle du baron Cuvier, courtisan de la puissance, ou celle du tory Walter Scott, qui se ferme (qu’importe la tombe ?)

844. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

Les conseils qu’on peut donner pour atteindre ce but sont les mêmes pour tous : car, à moins d’être des procédés et des artifices de rhéteur, ils font connaître la méthode et les moyens qui aident tous les esprits à se développer librement, selon la diversité naturelle de leurs aptitudes et de leurs puissances. » Ces lignes rendent compte de la transformation que le livre subit dans la présente édition.

845. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Vous avez tous connu de ces abbés lauréats, sensibles aux prix académiques et aux récompenses officielles ; enclins à respecter, en littérature comme ailleurs, les jugements qui se formulent par voie d’autorité ; d’un amour-propre littéraire à la fois très éveillé et très ingénu, et où se révèle un fond de docilité chrétienne, de soumission aux puissances constituées, car toutes, et même celles que signalent les palmes vertes, émanent en quelque sorte de Dieu lui-même.

846. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Et enfin, parmi cette étrange puissance d’illusion, au travers des confusions qu’elle fait de ses sens avec son cœur, et sous les boursouflures de son inlassable lyrisme, nous avons la joie de retrouver quand même sa bonté et sa bonhomie profonde, et son invincible maternité.

847. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Il a publié lentement des sonnets sonores, enfin recueillis dans les Trophées, qui, par la fermeté du dessin, l’éclat des tons et la puissance du modèle, suggèrent un plaisir esthétique rival de celui qui est propre aux arts plastiques, et qui donnent souvent par l’accord de l’idée et de la forme le sentiment même de la perfection.

848. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Il y a en lui quelque chose de la sobre puissance de

849. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

Les Philosophes eux-mêmes ont si bien reconnu sa puissance à cet égard, qu’ils n’ont pas dédaigné d’en emprunter la parure, toutes les fois que leurs talens naturels leur ont permis d’en faire usage.

850. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Son corps fut porté près de Naples ; & l’on mit sur son tombeau des vers* qu’il avoit faits en mourant : Parmi les Mantouans je reçus la naissance ;          Je mourus chez les Calabrois ; Parthénope me tient encor sous sa puissance.

851. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Les puissances unies de la matière sont à une seule parole de Dieu comme rien est à tout, comme les choses créées sont à la nécessité.

852. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

et c’est la meilleure raison de croire à la puissance actuelle et future de Voltaire.

853. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

III Le génie, en effet, quelles que soient les œuvres dans lesquelles il se révèle, n’est que la puissance d’une force mystérieuse qui paraît toujours simple, mais qui ne l’est pas toujours ; car, vous le savez, un jour on a douté jusque de la naïveté du bon La Fontaine, qui n’était pas si bon au fond, et qui, comme ses chats, avait « le génie scélérat ».

854. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Rabelais lui-même, notre grand Rabelais, que Chateaubriand, qu’on n’accusera pas de cynisme, appelle un génie-mère, Rabelais qui avait certainement en lui un prodigieux romancier en puissance, ne nous a pas donné de roman.

855. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Balzac est un inventeur d’une telle puissance qu’il inventa souvent quand il ne devait qu’observer, et cela donne parfois des airs cruels à son génie.

856. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Quelle est donc cette puissance mystérieuse qui n’est point l’homme et qui fait l’histoire ? […] Mais ne peut-on pas admettre, chez les grands philosophes, une puissance d’imagination analogue ou identique à celle des poètes ? […] C’est une vie en puissance, si vous voulez ; mais ce n’est point la vie effective et réelle. […] Les anciens guerriers, les anciennes assemblées populaires délibéraient debout : cela leur donnait une puissance formidable d’impulsion et d’entraînement. […] La plus grande puissance de vie qui soit au monde n’est pas la pensée, puisque, pour exister, la pensée a besoin de la forme.

857. (1932) Les idées politiques de la France

C’est ainsi que la première n’est représentée au Parlement qu’avec une mauvaise conscience, qu’elle y est un amour (du passe) qui n’ose pas dire son nom, tandis que la dernière puise une partie de sa force, même spirituelle, dans sa puissance et son allure parlementaires. […] La solidarité de la puissance publique avec le clerc, et la séparation a rompu entre eux les derniers liens. […] Ils sont seuls, avec la presse, à représenter le citoyen contre l’État, à constituer une puissance organique de contrôle, autre que cette poussière de puissance qu’est le bulletin de l’urne. […] Selon lui, la cause en est dans la figure nouvelle qu’a prise la guerre, dans ses puissances de destruction, qui font qu’il n’y a presque que le nom de commun entre les batailles humaines de naguère et les cataclysmes chimiques d’aujourd’hui. […] Quel qu’il soit, tout parti politique risque de s’alourdir d’« affaires » dans la mesure où s’étendra sa puissance parlementaire.

858. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

L’aristocratie dont il rêve doit devenir, c’est son mot : « une puissance territoriale agissante », puissance issue du peuple, mais par voie de formation naturelle et non d’élection. […] Il souhaitait être lui-même à la plus haute puissance. […] Il demeure, sauf exception, le privilège de la jeunesse, de ce temps où la synergie de nos puissances physiques est à son maximum de tension. […] Balzac, lui, manie les deux formes avec une maîtrise pareille et qui ne résulte pas seulement d’une puissance innée. […] Nisard, lui, ne s’y trompait pas, ni Weiss, qui a parlé, comme il convenait, de la puissance de d’Aurevilly à tracer d’admirables portraits d’histoire.

859. (1902) La poésie nouvelle

Ceux-ci peuplèrent la Nature de puissances occultes, et c’est-à-dire qu’ils représentèrent par des symboles leur divination du surnaturel. […] Les mots étaient usés ; il les a fallu, rajeunir pour leur restituer leur puissance expressive. […] Une allusion telle qu’en la voulant trop définir on lui ferait perdre sa mystérieuse puissance de suggestion, mais telle aussi qu’en s’abandonnant à son charme on en éprouve obscurément le sortilège.‌ […] La sincérité de l’accent, la puissance de l’expression et son intensité fiévreuse font de ces quelques pages une des œuvres les plus émouvantes qu’on ait écrites.‌ […] Réglée désormais et soumise au contrôle de la raison, sa puissance d’hallucination va se transformer en un don prodigieux d’évocation symbolique.

860. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

L’esprit recule d’étonnement et d’admiration devant la puissance d’organisation et devant l’immensité des détails que comporte ce nom d’armée : recrutement des soldats, habillement, armement, logement, nourriture de ces masses d’hommes ; solde, instruction, chevaux, canons, distribution de ces soldats dans les cadres, nomination et hiérarchie des sous-officiers et des officiers, génie du général, héroïsme collectif de ses bataillons, où chaque combattant est souvent désintéressé de la cause et où tous meurent au besoin pour la victoire ; c’est là un de ces phénomènes tellement compliqués de la civilisation antique ou moderne qu’un historien militaire doit commencer par l’approfondir dans ses plus minutieux détails avant d’en présenter l’ensemble sur les champs de bataille à l’esprit de la postérité. […] Son livre fera dans l’avenir à cette puissance plus de tort que la bataille d’Iéna ; la bataille d’Iéna ne lui a enlevé que des territoires, le livre de M.  […] L’historien, ici dominé par la puissance de la vérité, renonce enfin à flatter son héros ; il se contente de le peindre, il le donne en spectacle et on peut dire même en scandale à la justice de l’histoire. […] La Prusse était asservie ; l’Autriche avait donné à Napoléon dans sa fille, la jeune impératrice Marie-Louise, un gage de déférence et d’alliance qui paraissait irrévocable ; l’Italie était un auxiliaire, frémissant, mais obéissant, de son trésor et de son recrutement ; l’Allemagne était une confédération armée à ses ordres ; il pouvait entraîner toutes ces puissances dans une coalition apparente contre la Russie.

861. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

je t’amène Siegfried : salue-le avec tendresse, car par lui tu as la puissance éternelle !  […] Mais la musique, « l’âme du drame », est, elle, tout entière de la période de la plus parfaite maturité du maître, et d’un seul jet ; celui qui l’écrivait avait écrit — et entendu —Tristan et les Maîtres Chanteurs ; il était dans la plénitude de sa puissance d’orchestration ; et si la question de préférence est discutable, on peut au moins affirmer que jamais Wagner n’a été plus grandiose que dans la Gœtterdaemmerung. […] Si vouloir traduire littéralement et rhythmiquement est chimérique, les curieux ce l’original s’efforceront à entendre l’original ; qu’ils y soient aidés, certes, par une version non musicale enseignant la puissance des mots et reflétant la couleur des phrases : et ils avanceront, plus grandement, dans l’intelligence du poème. […] A la vue de cette destinée flétrie, brisée sur la terre comme un jonc foulé, et refleurissant dans le Ciel comme un lys splendide, nous sentons palpablement pour ainsi dire, comment en se perdant, on se sauve : si forte est la puissance du religieux élan renfermé dans le morceau final, formant l’Épilogue de la pièce.

862. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

En se plaçant à ce point de vue, on s’apercevra, croyons-nous, que l’objet de l’art est d’endormir les puissances actives ou plutôt résistantes de notre personnalité, et de nous amener ainsi à un état de docilité parfaite où nous réalisons l’idée qu’on nous suggère, où nous sympathisons avec le sentiment exprimé. […] Mais le mérite d’une oeuvre d’art ne se mesure pas tant à la puissance avec laquelle le sentiment suggéré s’empare de nous qu’à la richesse de ce sentiment lui-même : en d’autres termes, à côté des degrés d’intensité, nous distinguons instinctivement des degrés de profondeur ou d’élévation. […] En outre, les sensations de chaleur et de froid deviennent bien vite affectives, et provoquent alors de notre part des réactions plus ou moins accentuées qui en mesurent la cause extérieure : comment n’établirions-nous pas des différences quantitatives analogues entre les sensations qui correspondent à des puissances intermédiaires de cette cause ? […] L’expérience nous a appris qu’il fallait attribuer à une puissance supérieure de la cause cette sensation affective, prélude de l’éblouissement, que nous éprouvons dans certains cas.

863. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

. — « L’homme, a dit admirablement Cowper dans un de ses meilleurs poèmes, est une harpe dont les cordes échappent à la vue, chacune rendant son harmonie lorsqu’elles sont bien disposées ; mais que la clef se retourne (ce que Dieu, s’il le veut, peut faire en un moment), dix mille milliers de cordes à la fois se relâchent, et jusqu’à ce qu’il les accorde de nouveau, elles ont perdu toute leur puissance et leur emploi. » La convalescence se soutenant, Cowper résolut de changer tout son train de vie, et renonçant pour jamais à Londres qu’il appelait le théâtre de ses abominations, et qui l’était plutôt de ses légèretés, il chargea son frère de lui trouver une retraite de campagne dans quelque petite ville, non éloignée de Cambridge. […] Le ver, avant pris garde à son intention, le harangua ainsi très éloquemment : « Si vous admiriez ma lampe, lui dit-il, autant que moi votre art, ô ménestrel, vous auriez horreur de me faire du mal autant que moi d’attenter à votre chanson ; car c’est la même puissance divine qui nous a appris, vous à chanter et moi à briller, afin que vous avec votre musique, moi avec ma lumière, nous puissions embellir et réjouir la nuit. » Le chanteur entendit cette courte harangue, et, gazouillant son approbation, il le laissa, comme le dit mon histoire, et il alla trouver un souper quelque part ailleurs.

864. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Le fait est que la liaison entre l’impératrice Catherine et Frédéric n’était pas ce qu’on la supposerait quant à l’intimité, et le roi avait eu grand besoin de son frère pour prendre peu à peu toutes ses liaisons utiles avec cette grande puissance du Nord, qui lui avait fait jusque là l’effet d’un monde inconnu. […] Ce propos eut les suites qu’on sait, et amena la convention de février 1772 entre les trois puissances.

865. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Mais après, et jusque vers le milieu du xviiie  siècle, il lui fallut du temps et de l’effort pour se relever des choix faits sous l’influence stagnante de Fleury, et pour arriver à se mettre en accord et en parfaite alliance avec les puissances littéraires et philosophiques actives du dehors. […] Car ne croyez pas que cet honnête homme fut exclus par égard pour les puissances du jour : ce fut une victime qu’on immola au dieu et à l’idole de la veille.

866. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Les députés suisses avaient obtenu de la Cour de Turin de se rendre dans les vallées et de tâcher d’amener les Vaudois menacés à une composition qui épargnât les voies de violence ; leur représentant la situation désespérée et sans issue où on les voyait, cernés qu’ils étaient de toutes parts et hors d’état de résister à des forces si supérieures, à des puissances conjurées, ils proposèrent à ce petit peuple d’émigrer en masse et d’emporter avec lui ailleurs le flambeau de sa foi. […] Il tâtonna lui-même dans la manière d’assembler son armée ; il paraît bien qu’il pouvait la concentrer plus promptement devant Turin ; il se comporta trop avec le duc de Savoie comme avec une puissance égale et ne brusqua pas assez l’offensive.

867. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Tous les gouvernements sont pesés à sa balance, et l’on risque le bannissement à oser avancer modestement devant lui que le commerce d’une puissance est de quelques millions plus lucratif qu’il ne l’annonce. […] Le jeune lieutenant d’artillerie, Napoléon Bonaparte, concourra bientôt pour l’un de ces prix96. — Carat a appelé Raynal le grand maître des cérémonies de la philosophie au xviiie  siècle : sur la fin il s’en croyait bonnement le grand pontife ou le plénipotentiaire en titre, et s’exagérait sa puissance morale.

868. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

. — Comme la Providence se joue des passions humaines et de la puissance de ces hommes qu’on appelle grands ! Il s’en est rencontré un qui a fait ployer sous lui le monde entier, et voilà que quelques pauvres évêques, en disant seulement : Je ne puis, brisent ce pouvoir qui prétendait tout briser et triomphent du triomphateur au milieu de sa capitale et dans le siège même de son orgueilleuse puissance !

869. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Son organe est aussi doux ; il a autant de charme et de puissance… » Le malheur de Mlle Desbordes comme actrice fut la vie errante que lui imposa la nécessité : elle fut condamnée toute sa vie à débuter toujours. […] L’autre jour, en voyant Orphée, elle m’est revenue avec une force extraordinaire et toute cette puissance d’orage qu’elle seule a jamais eue sur moi.

870. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Je cherche autour de moi la puissance où je pourrais espérer un meilleur sort. […] Que l’Empereur exerce sur moi la tyrannie la plus absolue, je m’en console : il a sur moi les droits que donnent le génie et la puissance.

871. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

« À l’aspect attendrissant du convolvulus, qui entoure de ses fleurs pâles quelque aune décrépit, il croit voir une jeune fille presser de ses bras d’albâtre son vieux père mourant ; l’ulex épineux, couvert de ses papillons d’or, qui présente un asile assuré aux petits des oiseaux, lui montre une puissance protectrice du faible ; dans les thyms et le calamens, qui embellissent généreusement un sol ingrat de leur verdure parfumée, il reconnaît le symbole de l’amour de la patrie. […] Les herbes de la vallée et les cèdres du Liban le bénissent, l’insecte bruit ses louanges, et l’éléphant le salue au lever du soleil, les oiseaux le chantent dans le feuillage, le vent le murmure dans les forêts, la foudre tonne sa puissance, et l’Océan déclare son immensité ; l’homme seul a dit : « Il n’y a point de Dieu ! 

872. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

En un mot, la prose a été le langage de la raison, la poésie a été le langage de l’enthousiasme ou de l’homme élevé par l’impression, la passion, la pensée, à sa plus haute puissance de sentir et d’exprimer. […] et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste.

873. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Cet innocent qui est sorcier est grand par tout ce qu’il rappelle : Savant dans la découverte et l’emploi des herbes, pénétré d’une confiance aveugle en leur puissance, ne descendait-il pas en ligne droite du berger antique dont Virgile a chanté les croyances ? […] Nous avons sur le monde des notions que les anciens n’avaient pas ; mais notre puissance d’imaginer n’est pas plus grande que la leur.

874. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Que notre harmonieux univers ait autrefois existé, en puissance, à l’état de matière diffuse, sans forme, et qu’il soit lentement arrivé à son organisation présente, cela est beaucoup plus étonnant que ne le serait sa formation, suivant la méthode artificielle que suppose le vulgaire. […] Il apprend à la fois la grandeur et la petitesse de l’intelligence humaine, sa puissance dans le domaine de l’expérience, son impuissance quand elle le dépasse.

875. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Il n’y a ni la puissance d’un don Juan, ni la perversité d’un Valmont dans ce viveur anodin. […] Elle en reconnaît la force, elle s’incline devant leur puissance.

876. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Il ne comparait point toutefois les deux scènes, quant à l’importance des débats et à l’influence politique qu’on y pouvait acquérir : Il est inouï, disait-il plus tard de Pitt, au moment où ce grand orateur consentit à entrer dans la chambre haute sous le titre de lord Chatham, il est inouï qu’un homme, dans la plénitude de sa puissance, au moment même où son ambition venait d’obtenir le triomphe le plus complet, ait quitté la Chambre qui lui avait procuré cette puissance, et qui seule pouvait lui en assurer le maintien, pour se retirer dans l’hôpital des incurables, la Chambre des pairs.

877. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Voltaire choisit ce moment pour lui écrire comme à une puissance ; il la priait d’intéresser le roi de Pologne à la famille Sirven. […] Comme toutes les puissances, elle eut l’honneur d’être attaquée.

878. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Souvent consulté, mais en pure perte, par les ministres dirigeants des grandes puissances, Mallet du Pan resta en Suisse tant qu’il y eut une Suisse véritablement républicaine et indépendante. […] Elle développe cet amour de la domination qui forme le second instinct de l’homme ; rendez-lui aujourd’hui l’indépendance, demain il l’aimera comme moyen d’autorité, et, une fois soustrait à la puissance des lois, son premier besoin sera de l’usurper.

879. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Il y a longtemps, que, sous Domitien, un avocat nommé Matemus faisait à Rome des lectures très applaudies de sa tragédie de Caton, dont bien des traits choquaient les puissances. […] En décembre 1813, nommé membre de la commission du Corps législatif pour prononcer sur l’état des négociations entamées auprès des puissances, il osa, avec MM. 

880. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il n’est pas de plus beau et de plus véridique tableau (je dis véridique, car cela se sent comme la vie même) que celui du début de la régence et de cet établissement presque insensible, et par voie d’insinuation, auquel on assista alors, de la puissance du cardinal Mazarin. […] Ils commencent eux-mêmes à compter vos armées pour rien ; et le malheur est que leurs forces consistent dans leur imagination : et l’on peut dire avec vérité qu’à la différence de toutes les autres sortes de puissances, ils peuvent, quand ils sont arrivés à un certain point, tout ce qu’ils croient pouvoir.

881. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Les sept ou huit premières strophes sont consacrées à peindre le génie dans la profondeur de ses découvertes et dans la majesté de ses systèmes : « Tel éclatait Buffon… » — Puis paraît l’Envie, ameutant les puissances odieuses, et elles essayent de ravir ce favori et ce peintre auguste de la nature à l’honneur de ses immortels travaux. […] Toute la douceur compatible même avec la puissance avait fui dès longtemps de son âme.

882. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Mais le jeune homme, par un instinct secret vers l’avenir, voulait la guerre et la carrière des armes : « Je me sentais fait pour la guerre, dit-il, pour ce métier qui se compose de sacrifices. » L’amour de la gloire avait, en quelque sorte, passé dans son essence, et au moment où il retrace ces souvenirs (1829), il ajoute : « J’en ressens encore la chaleur et la puissance à cinquante-cinq ans, comme au premier jour. » À soixante-quinze ans, il les ressentait de même. […] En plus d’une occasion, notamment à Rosnay (le 2 février) il eut à décider l’affaire de sa personne et à se jeter au fort du péril, comme il avait fait dix-huit ans auparavant à Lodi : Il y a un grand charme, remarque-t-il à ce sujet, et une grande puissance à obtenir un succès personnel, à sentir au fond de la conscience que le poids de sa personne, et pour ainsi dire de son bras, a fait pencher la balance et procuré la victoire.

883. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Ces suicides des Caton, des Brutus, lui inspirent des réflexions où il entre peut-être quelque idolâtrie classique et quelque prestige : « Il est certain, s’écrie-t-il, que les hommes sont devenus moins libres, moins courageux, moins portés aux grandes entreprises qu’ils n’étaient lorsque, par cette puissance qu’on prenait sur soi-même, on pouvait, à tous les instants, échapper à toute autre puissance. » Il le redira jusque dans L’Esprit des lois, à propos de ce qu’on appelait vertu chez les anciens : « Lorsqu’elle y était dans sa force, on y faisait des choses que nous ne voyons plus aujourd’hui, et qui étonnent nos petites âmes. » Montesquieu a deviné bien des choses antiques ou modernes, et de celles même qu’il avait le moins vues de son temps, soit pour les gouvernements libres, soit pour les guerres civiles, soit pour les gouvernements d’empire ; on ferait un extrait piquant de ces sortes de prédictions ou d’allusions prises de ses œuvres.

884. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

On était depuis 1640 sous une Fronde continuelle et en quelque sorte chronique, Fronde d’autant plus dangereuse qu’elle était plus voisine de la Ligue, et que les grands fauteurs de troubles avaient gardé plus entiers leurs éléments de puissance. […] Cette mission lui convenait fort ; mais les propositions de la reine qui lui vinrent par le maréchal d’Ancre l’emportèrent : « Outre qu’il ne m’était pas honnêtement permis, dit-il, de délibérer en cette occasion, où la volonté d’une puissance supérieure me paraissait absolue, j’avoue qu’il y a peu de jeunes gens qui puissent refuser l’éclat d’une charge qui promet faveur et emploi tout ensemble. » En entrant au Conseil, il y devient du premier jour le personnage important ; il a, comme nous dirions, le portefeuille de la Guerre et celui des Affaires étrangères, de plus, la préséance sur ses collègues comme évêque ; et tout cela à trente et un ans.

885. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Grimm, avant qu’il eût une position diplomatique officielle, était de fait le résident et le chargé d’affaires des puissances auprès de l’opinion française et de l’esprit français, en même temps qu’il était l’interprète et le secrétaire de l’esprit français auprès des puissances.

886. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Tous les ensembles dans lesquels les caractères de force humaine, de luxure, de puissance, d’exubérance, peuvent èlre reconnus par association, sont exaltés par M.  […] Et la femme, force elle aussi, doublement magnifiée en sa puissance par le volontaire, en son charme par le mâle, devient la rayonnante et redoutable créature capable d’enivrer le monde.

887. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Nonobstant, le livre laissé là, qui est à peine une œuvre, se trouve être un chef-d’œuvre, de par une puissance bien plus rare encore que le talent. […] Être original dans le sens profond du mot ; et, après l’avoir pensé, bâtir un livre dans la puissance équilibrée de son harmonie, voilà le signe de la virilité en littérature, et nulle femme ne l’a ni ne peut l’avoir.

888. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Il aurait pu laisser après lui quelque monument immortel, mais la puissance nous ôte peut-être le désir. […] Cet Alcibiade du Royalisme, par sa puissance de séduction et par sa beauté, mourut à l’étranger, comme Alcibiade chez les Perses.

889. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

La vie chrétienne décuple sa puissance et multiplie en lui les facultés. […] Avec le génie hardi que je reconnais à Ernest Hello, — dont l’un des beaux chapitres est consacré à saint Joseph de Cupertino, cet homme inouï, incompréhensible comme le mystère de l’Incarnation lui-même ; car il incarne aussi l’esprit de Dieu et sa puissance miraculeuse dans l’imbécillité, la laideur, la maladresse, le ridicule, la maladie, toutes les humiliations et toutes les hontes et tous les dégoûts de l’humanité, — il y a dans l’histoire de l’Église des sujets tentateurs pour une plume aussi catholiquement osée que la sienne.

890. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Son formidable individualisme absorbe et concentre tout ce qui l’entoure, toutes les puissances nutritives de son temps et de sa race, dévore comme un gouffre monstrueux toute la vie cérébrale d’une contrée. […] Ils n’ont pas compris que cette transformation devait au contraire centupler leur puissance.‌

891. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

Dans sa troisième manière, qui date de l’Oraison funèbre de la reine d’Angleterre (1669), ce sont les sujets qui sont plus en vue et plus glorieux ; mais, lui, il ne fera qu’y appliquer les puissances qu’il possédait déjà, et les magnificences dont bien souvent jusqu’alors il ne savait que faire.

892. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable.

893. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Rien cependant n’inspire autant d’horreur que la possibilité d’exister uniquement, parce qu’on ne sait pas mourir ; et comme c’est le sort qui peut attendre toutes les grandes passions, un tel objet d’effroi suffit pour faire aimer cette puissance de philosophie, qui soutient toujours l’homme au niveau de la vie, sans l’y trop attacher, mais sans la lui faire haïr.

894. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Tandis que d’autres réduisaient l’homme à l’animalité, il se faisait, lui, une haute idée de l’homme ; il le mettait à part dans la nature, au-dessus de tous les êtres vivants ; il l’élevait, grandissait sa puissance et sa noblesse.

895. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Point ; nous ne donnerons pas cette satisfaction à l’obscure puissance qui a fait tout cela.

896. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

  Il y avait, chez George Sand, avec une imagination ardente et une grande puissance d’aimer, un tempérament robuste et sain et un fonds de bon sens qui se retrouvait toujours.

897. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Voici comme Sorel la raconte dans sa Bibliothèque Françoise : « Un jour la reine, par le moyen des autres dames, fit tant qu’elle tint Jean de Meun en sa puissance ; & l’ayant tensé, injurié & menacé, pour avoir médit du sexe féminin, commanda aux damoiselles qu’il fut dépouillé nud, & attaché à une colomne, pour être fouetté par elles-mêmes.

898. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Sa mort tragique, arrivée en 1648, étonna toutes les puissances de l’Europe ; mais aucune n’arma pour le venger.

899. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Une terre, une maison, un testament, une injure personnelle, & semblables causes particulières auxquelles nos avocats sont bornés, peuvent-elles agiter les puissances de l’ame, frapper l’imagination aussi fortement que l’ambition de Philippe, la trahison de Catilina & les fureurs d’Antoine, que le salut d’Athènes & de Rome ?

900. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

« Vous êtes infiniment grand, dit-il, infiniment bon, infiniment miséricordieux, infiniment juste ; votre beauté est incomparable, votre force irrésistible, votre puissance sans bornes.

901. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Ce que nous aimons avec respect, dans ses premiers épanchements, c’est la force de sa curiosité intellectuelle et sa puissance d’enivrement cérébral.

902. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Chevrillon on voit bien que la puissance philosophique demeure dans ce noble sang.

903. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Le duc de Nivernais passa quelques mois à voir tous les jours Frédéric et à l’entretenir sur les objets les plus intéressants, à étudier son caractère : car,, pensait-il avec raison, dans les monarchies mixtes et non purement absolues, là où l’organisation de certains conseils est régulière et où l’État se conduit par les vrais principes, on peut saisir les motifs déterminants de la conduite, par la combinaison des circonstances avec l’intérêt de l’État : ainsi, les puissances voisines d’une telle monarchie ont des moyens de direction solides pour traiter avec elle ; mais, dans les pays où le souverain n’a d’autre conseil que lui-même, où ses perceptions non comparées à d’autres perceptions sont la seule occasion et la seule règle des mouvements de l’État, le caractère du prince est le gouvernail de l’État : la politique, l’intérêt fondamental ne sont que ce que l’intuition du prince veut qu’ils soient ; et les puissances voisines d’une telle monarchie ne peuvent traiter avec elle que d’après la connaissance des mouvements intérieurs du monarque, qui seuls impriment le mouvement à toute la machine. […] Vous ne sauriez avoir l’idée du fanatisme d’orgueil et d’insatiabilité qui règne dans cette nation-ci. » Pour lui, il se multipliait et faisait en toute conscience son métier de négociateur auprès d’une puissance aussi parlementaire, dans une crise de violente fermentation ; sa frêle machine n’y suffisait pas ; il était littéralement sur les dents : Mon cher ami, écrivait-il au comte de Choiseul (9 octobre), je ne vous dirai rien ici de plus, sinon que je suis tout à fait borgne.

904. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

« Tant que les philosophes ne seront pas rois, ou que ceux qu’on appelle aujourd’hui rois et souverains ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes ; tant que la puissance politique et la philosophie ne se trouveront pas ensemble, et qu’une loi supérieure n’écartera pas la foule de ceux qui s’attachent exclusivement aujourd’hui à l’une ou à l’autre, il n’est point, ô mon cher Glaucon, de remède au maux qui désolent les États, ni même, selon moi, à ceux du genre humain, et jamais notre État ne pourra naître et voir la lumière du jour. […] Républicain dans ses chambres, dictatorial sur ses vaisseaux et dans ses colonies, monarchique dans sa cour, ce gouvernement seul correspondait à ses trois nécessités de situation : la liberté, la puissance, la stabilité ; il sortait de sa nature. […] Sa puissance indestructible, aux yeux d’un vrai philosophe, est précisément de savoir se changer.

905. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Qui t’a donné, barbare, cette puissance sur moi ? […] Quand l’homme est dévoré, ou plutôt réduit en poussière par l’incrédulité, cet esprit merveilleux est le seul qui rende à l’âme une puissance d’admiration, sans laquelle on ne peut comprendre la nature. […] « Non, certes, la vie n’est pas si aride que l’égoïsme nous l’a faite : tout n’y est pas prudence, tout n’y est pas calcul, et quand une action sublime ébranle toutes les puissances de notre être, nous ne pensons pas que l’homme généreux qui se sacrifie a bien connu, bien combiné son intérêt personnel ; nous pensons qu’il immole tous les plaisirs, tous les avantages de ce monde, mais qu’un rayon divin descend dans son cœur pour lui causer un genre de félicité qui ne ressemble pas plus à tout ce que nous revêtons de ce nom, que l’immortalité à la vie.

906. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Rendre la liberté à Marie Stuart, c’était livrer à l’Espagne, à la France, à la maison catholique d’Autriche, le levier tout-puissant, à l’aide duquel ces puissances remueraient l’Écosse pour la donner au papisme. […] Elle décrit en termes pathétiques, à l’envoyé de Charles IX à Londres, les disgrâces de son avant-dernière prison : « Elle n’est que de vieille charpenterie, écrit-elle, entr’ouverte de demy pied en demy pied, de sorte que le vent entre de tous costez en ma chambre, je ne sais comme il sera en ma puissance d’y conserver si peu de santé que j’ay recouverte ; et mon médecin, qui en ha esté en extresme peine durant ma diette, m’ha protesté qu’il se déchargeroit tout à fait de ma curation, s’il ne m’est pourveu de meilleur logis, luy mesme me veillant durant ma dite diette, ayant expérimenté la froydure incroyable qu’il faisoit la nuit en ma chambre, nonobstant les estuves et feu continuel qu’il y avoit et la chaleur de la saison de l’année ; je vous laisse à juger quel il y fera au milieu de l’hyver, cette maison assise sur une montagne au milieu d’une plaine de dix milles à l’entour, estant exposée à tous ventz et injures du ciel… Je vous prye luy faire requeste en mon nom (à la reine Élisabeth), l’asseurant qu’il y a cent païsans en ce meschant villaige, au pied de ce chasteau, mieuz logez que moy, n’ayant pour tout logis que deux méchantes petites chambres… De sorte que je n’ay lieu quelconque pour me retirer à part, comme je peux en avoir diverses occasions, ni de me promener à couvert : et pour vous dire, je n’ay esté oncques si mal commodée en Angleterre... » Les serviteurs écossais et les compagnes de sa fuite et de sa captivité succombaient un à un à cette longue agonie des prisons. […] Il la reprit cependant au moment d’expirer, et, soit puissance de la vérité, soit tendresse, il dicta à ses geôliers une justification de la reine dans la mort de Darnley ; il prit tout sur lui : crime et expiation.

907. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Depuis ce temps, j’abhorre le chiffre, cette négation de toute pensée, et il m’est resté contre cette puissance des mathématiques exclusive et jalouse le même sentiment, la même horreur qui reste au forçat contre les fers durs et glacés rivés sur ses membres et dont il croit éprouver encore la froide et meurtrissante impression quand il entend le cliquetis d’une chaîne. […] La presse commence à pressentir cette œuvre, œuvre immense et puissante qui, en portant sans cesse à tous la pensée de tous, abaissera les montagnes, élèvera les vallées, nivellera les inégalités des intelligences, et ne laissera bientôt plus d’autre puissance sur la terre que celle de la raison universelle qui aura multiplié sa force par la force de tous. […] C’est à populariser des vérités, de l’amour, de la raison, des sentiments exaltés de religion et d’enthousiasme, que ces génies populaires doivent consacrer leur puissance à l’avenir.

908. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Et Wagner, sitôt cette question soulevée, y répond avec une certitude absolue : « Au contraire, la mélodie et sa forme comportent, grâce à ce procédé, une richesse de développement inépuisable et dont on ne pouvait, avant d’y avoir recours, se faire une idée. » Il l’affirmait, et l’on pouvait déjà s’en fier à lui ; mais l’audition de son œuvre apporte une telle preuve à l’appui de son affirmation qu’on reste confondu, non seulement du génie du compositeur, mais de la puissance et de la lucidité d’esprit de l’homme qui a conçu cette nouvelle « œuvre d’art », ainsi qu’il l’appelle. […] Elles ne sont possibles que par l’union de tous les exécutants en une seule pensée et par la puissance de l’enthousiasme. […] Mais c’est deux ans plus tard, dans Euryanthe, cette œuvre de génie dont descendront Meyerbeer et Wagner, que le motif réminiscence s’épanouit avec une intensité dramatique et une puissance poétique qui lui avaient manqué jusque-là.

909. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Qui mieux que Pierre Loti a su atteindre la puissance communicative dans les sensations que son art provoque ? […] Ceux qui savent donner une expression ou une expansion nouvelle à ces vies semblables, issues des mêmes forces nationales, sont comme la première vague d’un fleuve débordé sur la plaine : elle croit entraîner la puissance même qui la pousse. » « La Terre et les Morts, c’est le leitmotiv qui anime la pensée de M.  […] Artiste délicat et sensitif, assuré d’une influence durable parce que la puissance de son art n’est point violente, — ni même toujours très apparente, — mais qu’elle tient à une observation profonde de l’âme humaine et des mouvements du cœur, M. 

910. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Le jour où il lit comme un bourgeois, il me semble prêt à perdre sa puissance créatrice. […] Jeudi 30 mars Lachaud, qui a été l’avocat de l’Internationale, était, hier, curieux à entendre causer sur la puissance de cette Société, à laquelle sont affiliés tous les ouvriers de Paris. […] Par une de ces ironies que font quelquefois les hasards de la conversation, le monteur de la campagne de 1870 tombe au milieu de paroles, qui, tout le temps du dîner, font l’éloge d’Annibal, célèbrent la puissance d’organisation qui permit aux Carthaginois de se maintenir vingt ans en Italie, chantent les talents militaires de cet homme unique, que Napoléon plaçait le premier parmi les hommes de guerre du passé.

911. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

La conquête des forces de la nature livrées comme des esclaves obéissantes à l’industrie, allégeant le rude travail des hommes en le multipliant dans des proportions inouïes, ces inventions sans nombre qui augmentent la puissance et l’intensité de la vie, si elles n’ont pu encore en accroître la durée ; la vapeur transportant les produits, les idées et les hommes d’un monde aux extrémités d’un autre monde à travers les mers et les montagnes, victorieuse dans une certaine mesure des puissances hostiles, de l’attraction et de l’espace ; de simples fils de fer jetés sur la surface du globe et l’enveloppant comme dans un réseau nerveux le long duquel court la pensée, la terre revêtue par l’homme d’organes véritables, investie de pouvoirs nouveaux qui dormaient jusqu’alors dans son sein à l’état de forces perdues, devenant ainsi comme un vaste organisme au service de l’humanité, toutes les conséquences morales qui en découlent, le rapprochement des races, la création d’une conscience collective de l’espèce humaine ; l’avenir mille fois plus riche encore que le présent et réduisant de plus en plus le domaine de l’impossible, il y a là des trésors inépuisables pour l’imagination : le danger est qu’elle en soit accablée. […] Il faut chercher ailleurs les motifs de cette résistance, ceux que les meilleurs amis du poète doivent lui indiquer pour l’aider à la vaincre une autre fois, bien convaincus d’ailleurs que le poète ne sort pas diminué de cette difficile épreuve, qu’il en doit sortir au contraire fortifié, mais en même temps éclairé sur les conditions, la puissance et les limites de son art.

912. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Et comme le système de répartition de la richesse — conception d’ordre économique — est basé sur l’argent, c’est à la puissance d’argent qu’appartiennent les biens de ce monde. Dans la marée humaine ceux qui ont cette puissance sont en haut, ceux qui ne la possèdent pas mais qui ont néanmoins le même désir de la posséder pour les mêmes buts sont en bas. […] Ce n’est que dans la doctrine chrétienne que le pessimiste et l’optimiste non seulement se confondent dans une certaine mesure, mais qu’ils existent côte à côte à leur plus haute puissance.

913. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Balzac, avec lequel la littérature du xixe  siècle n’en a jamais fini et qui pourrait la remplir tout entière à lui seul, avait vu cette grandeur et l’avait dilatée avec la puissance d’un génie qui inventait trop dans l’Histoire pour se contenir dans l’étreinte d’une exacte réalité. […] Cette ambition, excitée par tous les stimulants de la vie : la gloire, les richesses, l’exubérance de la race, l’intelligence, la beauté, toutes les puissances de la séduction, tous les bonheurs qui enivrent les hommes et toutes les fortunes qui les corrompent ; cette ambition, — qui commença avec Claude, monta avec le duc François et atteignit son zénith avec Henri, pour en être précipitée et briser toute cette immense famille du coup, — ils l’avaient, puisqu’ils étaient des hommes. […] Ce livre a la puissance personnelle des facultés qui font le talent, mais il a l’impuissance de son siècle, — d’un siècle à qui manque radicalement le sens des choses religieuses, et il en faut au moins la connaissance et la compréhension pour en parler dans une histoire où elles tiennent une si grande place.

914. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

D’ailleurs, il faut le dire, et très haut, une des vertus du symbolisme naissant fut de ne pas se courber devant la puissance littéraire, devant les titres, les journaux ouverts, les amitiés de bonne marque, et de redresser les torts de la précédente génération. […] Il faut donc admettre que ces quelques phénomènes généraux contiennent en puissance et nécessairement autant de combinaisons possibles que les lettres de l’alphabet contiennent de mots, les dix chiffres de nombres, les sept notes de combinaisons harmoniques. […] A-t-elle gardé sa puissance ? […] On trouve l’androgyne aux caves du château ; et dans toute une faiblesse, une mollesse qui la fond à la parole du confesseur à qui naguère elle suggérait sa puissance, dans une douceur mystique et un anéantissement dévot elle meurt ; trop tard arrivent ses soldats qui ne peuvent que la venger. […] « Il est obligé d’accepter un voile extérieur, une fiction, une trame, une histoire dont la grossièreté est nécessaire à la manifestation de sa puissance et à laquelle il reste complètement étranger ; il ne dépend pas, il ne crée pas, il transparaît.

915. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

On a donc cherché à étendre de plus en plus la puissance des instruments de recherche. […] En effet, il résulterait logiquement de cet antagonisme, que plus les propriétés vitales ont d’empire dans un organisme, plus les propriétés physico-chimiques y devraient être atténuées, et réciproquement que les propriétés vitales devraient se montrer d’autant plus affaiblies que les propriétés physiques acquerraient plus de puissance. […] La force qui est mise en liberté dans cette fragmentation est la source des puissances actives de l’organisme. » De là l’assimilation du corps des animaux à une machine à vapeur où s’engendreraient des forces vives. […] L’oxygène agit donc comme s’il excitait les mouvements vibratiles et comme si sa puissance d’excitation se continuait pendant un certain temps. […] Cette puissance créatrice, la chlorophylle seule la posséderait sous l’influence du soleil.

916. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Pourquoi est-il tour à tour supérieur et inférieur à sa mère en puissance ? […] Je ne sais, de tout temps, quelle injuste puissance Laisse le crime en paix et poursuit l’innocence. […] Ou plutôt, si, n’ayant rien à dire, la puissance de développer ce rien, de l’exprimer par de longues suites de mots, allait me manquer subitement ? […] C’est une force inconnue, invincible, comparable aux puissances terribles de la nature extérieure. […] Du raisin foulé sort le vin, qui donne l’ivresse poétique, qui soulève l’âme au-dessus d’elle-même, et par qui s’accomplit l’union entre les puissances physiques et les puissances morales.

917. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Proudhon, dans sa brochure Si les traités de 1815 ont cessé d’exister, dit : « Tant qu’il y aura pluralité de puissances plus ou moins équilibrées, le traité de Westphalie existera. […] Le principe des nationalités est mauvais, s’il aboutit à favoriser le développement de la puissance germanique et sa monstrueuse tyrannie. […] Dédaigneux de la morale et respectueux de la puissance, Honoré est une canaille, mais déférente, et le contraire d’un émeutier. […] Royer-Collard se trompe ; et le scepticisme n’a pas une extraordinaire puissance d’expansion : plutôt, il m’étonne par sa timidité. […] Mais, étant d’âme ardente, il n’eût pas toléré de laisser inactive ou sa curiosité savante, ou sa puissance inventive.

918. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

La satire ainsi comprise devient un emploi élégant de la parole, un délassement de lettrés ; mais elle arrive difficilement à la puissance, au gouvernement de la société. […] Cependant l’élément lyrique ne régit pas avec une égale puissance les trois pièces que j’ai nommées. […] Il règne dans l’expression de la passion à laquelle ils appartiennent tout entiers je ne sais quelle majesté sûre d’elle-même et de sa puissance, qui dédaigne d’appeler à son aide une passion rivale. […] Œdipe, conduit à l’inceste et au parricide par une puissance inconnue, est plus près de la piété, plus près de la liberté, que Prométhée enchaîné. […] Oui, le poète et le critique, lorsqu’ils fondent chacun leur puissance, vivent dans une égalité fraternelle ; et cette égalité fait leur force.

919. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

La ciguë de Suse n’est pas un poison et dans beaucoup d’endroits l’ellébore noir est sans force, alors que celle de l’Œta et du Parnasse est douée d’une grande puissance. […] Il faut noter la prodigieuse puissance génératrice des perdrix. […] Les fleurs qui affectent l’image du soleil ont quelque chose de sa puissance. […] On se demande aussi pour quoi ces divers êtres en coque étant doués, comme on le sait, d’une si fâcheuse puissance de reproduction la nature se mettrait en peine d’en créer de nouveaux. […] L’argent n’est rien ; en soi, il ne vaut pas sa puissance est purement symbolique.

920. (1900) Molière pp. -283

Weiss, et de quelques autres, qui, avant ou après lui, l’ont étudié avec une égale indépendance d’esprit, sinon avec la même puissance d’observation et d’interprétation. […] Même sûreté, même puissance de Molière à recueillir, à rassembler, par le jeu du dialogue, autour d’une de ces figures qu’il crée toutes vives, beaucoup de traits accessoires, de circonstances, dont l’effet est de la mettre pour nous, au mieux, dans son cadre, ou de lui donner un fond, un fond d’une teinte appropriée, et dont le détail la complète. […] Cette puissance d’observation et de généralisation, elle éclate surtout, d’une manière effrayante, chez Molière, dans la peinture des sexes. […] Les prédicateurs chrétiens ont eu un certain sens de l’égalité chrétienne, virtuellement et en puissance, ils l’ont eu même très grand, mais cette égalité virtuelle et en puissance n’a pas d’effets immédiats et directs, à moins que ce ne soit par la bonne direction de conscience, dans le monde réel. […] On est frappé de la puissance absolue qu’il exerce indifféremment et à un égal degré sur toutes les âmes faibles qui se réfugient à lui dans leurs terreurs ; il ne l’exerce, avec une bonté salutaire, que pour ramener ces malheureux à une religion moins tremblante et moins extrême ; mais la conception de cette puissance absolue qu’il exerce doit nous donner la mesure des ravages que devait faire un directeur de conscience moins désintéressé ou moins sage.

921. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

La valeur, très variable, en est proportionnelle à la puissance d’émotion qui est en chacun de nous et à notre aptitude à jouir du beau dans l’univers physique. […] Concevoir les phénomènes sensibles comme des signes de la puissance, de la grandeur et de la bonté de Dieu, ou croire que ces phénomènes sont des modes d’existence de la divinité même, ce n’est sans doute pas, philosophiquement la même chose ; mais, s’il s’agit de glorifier Dieu  ici par ce qu’on appelle ses œuvres, là par ce qu’on appelle ses manifestations et ses divers aspects, — ce seront nécessairement les mêmes développements, ce sera l’énumération des mêmes objets, des mêmes images. […] Chez les âmes élues, la puissance d’aimer engendre la souffrance, qui en est le signe et la mesure ; et la souffrance, à son tour, agrandit et exalte la puissance d’aimer : de sorte qu’elles ne se peuvent bientôt emplir et satisfaire qu’en prenant à leur compte, par la charité, toutes les souffrances des autres… Dans les derniers épisodes du poème, Jocelyn nous offre le spectacle d’une âme entièrement et uniquement aimante  aimante parce qu’elle est douloureuse, et douloureuse d’être aimante… Et ce spectacle n’a rien d’abstrait, puisque cette âme se présente sous les espèces charmantes d’un prêtre de campagne, caché dans un village alpestre, vivant parmi les enfants et les paysans, au milieu d’une nature rude et magnifique. […] C’est un flux et reflux d’ineffable puissance, Où tout emprunte et rend l’inépuisable essence, Où tout foyer remonte à ce foyer commun, Où l’œuvre et l’ouvrier sont deux et ne sont qu’un, Où la force d’en haut, vivant en toute chose, Crée, enfante, détruit, compose et décompose ; S’admirant sans repos dans tout ce qu’elle a fait, Renouvelant toujours son ouvrage parfait ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] Le public croit que j’ai passé trente années de ma vie à aligner des rimes et à contempler les étoiles ; je n’y ai pas employé trente mois, et la poésie a été pour moi ce qu’est la prière, le plus beau et le plus intense des actes de la pensée, mais le plus court et celui qui dérobe le moins de temps au travail du jour… Je n’ai fait des vers que comme vous chantez en marchant, quand vous êtes seul et débordant de force, dans les routes solitaires de vos bois… » Cette impression de puissance, Lamartine la donnait à tous ceux qui l’ont approché.

922. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

La puissance même de son imagination le projette toujours hors de lui, dans le monde entier, et il en résulte une conséquence qu’on n’a pas assez remarquée : c’est que, par cela même qu’il est plus imaginatif, plus objectif, il est aussi au fond plus métaphysicien. […] Hugo avait une puissance d’esprit et de volonté trop forte pour en rester au pessimisme ; il n’avait pas non plus un désintéressement intellectuel assez grand pour rester dans le doute : il eut la foi. […] Aimer, c’est vouloir, et vouloir est l’essentiel : « Croire n’est que la deuxième puissance ; vouloir est la première. […] Il y a sans doute bien des artifices de composition dans ses romans et ses drames ; pourtant, dans les scènes particulières, dans les épisodes détachés de l’ensemble factice, il possède un sens du réel et arrive à une puissance lyrique dans la reproduction exacte de la vie que Zola, dans ses bonnes pages, a seul atteinte. […] On a comparé Hugo à une force de la nature, en raison de sa puissance d’imagination ; mais c’était plutôt encore une force de l’humanité.

923. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Malgré l’inexpérience du jeune élève, cette journée passée dans l’atelier des Horaces et les réflexions que tant d’objets nouveaux lui firent faire agirent avec puissance sur son esprit. […] Bien qu’il fût le premier à rire des formes extravagantes sous lesquelles Maurice exposait sa doctrine, au fond, il lui était impossible de ne pas reconnaître la puissance des idées et quelquefois des raisonnements du jeune fou. […] Puisque ces habitudes extérieures ont tant de puissance sur le commun des hommes, quel empire ne doivent-elles pas exercer sur les yeux et l’imagination d’un artiste, qui naturellement s’en exagère toujours l’importance ? […] Mais, bien que la puissance de l’Église catholique garantit mieux que la philosophie des anciens l’unité des travaux des hommes, l’expérience a prouvé que cette unité d’action des facultés humaines est, sinon entièrement chimérique, au moins de peu de durée. […] Sa popularité et sa puissance ayant été bientôt affermies par la victoire de Marengo, à son retour à Paris, il pensa, sérieusement cette fois, à faire faire son portrait par David.

924. (1933) De mon temps…

D’année en année il s’élevait plus ample, plus grave, plus pathétique, tantôt hymne extasié à la beauté du monde, à ses éblouissements de midi, à ses splendeurs du soir, tantôt appel impérieux d’une âme insatiable vers le bonheur et vers l’amour, tantôt incantation magique pour retenir tout ce qui fuit et arrêter tout ce qui passe, tantôt confidence inquiète d’un cœur secret, tantôt défi hautain aux puissances destructrices qui s’acharnent à ruiner ce qui n’est pas éternel et qui commencent en nous-mêmes leur œuvre de néant. […] Et cette scandaleuse chronique où les fleurs du désir se mêlaient à la boue des vices, Elémir Bourges la rapportait d’une plume à la Saint-Simon, d’un style aux tours un peu archaïques, mais dont la puissance verbale annonçait un grand écrivain. […] Il sentait autour de lui la présence de puissances occultes et il était témoin de faits inexplicables. […] Verhaeren est l’évocateur d’une réalité idéalement déformée, où l’apport du réel est amplifié par une optique imaginative d’une rare et magnifique puissance. […] Ce don, qui fit de Verhaeren un grand poète créateur d’images et de rythmes, un évocateur d’une étrange puissance, il le mit au service de son fougueux et universel amour de la vie et c’est cette vitalité magnifique qui fait la beauté de ses poèmes, leur donne leur accent leur crée leur sortilège et leur incantation.

925. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

On presse l’intelligence, on la ramène à sa quintessence, on la fait tenir dans un principe si simple qu’on pourrait le croire vide : de ce principe on tire ensuite ce qu’on y a mis en puissance. […] Or, sur les moments réels de la durée réelle l’intelligence trouve sans doute prise après coup, en reconstituant le nouvel état avec une série de vues prises du dehors sur lui et qui ressemblent autant que possible au déjà connu : en ce sens, l’état contient de l’intellectualité « en puissance », pour ainsi dire. […] Il y réussirait, sans doute, si sa puissance était illimitée ou si quelque aide lui pouvait venir du dehors. […] Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l’être vivant dispose ; elle est coextensive à la frange d’action possible qui entoure l’action réelle : conscience est synonyme d’invention et de liberté. […] Car d’une part le logos de ce philosophe est une puissance génératrice et informatrice, un aspect ou un fragment de la psukhè, et d’autre part Plotin en parle quelquefois comme d’un discours.

926. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’espérance ou la crainte, excitées par les gestes et les mouvements d’une multitude agitée, pressaient de tous côtés l’âme et l’esprit, les élevaient au dernier degré de puissance et d’expression. […] Dans le dialogue avec la femme de quarante ans, avec cette autre puissance qui est aussi sur le retour, le docteur ne trouve que des remèdes un peu vagues contre ce genre de vapeurs, et qui ne satisfont point la malade : la théorie de la femme de quarante ans n’était pas encore inventée.

927. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il avait des plans de reconstitution politique à l’étranger, notamment pour l’Italie ; il prétendait y former « une république ou association éternelle des puissances italiques, comme il y en avait une germanique, une batave, une helvétique, la plus grande affaire qui se fût traitée en Europe depuis longtemps. » Tout cela manqua. […] [NdA] Dans les derniers temps de sa vie, M. d’Argenson était devenu plus sévère pour M. de Chauvelin, et je trouve dans ses cahiers la note suivante, sous le titre de Véritables causes de la guerre de 1733 : Je n’ai jamais été si surpris que causant avec M. de Chauvelin, ancien garde des sceaux de France, et lui ayant dit que la guerre de 1733 avait pu être causée pour réhabiliter la France, dont le cardinal de Fleury avait flétri la réputation en se montrant pacifique jusqu’à l’excès, cet ancien ministre me répondit que ce n’était point cela, mais que le roi ayant épousé la fille du roi Stanislas qui n’avait été reconnu roi par aucune puissance de l’Europe, Sa Majesté se trouvait ainsi n’avoir épousé qu’une simple demoiselle ; qu’il était donc devenu nécessaire que la reine fût fille d’un roi, quoquo modo, et que c’élait à cela qu’il avait travaillé heureusement.

928. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Après la conquête de la Prusse, Napoléon avait deux partis à prendre : ou bien s’allier en Prusse avec le parti français, s’y appuyer, bien traiter cette puissance, la relever, la désintéresser pour l’avenir ; ou bien la pousser à bout, l’abaisser sans pitié, poursuivre la guerre contre les Russes et contre les débris de l’armée prussienne en relevant la Pologne. […] Convaincu par l’étude du système de guerre de l’Empereur et de son caractère que la victoire lui faisait quelquefois outrepasser les bornes de la prudence, je m’avisai de croire qu’une dissertation fondée sur ses propres principes le dissuaderait mieux qu’une autre, et je me décidai à rédiger un mémoire pour lui démontrer que le rétablissement de la Pologne, sans le concours d’une des trois puissances qui l’avaient partagée, était un rêve.

929. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Dans le temps où il était occupé à mener à fin son grand ouvrage, de fâcheuses et légères paroles tombées de la tribune française et prononcées par des généraux distingués, membres de l’opposition, tantôt par le général Sébastiani, tantôt par le général Foy, semblaient indiquer qu’il n’y avait plus, de la part des puissances, à compter ni sur la Suisse ni avec la Suisse. […] La Bruyère même eût été embarrassé de le définir exactement… (Et plus loin, après les entretiens d’Erfurt) : Je crus avoir jeté de la poudre aux yeux de mon rival de gloire et de puissance ; la suite me prouva qu’il avait été aussi fin que moi. » Napoléon, obligé de juger lui-même sa campagne de 1812 et de se condamner, se souvient à propos d’un beau mot de Montesquieu : « Les grandes entreprises lointaines périssent par la grandeur même des préparatifs qu’on fait pour en assurer la réussite. » Un trait fort juste sur Napoléon et qu’ont trop oublié ses détracteurs aussi bien que ses panégyristes, c’est que cette volonté de fer était souvent bien mobile comme celle de tous les joueurs passionnés, et qu’elle remettait souvent ses résolutions ultérieures les plus graves aux chances les plus fortuites.

930. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Ni sur la fin de la république, ni sous l’empire, les journaux à Rome ne furent jamais rien qui ressemblât à une puissance ; ils étaient réduits à leur plus simple expression ; on ne saurait moins imaginer, en vérité, dans un grand État qui ne pouvait absolument se passer de toute information sur les affaires et les bruits du forum. […] Le Clerc est le premier à le reconnaître) que cette puissance de publicité devenue une fonction sociale ; ceci est aussi essentiellement moderne que le bateau à vapeur193.

931. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Sa charité me touche, sa facilité et parfois sa puissance de parole mystique m’étonne et me séduit ; mais, tout en me prêtant à la circonstance et en ayant l’air de suivre le torrent, je me réserve le sourire. […] Il donne à tout ce monde un tel attrait pour moi, un tel besoin de m’ouvrir leur cœur, de me demander conseil, de me confier toutes leurs peines, enfin un tel amour, qu’il n’est pas étonnant que les gouvernements qui ne connaissent pas l’immense puissance que le Seigneur accorde aux plus misérables créatures qui ne veulent que sa gloire et le bonheur de leurs frères, n’y comprennent rien.

932. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

D’abord parce que, comme disaient les Grecs, ἀρχή δείξει ἄνδρα, « la puissance révèle l’homme », en l’affranchissant des entraves légales, pécuniaires, morales même de la condition privée ; et c’est dans ceux qui peuvent tout, dans les rois et les héros, qu’on doit expérimenter la vraie nature des passions. […] Il y a là une puissance singulière de sens dramatique, pour tirer une tragédie, vraie, forte, émouvante celle-là et théâtrale, d’une légende épique terminée en fait-divers atroce.

933. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

C’est là le point faible de cette philosophie ; si elle veut rester fidèle à elle-même, elle épuise sa puissance dans une négation et un cri d’enthousiasme. […] Mais j’ai ainsi épuisé ma puissance ; je ne puis pas faire que cette combinaison ait telle valeur et non telle autre, puisque je ne puis influer ni sur la valeur de α, ni sur celle de β, ni sur celle de γ qui me sont imposées comme faits bruts.

934. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et il n’y eut pas que cette aptitude ; ou plutôt, cette aptitude même l’a de bonne heure admirablement secondé ; et ses propres puissances s’en sont de bonne heure aussi fortifiées, pour se faire assez prématurément reconnaître. […] Il faudrait pouvoir suivre l’auteur des Essais de psychologie contemporaine dans les logiques et successifs développements de son esprit affiné et élégant, curieux et circonspect, vite éclairé et déçu, mais, par un fonds d’orgueil, dont la première marque, et la plus expressive, est une aveugle puissance de révolte, parallèle à l’amour-propre le plus ombrageux, — assombri d’insatisfaction précoce ; le suivre surtout dans cette jeunesse troublée, qui fut par instants inquiète, et terriblement, mais non pas mal confiante, soucieuse de tout pour en jouir et aussi pour en souffrir, quelque inclination qu’elle ait failli affirmer pour un dilettantisme qui n’a jamais été que littéraire, faite pour le boulevard beaucoup moins que pour la cellule de couvent, pour l’absorption réfléchie de toutes les jouissances, comme, et peut-être mieux, pour l’ascétisme monacal.

935. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

La France, victime de cette politique de conquête, en est devenue bientôt la complice, et on a pu la voir figurer au nombre des puissances européennes, qui, fières de leur haute culture attestée par des millions de soldats et des canons d’acier, se sont ruées (de quel appétit !) […] Il écrivait sans hésiter : « Des classes entières doivent vivre de la gloire et de la puissance des autres. » Ainsi toute une partie de l’humanité était vouée pour jamais à n’avoir que la fumée ou les miettes d’un banquet où serait assise une élite privilégiée.

936. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Nul n’a fait plus que lui usage de la réflexion et de la dialectique pour réagir sur lui-même et sur son idée, pour élever sa doctrine libérale première à une puissance plus haute, pour la couronner d’une idée religieuse qui la rendît sainte, pour lui trouver au-dedans de l’homme une base plus digne et plus intime que celle de l’utilité commune ou de l’intérêt bien entendu. […] Les puissances avaient signifié que, si elles croyaient avoir à secourir leurs alliés (il s’agissait surtout de l’Italie), elles le feraient sans tenir compte de l’opposition de la France, et elles donnaient à entendre qu’une intervention armée de sa part serait considérée comme une hostilité directe contre chacune d’elles.

937. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Toute résistance facilement vaincue cause le plaisir d’un déploiement de puissance. […] Enfin à l’expression vient s’ajouter la fiction, pour multiplier à l’infini la puissance contagieuse des émotions et des pensées.

938. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Si d’ailleurs il y avait lieu d’espérer que l’on pût par quelque moyen empêcher les hommes de penser de telle ou telle manière, s’il y avait quelque procédé sûr de maintenir les esprits dans cet état d’obéissance que l’on regarde comme si souhaitable, je comprendrais à la rigueur qu’on l’essayât ; mais depuis que le flot du libre examen a fait irruption dans la science, dans la société, dans la religion, il a marché sans cesse de progrès en progrès : il a pénétré de couche en couche dans toutes les classes, il a gagné les contrées les plus rebelles à sa puissance ; il n’existe aucune force capable de le contenir et de le refouler ; les pouvoirs qui commencent par marcher contre lui se voient ensuite contraints de marcher avec lui. […] Dans ce va-et-vient des puissances de ce monde, dans ces oscillations de principes qui se renversent l’un l’autre et viennent successivement se déclarer principes absolus, il n’y a qu’une garantie pour tous, c’est la liberté réciproque.

939. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

 » Je ne réprouve pas moins ce livre comme citoyen : l’auteur paraît trop ennemi des puissances. […] Une puissance surnaturelle, qui se plaît de relever ce que les superbes méprisent, s’est répandue et mêlée dans l’auguste simplicité de ses paroles.

940. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

La puissance des souvenirs, le charme de l’antiquité, le respect pour les traditions, ne sont qu’une seule et même chose, c’est-à-dire le culte filial des ancêtres, la religion des tombeaux, culte éminemment moral et poétique, religion qui a sa racine dans le cœur de l’homme. […] On y verrait les facultés de l’imagination luttant de toute leur puissance contre la rigueur des idées morales ; on y verrait les instincts des sens et les sophismes de la raison fournir de fragiles appuis à des superstitions privées de force vitale.

941. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Byron, qui aimait la force physique pour trois raisons souveraines : parce qu’il était un être idéal, délicat et infirme, a toute sa vie recherché et choyé les heureuses créatures douées de cette mystérieuse puissance, si loin de lui qu’elles fussent, d’ailleurs, par la pensée, le sentiment et les autres distinctions faites par la nature ou par la société. […] Il a compté sur le plus ignoble sentiment qui soit dans le cœur de l’homme, et qui n’est pas l’envie du génie, de la puissance, de la richesse, mais qui est l’envie de la beauté.

942. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nettement et sa puissance d’admiration naturelle, il y a autre chose que ces dons heureux dans les caresses qu’il prodigue aujourd’hui aux adversaires de toute sa vie. […] Il oublie Beyle, un scélérat d’idées, je le sais, mais l’écrivain qui a pensé avec tant de vigueur le Rouge et Noir et la Chartreuse de Parme, cet homme qui, avec ses noirceurs et ses perversités, brille d’une lueur sombre et dure au premier rang des puissances littéraires de son époque.

943. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Littérairement, la valeur n’en est pas très grande ; mais au point de vue de la puissance qu’exercent les poètes sur leur pensée, elle a son intérêt et doit, selon nous, être maintenue à la place où elle fut mise pour la première fois. […] Ainsi, ne vous y trompez pas, du Joseph Delorme, pour tout, dans ces Consolations, du Joseph Delorme, quand il y est toutefois, comme dans les vers à madame Hugo où il n’a de puissance que dans la partie de ces vers qui désole ; dans l’épître à M. 

944. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Il connaît, comme Marivaux, toute la puissance de la réticence, qui est à la fois une amorce et une flatterie à l’intelligence du public. […] Cet infortuné possédait une telle puissance objective et une si grande aptitude à se grimer qu’il imitait à s’y méprendre la bosse, le front plissé d’un bossu, ses grandes pattes simiesques et son parler criard et baveux.

945. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Considère, mon amour adoré, mon ange, mon bien, mon cœur, ma vie ; toi, que j’idolâtre de toutes les puissances de mon âme ; toi, ma joie et mon désespoir ; toi, mon rire et mes larmes ; toi, ma vie et ma mort ! […] C’est alors que, la digue qu’opposaient aux discours publics ses succès et sa puissance étant ôtée, on se vengera sur sa mémoire des fausses louanges qu’on avait été contraint de donner à sa personne ; c’est alors que, tous les grands motifs de crainte et d’espérance a n’étant plus, on tirera le voile qui couvrait les circonstances les plus honteuses de sa vie. […] Vous lui avez prêté votre puissance pour nous obliger à lui rendre notre culte. […] Il y a, dit-il comme préface à son Histoire, deux grands défauts qui donnent atteinte à la vérité : la fureur de louer les puissances pour leur plaire ; le plaisir secret d’en dire du mal pour se venger. […] que peut servir à notre foiblesse que notre médecin devienne infirme, et que notre libérateur se dépouille de sa puissance ?

946. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

C’est avant ou après, et quand on est à l’abri du prestige de cette puissance trompeuse qui s’appelle l’éloquence, qu’on peut prendre véritablement la mesure de l’homme.

947. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — Quatre grandes puissances du jour. — Dupin     144 XXXVI. — Voyage du duc de Bordeaux en Angleterre. — Craintes de l’Université en face du clergé. — Montalembert. — Cousin sur Vanini. — Catholicisme et Éclectisme     147 XXXVII. — Parade et comédie légitimistes. — Chateaubriand vieux bonhomme.

948. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Il semblait croire, plus qu’il ne devait être permis depuis les déceptions de 89, à la puissance de la vérité pure, à l’influence d’une idée juste une fois imprimée quelque part.

949. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

La morale de Cicéron a pour but principal l’effet que l’on doit produire sur les autres ; celle de Sénèque, le travail qu’on peut opérer sur soi : l’un cherche une honorable puissance, l’autre un asile contre la douleur ; l’un veut animer la vertu, l’autre combattre le crime ; l’un ne considère l’homme que dans ses rapports avec les intérêts de son pays ; l’autre, qui n’avait plus de patrie, s’occupe des relations privées.

950. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

On mesure dans cette déclaration la valeur des idées que lentement, sourdement, sur le regard indulgent des puissances séculière et religieuse, par les soins des plus inoffensifs régents, la culture classique fera couler pendant deux | siècles au fond des âmes, y préparant la forme que les circonstances historiques appelleront au jour.

/ 1999