Je ne saurais rendre l’effet désagréable que produit sur moi, par instants, ce style bizarre, baroque, bariolé de métaphores et de termes abstraits, à phrases courtes, à paragraphes secs, décharnés, qui sentent encore le résumé du contentieux, et qui poussent par soubresauts l’éloquence du factum jusqu’à une sorte d’élancement lyrique. […] Malgré tout, je l’avouerai, j’en veux un peu à nos auteurs dramatiques de la moderne école ; ils ont poussé en avant les critiques et ne les ont pas suivis ; ils se sont comportés comme les chefs d’une armée feraient avec le corps du génie, en lui disant : « Nous voulons passer là, il nous faut une route. » Les critiques se sont mis à l’œuvre hardiment, sous le feu ; il fallait passer jusqu’au travers de l’ancien théâtre, qui barrait et offusquait.
Il pousse plus d’un bout de texte en un sens auquel on n’avait pas songé, et il lui fait rendre de subtiles nuances ; il a des impatiences et des éclairs d’interprétations qu’après tout, en ces matières humaines si complexes, un esprit supérieur a peine à s’interdire, et que le talent se plaît à exprimer. […] La critique pourra trouver qu’il les prodigue ; ce n’est pas trop au lecteur de s’en plaindre, car cette manière de mettre un nom de notre connaissance au bout de la pensée éclaire et détermine singulièrement, même quand cela est poussé un peu loin.
Une autre école, opposée à cette philosophie, produisait alors d’éloquents écrivains, des critiques instruits et piquants sans doute ; mais c’était une réaction qui, en parant à un excès, poussait à un autre. […] Au reste, à mesure que M. de Barante avançait dans son histoire et qu’il l’embrassait tout entière, il se trouvait insensiblement poussé à en tirer plus qu’il n’avait prévu d’abord.
Je ne demande pas mieux, en général, quand je fais un portrait de femme, et, en particulier, un portrait comme celui de Mme de Krüdner, de ne pas pousser à bout les choses, de respecter le nuage et de me prêter à certaines illusions ; je crois, en cela, être fidèle encore à mon modèle. […] Eynard, un moraliste qui saurait les tours et les retours, les façons bizarres de la nature humaine ; mais je ne puis qu’indiquer le sens et l’intention de l’analyse, aimant peu pour mon compte à pousser à bout ces sortes de procès.
Avec l’élan et le sang-froid d’une amitié qui pousse le cœur vers le cœur, il approcha son visage de celui de Danton pour l’embrasser. […] Il avait poussé le défi politique jusqu’au crime aux journées de septembre.
Sa nature ne le poussait pas à sortir des sujets et du ton qui plaisaient à son public. […] L’exil, puis la mort de Marot le poussèrent au premier plan.
Comme elles n’ont que des apparences d’âmes dans leurs corps de jeunes possédées, comme elles ne sont presque jamais poussées que par la détente de leurs nerfs, on ne saurait dire qu’elles soient bonnes ou mauvaises. […] Feuillet ne nous le dissimule point : c’est parce qu’elle n’a pas appris le catéchisme, parce qu’elle a reçu d’un vieux médecin une éducation purement scientifique et laïque, et qu’avec son intrépide logique de femme elle pousse à leurs dernières conséquences les théories de la philosophie positiviste.
Cependant il n’y travailla pas seul ; l’écriture change souvent, et dans tout le volume il y a tant d’emprunts à l’antiquité et à la fable, une si grande abondance de figures de rhétorique, une telle variété de rythmes depuis l’hexamètre jusqu’à l’ode tricolos tétrastrophos, le tout mêlé à une si profonde horreur de l’hérésie, qu’on peut attribuer l’œuvre au corps enseignant de Bourges. » Puis le duc d’Anguien apprend la philosophie et tes sciences. « Toutes ces études furent poussées à fond. » Pousser à fond l’étude des sciences et de la philosophie entre onze et treize ans, cela est tout à fait remarquable.
Mais ses progrès avaient été si contrariés et si lents, sa marche si incertaine, que le jour où il lui vint comme un guide pour le prendre par la main et le pousser en avant, telle fut sa gratitude, qu’il ne songea plus à distinguer sa part dans l’immense progrès qui se fit tout à coup. […] Quant à la force de l’expression, il ne s’y trouve rien qui n’ait été poussé plus loin par les deux meilleurs écrivains du même temps, Comines et Villon.
Tel vice que nous n’avons pas nous indigne dans l’orgueil de notre innocence, et nous parlons d’autrui en Catons, les mêmes qui tout à l’heure allons fort baisser le ton, à la vue d’un défaut déjà vieux, planté en nous ou qui y pousse. […] Mais il ne faut pas pousser trop loin l’apologie.
Baju, né dans la Charente, était venu depuis peu à Paris, poussé par l’ambition de s’y faire un nom. […] Son instinct le poussait vers de plus vastes entreprises ; il se préoccupait de l’évolution sociale ; il aimait l’atmosphère orageuse des réunions publiques ; il brûlait d’y prendre la parole et de conquérir les foules.
Il y a certains métiers qui devraient être les métiers réservés des philosophes, comme labourer la terre, scier les pierres, pousser la navette du tisserand, et autres fonctions qui ne demandent absolument que le mouvement de la main 180. […] Je pousse si loin le respect de l’individualité que je voudrais voir les femmes introduites pour une part dans le travail critique et scientifique, persuadé qu’elles y ouvriraient des aperçus nouveaux, que nous ne soupçonnons pas.
A peine si Boileau accorde à Villon et à Marot quelques maigres éloges qui encore portent à faux ; il traite Ronsard et son école avec une insultante pitié ; et l’historien qu’il essaie d’être pousse un soupir de soulagement, comme un homme perdu dans la nuit qui voit poindre l’aurore, quand, dans sa course rapide à travers le passé littéraire de la France, il arrive à Malherbe, son précurseur. […] § 2. ― Je ne pousse pas plus loin cet aperçu, destiné simplement à donner une idée de ce que peut et doit contenir la formule générale d’une époque.
Il lui jette à la tête ses soixante ans et ses rhumatismes ; il le pousse à coups de chiquenaudes jusque sur le bord de sa tombe ; il rit au nez de ce visage vénérable qui a reflété Louis XIV soleillant dans sa gloire. […] Ses personnages, lorsqu’ils s’avisent de pindariser et d’admirer le ciel bleu, me rappellent tout à fait les Philistins de la chanson d’Henri Heine : « Des Philistins, dans leurs habits du dimanche, se promènent à travers bois et vallons ; ils poussent des cris de joie, ils frétillent comme des poissons, ils saluent la belle nature.
Mais, au point où le poète a poussé la frénésie de son démoniaque, on comprend qu’il ne lui ait fallu rien de moins que l’évocation d’un cadavre, rien de moins que l’image de cette petite morte retirée de l’eau pour lui faire recouvrer la raison et le sens moral. […] Et notez que le jésuite pousse des cris de montagne en travail pour accoucher de ce moucheron de la petite presse, et qu’il refait les tirades du Rodin d’Eugène Sue, lorsque, mordant de sa dent jaune dans son radis noir, il piétinait la carte du monde aplatie sous ses gros souliers.
Il est assez piquant qu’à une époque le maréchal de Broglie fût commandant en chef des troupes royales réunies autour de Versailles pour intimider l’Assemblée, tandis que son fils poussait au mouvement dans cette même Assemblée. […] M. de Broglie, poussé à bout, lâcha son fameux mot : « On nous demande s’il est dans l’intention du gouvernement de proposer la mesure ?
La duchesse du Maine en était une, et des plus singulières : elle mérite d’être étudiée, elle et son existence princière, dans sa petite cour de Sceaux, où elle nous apparaît comme une des productions extrêmes et les plus bizarres du règne de Louis XIV, du régime monarchique poussé à l’excès. […] Dans cette folle conspiration, qu’elle entreprit de dépit contre le Régent (1718), et où elle poussa son timide mari, elle put voir que le monde était plus gros, plus rebelle, plus difficile à remuer qu’elle ne croyait.
Il y a en Mme de Girardin un homme de beaucoup d’esprit (celui qui sera le vicomte de Launay), et qui a tué le poète ; tué, non, car le poète apparaît encore parfois avec son masque, sa cuirasse, son casque de Clorinde, son escrime habile, aisée et large de jeu, ses poussées de beaux vers dans la tirade, et comme ses éclairs dans la mêlée ; mais tout cet appareil et cette mise en scène ne sauraient imposer à ceux qui ont une fois connu ce que c’est que la poésie véritable. […] Si nous croyions à la métempsycose, nous dirions que l’âme de quelque peintre de paysage, malheureux en amour, avait passé dans le corps de ce noble cerf, tant il s’est montré artiste dans toutes ses promenades et jusque dans sa chute… Tout cela est poussé un peu loin, un peu marivaudé peut-être ; le conteur s’amuse et abuse : il tient à son joli dire, et, une fois mis en train, il ne le lâche pas.
Faites-en de même, chrétiens… C’est en ces termes simples et qui coupaient court à toute curiosité vaine et étrangère, que Bossuet aborde son sujet et qu’il s’attache à définir et à décrire les deux amours, le profane et le divin, « l’amour de soi-même poussé jusqu’au mépris de Dieu », et « l’amour de Dieu poussé jusqu’au mépris de soi-même ».
De loin, aujourd’hui, il n’est pas jusqu’à cet instant de trouble et de confusion dans les idées qui ne nous touche chez le grand capitaine poussé à bout, et qui se retourne comme le lion blessé ; cet éclair égaré est d’une beauté dramatique et d’une grandeur épique suprême. […] Lorsque l’aide de camp fut enfin introduit, le roi lui fit cette seule réponse : « Dites au maréchal qu’il groupe ses troupes, qu’il tienne bon, et qu’il agisse par masses. » Il serait pénible de pousser plus loin ce récit qui présenterait jusqu’à la fin les mêmes situations, les mêmes efforts infructueux, les mêmes récidives, avec des chances de moins en moins favorables à chaque minute écoulée.
Carrel dit quelque chose d’approchant de la seconde réalité, essentielle encore, selon lui, à toute constitution politique qui dérive de la Révolution bien comprise : ce second pouvoir, c’est une certaine aristocratie, qui tient de l’ancienne noblesse et qui se rapporte assez exactement à la classe des grands propriétaires : « Nous la transformerons en pairie, dit-il, et nous vivrons bien désormais avec elle. » Cet article, un peu enveloppé à cause du but, est d’ailleurs plein de sens et fait bon marché des doctrines abstraites ou mystiques en sens inverse, tant de celle du droit divin que de celle des disciples de Rousseau : Que si, croyant nous pousser à bout, vous nous demandez où réside enfin suivant nous la souveraineté, nous vous répondrons que ce mot n’a plus de sens ; que l’idée qu’il exprime a disparu par la Révolution comme tant de choses ; que nous ne voyons nulle utilité à la vouloir ressusciter ; que le peuple n’a plus besoin d’être souverain et se moque d’être ou non la source des pouvoirs politiques, pourvu qu’il soit représenté, qu’il vote l’impôt, qu’il ait la liberté individuelle, la presse, etc. ; enfin le pouvoir d’arrêter une administration dangereuse en lui refusant les subsides, c’est-à-dire l’existence même. […] Non seulement Le National ne voit point d’opposition à faire, « mais il croit que le mieux est de s’intéresser à cette administration si entravée sur son terrain couvert de débris, de la conseiller, de la pousser avec bienveillance, de la soutenir au besoin contre de ridicules inimitiés. » Le National restera donc à la fois favorable au ministère et indépendant : c’est là sa ligne, et c’est le vœu bien sincère alors, on peut le croire, de celui qui écrit.
Le Tellier en revint alors à sa réplique souveraine, et à remontrer que M. de Lesdiguières représentait la personne du roi : « Avouez du moins, monsieur, lui dit Cosnac comme poussé à bout, qu’on est fort excusable de s’y méprendre, puisque jamais copie n’a moins ressemblé à son original. » Cette repartie brusque (et flatteuse) acheva de déconcerter le ministre et fit rire le roi, « et ce fut par là, dit Cosnac, que finit cette affaire ». […] puisqu’on ne veut pas de vous au Conseil, allez à la tranchée. » Et il l’y pousse, il l’y conduit, faisant distribuer par le prince ou distribuant en son nom de l’argent aux soldats et aux travailleurs.
Ce qu’il y avait de vrai dans Franklin est poussé ici au faux par la rigueur de la déduction, et ne se tempère par aucun attrait. […] J’ai autrefois entendu raconter à Lemercier que Volney poussait loin alors l’attention et la déférence pour le jeune général.
La mise en jeu fréquente de tout un groupe de sentiments par un spectacle fictif, par des idées irréelles, par des causes qui ne peuvent pousser ces sentiments jusqu’à fade ou à la volition, affaiblit très probablement, par la désuétude de cette transition, la tendance des émotions réelles à se transformer de la sorte ; et les sentiments esthétiques étant dénués, à proprement parler, de souffrance, étant agréables et pouvant être provoqués à volonté quand on a appris à en jouir, on ne désire plus en ressentir d’autres ; le rêve dispense de faction. […] Or si l’on cherche le mobile qui peut pousser les hommes à user entre eux de bonté, on désignera la sympathie, la participation positive à la souffrance d’autrui et par conséquent la répugnance à la provoquer.
Les comparaisons tirées d’un fleuve dont le cours, quoique rapide, est égal et uniforme, ou d’un embrasement qui, poussé par les vents, s’épand au loin dans une forêt où il consume les chênes et les pins, ne leur fournissent aucune idée de l’éloquence. […] Les connaisseurs ou ceux qui se croient tels, se donnent voix délibérative et décisive sur les spectacles, se cantonnent aussi, et se divisent en des partis contraires, dont chacun, poussé par un tout autre intérêt que par celui du public ou de l’équité, admire un certain poème ou une certaine musique, et siffle tout autre.
… En vérité, s’ils poussent à l’achat d’un livre, c’est parce qu’ils vantent le côté érotique de ce livre — et c’est contre la pornographie dont on fait un appât que le critique probe doit s’élever. […] Maurras ; comme lui, il regrette l’abaissement moral des littérateurs, cet amour de l’or qui les pousse au-devant de leur propre servitude.
Ce nouveau genre de pédantisme a été poussé si loin qu’un livre, comme le Dictionnaire néologique étoit en quelque sorte nécessaire dans ce siécle. […] M. l’Abbé d’Açarq, à l’imitation de M. l’Abbé d’Olivet, a donné en 1770. de nouvelles observations sur Racine, Boileau, Voltaire, où il y a du bon à recueillir ; mais il pousse quelquefois trop loin sa sévérité.
Il m’y fait discerner trois plans principaux très marqués, le plan de la religion qu’il renvoye à une grande distance sur le fond, celui qu’il occupe, et celui de la prédication qu’il pousse en devant. […] Car à juger du progrès de l’art par la perfection de ces figures, il avoit été poussé fort loin, et l’on a de l’expression longtems avant que d’avoir de l’exécution et du dessein.
L’ingénieux donc, et l’ingénieux poussé jusqu’au génie, l’ingénieux dans l’analyse critique qui veut rester aimable sans être jamais fausse, voilà le trait caractéristique de M. […] qu’il avait un rachis aux jambes, et même, si on nous pousse, qu’il n’avait pas de jambes du tout.
Dans ce livre-ci, expression dernière d’un homme qui se sentait peut-être à la veille de mourir, c’est comme dans la fameuse épigramme où la Mort pousse devant elle un homme qui, toute sa vie, s’est moqué de la vie : Allez, marchons ! […] Je ne sais pas si l’autre, que la mort poussait, continuait de rire, malgré elle, mais ce que je sais bien, c’est que, dans ce livre-ci, Philarète Chasles ne rit plus.
Si, pour chasser de lui la terreur délirante, Elle chante parfois, une toux déchirante La prend dans sa chanson, pousse, en sifflant, un cri, Et lance les graviers de son poumon meurtri. […] Regain obstiné qui poussait, malgré l’auteur, dans sa vie studieuse et assagie, épi rebelle qu’il avait beau peigner et couper, et qui se redressait toujours à un petit coin de sa tête, dont les cheveux n’avaient plus, hélas !
Ils circonviennent la pauvre enfant, lui disent à l’oreille des câlineries ou des saletés, et la poussent doucement vers l’étroit corridor. […] Pour conclure, Daumier a poussé son art très-loin, il en a fait un art sérieux ; c’est un grand caricaturiste.
Panizza Poussé par un sentiment d’amertume à l’égard d’un groupe d’artistes, que je me permis de nommer, non sans flatterie pour eux, les Narcisse modernes, j’écrivis contre cette école bizarre un réquisitoire assez violent, dont un livre de vers m’avait fourni le thème. […] Mais voici la racine même du débat qui apparaît dans cette opinion du docteur Norbert Grabowsky : « C’est l’intérêt bien compris de chacun, qui devrait pousser tout le monde à s’exercer dans l’abstinence.
Mais non : au milieu d’eux rien ne s’évanouit ; L’Orientale d’or, plus riche, épanouit Ses fleurs peintes et ciselées ; La Ballade est plus fraiche, et, dans le ciel grondant L’Ode ne pousse pas d’un souffle moins ardent Le groupe des strophes ailées. […] « Dieu de vérité, dit-il, sous d’autres climats j’ai vu de faux sages, osant fouiller tes mystères, insulter ta providence et pousser à l’impiété les malheureux humains.
— Et, il se sentait attendri d’avance, prêt à des sacrifices, car, pour l’instant, une recrudescence d’affection le poussait vers elle. […] On regarde pousser les jolies filles à vue d’œil, comme des asperges. […] Coiffée d’un zest de bonnet envolé en haut de la tête, et traînant ses pas las dans des babouches algériennes, elle jurait et faisait claquer la porte à l’ordre ou au coup de sonnette, qui la poussaient à chaque instant dans l’antichambre. […] Des ouvrières étaient occupées à en broder les abeilles d’or, qu’il disait encore à ceux qui le poussaient en avant : « Non, je ne trahirai pas la République ! […] Le sang jaillit sous la force du coup et le bruit du coup réveilla Lasthénie, qui poussa un cri en voyant cette lumière soudaine, ce visage, ce sang qui coulait et cette mère qui se frappait avec cette croix !
Cette brise de fleurs nous poussa vers la pleine mer en s’évaporant par la nuit. […] Elle poussa un cri, affolée, ne pouvant fuir. […] La jeune femme étendit les bras, poussa un cri et tomba toute raide sur le parquet. […] Mais sous la voûte, ou le vent poussait la pluie, M. […] La dame poussa un cri, la salle tout entière nous regarda.
L’orateur est sorti plus d’une fois du ton ; tantôt il baissait trop la voix, tantôt il la poussait d’un accent trop aigu ; son geste aussi, par moments, était criard, et, à certains passages à effet, son bras tendu, frémissant et flamboyant comme s’il eût secoué une torche, semblait vouloir chercher jusqu’au fond des tribunes des applaudissements que l’orateur eût trouvés à moins de frais tout près de lui.
Mais son exemple n’en demeure pas moins fécond et mémorable ; encourageant pour les esprits supérieurs qu’un instinct invincible pousse en toute espèce d’étude à la recherche des principes et des lois, puisqu’il agrandit pour eux la carrière, en leur ouvrant l’histoire ; glorieux pour celle-ci, puisqu’il l’enrichit d’un genre nouveau, l’élève en quelque sorte au rang de science, et lui assure ainsi les veilles de ceux-là même qui autrement peut-être lui eussent refusé jusqu’à leur estime.
Ainsi Bonaparte dit à son armée, pour la pousser en avant, que rien n’est fait tant que Milan appartiendra aux Autrichiens, et que les cendres des vainqueurs des Tarquins seront souillées par la présence des assassins de Basse ville.
Shakspeare le premier, homme du nord, un peu païen par l’âme, audacieux à sa façon comme Luther, réveilla dans l’ordre poétique ces incertitudes longtemps apaisées, et dès Hamlet et Macbeth, prépara ces solutions sceptiques ou rebelles que Gœthe et Byron ont poussées à bout de nos jours.
Qu’en conservant tout son esprit, il se garde seulement du brillanté ; qu’à côté de ses explications psychologico-physiologiques qu’il ne craint pas de pousser jusqu’à l’intussusception, et de ses bouts de tirades séraphiques et swedenborgistes, dont, sous sa moustache, il sourît tout bas, il ne développe pas tant par contraste quelques scènes, gaies sans doute, mais un peu burlesques, de la livrée : ainsi la querelle du cocher de mademoiselle de Corandeuil avec le menuisier Lambernier.
Ce n’était ni par le travail, ni par l’étude qu’on parvenait au pouvoir en France : un bon mot, une certaine grâce, étaient souvent la cause de l’avancement le plus rapide ; et ces fréquents exemples inspiraient une sorte de philosophie insouciante, de confiance dans la fortune, de mépris pour les efforts studieux, qui poussait tous les esprits vers l’agrément et le plaisir.
Mais il faudrait pousser la réflexion à un degré où elle va rarement, et peu d’hommes ont souffert de cette double vie morale, où l’on s’empêche d’agir à force de se regarder faire.
Je crois qu’en raisonnant ainsi on admet une théorie trop simpliste de l’aberration ; Michelson nous a montré, je vous l’ai dit, que les procédés physiques sont impuissants à mettre en évidence le mouvement absolu ; je suis persuadé qu’il en sera de même des procédés astronomiques quelque loin que l’on pousse la précision.
Ne suffit-il pas de sçavoir à quel point Jurieu poussa les choses ?
G’est tout un système, et non pas un goût plus ou moins suspect, qui le pousse vers les alcôves royales où l’histoire se fait comme ailleurs, car où l’histoire ne se fait-elle pas ?
À travers toutes ces poésies on est saisi par cette belle appropriation dont il poussa quelquefois la personnification allégorique jusqu’à la hardiesse et à l’humorisme… » Franchement, était-ce bien à Jean-Paul, le plus grand humouriste qui ait chevauché jamais l’hippogriffe aux ailes d’or et à la tête de griffon de la Fantaisie, à adresser un pareil reproche à Hebel ?
Quand chez ces derniers un homme a vraiment du génie il pousse, à sa façon, le cri du génie, et c’est le Dante quand le génie est mâle, et c’est Lamartine quand le génie est femelle.
L’amour de la gloire nous pousse et nous précipite hors de nous.
Les rois de France, poussés et par leur propre inquiétude et par celle de leur nation, avaient la fureur de conquérir Naples et Milan.
L’Asie poussa un long gémissement, se sentant ainsi t’rappée à deux mains par la guerre. » On le croira sans peine, ce n’était pas seulement par ces courtes épitaphes que devait se marquer l’admiration du poëte pour la gloire de son pays.
On l’a poussé à accepter le défi d’Hector. […] Les mensonges poussent en lui, fleurissent, grossissent, s’engendrent les uns les autres, comme des champignons sur une couche de terre grasse et pourrie. […] Quand le repos a rendu quelque force à la machine humaine, l’idée fixe le secoue de nouveau et le pousse en avant, comme un cavalier impitoyable qui quitte un moment son cheval râlant pour sauter une seconde fois sur sa croupe et l’éperonner à travers les précipices. […] Mais aujourd’hui ils se relèvent — avec vingt plaies mortelles dans le crâne, — et nous poussent hors de nos escabeaux286. […] Voyez acte III, scène II, la plaisante façon dont les généraux poussent en avant cette vaillante brute.
Dès le premier éveil de la réflexion, c’est elle qui pousse en avant, droit sous le regard de la conscience, les problèmes angoissants, les questions qu’on ne peut fixer sans être pris de vertige. […] Mais cette cause n’en est pas moins présente à l’esprit ; elle y est à l’état implicite, ce qui expulse étant inséparable de l’expulsion comme la main qui pousse la plume est inséparable du trait de plume qui biffe. […] Que fera-t-elle, sinon objectiver la distinction avec plus de force, la pousser jusqu’à ses conséquences extrêmes, la réduire en système ? […] Et il y a chez l’un et chez l’autre, chez Spinoza surtout, des poussées d’intuition qui font craquer le système. […] Mais, pour les faits conscients, on ne pousse plus la synthèse jusqu’au bout.
Le temps le presse, la chaleur de son sang le pousse, il va, il court, jouant avec sa verve intarissable et dépassant aujourd’hui le miracle de fécondité qui nous étonnait hier. […] Dans sa froide outrance, le poëte, parfaitement tranquille, pousse les choses jusqu’à leurs dernières conséquences logiques, le point de vue une fois accepté. […] Ses ongles d’airain ont poussé, ses yeux jaunes sont comme des soleils dans des cavernes, et, s’il rugit, les autres animaux se taisent. […] Le temps présent l’a réduit au rôle de spectateur ; il siffle le spectacle pour se désennuyer et y met la main quand il peut pour pousser les choses à l’absurde. […] Rien ne pousse à une extrémité sans que la réaction se porte en sens contraire.
qui le pousse ? […] Elles se sont élevées toutes seules, et ont poussé dans le sens de leur nature. […] Le sujet, dans Athalie, sera plus grand et surtout plus poussé au grand que tout autre sujet de l’auteur. […] Son ministre la pousse au crime. […] Elle viendra parce que le progrès de son inquiétude et de son désordre mental l’y pousse.
Depuis deux mois, la canonnade du rempart a habitué la population parisienne au canon, et le bombardement, loin de l’effrayer, semble la pousser, toute nerveuse, au dédain du danger. […] Je veux tenter d’aller à Paris, et malgré mon désir de ne pas voir de Prussiens, je pousse jusqu’à Passy. […] Je pousse au Trocadéro. […] » poussés par des artilleurs ivres, trois canons défilent au grand galop, et détournent, un moment, l’attention, braquée sur la route montante et la barricade éventrée. […] Je pousse au rempart.
Il est à croire que le succès de ses vers éclaira l’auteur lui-même ; l’intérêt que le public se mit aussitôt à prendre à Eléonore, et que vinrent entretenir d’autres pièces à elle adressées dans les Opuscules poétiques de l’année suivante (1779), acheva de décider le choix du poëteamant, et lui indiqua le parti qu’il lui restait à tirer de sa passion : dans les éditions qui succédèrent, les Aglaé, les Euphrosine, furent sacrifiées ; l’inconstance devint un crime, tandis qu’auparavant on ne voyait que l’ennui de criminel ; en un mot, Parny s’attacha à mettre de l’unité dans ses élégies et à pousser au roman plus qu’il n’avait songé d’abord. […] Au moment de l’apparition du volume, Ginguené, ancien camarade de collége de Parny, mais poussé surtout par son zèle pour la bonne cause, donna dans la Décade jusqu’à trois articles favorables181, analyses détaillées et complaisantes, dans lesquelles il étalait le sujet et préconisait l’œuvre : « L’auteur, disait-il, l’a conçue de manière que les uns (les Dieux) sont aussi ridicules dans leur victoire que les autres dans leur défaite, et qu’il n’y a pas plus à gagner pour les vainqueurs que pour les vaincus. » Après toutes les raisons données de son admiration, le critique finissait par convenir qu’il se trouvait bien par-ci par-là, dans les tableaux, quelques traits « qu’une décence, non pas bégueule, mais philosophique, et que le goût lui-même pouvaient blâmer » ; il n’y voyait qu’un motif de plus pour placer le nouveau poëme à côté de celui de Voltaire, de cet ouvrage, disait Ginguené, « qu’il y a maintenant une véritable tartufferie à ne pas citer au nombre des chefs-d’œuvre de notre langue. » Le succès de la Guerre des Dieux fut tel, que trois éditions authentiques parurent la même année, sans parler de deux ou trois contrefaçons. […] L’illusion, on le voit, et l’oubli de l’ivresse étaient poussés un peu loin ; le réveil pourtant se préparait.
Aucun volet n’était poussé. […] Les cygnes, voyant l’ennemi, se hâtèrent et en se hâtant firent un effet de poitrail utile au petit pêcheur ; l’eau devant les cygnes reflua, et l’une de ces molles ondulations concentriques poussa doucement la brioche vers la baguette de l’enfant. […] On peut y pousser son siècle de deux manières : soit par la violence et par le levier de la loi agraire, comme Catilina à Rome et Babeuf à Paris ; soit par l’excès des tendances égalitaires et par la magie séductrice d’un idéal plus beau que nature, comme Victor Hugo et les utopistes.
Les pièces sont très intriguées, les conversations longuement filées, les types soigneusement caractérisés et poussés tantôt dans la vulgarité réaliste, tantôt dans la fantaisie bouffonne, marchands, bourgeoises, entremetteuses, ruffians, capitans, parasites ; les situations et le ton vont aisément jusqu’à la plus grossière indécence. […] Des intrigues chargées, romanesques et surprenantes, des types d’une bouffonnerie chimérique, tout conventionnels, tels que le parasite, le matamore, au bien des types de la réalité contemporaine, poussés jusqu’aux charges les plus folles, une profusion de lazzi et de saillies qui s’échelonnent depuis le calembour ou l’obscénité du boniment forain jusqu’à la pointe aiguisée des ruelles, voilà la comédie de la première moitié du xviie siècle. […] Thomas Corneille392 donne toujours ses comédies à l’espagnole, de plus en plus poussées vers l’énormité grotesque des types : on croirait qu’il n’apprécie dans Molière que Pourceaugnac, si ce n’était simplement Scarron qu’il continuait.
Encore sous le coup de son chagrin, Barnier, qui est pourtant un brave et honnête garçon, ayant trop bu d’eau-de-vie ce soir-là et poussé d’ailleurs par les plaisanteries des camarades, tente d’embrasser la sœur, qui le frappe au visage. […] Il ne faut pas, quand on juge un roman, même de ceux qui reposent sur l’observation du monde réel, pousser trop loin la superstition de la vraisemblance psychologique. […] Rousseau, avec Chateaubriand, on voit les images devenir plus nombreuses, plus nuancées et plus poussées dans le détail.
Ainsi l’entendait surtout la vieille philosophie, qui poussait le grotesque jusqu’à constituer une science appelée pneumatologie, ou science des êtres spirituels (Dieu, l’homme, l’ange et peut-être les animaux, disaient-ils), à peu près comme si, en histoire naturelle, on constituait une science qui s’occupât du cheval, de la licorne, de la baleine et du papillon. […] Mais, au fond, c’est l’armée qui les a portés où ils sont et qui les pousse en avant : c’est l’armée qui les soutient et leur donne la confiance ; c’est l’armée qui en eux se devance elle-même, et la conquête n’est faite que quand le grand corps, dans sa marche plus lente mais plus assurée, vient creuser de ses millions de pas le sentier qu’ils ont à peine effleuré et camper avec ses lourdes masses sur le sol où ils avaient d’abord paru en téméraires aventuriers. […] M. de Maistre pousse le paradoxe jusqu’à nier l’existence même de la nature humaine et son unité.
L’Histoire de la littérature anglaise retrace l’art d’une nation où l’esprit de race s’est maintenu longtemps intact, sans que cependant les phénomènes d’imitation classique du XVIIe siècle y soient suffisamment expliqués, et sans que l’auteur pousse jusqu’à la période contemporaine qui l’aurait mis dans l’embarras. […] On peut pousser plus loin encore ce raisonnement. […] Ni la race, ni le milieu, hostiles ou tout au plus indifférents à ces importations, n’ont pu pousser les artistes latins ou français à choisir à l’étranger des modèles, qu’ils ont altérés ou dépassés, mais dont l’influence est restée prépondérante.
Or, en ce même temps, un Canard ou un Héron pourrait voler à une distance d’au moins six à sept cents milles, et ne manquerait pas de s’abattre sur un étang ou un ruisseau de l’île océanique ou de toute autre terre éloignée vers laquelle le vent l’aurait poussé à travers la mer. […] Combien aurait-il pu voler plus loin encore, poussé par une brise favorable ? […] Supposons maintenant que le Merle moqueur de l’île Chatham soit poussé par le vent dans l’île Charles qui a son Merle moqueur spécial, pourquoi réussirait-il à s’y établir ?
Mais on sortait à peine d’un régime dont le nom symbolique s’est pour jamais incrusté dans le sentiment qu’il a inspiré, et cette terreur, vibrant encore dans les âmes, les disposait à confondre dans une égale rancune tout ce qui les avait poussées vers ce gouffre où toutes avaient laissé quelque dépouille sanglante de leurs illusions et de leurs tendresses. […] Cette tendance fatale, passant de la société dans la littérature, y donne gain de cause à tout ce qui flatte les passions, à tout ce qui pousse aux révoltes du cœur, de l’imagination et des sens, à tout ce qui prêche les voluptés terrestres et fait retomber l’âme de son immortel domaine dans les honteux esclavages de la matière et de la chair. […] Il y a eu de tout temps, dans le monde des patriciennes, comme disent ces messieurs, des exceptions coupables et bruyantes, des existences volontairement déclassées, des femmes que l’ennui, le désordre d’imagination ou une vocation invincible poussent hors des voies régulières et transplantent violemment dans les zones torrides où le roman va les chercher. […] Lorsqu’il nous représente, par exemple, son de Marsay poussé aux affaires et devenant ministre à la suite de la Révolution de 1850, nous savons très bien qu’aucun des ministres d’alors ne ressembla, même de loin, à ce dandy aux mains de femme, chantant comme Rubini. […] Tout cela, ce n’est encore que critique littéraire, question de goût et de convenance : avant de terminer cette étude si incomplète, nous voudrions la rattacher à une idée plus sérieuse, à celle qui nous a poussé vers ce travail difficile et périlleux.
XIII C’est alors, je crois, que vous vous liâtes par l’admiration avec Victor Hugo, seule manière de se lier avec lui ; votre liaison eut tous les caractères d’une passion ; vous ne quittiez plus la maison ; vous étiez comme ces jeunes Orientaux qui ont besoin de diviniser ce qu’ils admirent, et de pousser leur amour jusqu’à une servitude volontaire qui les identifie avec leur idole. […] Toutes les douleurs poussées un peu loin ne sont-elles pas les mêmes ? […] Ils ont poussé, chacun selon sa nature ; leurs feuillages, d’abord entremêlés agréablement, ont commencé de se nuire et de s’étouffer : leurs têtes se sont entrechoquées dans l’orage ; quelques-uns sont morts sans soleil ; il a fallu les séparer, et les voilà maintenant, bien loin les uns des autres, verts sapins, châtaigniers superbes, au front des coteaux, au creux des vallons, ou saules éplorés au bord des fleuves. […] ………………………………………………………… Vous avez dans le port poussé ma voile errante ; Ma tige a reverdi de sève et de verdeur ; Seigneur, je vous bénis !
Surtout, il n’y a pas d’humanité sans société, et la société demande à l’individu un désintéressement que l’insecte, dans son automatisme, pousse jusqu’à l’oubli complet de soi. […] Mais, comme nous le montrions jadis, si ce principe donne toutes les espèces globalement, à la manière d’un arbre qui pousse dans toutes les directions des branches terminées en bourgeons, c’est le dépôt, dans la matière, d’une énergie librement créatrice, c’est l’homme ou quelque être de même signification — nous ne disons pas de même forme — qui est la raison d’être du développement tout entier. […] Mais celui qui vient philosopher quand la société a déjà poussé fort loin son travail, et qui en trouve les résultats emmagasines dans le langage, peut être frappé d’admiration pour ce système d’idées sur lesquelles les choses semblent se régler. […] Dans ces conditions, rien n’empêche le philosophe de pousser jusqu’au bout l’idée, que le mysticisme lui suggère, d’un univers qui ne serait que l’aspect visible et tangible de l’amour et du besoin d’aimer, avec toutes les conséquences qu’entraîne cette émotion créatrice, je veux dire avec l’apparition d’êtres vivants où cette émotion trouve son complément, et d’une infinité d’autres êtres vivants sans lesquels Ceux-ci n’auraient pas pu apparaître, et enfin d’une immensité de matérialité sans laquelle la vie n’eût pas été possible.
Celui qui devint son père eût sans doute succédé à l’un ou à l’autre sans la Révolution qui le poussa à Paris et fit de lui un imprimeur. […] Tableau peut-être poussé au noir, mais saisissant, logique, impitoyable, où il y a de la vérité et de la rancune. […] Nous l’y voyons apprenti horloger dans la boutique paternelle ; dès sa jeunesse, inventif et remuant, il s’insinue et se pousse. […] L’Angleterre y pousse son cri de domination universelle et de suprématie terrestre, y proclame son vœu d’union et d’alliance entre tous les fils de sa race. […] Ce style de décadence est le dernier mot du Verbe, sommé de tout exprimer et poussé à l’extrême outrance.
Balzac a dit que les trente mille livres de rente de l’abbé de Tiron (au xvie siècle) avaient fait faire bien des mauvais sonnets et envoyé bien des pauvres poëtes à l’hôpital ; on peut à plus forte raison appliquer la même parole aujourd’hui : des poussées de jeunes gens qui n’ont qu’une ambition ardente et nulle vocation spéciale se jettent dans les Lettres comme dans une carrière où l’or se ramasse pêle-mêle avec la gloire : ils confondent d’abord l’âpre soif du lucre et du plaisir avec l’étincelle sacrée et l’on sait ce que devient celle-ci.
Il a poussé un cri d’alarme, — des cris d’aigle, — comme s’il s’agissait de sauver le Capitole ; il a eu même des paroles légères pour « les étudiantes » (style du quartier Latin) ; ç’a été surtout, le dirai-je ?
Or, voilà pourquoi le christianisme est resté en chemin de son œuvre ; voilà pourquoi de Maistre, génie autant mosaïque qui catholique, ne conçoit pas que Dieu, auteur de la société des individus, n’ait pas poussé l’homme, sa créature chérie et perfectible, jusqu’à la société des nations ; voilà pourquoi les juifs s’obstinent à contempler avec un sentiment orgueilleux de supériorité leur loi, si complète en elle-même, que le christianisme a brisée avant d’avoir à rendre au monde l’unité définitive ; voilà pourquoi la religion de l’avenir, qui devra renfermer tous les caractères du judaïsme et du christianisme, renfermera aussi dans ses temples les juifs et les chrétiens, en les mettant d’accord, selon qu’il a été dit dans les anciennes et les nouvelles Écritures.
L’ambition, la soif du pouvoir, ou tout autre sentiment excessif, peut faire commettre des forfaits, mais lorsqu’ils sont arrivés à un certain excès, il n’est aucun but qu’ils ne dépassent ; l’action du lendemain est commandée par l’atrocité même de celle de la veille ; une force aveugle pousse les hommes dans cette pente une fois qu’ils s’y sont placés ; le terme, quel qu’il soit, recule à leurs yeux à mesure qu’ils avancent ; l’objet de toutes les autres passions est connu, et le moment de la possession promet du moins le calme de la satiété.
Notre origine ne saurait nous condamner à user d’une langue morte ou mourante, mais elle nous pousse à l’admiration du beau monument qui perpétuera des vocables qui s’en vont et l’image d’un peuple harmonieux.
Il flotte entre le pointilleux, le méticuleux Bourget qui le retient aux limites du devoir parnassien, et le spéculatif Gustave Kahn qui tient de ses origines sémites une grande facilité d’improvisation, des aptitudes d’essayiste et qui le pousse aux aventures.
Puis les Écoles se querellent entre elles : on voit pousser comme chiendent les Manifestes et les Professions de Foi, les Préfaces augurales et les Déclarations au nom de l’Art.
Voiture, dont nous parlerons beaucoup dans la suite, s’en prévalait sans contrainte et peut-être sans mesure ; il poussa très loin la familiarité avec eux, quand il eut pris pied à l’hôtel de Rambouillet.
« Quand la débauche et le dévergondage sont poussés à un certain point de scandale, je suis persuadée, dit madame de Sévigné, que cet excès fait plus de tort aux hommes qu’aux femmes. » Elle s’exprime ainsi à l’occasion d’un marquis de Thermes qui l’avait fort assidûment visitée aux eaux de Vichy et qui n’osa la revoir à Paris, étant là sous le joug de la maréchale de Castelnau, sa jalouse maîtresse, qui avait si bien renoncé aux bienséances, que, malgré son veuvage, elle ne prenait pas la peine de cacher ses grossesses… Mais laissons Thermes sous sa férule », dit-elle en finissant ; « il y aurait encore bien des choses à dire d’une autre vieille férule qui ne fait que trop paraître sa furie ».
Il seroit aisé de pousser plus loin les citations ; mais c’est plus qu’il n’en faut pour faire dire de Lafontaine, qu’en qualité de Philosophe il connut la vraie sagesse & l’art de la faire aimer, comme on a dit de lui, en qualité de Poëte : Il peignit la Nature, & garda les pinceaux.
Nous ne pousserons pas plus loin cet Article, quoique nous nous fussions proposé d’y prouver encore, contre l’Auteur des Observations critiques, non seulement que le Poëme de l’Abbé Marsy est très-didactique, mais encore qu’il n’est pas impossible d’en faire un sur le même sujet, dans notre Langue, dont la lecture soit intéressante.
Il faudra convenir encore qu’il a poussé quelquefois cette passion jusqu’à une afféterie capable de défigurer certains Caracteres.
Fait d’importance capitale, sans doute, qui n’est cependant encore qu’une complication des lois nécessaires de l’association ; c’est toujours l’introduction d’un courant supérieur qui, comme un tourbillon atmosphérique de force irrésistible, se subordonne le reste, emporte tout dans son cercle propre, impose sa direction aux feuilles des arbres qu’il détache, à la poussière qu’il soulève, aux vagues de la mer qu’il agite, aux voiles des barques qu’il gonfle et pousse devant lui.
Ce fut donc une jouissance désintéressée et non la nécessité qui poussa les poètes à de telles fantaisies.
Cet abbé poussa l’ingratitude jusqu’à méconnoître la main qui l’avoit secouru.
Les écrivains de nos jours, qu’on a le plus accusés d’audace, n’ont pas poussé la hardiesse aussi loin.
Un esprit ordinaire n’aurait pas manqué de renverser le monde, au moment où Ève porte à sa bouche le fruit fatal ; Milton s’est contenté de faire pousser un soupir à la terre qui vient d’enfanter la mort : on est beaucoup plus surpris, parce que cela est beaucoup moins surprenant.
Aucun écrivain n’a poussé la tristesse de l’âme au degré où elle a été portée par le saint Arabe, pas même Jérémie, qui peut seul égaler les lamentations aux douleurs, comme parle Bossuet.
Il les publia sous le titre d’Histoire des ouvrages des Savans, & les poussa jusqu’au mois de Juin 1702.
Posée entre deux dates sublimes, elle s’ouvre aux pleurs prophétiques du vieux Charlemagne devant les premières barques d’osier poussées contre le pied de son palais par le vent des fiords de la Norvège, et elle se ferme à l’épée tirée du Bâtard, qui va devenir le sceptre du conquérant de l’Angleterre !
Où, en effet, Antony poussait un cri de révolte contre un état de l’opinion dont on ne souffrait plus grand-chose déjà de son temps, Pierre Clémenceau écrit, du nôtre, des fragments de traité contre cet état entièrement assourdi et apaisé de l’opinion dont on ne souffre plus du tout.
Ricaneur éveillé par la vieillesse, à qui les oreilles d’âne d’une raison trop positive poussent sur un front ingénu et ouvert comme celui d’Homère, c’est par la tristesse, la douce, la patiente, la sublime tristesse, que, poète et chrétien dépaysé, il se retrouve dans l’infini, du fond des réalités de la vie !
Tous les physiologistes de la terre, tous les physiologistes qui piochent leur matière peccante ou saine depuis cinquante ans, y sont ramassés, comme avec une gaule, et s’y poussent, y font foule, s’y montent sur le dos, s’y culbutent comme un troupeau dans un chemin creux.
Mais surtout que ce soit la main innocente d’un admirateur et d’un ami qui pousse un pareil miroir à poste fixe sous les yeux, voilà qui est d’une moralité spirituelle et que j’aime !
Mais quand cette tète est l’expression de toute une société et fait équation avec elle, alors elle vaut et mérite le cri du moraliste et de l’historien, et nous le poussons !
L’auteur, Paul Meurice, n’avait jamais montré de prétentions si hautes ; mais tout finit par pousser dans la vanité des hommes, et il arrive toujours un moment où le melon est mûr… Quoiqu’il eût romancé déjà, Paul Meurice n’est guères connu comme romancier.
Le bourgeois qui a peu de notions scientifiques va où le pousse la grande voix de l’artiste-bourgeois. — Si on supprimait celui-ci, l’épicier porterait E.
La critique kantienne, sur ce point au moins, n’aurait pas été nécessaire, l’esprit humain, dans cette direction au moins, n’aurait pas été amené à limiter sa propre portée, la métaphysique n’eût pas été sacrifiée à la physique, si l’on eût pris le parti de laisser la matière à mi-chemin entre le point où la poussait Descartes et celui où la tirait Berkeley, c’est-à-dire, en somme, là où le sens commun la voit.
Gardons-nous de pousser trop loin cette attention subalterne, qui pèse les phrases dans une balance, et fait plus d’attention aux mots qu’aux idées.
Qu’un aveugle, un boiteux, un sourd, un cul-de-jatte, Un héros, dont le cou se perd sous l’omoplate, Dans un drame bien noir s’introduise à propos ; Le parterre attendri poussera des sanglots.
Les caractères, tous poussés à la charge, comme il allait de soi dans une pièce de ce genre, sont du reste d’une parfaite justesse. […] Par conséquent ce critérium du ridicule pousse les hommes à mettre tout leur effort à se rassembler les uns aux autres. […] Vous causez, de bonne familiarité, avec votre servante et certainement ; vous seriez fidèle à votre femme s’il ne s’agissait pas de vous pousser auprès d’une marquise et de lui faire une cour galante. […] La seule vertu qu’il ait prescrite avec insistance, et ses apologistes y reviennent toujours, avec raison, mais bien forcés d’y revenir, c’est la franchise, et encore, dans sa plus belle pièce, il a recommandé de toutes ses forces de ne pas la pousser trop loin. […] Un joli portrait, assez poussé, presque complet de la mondaine jeune encore, coquette naissante peut-être et qui pourra le devenir mais qui ne l’est point : voilà ce que Molière nous a donné dans Célimène.
Ma mémoire est là, qui pousse quelque chose de ce passé dans ce présent. […] Ainsi notre personnalité pousse, grandit, mûrit sans cesse. […] Nous pousserons enfin la division ou l’analyse aussi loin qu’il le faudra. […] On pourra d’ailleurs pousser assez loin l’imitation du vivant par l’inorganisé. […] Sans parler des phagocytes, qui poussent l’indépendance jusqu’à attaquer l’organisme qui les nourrit, sans parler des cellules germinales, qui ont leur vie propre à côté des cellules somatiques, il suffit de mentionner les faits de régénération : ici un élément ou un groupe d’éléments manifeste soudain que si, en temps normal, il s’assujettissait à n’occuper qu’une petite place et à n’accomplir qu’une fonction spéciale, il pouvait faire beaucoup plus, il pouvait même, dans certains cas, se considérer comme l’équivalent du tout.
Ils avaient presque peur des images trop vives, des métaphores trop poussées ; les choses n’avaient pas besoin d’être embellies, puisqu’elles étaient parfaitement dignes d’attention dans leur naturel. […] Bref, il est difficile de trouver, chez nos Français, cet appétit de néant, ce goût de dissolution, qui poussent à chercher l’absolu au sein de la mort, dont maint poète étranger nous donne l’exemple, magnifique et dangereux. […] Mais c’est de préférence au théâtre, et dans le roman, qu’il s’est plu à peindre tel ou tel personnage, telle ou telle héroïne, qui poussaient l’exaltation sentimentale jusqu’à nier toutes autres valeurs. […] Par un mouvement inverse de celui qui entraînait ses amis, ses frères, et qui les poussait vers un avenir de bonheur que le progrès se chargerait de réaliser à coup sûr, Vico descend jusqu’au fond des âges, et il y découvre la poésie. […] « Un léger bruit sans bruit parmi les feuilles, né du soupir que pousse la profondeur du silence. » 9.
La manie de l’antiquité poussait les écrivains de ce temps-là à des actes et à des professions de modestie qu’il ne faut accepter qu’avec crainte. […] La matière, aux uns est parfois trop abondante ; aux autres, elle manque : c’est la disette, et ils poussent des cris de famine. […] Conséquents avec leurs principes, ils poussent les enfants vers d’innombrables écoles où la réalité est suppléée par des mots que l’on apprend par cœur. […] Je n’aurais pas poussé plus loin cette démonstration, si M. […] La tendance à la simplification pousse la langue à adopter les plus, comme si le mot déterminé était un adjectif : les plus exposés, comme les plus beaux.
J’imagine que Corneille, encouragé, poussa sa pointe. […] Ses misérables ne font point de théories ; ils poussent des cris, ils disent seulement : « C’est trop ; il faut que ça change. » M. […] Les deux vaillants poètes pousseraient-ils le désir de tout arranger et l’humanité boulevardière jusqu’à supprimer le crucifiement ? […] Secondement, — car elle possède son théâtre, elle pousse l’héroïsme jusqu’à dire à Pierre : « Je ne vous aime pas. » Sur quoi la mère s’écrie : « Tu vois bien qu’elle ment ! […] Et puis, on voudrait parfois le voir quitter Bruges et pousser du moins jusqu’à Malines.
Et elle la poussa brutalement devant elle. […] Est-ce que le blé ne pousse pas pour tout le monde ? […] Mme Aubain, au pied de la couche qu’elle tenait dans ses bras, poussait des hoquets d’agonie. […] Les gardes du corps firent retentir leurs armes, sans cependant pousser aucun cri. […] On m’en a rapporté des effets merveilleux, et je compte pousser l’expérience jusqu’au bout.
Vous reconnaissez, dans ces images poussées au noir, la théorie des « milieux ». […] Nous sommes un peuple jeune, avec beaucoup de crudités, mais nous poussons et nous, vous poussons… À tout à l’heure, messieurs ! […] François Ier fut poussé par la voix populaire vers des actions héroïques et utiles. […] On poussait des soupirs. […] Sur le fumier du baron Saffre il pousse de jolies fleurs.
Il ajoutait, quand on le poussait : « Oui, c’est entendu, il a du talent ». […] C’est surtout cette raison qui le poussait à présenter son Iphigénie à la Comédie-Française. […] Personne, depuis Gustave Planche, ne poussa plus loin le dédain de l’élégance. […] Il poussait la modestie jusqu’à la manie. […] Louis Bertrand a poussé plus loin que moi l’étude des manuscrits de Flaubert.
Encore un peu de temps, et Chateaubriand qui un moment, a cru pouvoir marcher dans les faits avec le nouveau gouvernement qui avait rétabli le catholicisme en France, sera poussé vers l’opposition. […] À partir de l’illustre Descartes, l’aïeul involontaire du scepticisme moderne, jusqu’à Condillac, qui poussa jusqu’à l’absurde la logique d’un système erroné, tous furent convaincus d’avoir altéré, soit par addition, soit par soustraction, le fait de la perception. […] Locke va le pousser aussi loin, à l’égard des esprits, que Malebranche l’a poussé à l’égard des corps. […] Ce n’est pas sans raison qu’après avoir poussé jusqu’à l’absurde les conséquences logiques du système de Condillac, et avoir achevé cette revue des éléments divers qui vinrent exciter, entretenir et développer la grande maladie du scepticisme, M. […] Les esprits les plus actifs de notre pays allaient se trouver presque fatalement poussés à chercher dans une imitation plus parfaite, dans une conformité plus absolue avec les idées politiques de l’Angleterre, une ressource contre les difficultés qu’ils rencontreraient.
Ils ne réussissent qu’à l’engager dans le sens opposé à celui où ils le poussent. […] Il considère, en général, la démocratie comme une grande force en soi et par elle-même qui pousse et entraîne les peuples modernes vers un but inconnu ou obscur, et il ne remonte guère plus haut. […] Il est regrettable qu’il n’ait fait presque que les mentionner, et n’ait pas poussé loin son étude sur ces points. […] Sitôt qu’il y aura sentiment quelque part, il y aura chance d’être amené à tous les beaux efforts, à tous les actes sublimes, à tous les héroïsmes où la passion entraîne ; et péril de tomber dans tous les excès où la passion pousse. […] Il était aussi sincère, il était aussi menu et minutieux, il était aussi laborieux, ajoutons, si l’on nous y pousse, il était aussi ennuyeux ; mais il était plus pénétrant.
Médée, qui, d’habitude, se rend dès le matin au temple d’Hécate, dont elle est prêtresse, a été retenue ce jour-là au palais par une suggestion intime de Junon ; elle aperçoit les étrangers au moment où elle passe de son appartement dans celui de sa sœur ; elle pousse un cri de surprise ; Chalciope accourt et reconnaît ses fils, qui se jettent dans ses bras. […] Et elle craignait pour lui, elle craignait que les bœufs ou qu’Éétès lui-même ne le fissent périr ; elle le pleurait comme déjà tout à fait mort ; de tendres larmes inondaient ses joues dans la violence de sa pitié, et, se lamentant faiblement, elle poussa cette plainte d’une voix frêle : « Pourquoi, malheureuse, cette angoisse me tient-elle ainsi ? […] Je m’imaginai que, lorsque vous vous arrêtiez, vous étiez bien aise que je vous visse mieux et que j’admirasse votre adresse lorsque vous poussiez votre cheval.
Chercher la cause et la raison des choses, trouver leurs lois, le tente, et là où d’autres passent avec indifférence ou se laissent bercer dans la contemplation par le sentiment, il est poussé à voir au-delà et il pénètre. […] Le jeune Ampère connaissait déjà toute la partie élémentaire des mathématiques et l’application de l’algèbre à la géométrie, lorsque le besoin de pousser au-delà le fit aller un jour à Lyon avec son père. […] Jeunesse à jamais regrettée, qui, à l’entrée de la carrière, sous le ciel qui lui verse les rayons, à demi penchée hors du char, livre des deux mains toutes ses râpes et pousse de front tous ses coursiers !
Supposez enfin que ces discours soient bien liés, indiquent une intention, poussent le malade dans un sens ou dans un autre, vers la dévotion ou vers le vice. […] Au contraire, si, durant la période convenable du sommeil hypnotique, on leur suggérait le nom d’un roi, non seulement ils étaient poussés à dire que c’était le leur, mais ils sentaient et agissaient d’une manière qui témoignait de leur conviction qu’ils étaient rois. » Au lieu d’être passager, cet état peut être fixe ; il est fréquent dans les hospices, et on le rencontre souvent dans les époques d’exaltation religieuse. — Un quartier-maître dans l’armée de Cromwell, James Naylor, se crut Dieu le Père, fut adoré par plusieurs femmes enthousiastes, jugé par le Parlement et mis au pilori. — Dans les asiles, on trouve des fous qui se croient Napoléon, ou la Vierge Marie, ou le Messie, ou tel autre personnage. […] Je veux mouvoir mon bras, et je prévois qu’il se mouvra ; je secoue une sonnette, et je prévois qu’elle rendra un son clair ; j’allume du feu sous la chaudière d’une locomotive, et je prévois que la vapeur dégagée poussera le piston ; je lis et relis avec attention un morceau de poésie, et je prévois que tout à l’heure je pourrai le répéter par cœur ; j’adresse une question à mon voisin, et je prévois qu’il me répondra.
. — En somme, pour peu que l’on pousse l’analyse, on s’aperçoit que l’existence est, de sa nature, fragmentaire, perpétuellement répétée, composée d’un nombre indéfini de portions successives, semblable à la flamme d’une bougie, qui est une suite de vibrations éthérées, ou au cours d’un fleuve, qui est un écoulement d’eaux toujours nouvelles. […] Si le chien aboie, il rit, il est enchanté, il est doublement tenté de prononcer lui-même le son animal très frappant et tout nouveau dont il n’a encore entendu qu’une contrefaçon humaine. — Jusqu’ici, rien d’original ni de supérieur ; tout cerveau de mammifère est capable d’associations pareilles ; un renard qui saisit un lapin, a certainement imaginé d’avance le cri aigu et sec que pousse le lapin ; un chien de chasse qui entend le rappel d’une perdrix, imagine certainement la forme visuelle de la perdrix dans l’air, et, quant à la reproduction instinctive du son entendu, on connaît les perroquets et plusieurs autres espèces d’animaux imitateurs. […] Nous construisons l’utile, le beau et le bien, et nous agissons de manière à rapprocher les choses, autant que possible, de nos constructions. — Par exemple, étant données des pierres éparses et brutes, nous les supposons équarries, transportées, empilées à l’endroit où nous voulons habiter, et, conformément à l’idée du mur ainsi construit, nous construisons le mur réel qui nous préservera du vent. — Étant donnés les hommes qui vivent autour de nous, nous sommes frappés d’une certaine forme générale qui leur est propre ; nous remarquons à un plus haut degré, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, les signes extérieurs de telle qualité ou disposition bienfaisante pour l’individu ou pour l’espèce, agilité, vigueur, santé, finesse ou énergie93 ; nous recueillons par degrés tous ces signes ; nous souhaitons contempler un corps humain en qui les caractères que nous jugeons les plus importants et les plus précieux se manifestent par une empreinte plus universelle et plus forte, et, s’il se trouve un artiste chez qui ce groupe de conditions conçues aboutisse à une image expresse, à une représentation sensible, à une demi-vision intérieure, il prend un bloc de marbre et y taille la forme idéale que la nature n’a pas su nous montrer. — Enfin, étant donnés les divers motifs qui poussent les hommes à vouloir, nous constatons que l’individu agit le plus souvent en vue de son bien personnel, c’est-à-dire par intérêt, souvent en vue du bien d’un autre individu qu’il aime, c’est-à-dire par sympathie, très rarement en vue du bien général, abstraction faite de son intérêt ou de ses sympathies, sans plus d’égard pour lui-même ou pour ses amis que pour tout autre homme, sans autre intention que d’être utile à la communauté présente ou future de tous les êtres sensibles et intelligents.
Sans se l’être marqué comme un géomètre, il y va par le chemin le plus sûr et le plus court, poussé par cet instinct irréfléchi, aveugle et divin, qu’on nomme le goût. […] Il alla se reposer dans un endroit d’où une caravane venait de partir, et où elle avait laissé du feu, dont quelques étincelles, poussées par le vent, enflammaient un buisson dans lequel il y avait une couleuvre. […] Mais je suis attachée ; et, si j’eusse eu pour maître Un serpent, eût-il pu jamais pousser si loin L’ingratitude ?
La branche d’un myrte auquel Roger a attaché par la bride l’hippogriffe, et dont le cheval cherche à se dégager, pousse une plainte humaine ; l’écorce sue de douleur et de honte comme une peau humaine. […] Pendant le combat, elle prend la fuite ; Odorie abandonne le combat, la poursuit, l’atteint, veut lui faire violence ; elle pousse des cris qui sont entendus par une bande de brigands, qui la retiennent captive depuis neuf mois dans cette caverne pour la vendre ensuite aux pirates de la côte. […] Bradamante, de son côté, ne poussait pas des gémissements moins douloureux.
Tartufe ment pour pousser dans le piège l’imbécile Orgon ; c’est un méchant homme qui se sert du mensonge. […] Elle est spirituelle, elle pousse à la raillerie, elle a souvent l’avantage dans le discours : n’est-il pas juste qu’elle y ait quelquefois le dessous ? […] On ne pousse pas plus de cris quand on a pris le larron la main dans le sac.
S’il était fini, la discussion n’aurait pas lieu ; car la complexité et l’instabilité sociales, poussées à la limite, auraient à jamais rendu impossible l’hérédité des caractères acquis et par cela même auraient confirmé la théorie de Weismann. […] Draghicesco est intéressante en ce qu’elle représente le sociologisme poussé à l’extrême, le monisme social absolu. […] Poussé à un certain degré, il peut devenir destructif du lieu social.
Le duc de la Rochefoucauld poussait un des battants tant qu’il pouvait. […] Ils essaient donc de modeler la réalité sur leur idéal ; leurs écrits sont des actes qui poussent dans le sens de leurs désirs et de leurs opinions. […] Je laisse au lecteur le soin de compléter cette étude, et je pousse plus avant sur la route encore longue qu’il me reste à parcourir.
Alors, comme j’aurai lieu de redouter que la furie de leur enthousiasme — qui sera sans exemple dans les fastes de notre espèce, — ne nuise à l’intensité de l’impression qu’avant tout doit laisser Ma Mu-sique, je pousserai l’impudence jusqu’à DÉFENDRE D’APPLAUDIR ! […] Au terme, seulement, de sa complète évolution, nous pouvons apercevoir en quelle manière sa nature l’a poussé à la pleine contemplation intérieure de lui-même, à cette claire voyance du Rêve Universel le plus profond. […] C’est que, bien au dessus de sa concordance formelle avec son maître, le Démon de sa musique intérieure, impatient de tout lien, et enchaîné sous ces formalités, le poussait à une expression de sa force, qui, comme tous les actes de l’extraordinaire artiste, se manifestait toujours avec une étrange rudesse.
Michelet et quand on a fait un livre dans lequel on a poussé le panthéisme historique jusqu’à dépouiller de leur personnalité les chefs de la Révolution française au profit du peuple anonyme et de la chose révolutionnaire, pourquoi l’inconséquence d’un livre intitulé : les Femmes de la Révolution ? […] Les plus forts, les plus gigantesques de ses chefs apparents, qu’il poussait devant lui sous le coup de fourche de son inflexible volonté, ne furent, entre ses mains de Briarée, que d’énormes pantins qu’il fît jouer et qu’il brisa. […] Tous, sans exception, agirent sous la pression de cette tassée d’hommes qui venaient derrière eux et en qui, millions de poitrines haletantes de haine et d’envie, soufflait l’Esprit qui avait poussé Alaric à brûler Rome !
Mais pour le faire, ce drame, pour grossir cet atome en le décomposant, il se sert d’une analyse inouïe et qu’il pousse à la fatigue suprême, à l’aide d’on ne sait quel prodigieux microscope, sur la pulpe même du cerveau. […] X Car il est Américain, quoi qu’il fasse, cet homme qui détestait l’Amérique, et que l’Amérique, mère de ses vices et de sa misère, a poussé au suicide contre elle. […] L’Edgar Poe de Morella, de Ligeia et du Corbeau, offrit, dans le pays le plus goulu de phénomènes, le spectacle phénoménal du génie mathématique de la déduction la plus voulue et de la combinaison la plus acharnée qui ait peut-être jamais existé dans cette créature divine, parce qu’elle est spontanée, qu’on appelle un poète, et il le poussa, ce génie de la recherche et de la déduction, jusqu’aux recroquevillements du logogriphe et aux énormes charades de quelques-uns de ses Contes.
Mais, dès qu’il se fut aperçu que l’ennemi ne songeait pas à pousser à bout son succès, Rodrigue, qui était porte-étendard ou général en chef des Castillans, releva le courage de son roi et lui dit : « Voilà qu’après la victoire qu’ils viennent de remporter, les Léonais reposent dans nos tentes comme s’ils n’avaient rien à craindre : ruons-nous donc sur eux à la pointe du jour, et nous obtiendrons la victoire. » Son conseil fut suivi ; les Léonais, surpris dans le sommeil, furent la plupart égorgés, quelques-uns à peine échappèrent ; le roi Alphonse, qui était de ceux-là, fut pris bientôt après et jeté dans un cloître, d’où il ne se sauva que pour l’exil. […] C’est alors que le Cid joua au plus fin et se ménagea un jeu à part ; trompant également le roi Mostaïn, dont il était l’allié, et le roi Alphonse appelé l’Empereur dont il continuait de se dire le vassal, il ne songea, à la tête de son armée, qu’à pousser ses propres affaires, comme le plus osé et le plus habile des trois larrons.
Dans son livre des Amours de Henri IV, il a poussé plus loin encore cette application de la chronique scandaleuse à l’histoire, et a prétendu l’élever jusqu’à la hauteur d’une méthode. […] Quand il fait cette dernière part, on ne sait trop sans doute s’il parle sérieusement ou s’il raille doucement et s’il est ironique ; mais le bon sens, qui ne pousse pas à bout, y trouve son compte.
À propos de l’Inès de ce dernier, qu’il va voir comme tout Paris et dont il est assez touché à la représentation, sans y pleurer toutefois (ce dont il a bien soin de nous avertir), il se plaît à en attribuer tout le succès aux acteurs, à la Duclos, à Dufresne, à Mlle Le Couvreur, à Baron reparaissant avec éclat après des années de retraite, et il dit hardiment de l’auteur, à qui il ne peut tout refuser : « Son style déshonore son esprit, et je suis fâché de voir le même homme penser quelquefois si bien et écrire presque toujours si mal. » Marais pousse si loin la haine du néologisme, du purisme, de la préciosité remise en honneur dans le salon de Mme de Lambert, que cela le mène à l’intolérance et à une sorte de fanatisme : le goût, comme la foi, comporte de ces excès et de ces violences, qui iraient même volontiers au-delà du simple propos. […] À présent, cela se renouvelle ; il s’est poussé à la Cour ; il a prêché devant le Roi de jolis petits sermons courts, polis et gracieux ; on lui a donné un évêché, et aussitôt on a vu le Père de l’Oratoire plus jésuite qu’un jésuite même et tout à fait dans l’intrigue de la Constitution. » Tout cela est injuste et forcé.
Comme poëte, comme artiste, comme écrivain, on a souvent rabaissé sa qualité de sentiment, sa manière de faire ; il a eu peine à se pousser, à se classer plus haut que la vogue, et malgré son talent redoublé, malgré ses merveilleuses délicatesses d’observation, à monter dans l’estime de plusieurs jusqu’à un certain rang sérieux. […] M. de Balzac à cette époque ne se contentait plus d’écrire ; son esprit d’entreprise l’avait poussé à des opérations de librairie et d’imprimerie ; les Annales romantiques, où il insérait les vers dont je parle, étaient, je crois, imprimées par lui, et il publiait une édition de La Fontaine à laquelle il ajoutait une notice.
Nisard donne tout l’avantage à Boileau, et parce que Perse oppose à l’Avarice qui pousse le marchand en Asie, Luxuria, la Volupté, ou plutôt ici l’amour du luxe et des aises et du bien-être, le critique chicane Perse sur cette Volupté qui empêche le marchand de partir : « Est-ce bien le plaisir, dit-il, qui fait hésiter le marchand anglais qui va s’embarquer pour Canton ? […] Tel qu’il est, avec la position importante qu’il occupe et la noble ambition dont il s’y pousse, il est en voie de se faire une grande existence de critique, que subiront sans doute et appuieront, comme il arrive d’ordinaire, beaucoup de ceux qui auraient été d’abord tentés de la dédaigner.
Trois tendances générales se sont tour à tour déclarées et accomplies : sous les deux premières races, tendance générale vers l’indépendance, qui finit par l’anarchie féodale ; sous la troisième, tendance générale vers l’ordre, qui finit par le pouvoir absolu ; et après le retour de l’ordre, tendance générale vers la liberté, qui finit par la révolution. » C’est de cette idée que M ignet partira bientôt pour entamer son Histoire de la Révolution ; l’Introduction qu’il mit en tête de celle-ci ne fait que développer la visée première ; même lorsqu’il aborda le sujet tout moderne, il ne le prenait pas de revers ni à court, comme on voit, il s’y poussait de tout le prolongement et comme de tout le poids de ses études antérieures. […] Il avait poussé assez avant ce grand travail, lorsque les événements politiques de 1829-1830 le vinrent distraire et appliquer tout entier avec ses amis à l’entreprise du National.
Poussons plus loin. […] Cette action des centres sensitifs, en d’autres termes cette sensation visuelle spontanée, suffit pour évoquer en lui une tête de mort apparente, apparemment située à trois pas de lui, douée en apparence de relief et de solidité, fantôme interne, mais si semblable à un objet externe et réel que le malade pousse un cri d’horreur. — Telle est l’efficacité de la sensation visuelle proprement dite ; elle la possède si bien qu’elle la manifeste même en l’absence de ses antécédents normaux.
Laurent, qui ne se borne pas à jouer un rôle passif dans cet entretien, combat des principes qui, poussés à la rigueur, isoleraient l’homme et le rendraient étranger à ses devoirs ; il soutient qu’on ne doit pas séparer la vie contemplative de la vie active, mais que l’une doit servir de base et de moyen de perfection à l’autre. […] Cependant les amis les plus rapprochés des Médicis se groupèrent en foule autour de lui, et, lui faisant un rempart de leurs corps, le poussèrent dans la sacristie, dont Politien ferma les portes de bronze sur lui.
Peut-être connut-il d’abord la tendance du lettré goûtant un arôme d’inédit parmi les formes naïves ; pourtant il ne paraît pas être de ceux-là qui cherchent de plus subtils détours dans tout l’inexploré des choses ingénues ; il fut poussé davantage j’en suis sûr par son propre penchant à la simplicité et par de longs séjours aux champs. […] Griffin a donné à beaucoup de ses strophes l’équilibre et la mesure. — S’il était en mon pouvoir, je me garderais de les pousser l’un vers l’autre ; en se rapprochant, peut-être ne diraient-ils plus ce qu’ils doivent dire, car le talent et le génie se combattent implacablement : il faut une virile puissance pour accorder leurs voix en un seul hymne et souvent, à vouloir dominer l’un de ces deux ennemis qui lui échappait encore, le poète a perdu celui qu’il avait déjà maîtrisé.
Qu’aurait dit Tacite, si on lui eût annoncé que tous ces personnages qu’il fait jouer si savamment seraient alors complètement effacés devant les chefs de ces chrétiens qu’il traite avec tant de mépris ; que le nom d’Auguste ne serait sauvé de l’oubli que parce qu’en tête des fastes de l’année chrétienne on lirait : Imperante Caesare Augusto, Christus natus est in Bethlehem Juda ; qu’on ne se souviendrait de Néron que parce que, sous son règne, souffrirent, dit-on, Pierre et Paul, maîtres futurs de Rome ; que le nom de Trajan se retrouverait encore dans quelques légendes, non pour avoir vaincu les Daces et poussé jusqu’au Tigre les limites de l’Empire, mais parce qu’un crédule évêque de Rome du VIe siècle eut un jour la fantaisie de prier pour lui ? […] Faites le tableau des hommes d’intelligence qui ont puissamment poussé à la roue, vous aurez des penseurs et des écrivains, comme Luther, Voltaire, Rousseau, Chateaubriand, Lamartine, mais très peu de savants ou de philosophes techniques.
Le Chœur l’excite à pousser sa piste sanglante : — « L’étrangère est sagace comme un chien de chasse, elle flaire les meurtres qu’elle va découvrir. » — Elle vient de flairer, en effet, celui qui s’apprête dans l’intérieur du palais ; elle tombe en arrêt devant lui, l’œil ardent, la bouche écumante. […] Deux fois je l’ai frappé, et il a poussé deux cris, et ses forces ont été rompues !
« D’ailleurs, ajoutait-il, Despréaux est un garçon d’esprit et de mérite que j’aime fort. » Lié avec les Sarasin, les Benserade, et ces anciens beaux esprits qu’il appelait encore les virtuoses, il eut le tact et le bon goût d’accepter, de deviner les mérites originaux et naissants : il fut l’un des premiers à sentir et à pousser La Bruyère. […] [NdA] Un an avant la mort de ce grand homme, Bussy écrivait à l’évêque de Verdun (19 juillet 1674) : « On me mande que M. de Turenne vient encore de pousser l’arrière-garde des ennemis.