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982. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 208-209

La Poésie ne vit que de fictions, d’images, d’ornemens ; & la peinture, qui est une espece de Poésie en son genre, n’offre-t-elle pas à l’imagination mille traits capables d’embellir un Poëme ?

983. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 18-19

Après ce début, l’amour, le vin & les plaisirs furent les objets de ses Chants, sur lesquels une imagination gaie, une touche fine & délicate, un génie agréable & facile, répandent un coloris que les regles austeres du Parnasse n’avoueront pas toujours, mais qui n’en paroît que plus original.

984. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 403-404

La profondeur des pensées, la force du raisonnement, la noblesse & la pureté du langage, y vont toujours de pair avec la chaleur de l’imagination, la vivacité du sentiment, & l’énergie de l’expression.

985. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 176-177

A quoi sert de s'exalter péniblement l'imagination, pour produire quelques étincelles qui avortent, ou n'éblouissent qu'un instant ?

986. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 222-223

S’il eût rejeté de fausses Anecdotes, choisi des faits plus avérés, ses morceaux d’Histoire pourroient passer pour des modeles ; mais sa Conjuration de Venise, celle des Gracques, l’Histoire de Dom Carlos, sont à présent regardées, avec raison, comme des Romans ingénieux, qui ne renferment de vrai que le nom des Personnages, & quelques faits trop ajustés au tour de sa brillante imagination.

987. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIII. L’Enfer chrétien. »

Les douleurs de nos puissances infernales sont donc un moyen de plus pour l’imagination, et conséquemment un avantage poétique de notre enfer sur l’enfer des anciens.

988. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Venevault, Boizot, Bachelier et Francisque Millet » p. 222

L’imagination du peintre est remontée jusqu’au temps de l’événement, et le tout est touché fièrement.

989. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Belle » p. 127

L’artiste Belle n’était pas bastant pour une composition de cette nature, qui demande de la verve, de la chaleur, de l’imagination, de la poésie.

990. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 433-434

Son esprit étoit orné ; elle avoit l’imagination vive & agréable, une érudition peu commune parmi les personnes de son sexe.

991. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 256-257

Les jeunes gens peuvent le lire pour féconder leur imagination.

992. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 286-288

Si l'expression de la sensibilité inépuisable de son cœur paroît quelquefois emprunter le langage de l'esprit, ce n'est que pour produire de ces traits fins & délicats, fruit d'une imagination tendre & vive, & rendus dans un style qui peint & anime tout.

993. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 427-429

Le meilleur Ouvrage de l'Abbé de Vertot est, sans contredit, l'Histoire des Révolutions Romaines ; le style en est noble, élégant ; la narration rapide, & pleine de chaleur ; les portraits en sont intéressans, quoique tracés, la plupart, d'imagination ; les réflexions, naturelles, mais peu profondes.

994. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 438-439

L'imagination & la gaieté naturelle de son esprit se font donné une libre carriere dans l'Ouvrage connu sous le nom de Comte de Gabalis.

995. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 388-389

Il avoit l’imagination vive, les mœurs simples, & une certaine naïveté qui intéressoit.

996. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 374-375

Il s’est rendu justement méprisable par l’abus qu’il a fait de son esprit, de son imagination, & de sa vivacité, toujours dépourvue de goût & de jugement.

997. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 89-91

La carriere de la Chaire lui offrit un champ où il se fit une très-grande réputation, que ses Sermons imprimés justifient, quoiqu’ils aient perdu quantité de traits que l’imagination de l’Auteur enfantoit subitement dans la chaleur du debit.

998. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 444-446

Ne peut-on pas, d’après les autres détails de sa vie, ajouter encore pour l’instruction des jeunes Poëtes, & les prémunir contre les écarts de leur imagination, que Villon ne respecta dans ses Ecrits ni la Religion, ni le Gouvernement, ni les personnes ; qu’il se permit sans honte les injures les plus grossieres & les libelles les plus dangereux ; qu’il avilit ses heureuses dispositions, & particuliérement le talent de la plaisanterie, en se jouant de tout dans ses Vers, & même de son honneur ; qu’enfin ces excès, après lui avoir ravi le repos pendant sa vie, ont entiérement éclipsé sa gloire dans la postérité ?

999. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

En cherchant bien, on trouverait qu’un peu de Racine se mêle à presque toutes les œuvres d’imagination qui sont restées nos délices. […] Elle caractérise à merveille le tour particulier d’imagination d’où procède le style des Faux Bonshommes. […] Je veux que l’imagination de celui qui parle dans les Fleurs du Mal paraisse quelquefois malade. […] Elle se résignait à des plans de réforme modestes et suffisants pendant que l’imagination franchissait les limites du possible. […] Regnard n’a point voulu que les enfants de son imagination fussent sujets de ces misères.

1000. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Son imagination est, d’ailleurs, des plus belles et, sous ses formes brèves, des plus puissantes qu’on ait vues. […] Curieuses imaginations, mais fort arbitraires. […] Mais ce philosophe a gardé l’imagination d’un catholique. […] Elles lui avaient donné le génie, l’imagination, la finesse, la persévérance, la gaieté, la bonté. […] Il n’a que l’imagination des vastes ensembles matériels et des infinis détails extérieurs.

1001. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

L’imagination primitive démêlait mille affinités fuyantes entre la blancheur des écumes et celle des jeunes filles, entre la flexibilité de la vague et l’ondulation du corps virginal. […] L’imagination renverse comme une machine d’opéra, le char aérien qui les apportait sur le théâtre d’Athènes ; elle amplifie la scène et elle la disperse. […] L’imagination le revêt d’une perruque ruisselante, elle transformerait volontiers son dragon paisible en un coursier sédentaire blanchi dans l’écurie d’un manoir humide. […] Son imagination ressemblait à ces fontaines enchantées d’où l’on retire chargé de broderies féeriques, le rameau nu qu’on y a trempé. […] Mais l’imagination moderne ne ratifie pas cette paix factice imposée par la tradition religieuse au poète antique.

1002. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce distingue très nettement deux formes de la connaissance : 1º la connaissance intuitive qui, par l’imagination, connaît des choses individuelles, prises isolément, et qui produit des images ; cette intuition est à la base de l’art […] Croce ajoute aussitôt, d’un geste dédaigneux, quelques autres distinctions, « plus raffinées, d’aspect plus philosophique » : genre subjectif et genre objectif, lyrisme et épopée, œuvres de sentiment et œuvres d’imagination. […] Si Zola raconte l’histoire de Gervaise, mon imagination, excitée par lui, suffit pour voir la noce monter dans la colonne Vendôme et pour respirer, rue de la Goutte-d’Or, le parfum de l’oie rôtie. […] En effet, le spectateur est plein de bonnes intentions ; il ne demande qu’à oublier les médiocrités de la journée et à collaborer avec l’auteur ; il apporte en lui une force précieuse, à laquelle je faisais allusion tout à l’heure : l’imagination, par sympathie. […] Au joujou articulé qui dit papa et maman, la fillette préfère, dans son cœur déjà maternel, la simple poupée de bois dont son imagination fait un être vivant.

1003. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Je me trompais ; mais l’orgueil n’excuse-t-il pas un peu en nous ces flatteries involontaires de l’imagination ? […] Son principal ministre à cette époque, qui sait mieux que personne une partie de la vérité sur cette entrevue et sur les avances du roi, les a démenties récemment, dit-on, en les mettant sur le compte de mon imagination. […] « Bessancourt, le 9 juillet 1861. » XII Voilà donc quatre témoignages d’hommes encore vivants qui, indépendamment des témoignages écrits, ne laissent aucun doute sur la réalité des scènes solennelles et des paroles mémorables qui précédèrent le supplice des Girondins ; sauf ces légendes plus ou moins exactes, plus ou moins amplifiées, qui ne sont point du fait de l’historien, mais du peuple, espèce d’atmosphère ambiante de l’imagination populaire qui enveloppe toujours les grands événements, comme elle enveloppe dans la nature les grands horizons. […] Mais l’imagination des lecteurs voit toujours le crime ou la vertu d’une seule pièce ; elle s’irrite quand on lui montre dans un monstre une parcelle de vertu, et dans un homme de bien un atome de faiblesse.

1004. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Jules Bertaut L’absence de grands poètes nés dans le midi de la France se peut expliquer par la psychologie du méridional incapable de réduire dans le moule strict et un peu guindé du vers français les fantaisies de sa chaude imagination. […] Elles ont de l’imagination, autant d’imagination que les autres, mais pas la même : ce que cette imagination se représente surtout c’est le monde extérieur, et aussi les faits de l’intelligence, plus que les impressions de la sensibilité.

1005. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

De même qu’il y a lieu de reprocher à Taine son manque de sensation, à Goncourt sa recherche de sensation, il faut reprocher aussi à Flaubert son absence d’imagination. […] Croyez-vous que s’il avait eu de l’imagination, s’il avait senti comme Balzac s’agiter en lui tout un peuple de héros, il se serait appesanti dans sa haine, roulé dans son mépris ? […] Bourget a écrit des pages sensationnelles sur le romantisme et le féminisme de Flaubert, mais Flaubert n’était point romantique et ne vivait point par l’imagination, sinon quand il écrivait à Mme Colet. […] En réalité, l’homme comme l’écrivain chez lui sont pleins de torpeur, et son imagination est bien froide qui ne peut l’entraîner.

1006. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Votre imagination, très riche en paradoxes, a saisi avec ardeur ces nouveaux moyens de succès. […] Vous avez une imagination vive, une verve intarissable qui se révèle par des pensées fortes et hardies ; mais il vous manque un ami, ou plutôt parmi tant d’amis un ennemi généreux qui vous éclaire et qui vous dise avec fermeté : Malgré tous les dons que vous avez reçus du ciel, en suivant la route que vous avez prise, vous ne ferez jamais un bon ouvrage dramatique. […] Cependant au milieu de cette confusion de genres, de ces actions heurtées et sans suite, de ces personnages grotesques, rodomonts et ampoulés, de ce cliquetis de pensées hardies et tout à la fois neuves, élevées et communes, il est impossible de ne pas reconnaître dans vos productions dramatiques une imagination vive, une verve surabondante, une manière pittoresque d’exprimer une belle pensée, quelques scènes savamment creusées, et enfin, si vous voulez rétrograder vers le simple bon sens, l’espoir d’un talent vif et original. […] Si, tout en reconnaissant, Monsieur, la richesse de votre imagination, je vous ai fait en même temps connaître la faiblesse et l’immoralité de vos conceptions dramatiques, c’est que je suis certain d’avance qu’il n’est pas un homme de goût qui ne confirme mon jugement.

1007. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Borel, Petrus (1809-1859) »

Champfleury Ce Pétrus Borel, forçant l’étrangeté pour dissimuler son peu d’imagination, se présentant en « loup » dans la civilisation, goguenard très travaillé, sans cesse en quête de sujets étonnants, voulant attirer l’attention du public par son orthographe, n’écrivant toutefois qu’avec peine de bizarres récits en prose, poète jadis, dont les vers étaient hirsutes et martelés, à la tête autrefois d’un groupe d’artistes à tous crins qui avaient laissé leurs cheveux dans les mains de l’occasion.

1008. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 322-324

Comme il avoit l'esprit vif, il se laissoit emporter par l'impétuosité de son imagination, qui ne lui donnoit pas le temps de réfléchir sur les Pieces qu'il mettoit au jour.

1009. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — W. — article » pp. 524-526

Ce Poëme lui fournira, sans doute, un champ bien plus avantageux & bien plus vaste, pour déployer les richesses de son imagination & la vigueur de ses talens.

1010. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

. — Et dans une autre lettre du 10 août, Tessé indiquant les mouvements en sens divers et les incertitudes multipliées de Catinat, allait jusqu’à dire : « Le pauvre Pleneuf [le munitionnaire] fait au-delà de l’imagination ; mais les ordres changent trois fois dans un jour ; encore si le bon maréchal voulait se faire servir ou se laisser servir, patience ! […] Mon cœur et mon imagination ne sont point blessés en aucune manière de la gloire que le maréchal de Villeroy pourra y acquérir, tant parce que je le crois un honnête homme et de mes amis, que parce qu’elle est inséparable du bien et de l’utilité du service. […] Il cultivait lui-même un espalier qu’il avait planté, et là-dessus on se montait l’imagination, et l’on faisait des vers qu’insérait le Mercure galant ; l’un rimait une idylle ou des stances, Gacon faisait une ode, et Rousseau ripostait par l’épigramme ?

1011. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Les principaux traits de cet autre moment si bien rempli furent la suprématie, le culte de l’Art considéré en lui-même et d’une façon plus détachée, un grand déploiement d’imagination, la science des peintures, l’histoire entamée dramatiquement, évoquée avec souffle, comme dans le Cinq-Mars et le Cromwell, la reproduction expressive du Moyen-Age mieux envisagé, de Dante et de Shakspeare compris à fond ; on perfectionna, on exerça le style ; on trempa le rhythme ; la strophe eut des ailes ; on se rapprochait en même temps de la vérité franche et réelle dans les tableaux familiers de la vie. […] Les Feuilles d’Automne ont révélé des richesses d’âme imprévues, là où il semblait que l’imagination eût tout tari de ses splendeurs. […] Il s’attachait aux faits, interrogeait les voyageurs, s’enquérait des coutumes sauvages comme des anecdotes les plus civilisées ; s’intéressait à la forme d’une dague ou d’une liane, à la couleur d’un fruit, aux ingrédients d’un breuvage ; il rétrogradait sans répugnance et avec une nerveuse souplesse d’imagination aux mœurs antérieures, se faisait à volonté Espagnol, Corse, Illyrien, Africain, et de nos jours choisissait de préférence les curiosités rares, les singularités de passions, les cas étranges, débris de ces mœurs premières et qui ressortent avec le plus de saillie du milieu de notre époque blasée et nivelée ; des adultères, des duels, des coups de poignard, de bons scandales à notre morale d’étiquette.

1012. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Mais ils reçoivent des nouvelles de leurs pays, de leurs familles ; et l’on conçoit comment peut là-dessus s’exercer l’imagination d’un jeune Français sous la Régence, avec quelle curiosité libertine il mettra en scène la vie oisive et voluptueuse du sérail, des femmes très blanches surveillées par des eunuques très noirs, des passions ardentes, des jalousies féroces, des désirs enragés. […] Les excellents Oratoriens qui l’ont instruit à Juilly lui ont découvert la riche source d’énergie morale qui jaillit pendant toute la durée des antiquités grecque et romaine ; les grands ouvrages de l’esprit, les coups d’héroïsme dans l’action politique ont ravi l’imagination du jeune Gascon, dont le bon sens aiguisé goûte ce qu’il y a toujours de pratique et de mesuré dans les traits les plus étonnants de l’antiquité. […] Son imagination pèse et mesure ce qui ne peut se peser ni se mesurer.

1013. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Theuriet, une imagination plus robuste et plus touffue dans ceux de M.  […] Même quand on n’est pas capable d’apporter dans cet exercice l’imagination drue, robuste, copieuse, qui sauve et soutient les Contes drolatiques de Balzac, ces contes sont encore agréables à ceux qui les écrivent, et d’aventure à ceux qui les lisent, et c’est le cas des Histoires du vieux temps de M.  […] Or, la poésie n’est qu’imagination et sentiment.

1014. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Les yeux toujours à demi clos, il ruminait confusément l’affranchissement des nationalités, l’établissement d’une démocratie un peu socialiste et pourtant césarienne et, par là, l’achèvement historique de la Révolution française : grands desseins dont les moyens d’exécution se précisaient mal dans son imagination de doux fataliste qui, ébloui par un destin prodigieux dont il était l’heureux jouet et dont il se croyait le héros, comptait indolemment sur la vertu de son étoile. […] Enfin — et je suis tenté de dire surtout, — l’auteur de la Vie de César aima l’historien attitré de Rome, de cette Rome dont la période impériale, bienfaisante du moins pendant un siècle, sous Auguste, puis sous les Antonins, occupait l’imagination du neveu de Napoléon Ier, lui présentait à la fois son idéal et son apologie. […] Mais sa vieillesse commençante avait rencontré la plus dévouée et la meilleure des compagnes ; et, de ses deux fils survivants, il vit l’un, historien et romancier de vive imagination et de sensibilité vibrante, trouver l’emploi de son généreux esprit dans cette chaire d’histoire de l’École polytechnique où il avait lui-même enseigné jadis, et l’autre, sorti premier de Saint-Cyr, s’en aller défendre nos ultimes frontières dans cette Algérie où le père avait dû être envoyé comme recteur au temps de la conquête.

1015. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Mais n’y travaillez, ajoutait l’excellent critique, que lorsque vous en aurez vraiment le désir, et, sur toutes choses, oubliez toujours que vous faites un livre ; il sera aisé d’y mettre les liaisons ; c’est l’air de vérité qui ne se donne pas quand il n’y est pas du premier jet, et l’imagination la plus heureuse ne le remplace point. […] Elle ne court pas après l’imagination, qui n’est guère en effet son lot. […] Mon imagination est tranquille.

1016. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Comment ose-t-on se flatter de dévoiler ces mystères sans autre guide que son imagination, et comment fait-on pour oublier que l’effet est le seul moyen de connaître la cause ? […] Ce qui rompt l’équilibre dans l’homme, c’est son imagination qui corrompt le bien et qui, devançant le mal, le produit souvent. […] Dans l’habitude de la vie, Buffon affectait de respecter tout ce qui est respectable, et quand il était à Montbard, il observait même régulièrement les pratiques du culte : il était homme à y prendre part avec une sorte d’émotion sincère, par l’imagination et la sensibilité 50.

1017. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Il y joignait un tour d’imagination prompte qui revêtait aisément la pensée et la maxime d’une forme poétique, comme faisait son compatriote Montaigne ; mars il était moins aisé que Montaigne, et n’avait pas la fleur comme lui. […] Il y parvint sans doute à la date de 1721 : la partie libertine et, pour ainsi dire, libidineuse des Lettres persanes, ces détails continuels d’eunuques, de passions, de pratiques et presque d’ustensiles de sérail, sur lesquels on arrêtait avec complaisance l’imagination des lecteurs, purent prendre une société qui allait s’engouer pour les romans de Crébillon fils. […] Toute cette partie sensuelle est sèche, et marque que Montesquieu n’avait toute son imagination que dans l’ordre de l’observation historique et morale.

1018. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Il arrive souvent qu’il cite inexactement et pour l’effet, comme Chateaubriand le fera plus tard : cela arrive aux hommes d’imagination qui se servent de l’érudition sans pouvoir s’y assujettir ni la maîtriser. […] Bien loin en cela de Jean-Jacques, il voulait que chacun, après l’avoir lu, eût « de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses lois » ; et pourtant il ne s’est nulle part inquiété du résultat de la comparaison qu’il présentait aux imaginations de ses compatriotes. […] Ce qu’il y a de beau chez Montesquieu, c’est l’homme derrière le livre, Il ne faut pas demander à ce livre plus de méthode, plus de suite, plus de précis et de positif dans le détail, plus de sobriété dans l’érudition et dans l’imagination, plus de conseils pratiques qu’il n’y en a en réalité ; il faut y voir le caractère de modération, de patriotisme et d’humanité que l’auteur a porté dans toutes les belles parties, et qu’il a revêtu de mainte parole magnanime.

1019. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Quand la nature a une fois doué quelqu’un de cette vivacité de tact et de cette susceptibilité d’impression, et que l’imagination créatrice ne s’y joint pas, ce quelqu’un est né critique, c’est-à-dire amateur et juge des créations des autres. […] Grimm est classique en ce sens que, pour ce qui est de l’imagination et des arts, il croit un seul grand siècle dans une nation. […] En France, il salue donc comme incomparable le siècle de Louis XIV ; et, au xviiie  siècle, il ne trouve qu’une classe d’hommes supérieurs et d’une espèce particulière, la seule qui manquât au grand siècle : « Je les appellerai volontiers philosophes de génie : tels sont M. de Montesquieu, M. de Buffon, etc. » Voltaire est le seul des littérateurs purs et des poètes qui soutienne le vrai goût par ses grâces., son imagination et sa fertilité naturelle : mais, selon Grimm il ne fait que soutenir ce qui fléchissait déjà.

1020. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

— Nous ne croirons pas que notre imagination s’élance au-delà des temps pour nous fournir un simple jouet ; nous ne valions pas la peine d’être trompés, de l’être avec tant d’éclat, si nous ne devions avoir qu’une existence éphémère. […] Cette première inspiration fut suffisante à l’artiste pour le soutenir de loin ensuite dans l’exécution de son œuvre ; le reste lui vint de son génie littéraire et de son pinceau, de ce don divin de l’imagination qui avait été refusé à ses devanciers. […] Comme écrivain, il s’était beaucoup formé par l’usage, et il était arrivé à se faire un style : style singulier, fin, abstrait, qui se grave peu dans la mémoire et ne se peint jamais dans l’imagination, mais qui atteint pourtant à l’expression rare de quelques hautes vérités.

1021. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Si on a la foi de l’écrivain qui a tracé ces pages, il n’est pas étonnant que ce soit beau, mais si, sans avoir la foi, on a seulement le sentiment poétique et l’imagination grandiose, on admirera certainement encore, et peut-être regrettera-t-on de ne pas croire à ce qui est si beau ! […] Les choses du ciel ont donné à son genre d’imagination des teintes célestes. […] … À dater de la Renaissance, qui passa sur le monde, comme la danse des Morts de l’Antiquité, en y laissant l’empreinte de ses pieds de Satyre, qu’on y voit encore, l’histoire qui avait ravi la foi et l’imagination des populations chrétiennes fut traitée de roman, et du plus dangereux des romans, par les sages.

1022. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

De là, l’instinct de grandeur qui double en lui l’enthousiasme et l’imagination. […] Jamais fête de l’imagination et de la gloire ne dut être plus éclatante. […] Là s’applique le mot si juste de Racine : « Ce qui se passe à deux mille lieues de nous semble presque se passer à deux mille ans. » Tel dut être pour l’imagination de la Grèce ce lendemain de sa victoire, contemplé dans le deuil même de ses ennemis, au-delà des mers, au milieu de leurs villes dépeuplées et de leurs palais tremblants.

1023. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

C’est l’imagination qui allume l’imagination. […] Il paraît ici intermédiaire entre les mémoires du romancier et son imagination. Il nous rend fraîche et présente cette vérité psychologique que dans toute mémoire il y a imagination, dans toute imagination mémoire. […] À la chartreuse de Bosserville, c’est un mystique, une « imagination frémissante », un homme de désir. […] Mais tout le monde n’a pas le pied marin, l’observation et l’imagination marines.

1024. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

À peine est-il possible, dans les ouvrages d’imagination, dans ce domaine de l’invention que la puissance légale abandonne, à peine est-il possible d’oublier que l’amusement du maître et de ses courtisans est le premier succès qu’il importe d’obtenir. […] Le guerrier sans lumières ou l’orateur sans courage n’enchaîne point votre imagination ; il reste toujours en vous des sentiments qu’il n’a pas captivés, et des idées qui le jugent.

1025. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Il suit toutes les liaisons de toutes ces choses, voit l’épargne et les querelles, sent les odeurs de la cuisine, et sort attristé, égayé, la tête comblée d’histoires villageoises, prêt à déverser le trop-plein de ses imaginations sur l’ami ou la feuille de papier qui va tomber sous sa main. — Le coche l’emporte à Versailles ; il aperçoit un seigneur qui, au bord d’une pièce d’eau, fait une révérence et offre la main à une dame. […] Voilà son imagination remplie de figures majestueuses, de discours ornés et corrects, de politesses condescendantes, d’airs de tête royaux. — Sans doute un roi est beau, mais un chien l’est davantage.

1026. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Son caractère, son habit, une imagination abondante, n’avaient pu le défendre de la contagion. […] Il est nombre de passages du Petit Carême où les habitués du salon de Mme Lambert auraient pu louer à la fois le pensé et les ajoutés de l’imagination.

1027. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Leur vie peu occupée laissait toute liberté à leur imagination. […] Quant à Jean, sa jeunesse 449, son exquise tendresse de cœur 450 et son imagination vive 451 devaient avoir beaucoup de charme.

1028. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

Cette dissonance de forme est peut-être l’expression nécessaire d’une pensée étrangement subtile, ou de je ne sais quel sentiment bizarrement pervers, ou encore de quelque imagination funambulesque, de quelque fantaisie extraordinaire. […] Il ne se sentait « l’imagination ni assez vive ni assez riche » pour « les égaler dans la peinture des choses matérielles, dans la description de la nature et de l’homme ».

1029. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Il avoit beaucoup de feu dans l’imagination, mais plus encore dans le caractère. […] Il aspiroit à paroître un romancier du premier ordre : mais il n’avoit ni le goût, ni l’imagination nécessaires pour réussir en ces sortes d’ouvrages.

1030. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Mais si, exclusivement à toute autre science, vous endoctrinez un enfant dans cette science qui donne peu d’idées, vous courez les risques de tarir la source des idées mêmes de cet enfant, de gâter le plus beau naturel, d’éteindre l’imagination la plus féconde, de rétrécir l’entendement le plus vaste. […] Entêtés de leurs calculs, les géomètres-manœuvres ont un mépris ridicule pour les arts d’imagination : ils sourient de pitié quand on leur parle de littérature, de morale, de religion ; ils connaissent, disent-ils, la nature.

1031. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Doué d’une imagination facile, il excellait dans l’à-propos ; mais il dédaignait ces triomphes que l’esprit obtient aux dépens du cœur. […] Lorsque tous les rangs se mêlent, lorsque toutes les distinctions s’effacent, on doit bientôt parler d’égalité, de loi naturelle ; aussi, en suivant les comédies du temps, voyons-nous des imaginations exaltées rêver, dans un siècle corrompu, les perfections chimériques de l’âge d’or.

1032. (1760) Réflexions sur la poésie

Puisque la poésie est un art d’imagination, il n’y a donc plus de poésie, dès qu’on se borne à répéter l’imagination des autres.

1033. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

comme dit Michelet) et toute mère qu’elle se trahisse encore » fait l’effet d’une vieille fille, à l’imagination de son lecteur. […] C’est, comme tous ses autres romans, une thèse plus ou moins cachée… On s’y perd dans les personnages et aucun n’a de physionomie qui s’impose à l’imagination et qu’on se rappelle.

1034. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Elle est donc toujours un mystère… non pas un simple mystère à ténèbres dans lesquelles l’œil cherche sans voir, mais un mystère à éblouissements qui brise la lumière sous les feux luttants des contradictions… Avec un pareil peuple, qui semble échapper au jugement même, avec ce sphinx retors qui a remplacé l’énigme par le mensonge et auprès de qui tous les sphinx de l’Egypte sont des niais à la lèvre pendante, n’y a-t-il pas toujours moyen, si on ne met pas la main sur le flambeau de la vérité, de faire partir, en frottant son esprit contre tant de récits, les allumettes du paradoxe, et d’agir ainsi, fût-ce en la déconcertant, sur l’Imagination prévenue, qui s’attend à tout, excepté à l’ennui, quand on lui parle de la Chine et des Chinois ? […] Mais un pareil fait n’était nouveau et grave que pour l’imagination européenne, qui a la candeur de son ignorance… et la fatuité de nos mœurs, que nous voulons retrouver partout.

1035. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

… À la nécessité d’un abri où les individualités évitent la bataille et où les opinions morcelées et contraires se taisent ou s’asseoient, s’ajoute, pour faire colossale cette idolâtrie du théâtre dont chaque jour marque le progrès, l’intérêt de l’imagination, des sens et de la vanité. […] Aujourd’hui, le feuilleton dépasse de beaucoup sur l’imagination publique les impressions données par les pièces.

1036. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Les mille fleurs de l’imagination et de la fable s’enroulent autour des moindres faits, sous des mains divinement artistes, et il faut ôter ces voiles brillants, cette floraison de vigne enivrante d’autour du rameau sec et nu, pour nous le montrer tel qu’il est, travail difficile qui demande une main habile, un esprit ferme. […] Une critique savante et profonde, enrichie de toutes les découvertes historiques de notre époque, une critique qui, après avoir fait la part du génie grec, ôte avec un tact souverain l’imagination des Allemands de leurs travaux pour s’appuyer sur ce que ces travaux ont de plus solide, voilà ce qui donne au livre de Lerminier un mérite et un poids qu’aucun ouvrage sur la Grèce ne pouvait avoir plus tôt.

1037. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Est-ce ce caractère de malheur complet et immérité qui a déterminé Lecoy à écrire cette vie, qui n’est pas, après tout, un de ces grands sujets tentants pour un historien moderne, s’il n’a pas, comme Thierry, l’imagination sentimentale et mélancolique… Certes ! […] Le nouvel historien du roi René n’est pas une de ces imaginations romanesques et passionnées qu’on rencontre parfois en histoire, et qui y jettent un éclat soudain.

1038. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Mais, si j’écarte la grandeur divine et humaine, j’ai très volontiers accepté Gœthe comme un cerveau d’une certaine force, comme doué jusqu’à un certain point d’imagination, de réflexion et de goût. […] Barbanchu qui me dise : « L’imagination et le tempérament chez  les femmes sont les deux plus grandes raisons de leur pouvoir (page 245) », c’est absolument pour moi la même chose.

1039. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Philippe II le Taciturne, qui ne dit son secret à personne et ne laissa aux historiens de l’avenir qu’un mot  le mot terrible — qui ne fut pas stupide, tout en voulant être injurieux ; et Charles-Quint, l’empereur déchu ou grandi dans une abdication volontaire, sur laquelle l’imagination a tant erré et l’Intelligence hésite encore ! […] Prudent comme les saints, et comme les gens seulement convaincus ne le sont jamais, froid et fin sous la grandesse d’une majestueuse dignité, cet esprit de milieu, également éloigné de tous les fanatismes, nous laisserait l’imagination bien tranquille, s’il ne portait pas jusque dans le fond de son être les brûlantes réverbérations de cette Foi espagnole qui avait chauffé son berceau.

1040. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

L’imagination ne peut pas supposer une minute qu’il ait pu parler autrement. […] À part la grandeur de l’expression, qu’il faut épique parfois, quand on fait parler, par exemple, des hommes comme Michel-Ange et comme Jules II dans le registre colossal de leur voix, au moins, la tonalité de cette voix, l’imagination la connaît et sur elle ne peut se méprendre.

1041. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Cette double notion de la terre et du ciel, la seule que puissent admettre également l’intelligence des penseurs et l’imagination des poëtes, M.  […] Observateur nul, puisque son système n’est qu’une induction, et rien de plus, il choque profondément en nous la faculté qui a soif de réalités et de vérité, mais il n’intéresse pas l’imagination davantage.

1042. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Flourens n’attribue pas avec assez de rigueur, à notre sens, quoiqu’il l’indique, l’absence de vue perçante de Buffon, en fait de méthode, à une conformation de tête qui n’avait rien de métaphysique et à des facultés qui devaient entraîner celui qui les avait, comme l’imagination entraîne. […] Buffon est bien plus une imagination qui reçoit des impressions et qui en fait jaillir des tableaux vivants qu’un observateur dans la force exacte de ce mot.

1043. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Il n’a pas, dans Son livre, pour les savants, l’exactitude du savant ; il n’a pas non plus la beauté d’imagination du poète, pour les poètes ; — et il n’arrive, en se mettant une jambe deci dans la poésie, et une jambe de la dans la science, qu’à être le colosse de Rhodes de l’amphigouri ! […] Seulement, les grands et les petits faits font plus spectacle à l’imagination fastueuse d’un homme qui a besoin du luxe des mots pour couvrir l’indigence de sa pensée.

1044. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Dans cette succession d’événements qui osent tout, — le chimérique et l’absurde, sous prétexte de merveilleux, — on se demande vainement où finit la légende, fruit de l’imagination des poètes ou des chroniqueurs du passé, et où commence l’inspiration du poète moderne et son travail… Quel est le fait ou la combinaison, de quelque nature qu’ils soient, qui, réellement, lui appartiennent ? […] Quinet a voulu qu’il eût aussi son apocalypse pour les imaginations ardentes !

1045. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

L’imagination se dégoûte à moitié chemin du déportement. […] Quand on a, de par le fait de ses autres avantages, le droit d’être bizarre sans ridicule, cela est tout-puissant sur les femmes, parce que cela tourmente l’imagination par l’inexplicable, ce qui est la meilleure manière de la fixer.

1046. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

« Le plus repoussant spectacle que l’imagination malade puisse inventer, c’est La Comédie humaine… Elle est le délire de l’orgueil. » Le pessimisme de l’auteur y fausse la vérité à toute page. […] … III Balzac, en effet, avec ses défauts, avec, ses vices de composition, s’il en a, et qu’il fallait nettement déterminer ; avec toutes les fautes qu’on serait en droit de lui reprocher, avec tous les desiderata que le bon sens pouvait formuler aux pieds de son génie, Balzac reste tellement colossal encore, que la Critique en est accablée, que l’Imagination en sourit, et que diminué, oui, réellement diminué dans sa stature, il ne nous paraît pas moins grand !

1047. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Ce tableau si vigoureusement tracé en si peu de traits s’est gravé dans l’imagination. « Roncevaux ! […] et son épée auprès de lui : l’imagination pouvait facilement tirer de là le beau récit qui le représente survivant le dernier, faisant, seul, fuir les ennemis, et mourant sans être vaincu. […] L’imagination populaire, comme on sait, ne se contenta pas de ce que rapportent les évangiles. […] Il en était un qui devait particulièrement frapper l’imagination, c’est celui des soufflets donnés au Christ. […] Ici l’imagination populaire a heureusement modifié le modèle, et a créé un trait vraiment fantastique et curieux.

1048. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chênedollé, Charles-Julien Lioult de (1769-1833) »

Hippolyte Babou Il est impossible de ne pas estimer et de ne pas aimer Chênedollé : c’est un esprit élevé, une imagination enthousiaste et sympathique, une conscience pure, une âme céleste.

1049. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Margueritte, Victor (1866-1942) »

Et l’on sent à travers tout le volume, malgré, certaines fois, de la monotonie et trop peu de liberté, une imagination délicate, un goût très sûr, un talent souple, qui vous font aimer le poète discret et tendre qu’est M. 

1050. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Popelin, Claudius (1825-1892) »

Le grammairien (au sens ancien du mot) est le savant par excellence ; il dénombre les signes, les classe et établit les rapports qu’ils peuvent avoir entre eux ; le poète surajouté au grammairien apporte à la besogne la qualité primordiale qui donne la vie aux choses, l’imagination — et le vrai poète apparaît : qu’il n’ait qu’un peu de talent, il est poète ; il peut créer, et il crée — en proportion de l’autorité qu’il a sur les signes.

1051. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 245-247

Nous ne connoissons point d’Ouvrages polémiques qui offrent un aussi grand nombre de traits d’esprit, de vivacité, de force, & de cette éloquence qui suppose autant de vigueur dans l’ame, que de chaleur dans l’imagination.

1052. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 252-254

de Senez de prodiguer l’apostrophe & l’exclamation, parce que le retour fréquent de ses figures est chez lui un effet de cette heureuse liberté qui conserve aux traits de l’imagination toute leur rapidité, & fait disparoître cette empreinte du travail, si contraire au pathétique ; mais dangereuse méthode, qui, employée par des Orateurs médiocres ou timides, jetteroit leur style dans de vaines déclamations.

1053. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 400-402

Bien différent de ces esprits qui errent au hasard, voltigent sur tous les objets, l’imagination n’a jamais égaré sa plume.

1054. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 184-186

Né avec une grande vivacité dans l’esprit, il cultiva assez heureusement la Poésie Latine, les Sciences, & n’écrivoit pas mal, pour son temps, dans sa propre Langue ; mais emporté par son imagination fougueuse, il s’engagea dans les plus pitoyables travers.

1055. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 531-533

Pour les détails, on ne sauroit trop y applaudit : l’élégance, le naturel, l’aménité, y répandant un air de vie qui égaye l’imagination, la fixe sur tous les objets, & les lui rend sensibles.

1056. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 235-237

On y apprend à connoître ce qui constitue le style figuré ; à saisir, dans toutes les expressions, le sens propre & celui que l’imagination y ajoute pour mieux colorier la pensée.

1057. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 430-432

Avec une imagination vive & élevée, un esprit plein de finesse & de pénétration, il avoit acquis, par l’étude des bons Modeles, les qualités nécessaires à un bon Ecrivain.

1058. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 180-182

Sans se tourmenter l’imagination pour inventer des caracteres peu naturels, accumuler des situations forcées, étaler des sentimens gigantesques, multiplier des événemens sans vraisemblance ; il a réuni dans son Gilblas de Santillane, tout ce qui peut piquer la curiosité, flatter le bon goût, & contenter la raison.

1059. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Soulié passe pour un homme d’imagination par-dessus tout. […] Comme écrivain il a de l’imagination ; mais son style tâtonne encore et cherche une forme. […] À cela près, c’est un homme de talent et d’imagination. […] Lamothe est pourtant, je vous l’ai dit, un homme d’esprit et d’imagination, au milieu de tout cet abus de son imagination et de son esprit. […] L’auteur de Volupté est né dans le nord de la France, contrée qui produit les penseurs plutôt que les hommes d’imagination.

1060. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Chaque époque se forme de ce qu’elle désire et de ce qu’elle regrette, une sorte d’idéal du bien public dont toutes les imaginations sont occupées, et qui se manifeste dans tous les ouvrages de l’esprit. […] Toujours profond et noble, on ne le confondit point avec ce désordre grossier de l’imagination et des sens, qui usurpe son nom et prétend vainement à l’intérêt qu’il inspire ; toujours combattu, souvent sacrifié au devoir, Louis XIV n’en put regarder la peinture comme une flatterie adressée à ses fautes, ni le public garder des doutes dangereux sur les suites toujours funestes d’un amour illégitime. […] Le jeune homme est simple, parce que chez lui la raison laisse l’empire à l’imagination et à la passion ; et comme il n’y a pas encore de lutte, il n’est pas averti qu’il y a deux combattants. C’est en opposant l’imagination à l’imagination, la passion à la passion, que l’orateur sacré peut agir sur le jeune homme. […] On lui parlait la langue de son âge ; on se servait de son imagination pour mûrir sa raison.

1061. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Et d’autres fois il pressentit de toute son imagination le Livre ou le Théâtre d’un admirable demain. […] Ribot caractérise principalement l’imagination plastique et l’imagination diffluente. […] Le mouvement donné par la nature de son imagination, il l’a fait précepte. […] La Page ainsi se précisait et s’idéalisait à la fois dans sa vive imagination. […] Ce sont les imaginations du Cratyle (l’avait-il lu ?)

1062. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVIII » pp. 313-315

Nous n’y voulons voir qu’un fait, c’est qu’en France on arrive désormais à tout par son esprit et par son talent, même quand ce talent n’a été appliqué qu’aux choses d’imagination pure et de poésie. — Un autre fait que nous nous permettrons de rapprocher du précédent, c’est que le poëte coiffeur d’Agen, l’aimable Jasmin, vient, dit-on, de recevoir la croix de la Légion d’honneur : autre preuve qu’avec de l’esprit et même par la poésie seule, on triomphe aujourd’hui de toutes les difficultés et de tous les préjugés, qu’on se classe à son rang, et qu’on se fait finalement reconnaître et honorer des puissances sociales officielles.

1063. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blanchecotte, Augustine-Malvina (1830-1897) »

C’est la même imagination confiante, le même élan continu vers la sympathie du lecteur… Mme Blanchecotte est encore, parmi nos modernes, un de ceux qui ont le plus gardé des traditions de poésie subjective ; mais les Militantes marquent un grand progrès, et, de cette personnalité un peu mélancolique, trop attachée, selon nous, à la lettre de sa souffrance, l’auteur commence à se dégager vers les régions supérieures où l’âme de chacun se fond et se disperse dans la vie de tous.

1064. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leygues, Georges (1857-1933) »

Des idylles gracieuses, des paysages où vous avez ajouté à la nature ce qu’y voyait votre imagination, des chants d’amour qui sont comme parfumés de senteurs printanières.

1065. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Méry, Joseph (1797-1866) »

Chez tous deux, l’art des vers est un don gratuit et naturel ; pour tous deux, « diversité, c’est la devise » ; ils courtisent, en passant, Melpomène ; ils décorent leurs impressions de voyage des ornements de la métrique et du bel esprit ; ils brassent et rebrassent en mille façons leurs imaginations amoureuses, et, dans leurs livres galants, comme dans les rues d’Abdère affolée, résonnent les litanies voluptueuses de « Cupidon, prince des hommes et des dieux » ; diseurs raffinés, railleurs aisés, complimenteurs faciles, tous deux fuient la solitude, s’égaient à répandre leurs qualités aimables, et s’évertuent à propager, devant les assemblées brillantes, le mérite et la renommée de leurs contemporains et de leurs prédécesseurs.

1066. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 13-15

COLLETET, [Guillaume] Avocat au Conseil & au Parlement, de l’Académie Françoise, né à Paris en 1598, mort dans la même ville en 1659 ; Poëte sans imagination, sans goût, sans élocution, & cependant un de ceux que le Cardinal de Richelieu faisoit travailler pour le Théatre.

1067. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 380-382

Il n’avoit pas autant d’imagination & de génie que Descartes ; mais Descartes avoit moins d’érudition, & peut-être moins de raisonnement.

1068. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 2-5

D’ailleurs, une imagination vive, féconde, plaisante, quelque inconséquente & vagabonde qu’elle soit, amuse toujours pour le moment.

1069. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 207-209

La Déification d'Aristarchus Masso est un Ouvrage d'imagination ; c'est une fiction inventée pour représenter les défauts auxquels des Gens de Lettres se laissent aller.

1070. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

De là un combat éternel, dont l’imagination peut tirer une foule de beautés.

1071. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Il y a dans sa tête des liens qui garrottent son imagination et elle ne s’en affranchira jamais, quelque secousse qu’elle se donne.

1072. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Un peintre, et encore plus un poëte, qui tient toujours une grande place dans son imagination, et qui lui-même est encore souvent un homme de ce caractere d’esprit violent, pour lequel il n’est point de personnes indifferentes, se figure qu’une grande ville, qu’un roïaume entier n’est peuplé que d’envieux ou d’adorateurs de son mérite.

1073. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Sublime imagination de larve, si elle faisait une création, un homme et un Dieu à son image ! […] On se perd dans un abîme de conséquences absurdes, toutes les fois qu’on sort du réel et qu’on veut substituer au plan incompréhensible, mais visible, de Dieu les vanités et les imaginations de l’homme. […] Toutes les révoltes de la nature contre la douleur, toutes les imaginations de la philosophie, de la perfectibilité indéfinie et de la jouissance ne corrigeront pas l’amertume d’une larme de l’humanité. […] Il y a cependant de magnifiques percées d’imagination sur la création, et sur le chaos qui couvait le monde avant sa naissance. […] Un historien dont l’érudition nourrit le bon sens, et dont le bon sens se relève quand il le faut jusqu’à la poésie, ce bon sens transcendant de l’imagination, M. 

1074. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Ce n’est qu’alors aussi que se forment ces grands acteurs aussi rares que les grands poètes, qui, comme Roscius, Garrick, Talma, Rachel, Ristori, personnifient, dans un corps et dans une diction modelés sur la nature par l’art, les grandes ou touchantes figures que l’histoire ou l’imagination groupent sur la scène dans des poèmes dialogués pétris de sang et de pleurs. L’imagination recule devant les prodigieuses difficultés qu’un grand acteur ou une grande actrice ont à vaincre pour se transfigurer ainsi à volonté dans le personnage qu’ils sont chargés de revêtir, depuis la physionomie jusqu’à la passion et à l’accent. […] Sa mémoire, aussi heureuse que son imagination était émue, s’imprégnait de ces belles harmonies de la poésie grecque, de cette musique passionnée du cœur humain. […] Mais le souffle de l’éloquence, qui vient du caractère et du cœur, ne soulevait pas aussi énergiquement cette poitrine que le souffle poétique qui vient de l’imagination. […] Son génie, transformé par sa piété, ne sort plus de son imagination, mais de son âme.

1075. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Mais aussi alors, comme elles occupent notre imagination, ces têtes d’enfants, ces mères qui tiennent leur nourrisson sur leurs genoux ! […] Et la scène nocturne de la messe diabolique avec sa liturgie sacrilège se déroulait devant son imagination. […] » Et le jeu subtil de l’imagination du poète lui suggérait de changer de rôle avec le serviteur de Satan. […] Vous savez qu’involontairement nous imitons les gens qui frappent notre imagination. […] Car j’y tiens, à mon imagination, et je ne changerais contre rien au monde ce qui me reste de mon humeur fantasque.

1076. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Le goût suppose de la sensibilité, de l’imagination, de l’esprit, du sentiment et surtout de la délicatesse. […] Cet heureux talent est dû surtout à une imagination puissante, qui reçoit d’abord une vive impression de l’objet ; puis, en employant un choix convenable de circonstances pour le décrire, transmet cette impression dans toute sa force à l’imagination des autres. » Le maître immortel de la description matérielle, c’est Homère. […] Les Mémoires donnent la sensation de la réalité transfigurée par une imagination sublime. […] Delille, Saint-Lambert, Thompson, Boucher, etc., malgré leurs qualités d’imagination, n’ont réussi qu’à fatiguer les lecteurs. […] L’imagination et le sentiment assouplissent la raideur de ses procédés.

1077. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

La règle générale est indubitablement que lorsqu’un ouvrage d’imagination a réussi, on ne doit pas le refondre. […] Akenside refondit ses Plaisirs de l’imagination et son Épître à Curion ; Pope lui-même, enhardi sans doute par le succès avec lequel il avait étendu et remanié la Boucle de cheveux, fit la même expérience sur la Dunciade. […] On a vu des spectacles plus éblouissants pour l’œil, plus resplendissants de pierreries et de drap d’or, plus attrayants pour des hommes enfants ; mais peut-être il n’y en eut jamais de mieux calculé pour frapper un esprit réfléchi et une imagination cultivée. […] The general rule undoubtedly is that, when a successful work of imagination has been produced, it should not be recast. […] Tasso recast his Jerusalem, Akenside recast his Pleasures of the Imagination, and his Epistle to Curio.

1078. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

C’est souvent une peine morale, ou la joie d’un sentiment satisfait, qui mettent l’imagination en éveil et déterminent la création intellectuelle. […] Une bonne part de ce qu’on nous a dit des effets de l’imagination trouverait ici sa place. […] De même une passion qui ne suscite pas un chef-d’œuvre de poésie, ne reste pas sans action sur l’imagination créatrice. […] Ils conçoivent parfois vivement, leur imagination brille et s’éteint vite. […] Ribot, Leçons sur l’imagination créatrice, professées au Collège de France.

1079. (1913) Poètes et critiques

C’est, au contraire, la marque des imaginations de poètes de faire jaillir ainsi du premier texte venu quelque image inaperçue jusqu’alors, et de l’enchâsser richement dans le vers, comme une pierre de belle eau. […] Son imagination, plus érudite qu’on ne croit, a réussi à exprimer bien des choses qu’il n’a pas vues : mais comment aurait-il dit tout ce qu’on pouvait voir ? […] C’est bien la poétique du Légataire : toutes les broderies de l’imagination sur une trame noire, ourdie par des coquins, que le public, et les acteurs surtout, ont bien tort de prendre au sérieux. […] « Pour jouir — écrivait, d’Italie, Taine à Paradol — j’ai de trop mauvais yeux et une imagination empressée qui déflore d’avance. […] C’est là que son roman s’engage et se déroule avec cette rapidité d’enchantement qui est pour les esprits doués — ou affligés — d’imagination, le bienfait de l’éloignement en attendant de devenir le péril de l’absence.

1080. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IX. Du rapport des mots et des choses. — Ses conséquences pour l’invention »

Nos yeux lisent, nos oreilles écoutent : nous pensons les formes et les sons des mots ; rien ne va à l’imagination ni au cœur, et rien par conséquent n’en sortira, si nous n’insistons et ne forçons le mot à céder sa place à la sensation même de l’objet, réveillée et rafraîchie.

1081. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Millevoye, Charles (1782-1816) »

. — Armand, ou les tourments de l’imagination et de l’amour (1802)

1082. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moreau, Hégésippe (1810-1838) »

Sainte-Beuve Si l’on considère aujourd’hui le talent et les poésies d’Hégésippe Moreau de sang-froid et sans autre préoccupation que celle de l’art et de la vérité, voici ce qu’on trouvera, ce me semble : Moreau est un poète ; il l’est par le cœur, par l’imagination, par le style, mais, chez lui, rien de tout cela, lorsqu’il mourut, n’était tout à fait achevé et accompli.

1083. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schuré, Édouard (1841-1929) »

De même que « Richard Wagner n’est pas entré dans la légende en savant ou en curieux, mais en créateur », de même que Richard Wagner, « rejetant les aventures sans fin et tous les accessoires du roman, se place du premier bond au centre même du mythe et de ce point générateur recrée de fond en comble les caractères et l’organisme de son drame », de même enfin « qu’en restituant au mythe sa grandeur primitive, son coloris original, il sait y approprier les passions et les sentiments qui sont les nôtres, parce qu’ils sont éternels, et subordonner le tout à une idée philosophique », — de même Édouard Schuré dégage d’une époque historique ses éléments essentiels, lui recrée une émouvante jeunesse, et la fixe en cet état dans l’imagination humaine.

1084. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 285-288

L’élégance du style, la noblesse, l’agrément & la variété des images, la finesse & la solidité des réflexions toujours amenées par les faits, une marche naturelle & rapide dans la narration, une liaison & une netteté dans les événemens, un coloris proportionné au sujet, feront toujours de l’Histoire de l’ancien Peuple de Dieu un Ouvrage intéressant, instructif, propre à plaire, autant qu’à féconder l’imagination.

1085. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 111-114

Pouvoit-il ignorer que le premier devoir d’un Historiographe est d’être en garde contre son imagination ; qu’un esprit réfléchi est plus judicieux qu’un esprit plein de chaleur ; qu’il est plus essentiel de s’occuper à chercher, à démêler, à établir, à présenter la vérité, qu’à la défigurer en la chargeant d’ornemens ; qu’une histoire doit être regardée comme irréprochable, quand la narration est claire, suivie, exacte, quand les faits n’offrent rien de falsifié ou d’exagéré ; le style, rien d’artificieux & de passionné ; la chronologie, rien d’obscur ni d’embrouillé ?

1086. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462

Ses Pensées, nous le répétons, étonnent l’imagination & remuent le cœur.

1087. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Dans ses autres Discours, il parle rarement au cœur ; jamais ou presque jamais de ces expressions vigoureuses, de ces images frappantes, de ces traits hardis qui supposent une ame fortement pénétrée de son sujet, & capable de maîtriser les autres ames Il a paru trop oublier que les hommes déferent moins à la raison qu’à leurs passions ; que ce n’est qu’en agitant leur cœur, qu’on parvient à les dominer ; que l’homme éloquent n’est pas celui qui raisonne avec justesse, mais celui qui rend avec énergie ce qu’il sent avec vivacité ; celui qui nous échauffe par la chaleur du sentiment & de l’imagination, non celui qui nous instruit & nous éclaire par la lumiere & la vérité de ses raisonnemens.

1088. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

Une chaîne continuelle de généalogies, de noms de Princes, destinés, par leur peu de mérite, à ne servir qu'à établir les dates de la Chronologie, des portraits de Généraux, de Ministres, tracés d'imagination, sans aucune vraisemblance, l'Esprit de Parti toujours prompt à répandre la louange & le blâme, sans aucun discernement, formoient le tissu principal de leur narration.

1089. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Le Moine » p. 321

On ferme les yeux, on se sauve, et lorsque cette vilaine, hideuse chose revient à l’imagination, on est persécuté, poursuivi par une image importune.

1090. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Ce directeur imprévu de l’enseignement, qui s’était formé lui-même, qui n’avait point hérité des anciennes traditions classiques, et qui n’était pas non plus du groupe polytechnicien proprement dit, mais homme d’esprit, rempli d’observations et d’idées fines, un peu particulières, se mit aussitôt en devoir de les appliquer : J’avais depuis longtemps remarqué, dit-il, les caractères qui distinguent l’esprit des géomètres et des physiciens, de celui des hommes appliqués aux affaires, et de celui des personnes vouées aux arts d’imagination ; dans les premiers (je ne parle que généralement), exactitude et sécheresse ; dans les seconds, souplesse allant quelquefois jusqu’à la subtilité, finesse allant quelquefois jusqu’à l’artifice ; dans les troisièmes, élégance, verve, exaltation portée jusqu’à un certain dérèglement… Ce que je projetais d’après ces observations, ajoute-t-il, était : 1º de faire marcher de front, dès les plus basses classes des collèges, les trois genres de connaissances, littéraires, physiques et mathématiques, morales et politiques, en mesurant à l’intelligence des enfants dans chaque classe les notions de chaque science ; 2º de faire enseigner dans chaque classe, même les plus basses, les trois sciences par trois professeurs différents, dont chacun serait spécialement consacré à l’une des trois… Le but était défaire cesser le divorce entre les diverses facultés de l’esprit, de les rétablir dans leur alliance et leur équilibre, et d’arriver à une moyenne habituelle plutôt que de favoriser telle ou telle vocation dominante. […] Il s’attache tant qu’il peut, dans ses conversations avec le consul, à combattre l’idée qu’il lui voit du pouvoir de l’imagination sur les Français ; cette idée du pouvoir de l’imagination, puisée dans les camps et justifiée par les prodiges militaires, lui paraît dangereuse à transporter dans le civil et menant à l’extraordinaire plus qu’à l’utile.

1091. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Pour ce sauvage qui n’a pas l’idée de la beauté, qui ne compare pas, dont une continuelle rivalité sociale n’entretient ni n’exalte l’imagination, rien de pareil n’existe, et « l’instant rapide du plaisir, selon l’heureuse expression de M. de Meilhan, est pour lui une flèche décochée dans l’air, et qui ne laisse aucune trace ». […] L’homme n’a qu’une mesure de sensibilité, et son langage qu’un degré d’énergie ; son cœur est-il oppressé par le poids accablant d’un sentiment profond, son imagination ravagée par des spectacles d’horreur multipliés, il désespère d’y proportionner son langage ; et un geste, un regard, un morne silence lui tiennent lieu alors de paroles et sont plus expressifs. […] Ils font ensemble leur dernier rêve d’imagination ; « Si j’étais roi, vous seriez Premier ministre ! 

1092. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Cette position de ministre en expectative se prolongea assez longtemps pour M. d’Argenson, qui s’en accommodait fort bien ; on sentait autour de lui qu’il le deviendrait tôt ou tard : « Mes bonnes intentions, dit-il, et des méditations fort sérieuses que j’ai faites sur les affaires d’État, commencent à percer beaucoup dans le monde ; à quoi joignant de la retraite qui me donne de la rareté, cela me fait passer pour un homme singulier dans le bien, et bien des gens qui ne me connaissent que d’imagination me prônent et m’élèvent. » Il lui venait des offres de services ; on lui proposait de le pousser auprès du roi par les domesticités ; des financiers habiles et administrateurs émérites (un M. de Bercy, gendre de l’ancien contrôleur général Desmarets), lui proposaient de servir sous lui en second, de travailler sous ses ordres, ce qu’ils ne feraient avec personne autre, et qu’il se laissât porter au ministère des finances : « Voilà de l’intrigue, car il en faut, ajoute en toute bonhomie M. d’Argenson, et heureusement j’y suis passivement. […] Il a dit encore : J’ai de l’imagination, l’esprit vif pour peu que quelque nouveauté ou désir sympathique l’anime. […] Cependant voilà le malheur du Français : on prend pour médecins des gens d’imagination (Silva), et pour ministres les robins qui ont le plus fréquenté la Cour, c’est-à-dire ceux qui ont le plus perdu leur temps et qui ont le plus négligé les pauvres et la justice.

1093. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle avait proprement le fancy, ce mélange d’imagination et de fantaisie imprévue ; et, avec la facililé de se retremper aux lectures anglaises comme à la source natale, elle garda de tout temps un cachet d’originalité et d’indépendance. […] Évidemment, tout l’art de vieillir est de quitter, quand l’heure est venue, les désirs et les passions qui nous quittent ; de ne pas se faire une passion unique et fixe de celle qui n’a qu’un temps et ne doit avoir qu’une ou deux saisons ; de ne point opiniâtrer son imagination en arrière ; d’adoucir par degrés quelques-unes de nos passions, et de les terminer en goûts ; de saisir à propos, d’avancer, s’il se peut, quelques-uns de nos goûts derniers et durables et d’en faire presque des passions. […] Dans la société, dans la haute société surtout, qui a ses habitudes impérieuses et ses exigences, beaucoup de choses se sont envolées des âmes, la sincérité, la candeur, la joie, l’imagination, le sentiment vif de la vérité : Mme de Tracy avait gardé en elle quelque chose de ces trésors.

1094. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

On s’est accoutumé depuis trois siècles à voir les Hébreux représentés à la romaine ; Raphaël, Poussin et les autres grands peintres ont peuplé les imaginations et meublé la mémoire de tous avec ces Hébreux classiques : la place est prise ; les hauteurs sont occupées. […] Il n’y aurait qu’un moyen, ce serait de produire, à l’appui, des tableaux conçus dans ce nouveau système de vérité et de réalité, mais des tableaux chefs-d’œuvre qui fissent reculer et pâlir les anciens et qui les remplaçassent en définitive dans l’imagination des hommes. […] … Plus je reviens sur les émotions qu’elle m’a fait éprouver, plus elles prennent de force, et je me sens tout jeune. » Si la verve et l’enthousiasme, si le mouvement naturel de poésie, si le coup de soleil de l’imagination n’est pas là sensible, je ne sais plus où les trouver.

1095. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Les historiens à l’imagination la plus inquiète et la plus contournée ont eu beau faire et beau s’ingénier, ils n’ont pu lui trouver que des vertus. […] Dans ce domaine royal de Chambord, son imagination qui était vaste avait de quoi s’espacer, mais pas assez encore. […] Il avait l’imagination grande : on a taxé de chimères bien des idées de lui, qui n’eussent point paru telles peut-être, s’il lui avait été donné de les amener à un commencement d’exécution.

1096. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Mais cette question, qu’on pourrait poser chez nous presque à chaque siècle et pour chaque période du développement de la littérature d’imagination, va se représenter à nous plus impérieusement encore à l’occasion des Fabliaux. […] Vraiment, toutes ces histoires ne sont que fantaisie, et ne représentent exactement qu’une chose : la jovialité française, le tour d’imagination frivole et grossier qui était apte à produire et goûter ces histoires. […] sinon aussi, peut-être, d’un sentiment plus ou moins distinct que toutes ces vilenies, ces ordures, sont un jeu d’esprit, une construction fantaisiste de l’imagination, et que ce n’est pas là le vrai monde dont on est.

1097. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Il n’ajoutera rien à sa sensation : car il n’a pas d’imagination ; il réveillera exactement et représentera sa sensation. […] Quand il répète : « Tout doit tendre au bon sens », il n’étouffe pas plus l’imagination qu’un peintre qui recommande à ses élèves de faire « d’après nature ». […] On lui a reproché d’étouffer l’imagination par des règles sévères : rien de plus indiscret et déplus faux.

1098. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Un beau jour circulèrent des dialogues « traduits de l’anglais552 », qui démontraient que l’Esprit des Lois est un « labyrinthe sans fil, un recueil de saillies », un livre plein de fausses citations, où l’auteur prenait « presque toujours son imagination pour sa mémoire ». […] Il n’avait pas l’imagination scientifique, l’ouverture de pensée qui forme ou qui embrasse les hypothèses fécondes, le détachement de soi qui fait accepter au savant tous les démentis, toutes les surprises des faits, et les plus incroyables résultats de l’expérience ; il n’a pas senti suffisamment l’infinité de ses ignorances, et il a témérairement fixé les limites du possible. […] En un mot, il n’a pas l’imagination qui utilise les formes sensibles en vue du plaisir esthétique.

1099. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Daphné, chrétienne par docilité, mais l’imagination et le cœur encore pleins des divinités anciennes, mêlant avec candeur le culte du Christ, dieu des morts, au ressouvenir des dieux de la vie, est une figure d’une vérité délicate et charmante. […] Il nota les gestes, les tics, les idées fixes, les imaginations de ces fantoches. […] Mille choses, à la fois familières et mystérieuses, occupaient mon imagination, mille choses qui n’étaient rien en elles-mêmes, mais qui faisaient partie de ma vie.

1100. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

L’esprit n’est pas une faculté distincte comme la sensibilité, l’imagination et la raison, auxquelles correspondent des modes différents de notre pensée, qui forment comme le domaine séparé de chacune. Mais ne serait-ce point le don de sentir, d’imaginer et d’exprimer dans une mesure moindre que le génie, et dans un ordre de pensées qui ne demande ni la sensibilité la plus profonde, ni la plus grande vivacité de l’imagination, ni la raison la plus relevée ? […] C’est cet esprit, formé d’une sensibilité plus douce que profonde, d’une imagination plus enjouée que forte, d’une raison sûre, quoique bornée, qui fait vivre les poésies de Marot.

1101. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Ne lui disputons pas d’ailleurs le mérite d’une certaine imagination de style, et par moment d’un heureux choix de mots ; mais dans ses plus beaux vers on ne sent ni une raison émue ni un cœur touché. […] Didon, Camille, Mézence, Nisus et Euryale, Énée même, sont-ils de vains noms ou des êtres vivants qui peuplent toutes les imaginations cultivées ? […] Avec André Chénier, l’imagination, la sensibilité, le naturel, la poésie, rentrent dans les vers.

1102. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

À ce souci, en même temps que son imagination s’est vue contrainte de rendre le sceptre, il a dû ramener tout un système de faits, non sans que bien des formes consacrées s’en modifiassent, qui n’y avaient peut-être pas un absolu avantage. […] Qui ne voit d’ailleurs que les grandes lignes du roman, c’est-à-dire le sujet dans sa floraison mouvante, ne sauraient constituer à elles seules le roman, ni surtout le roman d’analyse ; que, par suite, le sujet ne saurait être entièrement séparé de sa portée psychologique, et nous entendons par l’auteur, — dont le dogmatisme n’est une charge d’état que parce qu’il y a des significations multiples derrière les événements les plus futiles en apparence, derrière les moindres affirmations de la réalité où tout s’enchaîne, tout le passé à tout le présent, dans une constante, rigoureuse et subtile logique. — On ne peut nier non plus que, si les faits présentés, si peu alourdis qu’ils soient de complications matérielles, se distinguent des ordinaires accidents ressassés, par une idée, — il en résulte souvent un ensemble capable d’offrir des ressources d’émotion et d’intérêt, mille fois plus puissantes sur le cœur que ne l’ont jamais été sur l’imagination les ficelles du roman à physionomie unilatérale, comme le roman d’aventures, par exemple. […] France, ne saurait donner l’idée d’un moraliste, ni l’imagination qu’il ait jamais, prétendu à un tel titre.

1103. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Quelle part faisaient-ils à la raison et à l’imagination, à l’idéal et à la réalité ? […] Il n’attache en effet d’importance qu’à la pensée ; il laisse presque tout à fait à l’écart la sensibilité et il la traite assez mal : les sens nous trompent ; l’imagination est, comme dit Pascal, une maîtresse d’erreur et de fausseté ; les passions sont des guides déplorables qui nous détournent de la vertu et de la vérité, etc. […] L’imagination, à laquelle l’époque précédente avait laissé libre carrière, est tenue sévèrement en bride.

1104. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Moreau est un poète ; il l’est par le cœur, par l’imagination, par le style : mais chez lui rien de tout cela, lorsqu’il mourut, n’était tout à fait achevé et accompli. […] On y voit à nu le fond de son âme et de son imagination aux heures riantes et aux saisons heureuses. […] On devine, en lisant ces jolis récits et celui des Petits Souliers, et celui même de Thérèse Sureau, à voir cette imagination, cette gaieté, cette invention de détail, combien il devait être charmant quand il osait être familier, et qu’il consentait à être heureux.

1105. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

L’écriture, l’orthographe, la danse, à dessiner, à peindre, à travailler de l’aiguille, elle apprit tout, nous dit Conrart, et elle devinait d’elle-même ce qu’on ne lui enseignait pas : Comme elle avait dès lors une imagination prodigieuse, une mémoire excellente, un jugement exquis, une humeur vive et naturellement portée à savoir tout ce qu’elle voyait faire de curieux et tout ce qu’elle entendait dire de louable, elle apprit d’elle-même les choses qui dépendent de l’agriculture, du jardinage, du ménage, de la campagne, de la cuisine ; les causes et les effets des maladies, la composition d’une infinité de remèdes, de parfums, d’eaux de senteur, et de distillations utiles ou galantes pour la nécessité ou pour le plaisir. […] D’imagination réelle et d’invention, Mlle de Scudéry n’en avait pas : quand elle voulut construire et inventer des fables, elle prit les machines en usage pour le moment ; elle se pourvut dans le magasin et dans le vestiaire à la mode : elle copia le procédé de d’Urfé dans L’Astrée. […] Par le faux appareil d’imagination et le faux attirail historique dont elle environne sa pensée, Mlle de Scudéry n’est guère plus ridicule, après tout, que ne l’a été Mme Cottin il y a quarante ans.

1106. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

De même ailleurs, conseillant à sa fille une méthode dans le chagrin, et qui consiste à l’analyser, à le décomposer : « Examinez ce qui fait votre peine, écartez tout le faux qui l’entoure et tous les ajoutés de l’imagination, et vous verrez souvent que ce n’est rien. » Les ajoutés de l’imagination ! […] Elle se méfie de la partie sensible : « Rien n’est plus opposé au bonheur qu’une imagination délicate, vive et trop allumée. » Les vertus d’éclat ne sont point le partage des femmes : elle paraît en souffrir un peu en le remarquant, ainsi que du « néant, dit-elle, où les hommes ont voulu nous réduire ».

1107. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Comme la volonté et la sensibilité, l’imagination même est intéressée dans le raisonnement le plus abstrait, et la preuve, c’est que nous nous figurons toujours le raisonnement : c’est une véritable construction que nous voyons s’élever devant nous, tantôt une échelle dont nous montons ou descendons les degrés, tantôt un savant arrangement de lignes concentriques de circonvolution. […] L’émotion artistique est donc, en définitive, l’émotion sociale que nous fait éprouver une vie analogue à la nôtre et rapprochée de la nôtre par l’artiste : au plaisir direct des sensations agréables (sensation du rythme des sons ou de l’harmonie des couleurs) s’ajoute tout le plaisir que nous tirons de la stimulation sympathique de notre vie dans la société avec les êtres d’imagination évoqués par l’artiste. […] En résumé, l’art est une extension, par le sentiment, de la société à tous les êtres de la nature, et même aux êtres conçus comme dépassant la nature, ou enfin aux êtres fictifs créés par l’imagination humaine.

1108. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Il eut une fantaisie spirituelle et agile, cet esprit poétique qui ressuscite en lui après être mort avec Shakespeare, un esprit fait de poésie, de gaieté, d’émotion délicate, de candeur, d’imaginations légères, de pure simplicité enfantine, « le masque de Lucien derrière la chanson d’Ophélia ». […] Ni la perception, normale chez lui et attentive aux mille spectacles du dehors, ni la pensée qui était de force à comprendre les plus hautes spéculations philosophiques, ni même l’imagination dont nous avons constaté la véracité, n’étaient atteintes. […] Et grâce à la vive facilité de son imagination, il eut le cerveau peuplé de déesses tangibles et souriantes, de dieux statuaires, majestueusement drapés ou noblement nus, figurant de leurs traits augustes, avec la joie calme qui arque leurs lèvres et éclaire leurs yeux, la plus belle phase de l’humanité intacte.

1109. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

S’il y a une vérité, quel autre moyen de la découvrir que de la chercher, que d’examiner si c’est bien elle, la dégager des nuages qui la couvrent, et pour cela écarter les illusions de l’imagination, de la passion, de la routine, en un mot penser librement ? […] Quelques poètes seuls ont quelquefois réclamé pour toutes les fantaisies de leur imagination cette sorte de droit divin, mais personne ne leur a donné raison ; c’était d’ailleurs dans le royaume des chimères et des rêves. […] Tout droit suppose un devoir, le devoir d’écarter toutes les causes d’erreur et d’illusion qui nous captivent et nous égarent, les passions, l’imagination, les affections mêmes, de dégager en un mot de tous les nuages qui la couvrent la pure lumière de l’évidence.

1110. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Sans imagination, il n’en aura jamais. […] La tranquillité, la fermeté, l’immobilité, le repos, conduisent donc l’imagination à la grandeur de stature. […] La tête de Caesar est donnée par mille antiques ; pourquoi en avoir fait une d’imagination qui n’est pas si belle et qui, sans l’inscription, rendroit le sujet inintelligible ?

1111. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

L’étude, le goût acquis, la réflexion saisiront fort bien la place d’un vers spondaïque, l’habitude dictera le choix d’une expression, elle séchera des pleurs, elle laissera couler les larmes ; mais frapper mes yeux et mon oreille, porter à mon imagination, par le seul prestige des sons, le fracas d’un torrent qui se précipite, ses eaux gonflées, la plaine submergée, son mouvement majestueux et sa chûte dans un gouffre profond, cela ne se peut. […] J’aime mieux une bataille tirée de l’histoire qu’une bataille d’imagination ; il y a dans la première des personnages principaux que je connais et que je cherche. […] Sans imagination on peut trouver ces objets à qui il ne reste plus que le mérite d’être bien ou mal placés, bien ou mal peints.

1112. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Sainte-Beuve a été un jour, aux yeux des connaisseurs, un trop rare poète pour que l’Imagination autant que la Critique ne tienne pas à connaître toute l’œuvre de l’homme qui a donné cette note unique de profondeur, et à savoir, s’il l’a perdue, comment cela se fit. […] Sainte-Beuve une unité de substance poétique, un effet d’ensemble dans le sentiment et la couleur, tout-puissant sur l’imagination, puisqu’il la frappe toujours à la même place, et bien préférable à une discordante variété. […] Ainsi dans le sonnet : Sous les derniers soleils de l’automne avancée, où je reconnais le Joseph Delorme à l’ardeur physique des derniers vers, à ces fermentations d’un matérialisme que l’Imagination colore… Mais en ces pièces nouvelles, ce qui rappelle et ressuscite, pour une minute, l’ancien Joseph Delorme est fort rare, dans cette proportion du moins.

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