Les pensées se pressent et entrent en foule dans l’imagination, mais elles la remplissent sans la fatiguer jamais.
Comment des esprits aussi policés et aussi aimables auraient-ils pu épouser les sentiments d’un apôtre, d’un moine, d’un fondateur barbare ou féodal, les voir dans le milieu qui les explique et les justifie, se représenter la foule environnante, d’abord des âmes désolées, hantées par le rêve mystique, puis des cerveaux bruts et violents, livrés à l’instinct et aux images, qui pensaient par demi-visions, et qui pour volonté avaient des impulsions irrésistibles ? […] Il ne s’agit plus de plaisanter, de polissonner ; le sérieux est continu ; on s’indigne, et la voix puissante qui s’élève perce au-delà des salons jusqu’à la foule souffrante et grossière, à qui nul ne s’est encore adressé, dont les ressentiments sourds rencontrent pour la première fois un interprète, et dont les instincts destructeurs vont bientôt s’ébranler à l’appel de son héraut. — Rousseau est du peuple et il n’est pas du monde. […] — L’essieu de sa chaise vient-il à se rompre, tout vole à son secours. — Fait-on du bruit à sa porte, il dit un mot et tout se tait. — La foule l’incommode-t-elle, il fait un signe et tout se range. — Un charretier se trouve-t-il sur son passage, ses gens sont prêts à l’assommer, et cinquante honnêtes piétons seraient plutôt écrasés qu’un faquin retardé dans son équipage. — Tous ces égards ne lui coûtent pas un sol ; ils sont le droit de l’homme riche, et non le prix de la richesse. — Que le tableau du pauvre est différent !
La Cathédrale, Sainte Lydwine de Schiedam, l’Oblat, les Foules de Lourdes ont achevé l’œuvre qu’En route faisait entrevoir déjà. […] III Si l’on envisage la production du roman dans la variété si abondante qu’elle a présentée au cours de ces dernières années, on aura vite fait de remarquer que la forme le plus volontiers choisie par les écrivains travaillés de tendances sociales a été le vaste tableau collectif, le roman de foules et d’ensembles. […] « Une foule, un groupe quelconque a une âme qui n’est pas la somme de toutes celles qui la composent, mais qui en est plutôt la résultante. » C’est ainsi que l’on peut rattacher l’avènement de ce genre au retour des curiosités vers l’histoire pittoresque et aux progrès de la psychologie collective.
Ils recherchent la foule dans laquelle ils croient. […] Ils la convient à leurs manifestations et ce qui est plus étrange cette foule vient et leur obéit. […] Cette foule est composée de curieux et d’éléments boulevardiers très parisiens, arbitres des modes artistiques pour milieux snobs.
Quand un rhétoricien a du génie, il est le maître incontesté des foules, il les prend par leur chair et les conduit où il veut. […] Je trouve là une foule d’arguments décisifs en faveur du naturalisme. […] En même temps, par une conséquence logique, l’influence des salons et de l’Académie disparaît, l’avènement de la démocratie a lieu dans les lettres : je veux dire que les coteries se noient dans le grand public, que l’œuvre naît de la foule et pour la foule. […] Il n’y a pas d’excuse aux encouragements, s’il n’est pas sous-entendu qu’on cherche à faciliter la venue des hommes supérieurs qui se trouvent confondus et qui souffrent dans la foule. […] L’imbécillité de la foule et la rage de leurs rivaux achèvent de leur donner du génie.
Les deux Foules sont mes ancêtres et mes fils qui me cernent de toutes parts comme un voleur. […] Difficulté pour la foule de réconcilier ces deux attitudes dans la même présence. […] L’esprit de la foule est simplificateur. […] Le « vase brisé » de M. de Souza c’est donc, aux yeux de la foule, l’étude de notre rythmique française. […] Depuis quelques années aucun écho ne répercute dans l’âme de la foule les chants du poète.
Entrez à ce théâtre où, après cent représentations, le même drame attire la foule. […] Et n’entendez-vous pas d’ici les applaudissements de la foule qui lui donnent raison ? […] Ce mot résume le drame, et les acclamations dont il était couvert ont assez prouvé quels formidables échos il trouvait dans la foule. […] N’a-t-on pas vu de misérables assassins se draper, à l’ébahissement de la foule, dans leur corruption poétique et leur cynisme littéraire ? […] Tourmentée de la soif des émotions violentes et des âcres jouissances qu’elles procurent, la foule, non pas seulement celle de la rue, mais aussi la foule élégante et dorée, a couru aux tragédies véritables qui se jouaient dans l’enceinte du Palais de Justice, comme elle courait aux drames du théâtre.
Mais ce ne fut pas le cas : il s’agenouilla devant la science sans devenir un savant, comme les foules prosternées sur les parvis qui ne voient pas le prêtre caché dans les flancs de l’idole et rendant des oracles en son nom. […] Derrière eux marche la foule aux horizons bornés, qui ne regarde pas voler les nuages, qui ne remonte pas l’échelle des causes, mais qui aime, qui lutte, qui soutire, qui travaille. […] Pourtant, il n’a pu feuilleter les écrits contemporains ni suivre les représentations théâtrales sans rencontrer une foule de délicats problèmes, sur lesquels il a été appelé à donner son avis. […] Ils professent un beau mépris pour l’auteur bourgeois qui s’inquiète d’enseigner ou de consoler les hommes, et ils consentent à faire la roue devant la foule, à cette seule fin de lui faire admirer leur adresse ; ils se vantent de n’avoir rien à lui dire, au lieu de s’en excuser. […] Et, sur les ruines de l’imposante cathédrale, dont les flèches, vues d’en bas, donnaient l’illusion qu’elles touchaient le ciel, se sont élevées une foule de petites chapelles : les meilleures ne montent pas bien haut, leurs portes étroites ne s’ouvrent qu’à un bien petit nombre de fidèles.
Voilà les réflexions qui durent assiéger en foule l’esprit de Goethe et qui débrouillèrent à ses propres yeux le travail confus encore de ses idées. […] Ainsi le plan du poème est identique au plan même de la vie ; le milieu naturel de l’homme, la famille, est aussi celui dans lequel se développe l’action poétique ; les situations principales ne sont que les faits pour ainsi dire élémentaires dont se composent nécessairement les destinées les plus obscures ; le héros, enfin, appartient à la foule, non point à cette foule pompeuse que l’artiste drape à l’aise dans une misère d’apparat, et à qui sa bassesse même peut servir à l’occasion de piédestal. […] Dans l’espace intermédiaire, entre la ville noircie par le temps et la campagne éternellement jeune, ni tout à fait dans l’une, ni tout à fait dans l’autre, il peut déjà placer la foule des indifférents. […] Je n’ai point le courage de suivre l’auteur dans cette troisième partie de son œuvre ; bien qu’il s’y trouve encore, au milieu d’une foule d’évènements sans suite, cousus tant bien que mal les uns aux autres, de grandes beautés tragiques. […] Plus tard, quand nous avons su ce qu’il valait, quand tout nous pressait de réparer nos torts, nous étions jeunes et avides de plaisirs ; les jouissances nous cherchaient en foule et nous arrachaient à nous-mêmes ; nous n’avions pas de temps à perdre à être bons.
Et pour la foule, peu m’importe son avis ! […] Ils auront, pour vous confondre, une foule de considérations d’esthétique générale, où il serait trop long de les suivre. […] Il était d’ailleurs devenu indifférent à une foule de choses : la musique seule l’intéressait vraiment. […] Une foule, accourue des quatre coins de l’empire, le salue comme le bienfaiteur, le sauveur des peuples, le Prince de la Paix. […] C’est un vent de folie et de cruauté qui souffle sur la foule, qui la pousse droit devant elle, hurlante et frémissante.
Un autre lui jette une pierre, puis un second, puis une foule d’autres avec de grands cris. […] Il n’y a qu’un chemin, celui que tu vois, à pic, occupé par cette foule d’hommes que tu peux voir, et qui s’y sont établis d’avance pour garder le passage. […] Une foule de chevaux et d’esclaves périrent et avec eux trente soldats. […] Déjà, de tous côtés, il cherche la science, embarrassé d’une foule de doutes qui ne retiennent point les esprits ordinaires, et particulièrement des contradictions de la nature sensible. […] « Plus avant commençait la foule des courtisans de toute espèce.
Une foule de portraits, nets, vigoureux, très vivants, et dans ce cas, nulle recherche, rien d’apprêté, aucune manière. […] Vous vivrez dans mon cœur. » On lui répondit par des applaudissements et la foule se précipita sur ses pas. […] Ce tableau des mœurs italiennes, avec une foule de détails et d’anecdotes qui ne sont pas ennuyeux du tout, est bien fantaisiste. […] Il était ardent et concentré, fait pour la méditation et le travail solitaire, perdant ses moyens devant la foule, ou plutôt n’ayant pas ceux qu’il faut là. […] Or la foule a toujours eu le veto.
Il fait un voyage circulaire dans le pays, se montre dans toutes les cathédrales à la foule curieuse de voir la célébrité du jour, et ne manque pas à cette occasion de faire passer parmi les fidèles la bourse de quête. […] Telles sont les questions, posées par les mille voix de la foule. […] On pourrait citer par douzaines de ces exemples d’illusions des sens suggérées à une foule excitée. […] De jeunes gens sans discernement, qui cherchent encore leur route, vont là où ils voient la foule affluer, et ils la suivent sans hésitation, parce qu’ils croient qu’elle marche dans le vrai sentier. […] Mais la foule ne s’inquiète pas des statistiques précises.
Le besoin de sortir de la foule obscure et anonyme peut s’exaspérer jusqu’à une telle frénésie qu’il devient indifférent d’être aimé ou haï, adoré ou maudit par elle, pourvu qu’on s’en distingue. […] Des provinces entières de la littérature et de l’art restent inaccessibles à la foule des esprits, et d’abord presque toute l’antiquité classique. […] Je crois, écrivait Alfred de Musset dans un article sur le Salon de 1836, qu’une œuvre d’art, quelle qu’elle soit, vit à deux conditions : la première, de plaire à la foule ; et la seconde, de plaire aux connaisseurs. […] Si les collectivités sont faillibles, les individus le sont bien plus encore ; les diverses causes d’erreur qui peuvent fausser un jugement ont beaucoup plus de prise sur l’homme, lorsqu’il est une personne, que lorsqu’il est un simple numéro dans une foule ou dans une armée. […] Et pour que nous y puissions mettre une foule de choses, il est bon que ces grandes oeuvres ne soient pas d’une beauté trop claire.
La masse est vulgaire, je le veux ; mais, dans une telle foule, il y a une élite. […] On n’imaginait pas une pareille foule. […] Ainsi se fera chez nous l’éducation politique de la foule et le contre-coup n’en sera pas mauvais sur l’Assemblée des représentants. […] Mieux vaut s’écarter du grand chemin, laisser passer la foule des coureurs qui se coudoient et se renversent, se faire une petite place. […] A aucun prix, il ne voulait se mettre en scène et attrouper la foule autour de son nom ; l’éclat bruyant répugnait à sa réserve.
L’auteur qui commence un roman met dans son héros une foule de choses auxquelles il est obligé de renoncer à mesure qu’il avance. […] Inversement, on noterait dans une foule d’espèces animales (généralement parasites) des phénomènes de fixation analogues à ceux des végétaux 52. […] Entre le Bourdon et l’Abeille, par exemple, la distance est grande, et l’on passerait de l’un à l’autre par une foule d’intermédiaires, qui correspondent à autant de complications de la vie sociale. […] Sans doute, une foule d’instincts secondaires, et bien des modalités de l’instinct primaire, comportent une explication scientifique. […] Il faudrait naturellement apporter à cette formule une foule de restrictions, tenir compte, par exemple, des cas de dégradation et de régression où le système nerveux passe à l’arrière-plan.
Il mourut bientôt après : je crus que c’était à propos pour sa gloire et la liberté ; mais les événements m’ont appris à le regretter davantage : il fallait le contre-poids d’un homme de cette force pour s’opposer à l’action d’une foule de roquets et nous préserver de la domination des bandits. » Or, Bosc avait cru bien faire en remplaçant l’expression si énergique : « impulser une assemblée », par cette autre qui n’a plus le même sens : « en imposer à une assemblée », et en mettant : « prendre la peine », au lieu de : « prendre le soin. » M. […] D’une main elle soutenait la queue de sa robe, et elle avait abandonné l’autre à une foule de femmes, qui se pressaient pour la baiser.
Les paradoxes éloquents, la verve étincelante et les magnifiques anathèmes de son glorieux aîné ont provoqué autour de cette haute figure une foule d’admirateurs ou de contradicteurs, une espèce d’émeute passionnée, émerveillée ou révoltée, une quantité de regards enfin, dont a profité tout à côté, sans le savoir, la douce étoile modeste qui les reposait des rayons caniculaires de l’astre parfois offensant. […] La douce malice du Voyage se répand et se suit dans toutes les distractions de l’autre, comme il appelle la bête par opposition à l’âme ; l’observation du moraliste, sous air d’étonnement et de découverte, s’y produit en une foule de traits que la naïveté du tour ne fait qu’aiguiser.
Arnault dans le tragique, M. de Jouy dans le lyrique, et puis sous eux, bien au-dessous, sans qu’on pensât encore à forcer les barrières, il y avait la monnaie de Laujon, Désaugiers, Gentil, une foule d’autres : ils se contentaient d’amuser. […] La comédie contemporaine n’est plus chez vous, pouvait-il dire au Théâtre-Français, elle est toute où je suis, dans l’Héritière, dans la Demoiselle à marier, dans cette foule de pièces chaque soir écloses, que chacun nomme et que je ne compte plus.
Deux signes sont à relever, qui montrent en général qu’une école est à bout, ou du moins qu’elle n’a plus à gagner et que ce n’est plus qu’une suite : 1° quand les chefs ne se renouvellent plus ; 2° quand les disciples et les survenants en foule pratiquent presque aussi bien que les maîtres pour le détail, et que la main-d’œuvre du genre a haussé et gagné de façon à faire douter de l’art. […] Cependant la foule des survenants conquiert, possède de plus en plus le matériel et les formes de l’art.
Je travaillerai auprès de Bernardin de Saint-Pierre, de Chateaubriand, d’une foule d’étrangers de ma connaissance, et nous réussirons, car les intentions pures réussissent toujours. » Là est surtout ce qui me choque, le jargon de pureté et de piété qui se mêle à de tels manèges. […] Elle aimait à parler d’amour ; ce mot chéri allait déborder plus que jamais de ses lèvres, et des foules entières affluaient déjà à ses pieds.
Son instinct le poussait vers de plus vastes entreprises ; il se préoccupait de l’évolution sociale ; il aimait l’atmosphère orageuse des réunions publiques ; il brûlait d’y prendre la parole et de conquérir les foules. […] Il passa un moment, auprès des foules, pour diriger l’élite de la jeunesse.
Vous trouverez que le gain, les affaires ou les besoins matériels dirigent les neuf dixièmes au moins de ces mouvements, que le plaisir sert de motif à un vingtième peut-être de cette agitation, qu’un centième à peu près de cette foule obéit à des affections douces et qu’un millième au plus est guidé par des motifs religieux ou scientifiques. […] Alors tous tireront dans le même sens ; alors la science maintenant cultivée par un petit nombre d’hommes obscurs et perdus dans la foule sera poursuivie par des millions d’hommes, cherchant ensemble la solution des problèmes qui se poseront.
S’adressant à une foule encore mal dégrossie, ils s’abaissent volontiers à sa taille au lieu de l’élever à leur niveau, ils se gaspillent en œuvres bâclées ; ils ressemblent à cet homme à la cervelle d’or dont parle quelque part Alphonse Daudet : ils s’arrachent chaque matin un morceau du trésor qu’ils ont dans la tête et, quand ils ont durant des années éparpillé ainsi leur pensée, ils s’aperçoivent un peu tard qu’ils sont parvenus au bout de leurs forces et de leur vie sans avoir rempli leur mérite, sans avoir condensé le meilleur d’eux-mêmes en un ouvrage élaboré avec amour. […] Il y a là comme une contagion d’émotions qui circule dans les rangs d’une foule et qui semble à certains moments créer une âme unique à cet être multiple.
Il n’y a rien de plus opposé à René que Gil Blas : c’est un livre à la fois railleur et consolateur, un livre qui nous fait rentrer en plein dans le courant de la vie et dans la foule de nos semblables. […] » Il se replongeait avec plaisir dans la foule, y trouvant une matière toujours neuve à son observation.
Elle jouait à travers cela la comédie et la bergerie à chaque heure du jour et de la nuit, donnait des idées à tourner en madrigaux à ses deux faiseurs, l’éternel Malezieu et l’abbé Genest, invitait, conviait une foule d’élus autour d’elle, occupait chacun, mettait chacun sur les dents, ne souffrait nul retard au moindre de ses désirs, et s’agitait avec une démonerie infatigable, de peur d’avoir à réfléchir et à s’ennuyer un seul instant. […] Vous verrez cette enfant gâtée de soixante ans et plus, à qui l’expérience n’a rien appris, car l’expérience suppose une réflexion et un retour sur soi-même ; vous la verrez jusqu’à la fin appeler la foule et la presse autour d’elle ; et à ceux qui s’en étonnent elle répondra : « J’ai le malheur de ne pouvoir me passer des choses dont je n’ai que faire. » Il faut que chaque chambre de ce palais d’Armide soit remplie, n’importe comment et par qui ; on y craint, avant tout, le vide : Le désir d’être entourée augmente de jour en jour, écrivait Mme de Staal (de Launay) à Mme Du Deffand, et je prévois que, si vous tenez un appartement sans l’occuper, on aura grand regret à ce que vous ferez perdre, quoi que ce puisse être.
Ne viens point, quand tu les as en foule devant toi, ne viens point parler de ce silence de mort qui a succédé à des chants. […] Jouée pour la première fois au Théâtre-Français, le 13 novembre 1847, cette tragédie eut quelques soirs de succès, j’étais à cette première représentation, et j’en jouis encore, ainsi que de toute cette salle brillante, de cette foule d’élite, de cette jeunesse élégante et empressée à un triomphe que personne n’avait le mauvais goût de contester.
Cet orateur inné qui était en lui, et qui s’agita de bonne heure sous l’écrivain, sentait bien que, pour arriver à cette action vaste et souveraine, pour embrasser les masses et les foules d’un tour familier et puissant, il fallait quitter cette langue que j’appellerai patrimoniale et domestique, cette manière de s’exprimer toute particulière qui était ta griffe et parfois le chiffre de sa maison ; il lui fallait quitter une bonne fois le style de famille et descendre de sa montagne. […] Cette méthode, qui n’est pas du tout celle de l’écrivain, me paraît, au contraire, assez naturelle et très utile à l’orateur, qui, ayant à parler à des foules et à improviser à chaque instant, doit avoir des amas de toute sorte, et à qui l’on ne demande jamais compte de ces répétitions, quand elles sont bien placées et qu’elles sont relevées par des traits d’un vif et soudain à-propos.
Jeune, en débutant dans le monde littéraire, il commença par blesser la vanité de la foule des petits auteurs ; ils s’en vengèrent en s’en prenant à sa naissance. […] Comme au soir d’une chaude journée d’été, une foule d’insectes bourdonnaient dans l’air et harcelaient de leur bruit les honnêtes indifférents.
Les privilégiés de la gloire sont peut-être les écrivains dont les œuvres se transmettent de ferveur en ferveur comme le secret d’Isis ; le peuple de la littérature n’est point tenté pour elles d’un amour irrespectueux, et une élite de fidèles, où il y a des prêtres, récite, en guise de prières, les pages adorées du livre défendu à la foule. […] Les sphères sont nombreuses et leur nombre augmente à mesure que, dans les médiocres foules parlementaires, s’accroît, par défaut d’intelligence, le besoin de l’imitation.
Ernest-Charles et à ceux qui le suivirent, que la foule (?) […] Pour appliquer cette ironie, ils ont cru pouvoir se départir de leur respect envers la foule.
Continuant de tourner dans le même sens une foule d’auditeurs hommes, femmes, enfants, assis, debout, prosternés, accroupis, agenouillés, faisant passer la même expression par toutes ses différentes nuances, depuis l’incertitude qui hésite, jusqu’à la persuasion qui admire ; depuis l’attention qui pèse, jusqu’à l’étonnement qui se trouble ; depuis la componction qui s’attendrit, jusqu’au repentir qui s’afflige. Pour se faire une idée de cette foule qui occupe le côté gauche du tableau, imaginez vue par le dos, accroupie sur les dernières marches, une femme en admiration les deux bras tendus vers le saint.
Dans le monde qui n’est qu’une immense étreinte, où chaque atome de chaque vivant reçoit et déverse mille sensations variées, profondes ou fugitives, de douleur et de joie, où chaque impondérable molécule de chair est, à chaque seconde, baignée par les flots continus, en marche éternelle, d’êtres innombrables qui subissent eux-mêmes la même toute puissante fécondation, où les floraisons humbles ou géantes de l’action, s’épanouissent et meurent, nourrissant de leurs parfums et réchauffant de leur éclat la mouvante foule autour d’eux, dans ce monde où la grandeur naît de l’enlacement des forces, le solitaire amoureux de lui-même, refermant sur son être, d’un geste de farouche et pudique fierté, le triple voile de son dédain, de sa mélancolie et de son art, se dresse devant le monde stupéfait comme la victime de l’exil dans un monde de douleur insondable. […] Ce qui peut convenir à la foule des humains perd par cela même toute valeur à leurs yeux.
Certains chapitres, cités parmi les plus brillants, sont de pures reproductions de paysages, d’intérieurs ou de scènes pittoresques, auxquelles ne manquent ni les jeux d’ombre et de lumière, ni la vivacité du coloris, ni souvent même la notation des voix et des sonorités indéfinissables qui émanent des foules ou des choses. […] Par malheur — et nous sommes obligés d’y revenir après l’avoir déjà répété — toutes ces pensées, toutes ces doctrines, toutes ces impressions sont bien complexes, bien délicates, bien peu en harmonie avec la psychologie générale des foules. […] Que leur qualité de révolutionnaires ait tenu la grande foule éloignée de leurs écrits, rien de plus évident. […] Enfin, le scandale d’un procès correctionnel pour outrage aux bonnes mœurs, heureusement terminé par un acquittement, provoqua, selon la coutume, une nouvelle explosion de popularité, et acheva d’établir, d’une manière indestructible, dans l’esprit de la foule, une gloire qui venait à peine de surgir à l’horizon. […] La foule obscure des disciples infimes, assez complètement dépourvus de talent et de force propre pour suivre, avec une soumission aveugle, les réglementations qu’on leur offrait toutes prêtes et qui les dispensaient d’un effort original.
Une foule innombrable était réunie. […] se lamentait la foule. […] À tour de rôle un de nous et un aide de camp devaient se tenir immédiatement derrière son cheval, l’œil fixé sur la troupe et la foule, afin de s’interposer devant tout geste suspect. […] Il le fit asseoir à côté de lui, à la table dont j’ai parlé, et, la plume en main, se mit à le questionner sur une foule de faits ayant rapport au service et à la discipline. […] Je copie cette belle page de son récit : « Il traversa la foule entr’ouverte et silencieuse.
Il avait recueilli une foule de matériaux inconnus des historiens, qui lui avaient servi pour écrire son livre.
Une foule de pensées et de sentiments roulent en lui et se combattent ou se confondent : comment démêler le principe qui dominera ?
La versification proprement dite n’est pas toujours assez strictement observée ; les images en foule sortent d’elles-mêmes à tous les points d’un si riche sujet, et décorent comme en se hâtant une pensée vive, continuelle, qui s’échappe au travers et que rien n’empêche.
Né dans les camps, élevé au milieu de nos guerriers, il avait de bonne heure parcouru l’Europe à la suite de nos drapeaux ; son jeune cœur était déjà oppressé d’une foule d’ineffables sentiments, à l’âge ordinaire des jeux et de l’insouciance.
La foule qui s’ouvre à mesure La flatte encor d’un long coup d’œil, Et la poursuit d’un doux murmure Dont s’enivre son jeune orgueil Et moi je souris et je passe !
Les Français n’approfondissent pas, comme les Anglais et les Allemands, les sentiments que le malheur fait éprouver ; ils ont trop l’habitude de s’en éloigner pour le bien connaître : mais les caractères dont on peut faire sortir des effets comiques, les hommes séduits par la vanité, trompés par amour-propre, ou trompeurs par orgueil, cette foule d’êtres asservis à l’opinion des autres, et ne respirant que par elle, aucun peuple de la terre n’a jamais su les peindre comme les Français.
Pendant que dans les régions supérieures de la pensée et de la foi se séparent les courants de la philosophie et de la réforme, une foule de provinces et de ressorts spéciaux se constituent dans le domaine d’abord indivis de la Renaissance.
Il s’attira une foule de répliques, ode de M. de la Faye, épître de M. de la Chaussée, sans compter les épigrammes de J.
Il fallait peu de chose pour que la foule lui préférât les mimes et les sauteurs avec qui il partageait la salle du Palais-Royal.
Combien, aux homélies d’Ibsen, nous préférons la violente volupté, l’impudeur d’une rustique et robuste héroïne, la fresque ardente où se répandent les hautes foules que créa Zola !
La faculté d’inventer des formes originales, ce qui est proprement la génialité, y fut poussée au plus haut point, tant chez quelques grands hommes que parmi la foule anonyme.
Ici se présente une objection d’une autre espèce : — Sans contredit, dans le moment même le plus critique d’une crise politique, un pur ouvrage d’art peut apparaître à l’horizon ; mais toutes les passions, toutes les attentions, toutes les intelligences ne seront-elles pas trop absorbées par l’œuvre sociale qu’elles élaborent en commun, pour que le lever de cette sereine étoile de poésie fasse tourner les yeux à la foule ?
Et il y a sur la toile du peintre, deux, trois, quatre figures semblables ; elles y sont environnées d’une foule d’autres figures d’hommes d’un aussi beau caractère, toutes concourent de la manière la plus grande, la plus simple, la plus vraie, à une action extraordinaire, intéressante ; et rien ne m’appelle, rien ne me parle, rien ne m’arrête !
Aussi appelle-t-il les spectateurs en foule ; on ne peut en approcher.
Cette déclamation obligeoit souvent les choeurs à marcher sur la scéne, et comme les évolutions que plusieurs personnes font en même-temps, ne se peuvent faire sans avoir été concertées auparavant, quand on ne veut pas qu’elles dégenerent en une foule, les anciens avoient prescrit certaines regles aux démarches des choeurs.
Il arrive que dans un livre on découvre, au bout de vingt ans, une foule de choses que l’on n’y avait pas entrevues.
Mes livres, qui sont écrits pour une minorité, n’enseignent rien que le déterminisme scientifique et la soumission d’un Marc-Aurèle ou d’un Spinoza ; mes obsèques religieuses, qui sont un argument mieux saisissable par la foule, contribueront à approcher mes contemporains de cette haute moralité.
ôtez-la de dessus la terre ; tout change : le regard de l’homme n’anime plus l’homme ; il est seul dans la foule ; le passé n’est rien ; le présent se resserre ; l’avenir disparaît ; l’instant qui s’écoule périt éternellement, sans être d’aucune utilité pour l’instant qui doit suivre.
Là où le génie sortait, en se dégageant, comme une flamme plus vive d’un milieu tout spirituel, la foule même étincelait.
* * * Les matamores de la phrase, les sectateurs du style, ceux qui emploient de terribles substantifs campés sur la hanche, toujours suivis d’une foule empressée d’adjectifs galonnés, accusent les gens dont la phrase se contente d’être vive comme un oiseau et simple comme une jeune fille, d’avoir un style plat. […] Le pays le plus intelligent de l’Europe renferme nécessairement le plus d’incapacités, de demi, de tiers et de quart d’intelligence ; doit-on même profaner ce beau nom pour en habiller ces pauvres bavards, ces niais raisonneurs, ces malheureux vivant des gazettes, ces curieux qui se glissent partout, ces impertinents qu’on tremble de voir parler, ces écrivassiers à tant la ligne qui se sont jetés dans les lettres par misère ou par paresse, enfin, cette tourbe de gens inutiles qui juge, raisonne, applaudit, contredit, loue, flatte, critique sans conviction, qui n’est pas la foule et qui se dit la foule. […] Un homme d’Ornans, un paysan enfermé dans son cercueil, se permet de rassembler à son enterrement une foule considérable : des fermiers, des gens de bas étage, et on donne à cette représentation le développement que Largillière avait, lui, le droit de donner à des magistrats allant à la messe du Saint-Esprit4. […] « Doit-on profaner ce beau nom (l’intelligence) pour en habiller ces pauvres bavards, ces niais raisonneurs, ces malheureux vivant de gazettes, ces curieux qui se glissent partout, ces impertinents qu’on tremble de voir parler, ces écrivassiers à tant la ligne qui se sont jetés dans les lettres par misère ou par paresse, enfin cette tourbe de gens inutiles qui juge, raisonne, applaudit, contredit, loue, flatte, critique sans conviction, qui n’est pas la foule et qui se dit la foule. » — Et allez donc ! […] voilà le fouet qui claque et autour auquel la foule s’assemble !
Courteline pourrait faire l’objet d’une étude en trois points, où l’on examinerait successivement par où il convient à la foule, par où au petit nombre, enfin par où à tous les deux ensemble. […] Par où donc établit-il son irrésistible empire sur la foule de ses auditeurs ? […] La menue foule s’y précipite, y rit, y sourit et s’y attendrit : elle peut apercevoir et saisir l’esprit aisé et complaisant qui se propose de la divertir, elle le goûte, rien ne lui en échappe. […] Le succès de Rostand par exemple suppose une foule enthousiaste, celui d’Anatole France une élite extrêmement cultivée. À MM. de Flers et Caillavet il faut un monde plaisantin et sans culture : c’est exactement la foule de ces boulevardier d’occasion que nous venons de signaler.
Il l’aperçut de loin dans la foule à la fête qui lui fut donnée par le Directoire dans la cour du Luxembourg. […] À une certaine heure du milieu du jour, réservée pour M. de Chateaubriand seul, pour les mystères de son talent, de son ambition, de son intimité, on fermait les portes au public ; on les rouvrait vers quatre heures, et la foule des privilégiés entrait ; et l’y retrouvait encore. […] Une foule de célébrités, plus accidentelles dans ce salon, y apparaissaient chaque jour sans y laisser de trace.
Législatrice, source des constitutions justes ; Démocratie 6, toi dont le dogme fondamental est que tout bien vient du peuple, et que, partout où il n’y a pas de peuple pour nourrir et inspirer le génie, il n’y a rien, apprends-nous à extraire le diamant des foules impures. […] Il croulera ; mais, si ta cella devait être assez large pour contenir une foule, elle croulerait aussi. […] Pour les délicats, retenus par une foule de points d’honneur, la concurrence est impossible avec de prosaïques lutteurs, bien décidés à ne se priver d’aucun avantage dans la bataille de la vie.
S’il n’était pas né, dans la bibliothèque d’un savant, de l’accouplement stérile de l’utopie et du chiffre, il aurait révélé à l’administration publique, au commerce et aux industries, une foule de vérités pratiques dont il était l’importateur en Europe ; mais, au lieu de couver ses vérités en plein air, il les a couvées dans l’isolement des autres idées, et cet isolement lui a faussé le jugement. […] dit la foule. — Elle-même insensée ! […] Mers humaines d’où monte avec des bruits de houles L’innombrable rumeur du grand roulis des foules !
Pierre Janet, soit le terrain sur lequel peuvent pousser une foule d’anomalies, personne ne le contestera : la fausse reconnaissance est du nombre. […] Chaque dispositif, laissé à lui-même, donnerait une foule d’effets inutiles ou fâcheux, capables de troubler le fonctionnement des autres et de déranger aussi notre équilibre mobile, notre adaptation constamment renouvelée à la réalité. […] Celle-là, une fois installée dans la conscience, permet à une foule de souvenirs de luxe de s’introduire en vertu de quelque ressemblance, même dépourvue d’intérêt actuel : ainsi s’explique que nous puissions rêver un peu en agissant ; mais ce sont les nécessités de l’action qui ont déterminé les lois du rappel ; elles seules détiennent les clefs de la conscience, et les souvenirs de rêve ne s’introduisent qu’en profitant de ce qu’il y a de lâche, de mal défini, dans la relation de ressemblance qui donne l’autorisation d’entrer.
perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calcul pour subsister seulement qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter ! […] Oui, il y a la foule des égarés ; il y a, hélas ! […] Le volume que nous analysons s’ouvre par une pièce qui commence ainsi : Quant à flatter la foule, ô mon esprit, non pas ! […] Le culte superstitieux qu’il a pour la foule, ou s’il aime mieux ce mot, pour le peuple, a rendu sa pensée esclave et son talent captif. […] Paris et une foule de nos villes étaient inondées depuis vingt ans et davantage d’ouvriers, de domestiques, de commis, d’industriels, de professeurs allemands.
Cela m’a été envoyé de Lyon : « Comme ce roman va susciter autour de vous une foule de mauvais esprits, je vous envoie ceci pour vous en débarrasser », m’a-t-on dit. […] Mais qu’il soit vivant ou mort, le naturalisme, est-ce que Zola ne demeure pas l’artiste énorme, l’évocateur puissant des foules, le descriptif éblouissant qu’il a toujours été ? […] Le positivisme, bien qu’il domine la foule, est loin de l’avoir conquise ; il n’est, ne sera longtemps encore qu’une majorité morale, qu’une élite. […] vous connaissez sans doute ses grandes fresques hallucinées, où grouillent, en un style polychrome et d’une barbarie voulue, les foules mortes de Rome sous Héliogabale, et de Byzance sous Constantin Copronyme. […] Je ne crois pas qu’il sorte de là un frisson nouveau capable d’électriser les foules.
Quelle gloire, en effet, d’accabler la faiblesse D’un roi déjà vaincu par sa propre mollesse, D’un peuple sans vigueur et presque inanimé, Qui gémissait sous l’or dont il était armé, Et qui, tombant en foule, au lieu de se défendre, S’opposait que des morts au grand cœur d’Alexandre ? […] Racine, la reçoit comme un aveu, de la conscience même de ces hommes chez qui le mal est mêlé de bien, au-dessous du nombre infiniment petit des héros, au-dessus de cette foule sans nom, qui se conduit par l’imitation, et à qui n’appartiennent ni ses vertus ni ses vices. […] Il faut même pardonner au poète dramatique la faiblesse qui le porte à faire cette part à la mode, ou l’illusion qui lui persuade que le vrai est ce que la foule applaudit. […] Dans le théâtre antique, le chœur représente la foule ; c’est quelque vieillard sans nom qui le conduit et qui parle pour tous.
Aussi, pour trouver la vie, l’écrivain et l’artiste doivent-ils avant tout être sincères, s’exprimer tout entiers eux-mêmes, ne rien retenir de leur vie intérieure, se dévouer à la foule indifférente comme on se dévouait jadis aux dieux. […] Supposez qu’un art fût assez puissant pour éveiller des sensations olfactives : il serait contraint à en éveiller d’exclusivement agréables ; ainsi en est-il, à un moindre degré, pour les arts qui provoquent des sensations visuelles intenses ; ils peuvent même réveiller par association une foule de sensations olfactives, tactiles, etc. ; aussi ces arts sont-ils forcés d’être beaucoup plus réservés dans leurs représentations. […] On brûlait le café dans les poêlons, des vivandières allaient de feu en feu, proposant des gâteaux, des fruits ; des chanteurs amusaient la foule ; des imans faisaient des ablutions, se prosternaient, se relevaient, invoquant le chameliers dormaient étendus sur la terre. […] Il peut y avoir quelque chose de contradictoire à vouloir que le lecteur ressente sympathiquement la passion d’un personnage et à ne pas le mettre vis-à-vis du monde extérieur dans la même situation que le personnage lui-même, à distraire son regard par une foule d’objets que l’autre ne voit pas ou ne remarque pas.
Ils maudissent ce que la foule adore ; ils ne se courbent pas devant le pouvoir ; ce sont des révoltés. […] Il ne tenait pas plus aux acclamations de la foule pour lui-même que pour ses livres ;’il s’en fût alarmé. […] Pour mépriser ce qui passionne la foule avide il faut se proposer un plus noble idéal. […] Tout le monde ainsi est content : le public qui n’a pas été traité de foule idiote, et M. […] Dans le parc que nous apercevons, grande foule.
Notez encore l’action séductrice que les trois ou quatre grandes fortunes littéraires d’un temps exercent sur la foule des jeunes gens et sur les rangs secondaires de la littérature.
Il reproche à l’aimable et romanesque chantre d’avoir, en consacrant uniquement les noms de ses héros chevaliers, négligé et tout à fait omis la foule héroïque, le peuple, ces chrétiens obscurs, ces martyrs sans nom : « Le manant, dit-il, le petit bourgeois, le vilain aussi bien que le baron et le roi, tous vont délivrer le Saint-Sépulcre, tous vont chercher la rémission de leurs péchés ; tous sont égaux devant la miséricorde de Dieu qui recueille leurs confessions et prépare leurs sièges en paradis.
dans cette enceinte profonde, Vous reniez, vous dépouillez Les derniers souvenirs du monde, Comme autant de bandeaux souillés Là-bas, près du fleuve qui coule, Vous n’avez plus, à tout moment, Le frémissement de la foule Qui vous suivait en vous nommant ; Plus de ces parures brillantes Qu’à votre âge on recherche encor ; Plus de fêtes étincelantes Du doux reflet des lampes d’or.
Par quels moyens peut-on confier à la foule, un plan qui ne peut réussir que s’il n’a jamais l’air d’en être un ?
À vrai dire, certains climats sont meilleurs que d’autres pour certaines productions, soit physiques, soit intellectuelles ; à vrai dire aussi, il y a des époques de recul, où les circonstances (guerres, etc.) étouffent les semences naturelles du génie : il naît une foule de Cicérons qui ne viennent pas à maturité.
C’est, de plus, un de ces hommes sans tache qui se placent sur l’isoloir de leur poésie pour éviter le coudoiement des foules.
Banville, moins solennel, évoque l’image du clown qui, pour amuser la foule, s’expose à se rompre le cou, et il songe aussi à Pierrot, cet éternel bafoué.
Sans elle, une foule de choses restent inintelligibles et historiquement inexplicables.
Fatalement tu es voué à l’emprisonnement dans ces caves, en communion de misère avec une foule d’êtres dont les uns sont comme toi beaux efforts et gardent aux yeux une étincelle de la lumière perdue, dont les autres, nés dans le souterrain, du désir de deux misérables, sont rachitiques, lugubres, et ne roulent au fond de leurs yeux que la morne obscurité d’un désespoir séculaire.
C’est une ambition qui paraît au premier coup d’œil aspirer à descendre, mais qui en réalité n’aspire qu’à monter, car il n’y a rien de plus haut que l’âme d’une nation, et c’est faire partie de l’âme d’une nation que de devenir la lecture, la rêverie, la prière, l’entretien journalier de la foule honnête… » J’ai cité le morceau entier.
La concurrence des deux nouveautés attire au spectacle une foule prodigieuse.
Nonobstant ces beautés, qui appartiennent au fond du Paradis perdu, il y a une foule de beautés de détail dont il serait trop long de rendre compte.
Quant au second style général des saintes lettres, à savoir la poésie sacrée, une foule de critiques s’étant exercés sur ce sujet, il serait superflu de nous y arrêter.
On a vu, pendant plusieurs années, une foule de journaux s’élever à l’envi ; tous n’ont fait que paroître.
Beaucoup n’ont, dans l’Histoire, que le bruit de leur vie répercuté par la foule des esprits médiocres, qui, comme tous les échos, ne comprennent pas ce qu’ils répètent.
Tous les physiologistes de la terre, tous les physiologistes qui piochent leur matière peccante ou saine depuis cinquante ans, y sont ramassés, comme avec une gaule, et s’y poussent, y font foule, s’y montent sur le dos, s’y culbutent comme un troupeau dans un chemin creux.
Certainement, si cela continue, la pauvre flûte en buis sera bientôt rongée, et les applaudissements de la foule ne consoleront peut-être pas le poète du talent qu’il leur aura sacrifié.
Césara est un polonais (nécessairement), un grand seigneur polonais, qui foule aux pieds sa naissance comme le marquis de la Fayette.
Nous ne voulons pas nommer l’auteur de ce bon mot, soutenu et appuyé par une foule de quolibets indécents, que ces messieurs se sont permis à l’endroit de notre grand peintre. — Il y a là dedans plus à pleurer qu’à rire
Le prince qui dit, Je voudrais ne point savoir écrire , n’était pas le même que celui qui fit périr et son frère, et sa femme, et sa mère, et une foule de Romains.
Qu’on se figure Louis XIV dans sa galerie de Versailles, entouré de sa cour brillante : un Gilles couvert de lambeaux perce la foule des héros, des grands hommes et des beautés qui composent cette cour ; il leur propose de quitter Corneille et Racine pour un saltimbanque qui a des saillies heureuses et qui fait des contorsions344 ! […] La statue habillée, qui se penche avec un air rêveur au milieu des fleurs de nos expositions, apparaissait à mon imagination comme proposant à la critique une énigme tout aussi obscure, tout aussi curieuse, tout aussi digne d’être déchiffrée, que celles des sphinx et des colosses égyptiens qui bordaient, il y a quatre mille ans, les avenues des temples de Thèbes, écrasant de leur masse la foule imperceptible, à son approche de la demeure du dieu ; et je me disais : La critique doit comprendre cette énigme, cela suffit. […] Une fois elle dit tout haut à quelqu’un qui venait de la cour : Je vous assure qu’on a grand besoin de quelques rafraîchissements ; car sans cela on mourrait bientôt ici429. » Il faut payer la rançon des meilleures choses : sans l’hôtel de Rambouillet, le genre précieux n’eût pas été si fort en honneur ; sans l’hôtel de Rambouillet, l’on n’eût pas vu s’élever de toutes parts, et dans Paris, et d’un bout à l’autre de la France, cette foule de sociétés hautes et basses qui gâtèrent par leur affectation et leurs exagérations, l’honneur qu’elles eurent de faire pénétrer dans tous les rangs de la société française le goût des choses de l’esprit430. […] La foule dorée de Versailles était frondée aux applaudissements du public parisien, non pour ses travers superficiels, comme dans Les Fâcheux, mais pour ses faux dehors, ses trahisons, ses lâchetés, ses misères secrètes et ses vices, au milieu desquels un honnête homme ne pouvait vivre450. […] « Si les fleurs qu’on foule aux pieds dans une prairie sont aussi belles que celles des plus somptueux jardins, je les en aime mieux. » Lettre sur l’éloquence.
À l’aspect de cette foule bigarrée, M. de Saint-Pierre perd tout à coup son assurance. […] il voyait trop que sa république venait de s’évanouir, et qu’en tenant le langage d’un courtisan il s’était replongé dans la foule. […] On en vit arriver bientôt une foule, accompagnée de leurs noirs chargés de provisions et d’agrès, qui venaient des habitations de la Poudre-d’Or, du quartier de Flacque et de la rivière du Rempart. […] Tout l’équipage, désespérant alors de son salut, se précipitait en foule à la mer, sur des vergues, des planches, des cages à poules, des tables et des tonneaux. […] Un chœur de petits enfants le suivait en chantant des hymnes: après eux venait tout ce que l’île avait de plus distingué dans ses habitants et dans son état-major, à la suite duquel marchait le gouverneur, suivi de la foule du peuple.
Timide, un peu sauvage, elle avait toujours eu la peur instinctive des foules humaines. […] Mais la foule était plus nombreuse, plus animée, plus remuante que d’ordinaire. […] La foule ne paraissait nullement consternée. […] Les ondulations de la foule s’étendirent jusqu’au Pont-Neuf et aux Champs-Elysées. […] En 1814, la foule des curieux afflue sur le passage des vainqueurs.
les idées de la foule, mais ses aspirations. […] Aux yeux de la foule, quel plus grand éloge peut-on en faire, et quel est le sort le plus enviable ? […] Ce sont les complaisances de certains écrivains qui entretiennent les goûts vulgaires de la foule. […] La petite église, l’étable blanchie, fut comme pleine d’une foule tiède. […] Et leur esprit rude, avec cette naïveté et cette illusion des foules, concevait une victoire facile et certaine.
Et il faut bien que le poëte dramatique poursuive cette œuvre ; il faut bien qu’il élève et civilise, pour ainsi dire, la foule qu’il appelle à ses fêtes : comment agir sur les hommes assemblés, sinon en s’adressant à ce qu’il y a de plus général, et de plus élevé dans leur nature ? […] Elle a mille aspects, elle amène une foule d’impressions et de rapports qu’ignorent les classes élevées si rien ne les contraint à rentrer fréquemment dans l’atmosphère publique. […] Tandis que la foule se précipitait dans les théâtres qui s’élevaient de toutes parts, le puritain, dans ses méditations solitaires, s’enflammait d’indignation contre ces pompes de Bélial et cet emploi sacrilège de l’homme, image de Dieu sur la terre. […] Il ne possédait point de privilège ; de nombreux concurrents lui disputaient la foule et le succès. […] Sans doute il faut que la foule accoure aux ouvrages dramatiques dont vous voulez faire un spectacle national ; mais n’espérez pas devenir national si vous ne réunissez dans vos fêtes toutes ces classes de personnes et d’esprits dont la hiérarchie bien liée élève une nation à sa plus haute dignité.
Considérez une foule en proie à l’émotion d’une grande œuvre musicale. […] Et ce miracle s’opère plus ou moins complètement, non pas sur quelques individus isolés, mais sur des foules entières. […] Parmi les personnages de Goethe, il n’en est pas de plus familier à l’imagination de la foule que le personnage de Marguerite. […] Malgré ses aspirations et ses fièvres, elle est reléguée dans la mémoire parmi la foule banale des Mélina, des Laërtes et des Serlo. […] Il n’éveillait plus comme autrefois l’attention des inconnus, et il pouvait passer au milieu de la foule sans crainte d’être remarqué.
J’aime mieux ce qui suit : « C’est une puérilité que de se retirer de la foule, pour l’appeler : c’est appeler la foule que de faire de sa retraite la nouvelle publique. » C’est une sotte vanité que de s’affliger ou de s’offenser quand elle ne vient pas ; c’est ajouter à l’éclat que de la repousser quand elle vient. […] Un philosophe disait un jour à un jeune homme qui avait rassemblé dans un petit ouvrage une foule d’autorités recueillies de nos jurisconsultes en faveur de l’intolérance et de la persécution : « Sais-tu ce que tu as fait ? […] La retraite qui nous rapproche de nous-mêmes, en nous séparant de la foule qui nous heurte, restitue à notre marche son égalité. […] Les augures imaginèrent une foule de distinctions théologiques pour dérober aux peuples l’absurdité de leurs sciences. […] Sa femme peut-être, ses frères, ses amis, une foule d’honnêtes et de braves citoyens.
Sénèque est formel là-dessus : « La lecture d’une foule d’auteurs et d’ouvrages de tout genre pourrait tenir du caprice et de l’inconstance. […] Que n’ai-je pu moi-même mourir et encourir mon destin, ce jour où les Troyens en foule me lançaient leurs javelots d’airain autour d’Achille expiré ! […] La foule nous suit, effarée ; par un effet de la peur qui ressemble à la réflexion, elle préfère l’idée d’autrui à la sienne, et une longue file de fugitifs marche sur nos pas, et nous presse. […] Du moins, le rivage s’était avancé et retenait sur le sable sec une foule de bêtes marines. […] Les pieds dont il foule vos citez, d’où les a-t-il, s’ils ne sont des vostres ?
Or, l’astronome prédit les mouvements des astres, il en tire une foule de notions pratiques, mais il ne peut modifier par l’expérimentation les phénomènes célestes comme le font le chimiste et le physicien pour ce qui concerne leur science. […] Je suppose que l’on veuille transformer de la fécule en glycose ; on aura une foule de moyens ou de procédés pour cela, mais il y aura toujours au fond une cause identique, et un déterminisme unique engendrera le phénomène. […] Seulement, on pourra réaliser cette hydratation dans une foule de conditions et par une foule de moyens : à l’aide de l’eau acidulée, à l’aide de la chaleur, à l’aide de la diastase animale ou végétale, mais tous ces procédés arriveront finalement à une condition unique, qui est l’hydratation de la fécule. […] Il y a une foule de cas de vie latente dans les végétaux et dans les animaux, qui sont dus à la soustraction de l’eau des organismes. […] En effet, dans l’état actuel de la science, nous voyons les propriétés physiologiques disparaître dans une foule de cas sans que nous puissions démontrer, à l’aide de nos moyens d’investigation, aucune altération anatomique correspondante ; c’est le cas du curare, par exemple.
L’automate le plus parfait possède en réalité moins de vie qu’une statue de marbre ; aux yeux de la foule il est animé. […] Ne multiplions pas les entraves qui peuvent asservir le génie au goût de la foule. […] Combien d’âmes sans nom, obscures, perdues dans la foule, ont obtenu, pour un jour, l’accent du génie ! […] Quelle sorte de langage employait pour s’exprimer devant la foule celui qui avait reçu le don de la parole à l’époque primitive ? […] Pour l’antiquité tout entière il est donc incontestable que le langage ne remontait pas de la foule, mais qu’il descendait d’en haut.
Le sujet des Argonautes ne se rapporte pas à un grand dessein national, comme celui de l’Énéide ; il n’intéresse particulièrement aucun peuple, il s’éparpille sur une foule d’origines et de berceaux. […] « Comme lorsqu’une jeune mariée pleure dans la chambre nuptiale le florissant époux auquel l’ont unie ses frères et ses parents, et elle évite de se mêler en rien à la foule de ses suivantes, par pudeur et par prudence ; mais elle reste assise au fond de sa chambre, silencieuse ; car un destin cruel vient de le lui ravir avant qu’ils aient pu jouir l’un de l’autre dans leur mutuelle tendresse ; et elle, bien que brûlée de douleur au dedans, en contemplant ce lit veuf, elle étouffe les pleurs en silence, de peur que les femmes ne lui brisent le cœur par quelque raillerie. […] Mais en général on a recouvert l’antique mal, lorsqu’il se présente, d’expressions plus vagues et plus flatteuses, en même temps que, dans une foule de cas de simple galanterie, on a détourné par abus les expressions physiques de leur sens propre : on s’est mis à brûler et à mourir par métaphore.
En 1802, la Napoléone, dont les copies se multiplièrent à l’infini, et une foule de petits écrits séditieux qui s’imprimaient clandestinement chez le républicain Dabin et se distribuaient sous le manteau, attirèrent les recherches de la police. […] Dans ses Onomatopées, dans sa Linguistique, dans ses Mélanges tirés d’une petite Bibliothèque, dans cette foule de petites dissertations fines, annexées comme des cachets précieux au Bulletin du Bibliophile 180, on le retrouve le même de manière et de méthode, si méthode il y a, d’érudition courante, rompue, variée, excursive. […] Elle part prompte et fugitive, Comme la flèche qui fend l’air, Et son trait vif, rapide et clair, Va frapper la foule attentive D’un jour plus brillant que l’éclair.
Chose plus étrange encore, cet écrivain qui a passé son enfance à rôder par les rues de Londres et qui, dans son âge mûr, avant de se mettre à une de ses œuvres, éprouvait le besoin de parcourir la ville, de prendre un bain de foule, donne de cette désolante et monumentale métropole une image si fantastique, déformée, poussée au grotesque et à l’amusant, qu’on la prendrait, dans ses livres, pour quelque double grossi et enfumé de Nuremberg ou de Harlem. […] Quilp dans Le Magasin d’antiquités, Raiph, Nickleby, l’humble et visqueux Heep de David Copperfield, d’autres, et toute la foule des personnages épisodiques sont dessinés de même par de continuels discours qui révèlent à la fois tous leurs plans et toute leur humeur, qui les dessinent en relief, en traits sommaires, il est vrai, gros et redoublés, mais avec une saillie et des raccourcis qui les font visibles et mémorables. […] Ce sont là des rouages inutiles et mauvais ; ils ne servent en rien à soulager les infortunes de la foule des misérables, dont les maux s’aigrissent encore par suite de la dureté de cœur qu’engendrent chez les riches et les puissants leur situation même, et leur avidité de richesse et de pouvoir.
Nous ne comprenons pas que M. de Chateaubriand, qui a fait un si beau livre et un livre souvent si sophistique sur les beautés poétiques de la religion chrétienne, se soit acharné à prétendre que le christianisme avait enfanté des foules de poèmes prétendus épiques, tantôt avec le merveilleux des contes arabes, comme dans le Tasse ; tantôt avec le merveilleux mixte de l’Évangile et de l’Olympe, comme dans le Dante ; tantôt avec le merveilleux des froides allégories, comme dans Voltaire, sans s’apercevoir que tous ces poèmes n’étaient pas les véritables épopées nationales du monde chrétien, mais que la Bible était la seule épopée, et que Moïse était le seul Homère des siècles et des peuples qui datent de la Bible. […] dans un temple plein d’avance de la majesté des pensées qu’on va traiter devant lui ; s’abandonner à l’inspiration, tantôt polémique, tantôt lyrique, souvent même extatique, de ses plus sublimes pensées ; parler sans contrôle et sans contradiction des choses les plus augustes, les plus intellectuelles, les plus saintes, devant des foules recueillies qui ne voient plus l’homme dans l’orateur, mais la parole incarnée ; entraîner à son gré ces auditeurs du ciel à la terre, de la terre au ciel ; être soi-même, dans cette tribune élevée au-dessus de ces milliers de têtes inclinées, l’intermédiaire transfiguré entre le fini et l’infini ; formuler des dogmes, sonder des mystères, promulguer des lois aux consciences, tourner et retourner tout le cœur humain dans ses mains, pour lui imprimer les terreurs, les espérances, les angoisses, les ravissements d’un monde surnaturel ; descendre de là tout rayonnant des foudres ou des miséricordes divines avec lesquelles on vient d’exciter les frissons ou de faire couler les larmes de tout ce peuple : n’y a-t-il pas là de quoi transporter un orateur sacré au-dessus de ses facultés naturelles, et de lui donner ce mens divinior, cette divinité de la poésie et de l’éloquence, dernier échelon du génie humain ? […] Il était dans la nature que ces foules convoquées dans les temples, au pied de ces tribunes, y prissent l’habitude d’un certain discernement des choses d’esprit ; qu’un orateur leur parût supérieur à un autre ; qu’un langage leur fût fastidieux, un autre langage sympathique ; qu’elles s’entretinssent en sortant du temple des impressions qu’elles avaient reçues ; que leur intelligence et leur oreille se façonnassent insensiblement à la langue, aux idées, à l’art de ces harangues sacrées, et qu’entrées sans lettres dans ces portiques de la philosophie des prédicateurs chrétiens, elles n’en sortissent pas illettrées.
Quand l’unité du saint-empire eut péri, et que le titre d’empereur fut devenu un titre vain qui n’était plus en réalité que celui d’empereur d’Autriche, les électeurs et les princes, rendus à l’indépendance, devinrent peu à peu des monarques absolus, et au despotisme régulier d’un seul succéda une foule de despotismes particuliers. […] L’introduction est déjà hérissée d’une foule de distinctions, fines et vraies, mais subtiles en apparence, exprimées avec une brièveté quelquefois énigmatique et dans un langage qui, par sa sévérité et sa bizarrerie, rappelle trop souvent la scholastique. […] Le caractère de cet élément nouveau est de ne pas varier avec la foule des circonstances qui font varier sans cesse les autres élémens ; celui-là est invariable et toujours le même.
C’est à lui, au milieu de cette foule qui le presse de toutes parts et qui se dispute l’honneur de sa prise, que le roi préfère encore de s’adresser pour lui donner son gant droit et se mettre sous sa protectionb. […] Toute cette scène de l’amenée du noble vaincu, de la cohue et du touillement qui se passe autour de sa personne est bien naturellement racontée ; on y assiste, on se sent dans la foule et en danger d’étouffer avec lui.
Son Dernier Chouan, en 1829, l’avait fait remarquer pour la première fois, mais sans le tirer encore de la foule ; sa Physiologie du Mariage lui avait acquis la réputation d’un homme d’esprit, observateur sans scrupules, un peu graveleusement expert sur une matière plus scabreuse que celle dont avait traité Brillat-Savarin ; mais c’est à partir de la Peau de Chagrin seulement que M. de Balzac est entré à pleine verve dans le public, et qu’il l’a, sinon conquis tout entier, du moins remué, sillonné en tout sens, étonné, émerveillé, choqué ou chatouillé en mille manières. […] Otez de ses contes la Femme de trente ans, la Femme abandonnée, le Rèquisitionnaire, la Grenadière, les Célibataires ; ôtez de ses romans l’Histoire de Louis Lambert, et Eugénie Grandet, son chef-d’œuvre, quelle foule de volumes, quelle nuée de contes, de romans de toutes sortes, drolatiques, philosophiques, économiques, magnétiques et théosophiques, il reste encore !
En attendant, une foule de pavillons plus ou moins aventureux ont fait leur entrée, ont imposé et illustré leurs couleurs. […] Dans une foule d’opuscules et de nouvelles, il s’est montré plus libre et a obéi à des qualités franches.
Une des difficultés du nouveau travail était le classement de cette foule de notes et de petits papiers qui s’ajoutaient ; un excellent esprit de méthode a introduit l’ordre dans ce chaos. […] , il entr’ouvrit ses volets fermés, il ouvrit ses poudreux tiroirs, et deux volumes, l’un de 950 pages environ, l’autre de 500, écrits tout entiers de la main du Père Guerrier, déroulèrent en lignes serrées à l’avide lecteur une foule de lettres d’Arnauld, de Saci, de Nicole, de Domat, etc., etc., surtout de Pascal et de sa famille.
Si nous assistions en foule aux premières représentations d’une tragédie digne de Racine ; si nous lisions Rousseau, si nous écoutions Cicéron se faisant entendre pour la première fois au milieu de nous, l’intérêt de la surprise et de la curiosité fixerait l’attention sur des vérités délaissées ; et le talent commandant en maître à tous les esprits, rendrait à la morale un peu de ce qu’il a reçu d’elle ; il rétablirait le culte auquel il doit son inspiration. […] L’association silencieuse d’une multitude d’hommes n’établirait aucun point de contact dont la lumière pût jaillir, et la foule ne s’enrichirait jamais des pensées des hommes supérieurs.
Là-dessus, dès à présent, il suffit de voir chez nos philosophes, chez nos politiques, l’idylle en vogue Si tels sont les esprits supérieurs, que dirons-nous de la foule, du peuple, des cerveaux bruts et demi-bruts ? […] Sitôt que le gouvernement sort de cette humble attitude, il usurpe, et les constitutions vont proclamer qu’en ce cas l’insurrection est non seulement le plus saint des droits, mais encore le premier des devoirs Là-dessus la pratique accompagne la théorie, et le dogme de la souveraineté du peuple, interprété par la foule, va produire la parfaite anarchie, jusqu’au moment où, interprété par les chefs, il produira le despotisme parfait.
La part des clercs et de l’esprit clérical dans la littérature française devient de plus en plus grande, à mesure que la bourgeoisie prend de l’importance, réfléchit, s’éclaire, à mesure aussi que les écoles, et l’Université de Paris surtout, définitivement organisée au commencement du xiiie siècle, jettent dans le monde et comme sur le pavé une foule de clercs qui ne sont plus ou sont à peine d’Église : ces clercs sans mission ni fonction répandront hors des écoles et des couvents, hors de la langue latine aussi, les idées, les connaissances, les habitudes intellectuelles, les procédés logiques du monde qui les a formés. […] Les clercs, en effet, aussitôt que la conception de l’amour courtois avait été apportés dans la France du Nord, s’étaient piqués de s’y connaître, et bien mieux que les barons et les poètes : c’est ce qu’attestent une foule de pièces latines et françaises, véritables débats où la préférence est donnée à l’amour des clercs sur l’amour des chevaliers.
Entre tous les plaisirs de l’esprit, celui du théâtre est le plus sensible et le plus intense pour un tel public, grossier et homogène, composé par conséquent d’individus en qui vibre plutôt l’âme commune des foules que les impressions uniques d’une âme personnelle. […] Car il n’appartient qu’aux époques de réflexion raffinée de goûter l’imitation des mœurs étrangères ou inconnues : l’instinct spontané de la foule inculte ne réclame que l’imitation des mœurs connues et familières.
Qui scruta le mirage de l’Immortalité sait bien qu’elle consiste, outre le salut indifférent de la foule future, dans le culte, renouvelé par quelques jeunes gens, au début de la vie. […] Théâtralement, pour la foule qui assiste, sans conscience, à l’audition de sa grandeur : ou, l’individu requiert la lucidité, du livre explicatif et familier.
Cependant lord Byron, né dans un pays d’habitudes oratoires, où l’on parle à toute occasion, et où trop souvent on écrit comme on parle, n’a jamais daigné faire un choix entre les idées qui se présentaient en foule à son imagination. […] Les ennemis de Pouchkine lisaient, entre les lignes de ses poèmes, une foule de choses impies, immorales, révolutionnaires.
Les erreurs de l’Esprit des lois sont d’ailleurs si peu impérieuses, si pures de déclamation, qu’il n’y a pas de risque qu’elles passionnent la foule ni ceux qui veulent prévaloir par la foule.
Le problème est donc plus compliqué qu’on ne pense ; la solution ne peut être obtenue que par le balancement de deux ordres de considérations : d’une part, le but à atteindre ; de l’autre, l’état actuel, un terrain qu’on foule aux pieds. […] Il est donc essentiel qu’elle les garde quelque temps, pour opérer à loisir cette analyse ; autrement la digestion trop hâtée n’aboutirait qu’à l’affaiblir ; l’assimilation d’une foule d’éléments vraiment nutritifs serait empêchée.
De jeunes gens sans expérience, qui courent après la licence & la nouveauté ; de femmes frivoles, toujours dupes du faux Bel-Esprit qui les flatte, de femmes pédantes, rauques, surannées, abusées par une vanité pitoyable, ou séduites par de basses adulations ; de jeunes Littérateurs intéressés à l’anéantissement du goût, parce qu’ils n’en auront jamais, à l’abolition des regles, parce qu’ils sont incapables de les observer ; de Lecteurs destinés à grossir la foule & à recevoir le joug du charlatanisme ; de Prôneurs à gages, qui loueroient les antagonistes, pour peu qu’ils eussent intérêt de les louer. […] Ce seroit sans doute ici le lieu de répondre à une foule de Libelles qui ont attaqué ma personne par des calomnies également absurdes & atroces.
Il y a foule et carnage dans la narration de l’Odyssée ; un groupe étroit remplit tout son drame. […] Elle brise et elle foule aux pieds son sceptre augural, bâton d’aveugle qui l’a conduite à la mort.
Ce qui me fait dire que la vie en commençant ressemble à un labyrinthe, à un dédale de verdure où ceux qui marchent, perdus dans une foule de petits sentiers, se croient à cent lieues les uns des autres, tandis qu’ils ne sont séparés en effet que par une charmille ; au bout du labyrinthe, et quand les erreurs en sont épuisées, les promeneurs surpris se trouvent tous s’être comme donné rendez-vous sur un espace de terrain assez borné, aride et nu.
Parmi cette foule de courtisans qui se livraient au torrent de chaque jour, et qui songeaient à profiter de ce qu’ils observaient sans le dire, il se rencontrait parfois des écrivains et des peintres, des moralistes et des hommes.
Hoche, Kléber, Desaix, Moreau, Joubert, Masséna, Bonaparte, et une foule d’autres, s’avançaient ensemble.
Une foule de pensées justes et d’observations frappantes ressortent de cette Correspondance et augmentent le trésor du lecteur : « Je ne crois pas avec les La Rochefoucauld et les Montaigne que les quatorze quinzièmes des hommes soient des fripons : je crois que cette proportion doit être singulièrement restreinte en faveur de l’honnêteté commune ; mais j’ai toujours reconnu que les fripons abondent à la surface, et je ne crois pas que la proportion soit trop forte pour les classes supérieures et pour ceux qui, s’élevant au-dessus d’une multitude ignorante et abrutie, trouvent toujours moyen de se nicher dans les positions où il y a du pouvoir et du profit à acquérir. » L’expression, en maint endroit, s’anime de bonhomie et de grâce : « Cela, dit-il, en parlant de l’incandescence politique, cela peut convenir aux jeunes gens, pour qui les passions sont des jouissances ; la tranquillité est le lait des vieillards. » Le portrait que Jefferson a tracé de Washington est digne de tous deux : la beauté morale reluit dans ces lignes calmes et précises, dans cette touche solide.
Encore une fois, l’arène est ouverte, les barrières sont tombées ; nos régents, pêle-mêle, culbutés les uns sur les autres, se noient dans la foule de l’amphithéâtre ; la vérité de plus belle est au libre concours ; elle ressortira large et forte de cette confusion ; voilà un avantage qui compense, selon nous, plus que la perte.
Mais la dissolution du Globe n’en résultait pas nécessairement ; l’idée première, la conception fondamentale dont le développement avait dévié en se resserrant dans la politique de la Restauration ; qui pourtant s’était reproduite plus d’une fois dans des applications partielles, dans des pressentiments organiques ; qui, en plus d’une page, à l’occasion de l’union européenne et de la politique de Napoléon, à l’occasion du Comité de salut public et de sa tentative avortée ; qui, plus récemment, au sujet du libéralisme de Benjamin Constant, jugé par le noble et infortuné Farcy, avait percé au point d’offenser dans le journal le principe dominant, et d’y scandaliser les politiques pratiques ; cette idée qui nous en avait inspiré le début ; qui, par le choix intérieur des matières et des faits, en alimentait le fond ; qui, par des renseignements nombreux, par d’amples informés sur l’instruction primaire aux frais de l’État, sur l’émancipation des artisans, sur les essais divers de système coopératif et sur une foule d’autres sujets, avait sourdement lutté contre les doctrines économiques d’indifférence et de laisser-faire professées dans des colonnes plus officielles ; cette idée qu’une plume ingénieuse et délicate avait autrefois effleurée, sans l’entamer, dans un article intitulé de la Critique de la critique, et qui s’était hardiment résumée en Juillet sous ce cri prophétique, bien qu’un peu étrange : Plus de criticisme impuissant ; cette féconde et salutaire idée d’association universelle et d’organisation future restait entière à exploiter ; elle demeurait à nu, dégagée de tous les voiles factices, de toutes les subtilités prestigieuses que la Restauration avait jetées devant.
En troisième lieu, le journalisme a l’inconvénient de dévorer une foule d’esprits, les plus agiles souvent et les plus ouverts, auxquels il offre une carrière en apparence facile et séduisante.
Les Chaldéens qui, les premiers, ont regardé le ciel avec quelque attention, ont bien vu que cette multitude de points lumineux n’est pas une foule confuse errant à l’aventure, mais plutôt une armée disciplinée.
A plus forte raison dédaignait-il une foule d’observances modernes, que la tradition avait ajoutées à la Loi, et qui, par cela même, étaient les plus chères aux dévots.
Voici plus tard la foule des personnes rencontrées, les groupes où l’on est entraîné par le hasard ou la sympathie.
Les curieux qui font des recherches sur les locutions dont on veut nous persuader que le bon goût s’indignait du temps de Molière, sont fort surpris de rencontrer parmi ces locutions prétendues précieuses, une foule de mots qui sont aujourd’hui dans la bouche de tout le monde.
Il semble s’être dit à lui-même : « J'ai des connoissances, de la facilité ; mon ame s’enflamme avec promptitude, & mon esprit se plie aisément à tout ; mon imagination abonde en ressources, & les argumens se présentent en foule pour appuyer toutes mes conceptions ; je puis donc m’écarter des routes ordinaires.
Les foyers de la comédie, les promenades, les sociétés particulières, retentissoient des cris de cette foule de frondeurs mercénaires.
La porte était obsédée, il demanda qu’on lui fît passage ; la foule s’ouvrit, et tandis qu’il la traversait on lui criait : passe, foutu âne. l’élève injustement couronné parut ensuite.
Brunetière, Auguste Comte a survécu. » Sans doute, Auguste Comte et bien d’autres ont survécu ; et une foule d’ouvrages scientifiques, politiques, philosophiques, historiques ou documentaires ont survécu aussi et dureront longtemps, peut-être toujours.
Burnouf, lequel y verrait un essai d’acclimatation en français d’une foule d’expressions plus ou moins obscures, et dont, pour l’honneur de la couleur locale, si importante aux yeux des costumiers poétiques, toute cette poésie est émaillée.
Autran, qui a osé toucher, lui aussi, dans ses Laboureurs et Soldats, à ce grand sujet, — l’idylle héroïque, — M. de Laprade, l’auteur des Symphonies et d’une foule d’autres poèmes Revue des Deux-Mondes, M.