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792. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

J’ai depuis longtemps un dessein, c’est de rechercher comment la poésie que j’appelle celle de la nature ou de la campagne, et aussi celle des affections chères, intimes, élevées, n’a point réussi en France au xviiie  siècle chez les écrivains en vers, et comment, dans le même temps, elle réussissait mieux en Angleterre, chez nos voisins, et produisait des poèmes encore agréables à lire, dont quelques-uns ont ouvert une voie où sont entrés avec succès et largeur d’éminents et doux génies au xixe  siècle. […] Ces jugements exprimés en dix endroits, et qui ressemblent à des contrevérités sur tous les points, sont aujourd’hui un peu compromettants pour celui qui les a portés : dans la poésie élevée, ou sérieuse avec âme, Voltaire n’a pas eu le vrai style, et il est à craindre qu’il n’ait pas même toujours eu le vrai goût.

793. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Newton une escapade et une fuite de son lièvre favori qui, un soir, pendant le souper, rompt son treillage, prend sa course à travers la ville, et qu’on ne parvient à rattraper qu’après toute une odyssée aventureuse, on lira une lettre très grave, très élevée, à une de ses nobles cousines qu’il n’avait pas vue depuis des années, qui avait été très belle, et à qui les hautes et sérieuses pensées étaient devenues familières. […] On conçoit seulement que lorsque peu de mois après le succès fou de John Gilpin, on annonça la publication d’un poème touchant et familier, naturel et élevé, La Tâche, par le même auteur (1784), chacun le voulut lire.

794. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Sérieux au fond, ayant des goûts à lui et qui parurent bientôt très prononcés, aimant les lectures de toutes sortes, l’histoire, les estampes et l’instruction qu’elles procurent sur les mœurs du temps passé, jugeant sainement des choses et des hommes qu’il avait sous les yeux, et soucieux de l’amélioration de l’espèce dans l’avenir, il fut de tout temps très naturel, au risque même de ne point paraître essentiellement élégant ni très élevé, il avait en lui un principe de droiture et le sentiment de la justice qu’il cultiva et fortifia sans cesse, loin de travailler à l’étouffer. […] À cela et à ses vues encore vagues sur lui, mais qui allaient à le faire un jour ou ministre, ou ambassadeur, ou même premier président du Parlement, d’Argenson, sans trop résister, répondait toutefois en rappelant ce qui lui manquait : qu’il était honteux et timide au premier abord ; qu’il avait été mal élevé sur un point ; que son père, en portant ses préférences trop longtemps sur son cadet et en le méconnaissant hormis dans les deux dernières années de sa vie, l’avait découragé ou trop habitué à se renfermer en lui, et « avait par là engourdi son entrée dans le monde » ; qu’il était balourd au jeu, qu’il s’y ennuyait et ne savait qu’y perdre son argent, etc., etc.

795. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

La pompe et les prospérités d’une fortune éclatante n’ont jamais élevé personne aux yeux de la vertu et de la vérité ; l’âme est grande par ses pensées et par ses propres sentiments, le reste lui est étranger ; cela seul est en son pouvoir. […] Malheur aussi à qui, dans l’ordre de la pensée, n’a pas été une fois ou stoïcien à lier, ou platonicien ébloui, ou péripatéticien forcené, ou toute autre chose, mais enfin quelque chose d’élevé, d’ardent et de difficile !

796. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Il ne manquerait cependant à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom, et que méditer, parler, lire et être tranquille, s’appelât travailler. » Il se flatte aujourd’hui d’avoir à peu près réalisé ce plan qu’il s’était proposé, d’avoir vécu en sage et en philosophe, étranger à ce qu’on appelle succès, indifférent à ce qu’on appelle gloire, et de s’être uniquement « attaché, en cultivant les lettres, à mettre en jeu les ressources de son intelligence, dans l’espoir de prendre une idée de l’ensemble des choses de ce monde où il ne fera que passer, et de purifier, autant qu’il est possible, son esprit et son âme par la méditation et l’étude. » Ce sont ses propres termes, et je n’ai pas voulu affaiblir l’expression de cette satisfaction élevée ; mais il est résulté de cette conscience habituelle de sa propre sagesse et de cette confiance tranquille en soi, qu’il a été enclin à voir les autres plus fous ou plus sots qu’ils n’étaient peut-être ; il se disait, en les écoutant, en les voyant animés de passions diverses : « Est-il possible que tous ces gens-là ne soient point raisonnables et sages comme moi-même ?  […] Eugène Viollet-le-Duc, élevé par lui librement, philosophiquement, mis de bonne heure à même des belles choses, entouré des bons et beaux exemplaires en tout genre, est devenu l’homme distingué que nous savons, le restaurateur le plus actif et le plus intelligent de l’art gothique en France, ayant en toute matière des idées saines, ouvertes, avancées, et maniant la parole et la plume aussi aisément que le crayon ; j’ajouterai qu’à en juger par ses directions manifestes, il n’a guère en rien les doctrines de son oncle ; et c’est en cela que je loue ce dernier de n’avoir point appliqué, dans une éducation domestique qu’il avait tant à cœur de mener à bien, de vue exclusive ni de système personnel et oppressif.

797. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Les frères Le Nain, nés et élevés à Laon, eurent pour premier maître un étranger et probablement un Flamand, qu’on ne nomme pas ; ils étaient trois, Antoine, Louis et Mathieu, « vivant, est-il dit, dans une parfaite union » ; ils offraient, dans l’application de leur pinceau, des différences, qui paraissent avoir été de dimension plutôt que de manière. […] Champfleury qui, l’un des premiers, est revenu à eux comme critique, et qui a plus fait que personne pour les remettre en honneur, a trouvé à leur sujet une conclusion élevée, presque éloquente, tant il est vrai qu’une étude approfondie et une sincère conviction amènent leur expression avec elle !

798. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

On rend aux familles des jeunes gens aussi bien élevés en apparence et mieux conservés : il ne s’y laisse à désirer qu’un certain souffle mâle que l’éducation publique développe et qui manque trop souvent à cette jeunesse fleurie. […] D’une part, je vois chaque année des milliers de jeunes gens qui sortent d’entre des mains ecclésiastiques, élevés avec soin et pourvus d’instruction sans doute, munis d’instruments précieux pour leur carrière, mais dénués aussi, je le crains, du sentiment fondamental de patrie et de nationalité, étrangers à toutes les notions et traditions qui faisaient depuis 89 ou même auparavant la force et la vigueur de nos pères, habitués par leurs maîtres à l’indifférence pour tout régime qui n’est pas le leur et dans leur sens ; car ce parti a une maxime commode, invariable : il adopte tout ce qui le sert et tant qu’on le sert, pas au-delà.

799. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Né a Paris aux galeries du Louvre, où logeait son père, le 30 juin 1789, dans une bien chaude année, il fut élevé un peu au hasard et ne reçut pas, littérairement du moins, d’instruction première. […] Les anciennes écoles, selon lui, ont très-peu cherché cet idéal qu’on adore et qu’on exalte après coup en elles ; le plus souvent, elles n’ont fait que reproduire exactement la nature qu’elles avaient sous les yeux : il suffisait, pour nous donner l’impression élevée qui en sort, que cette nature fût généralement belle, et que les organisations d’élite qui s’y appliquaient sussent y choisir leurs sujets.

800. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Et ceux qui y apportaient une philosophie élevée de l’art comme Vitet, et ceux qui y introduisaient une psychologie ingénieuse comme Peisse, ne cessaient de voir et de comparer. […] » Il le redit, non moins excellemment, dans un article sur Ary Scheffer, en faisant remarquer que cet esprit si distingué et si élevé n’a pas assez compris que la pensée pittoresque n’avait rien de commun avec la pensée poétique : « Un effet d’ombre ou de clair, une ligne d’un tour rare, une attitude nouvelle, un type frappant par sa beauté ou sa bizarrerie, un contraste heureux de couleur, voilà des pensées comme en trouvent dans le spectacle des choses les peintres de tempérament, les peintres nés. » Aussi, tout en rendant justice aux sentiments et aux intentions épurées de ce « poète de la peinture » comme il l’appelle, il ne l’a loué en toute sincérité et franchise que pour certains portraits où le sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité.

801. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il est difficile aux auteurs de ne pas se peindre, surtout dans un premier ouvrage : Émile, qui ne fait autre chose que se raconter à Mathilde, essaye à un endroit de se peindre aussi, ou du moins de tracer l’idéal relatif qu’il a parfois devant les yeux et qu’il est tenté de réaliser : « Il y aurait, dit-il, un caractère intéressant à développer dans un roman ; ce serait celui d’un jeune homme né comme moi sans famille, sans fortune, suffisant à tout ce qui lui manquerait par sa seule énergie, et dont les forces croîtraient avec les obstacles ; un jeune homme qui se placerait au-dessus d’une telle position par un tel caractère ; qui, loin de se laisser abattre par les difficultés, ne penserait qu’à les vaincre, et, esclave seulement de ses devoirs et de sa délicatesse, aurait su parvenir, en conservant son indépendance, à un poste assez élevé pour attirer sur lui les regards de la foule et se venger ainsi de l’abandon. […] « Moins qu’à tout autre, je le sais, il m’appartient, en cette douloureuse circonstance, de prononcer ici les noms de la Religion et de la Raison ; aussi leur langage élevé n’est-il pas celui que je viens faire entendre, mais l’humble langage qui me convient… » Et il donnait quelques conseils pratiques, des conseils qui s’adressaient particulièrement aux témoins, seuls juges du cas d’inévitable extrémité auquel il fallait réduire de plus en plus cette odieuse pratique, débris persistant d’une autre époque.

802. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Le poète critique attribue même un peu trop à Homère quand, se souvenant à son sujet d’un mot d’Horace pour le réfuter, il dit que là où nous voyons une faute et une négligence, il n’y a peut-être qu’une ruse et un stratagème de l’art : « Ce n’est point Homère qui s’endort, comme on le croit, c’est nous qui rêvons. » Le beau rôle du vrai critique, Pope l’a défini et retracé en divers endroits pleins de noblesse et de feu, et que je rougis de n’offrir ici que dépolis et dévernis en quelque sorte, dépouillés de leur nette et juste élégance : « Un juge parfait lira chaque œuvre de talent avec le même esprit dans lequel l’auteur l’a composée : il embrassera le tout et ne cherchera pas à trouver de légères fautes là où la nature s’émeut, où le cœur est ravi et transporté : il ne perdra point, pour la sotte jouissance de dénigrer, le généreux plaisir d’être charmé par l’esprit. » Et ce beau portrait, l’idéal du genre, et que chaque critique de profession devrait avoir encadré dans son cabinet : « Mais où est-il Celui qui peut donner un conseil, toujours heureux d’instruire et jamais enorgueilli de son savoir ; que n’influencent ni la faveur ni la rancune ; qui ne se laisse point sottement prévenir, et ne va point tout droit en aveugle ; savant à la fois et bien élevé, et quoique bien, élevé, sincère ; modeste jusque dans sa hardiesse, et humainement sévère ; qui est capable de montrer librement à un ami ses fautes, et de louer avec plaisir le mérite d’un ennemi ; doué d’un goût exact et large à la fois, de la double connaissance des livres et des hommes ; d’un généreux commerce ; une âme exempte d’orgueil, et qui se plaît à louer, avec la raison de son côté ? 

803. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Enfin elle met positivement un matelas sur elle, tant elle est frileuse, de sorte que le roi étouffait… » Mais voici la page historique, qui vise au portrait : « La marquise de Prie, maîtresse de M. le duc de Bourbon, a élevé la reine au trône, où elle ne donne que de bons exemples. […] Le Dauphin et Mesdames ont en elle une confiance d’enfants mal élevés… » D’Argenson veut dire que cette confiance les porte à médire en petit comité de leur père et de ses maîtresses.

804. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

On est allé jusqu’à dire qu’il avait mal élevé exprès la dauphine, pour mieux la tenir dans la sujétion ; c’est une invention de la méchanceté et de l’envie. […] Né dans une classe obscure de la bourgeoisie, imbu de tous les principes de la philosophie moderne, et cependant tenant plus qu’aucun ecclésiastique à la hiérarchie du Clergé, vain, bavard, fin et brusque à la fois, fort laid et affectant l’homme singulier, traitant les gens les plus élevés comme ses égaux, quelquefois même comme ses inférieurs, l’abbé de Vermond recevait des ministres et des évêques dans son bain, mais disait en même temps que le cardinal Dubois avait été un sot ; qu’il fallait qu’un homme de sa sorte, parvenu au crédit, fît des cardinaux et refusât de l’être. » Si l’abbé de Vermond disait de ces choses à tous venants et sans discerner son monde, il avait grand tort ; mais il faut convenir que ce qu’on a présentement sous les yeux ne répond pas tout à fait à ce signalement, tracé par une griffe ennemie.

805. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

quand on est bien élevé et bien appris, on aime à glisser, à ignorer le plus qu’on peut de certaines misères, à regarder surtout les beaux côtés. […] Tout au plus, un jour, à l’issue d’une de ces avanies qu’il venait d’essuyer, se prit-il, en descendant l’escalier, à dire à son voisin : « Quel dommage qu’un aussi grand homme ait été si mal élevé ! 

806. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Élevée par son oncle le bon abbé de Coulanges, elle avait de bonne heure reçu une instruction solide, et appris, sous les soins de Chapelain et de Ménage, le latin, l’italien et l’espagnol3. […] Nous regretterons seulement qu’en cette occasion le cœur de Mme de Sévigné ne se soit pas davantage élevé au-dessus des préjugés de son temps.

807. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Puis, devant ces apôtres bien élevés des cercles catholiques, une trentaine de prêtres viennent s’asseoir sur des chaises qui les attendent. Enfin, le cardinal, entouré de hauts dignitaires ecclésiastiques et d’un évêque ou deux, prend place sur un siège élevé.

808. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Ses parents, témoins de son application toute volontaire, lui permirent, avec l’âge, de fréquenter des leçons plus élevées, mais sans lui rien épargner des devoirs et des gênes de leur maison. […] Il a repris son rôle indépendant, élevé, ses conférences, et on l’a vu avec plaisir familiariser encore son éloquence dans l’homélie, dans le prône dont il s’est chargé à la petite église des Carmes.

809. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Les édifices que l’on bâtit tombent en ruine par l’effet de la pluie et de l’ardeur du soleil ; mais j’ai élevé, dans mon poème, un édifice immense auquel la pluie et le vent ne peuvent nuire. […] Monté sur un lieu élevé, il se fait nommer par un prisonnier tous les chefs illustres dont il voit se dérouler les étendards.

810. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Cette lèpre de vanité traverse en tous sens ces Mémoires, et vient gâter et compromettre les parties élevées et nobles du talent. […] C’est surtout en lisant la première partie, si pleine d’intérêt, ces scènes d’intérieur, d’enfance et de première jeunesse, où les impressions, idéalisées sans doute, ne sont pas sophistiquées encore et sont restées sincères, c’est à ce début qu’on sent combien un récit plus simple, plus suivi, moins saccadé, portant avec soi les passages naturellement élevés et touchants, serait d’un grand charme.

811. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

dans cet épisode de Charlotte, il a osé dire, voulant faire honneur à cet amour de la jeune Anglaise : « Depuis cette époque, je n’ai rencontré qu’un attachement assez élevé pour m’inspirer la même confiance. » Cet attachement unique, pour lequel il fait exception, est celui de Mme Récamier. […] Ici, il avait affaire à une personne aussi élevée par l’esprit que noble et facile par le caractère, belle et jeune encore, et n’en abusant pas ; qui le comprenait par ses hauts côtés, qui lui ôtait tout sentiment de lien, tout soupçon de tracasserie ; il était gai avec elle, aimable, maussade aussi parfois souriant le plus souvent, et s’émancipant comme un écolier échappé aux regards du maître : « J’ai peur que les temps de courte liberté, dont je jouis si rarement dans ma vie, ne viennent à m’échapper de nouveau. » Il écrivait cela en août 1832, en courant les grandes routes de Paris à Lucerne.

812. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il y croyait, et ce sentiment d’une ambition, du moins élevée, lui a fait tirer de son organisation forte et féconde tout ce qu’elle contenait de ressources et de productions en tout genre. […] Quelques scènes élevées, pathétiques, arrachent une larme ; mais les scènes atroces dominent ; la sève de l’impur déborde ; ces infâmes Marneffe infectent tout.

813. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Dès qu’il le connaîtra mieux, le mot de génie va se mêler à tout moment et revenir sous sa plume à côté du nom de Vauvenargues, et c’est le seul terme en effet qui rende avec vérité l’idée qu’imprime ce talent simple, élevé, original, né de lui-même, et si peu atteint des influences d’alentour. […] Quelles qu’aient pu être antérieurement les opinions par lesquelles il avait passé, Vauvenargues, à cette date de 1746 et jusqu’à sa mort, était donc et demeura dans des sentiments religieux, élevés, mais philosophiques et libres.

814. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Dès l’avant-propos il est manifeste qu’on a affaire à un esprit élevé et ferme, qui a les plus nobles et les plus saines idées sur le genre qu’il traite. […] [NdA] Ce trait rappelle le portrait que Xénophon, en sa Retraite des Dix Mille, a tracé de Ménon, qui en était venu, dans la voie du mensonge, jusqu’à regarder les gens vrais comme des gens mal élevés et sans éducation.

815. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Les plaintes élevées contre elle étaient alors universelles, au moins à Versailles, et de loin il devenait difficile de démêler celles qui étaient fondées d’avec les autres. […] À propos d’une prétention élevée par les grands contre les capitaines des gardes, elle veut qu’on achève de briser cette cabale des grands qui profitent de la faiblesse d’un nouveau régime pour se créer des titres et des prérogatives : autrement ce serait le moyen de retomber en Espagne dans les mêmes embarras où l’on était sous la Fronde, « du temps que les Français n’étaient occupés qu’à se contrarier ».

816. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Léonie a seize ans ; orpheline de sa mère, elle a été élevée au couvent ; elle en sort ramenée par son père, M. de Montbreuse, qui va songer à l’établir. […] Et tout d’abord Alfred, à peine arrivé au château, trouve Suzette, une fille de concierge, mais élevée un peu en demoiselle, et, en la voyant, il ne peut s’empêcher de s’écrier assez militairement devant Léonie : « Ah !

817. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Cette lettre est admirable et montre comment saint François de Sales éludait et repoussait les difficultés, ou plutôt, comment, par sa manière élevée, douce et calme, il les empêchait de naître. […] Dans tous les conseils qui suivent, on peut vérifier à quel point ce charmant esprit si élevé était en même temps net et positif ; il donne la règle à suivre même pour les bons désirs, qu’il ne faut point perdre, mais « qu’il faut savoir serrer en quelque coin du cœur jusqu’à ce que leur temps soit venu. » Dans ses avis aux gens mariés, aux femmes, dans ses prescriptions sur l’honnêteté du lit nuptial, il est hardi, original et pur.

818. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Une idole est une chose très sainte et la sainteté est la valeur la plus élevée que les hommes aient jamais reconnue. […] Or, suivant qu’il est plus ou moins intense, le nombre des attentats Contre la personne est plus ou moins élevé.

819. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Ils tiennent à la nature humaine par toutes ses douloureuses faiblesses et par toutes ses passions élevées. […] C’est là un sentiment fort élevé, et même entaché quelque peu de poésie. — Il s’agit de l’accommoder à la façon réaliste.

820. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Beaucoup d’hommes, élevés dans un respect religieux pour d’antiques doctrines, consacrées par d’innombrables chefs-d’œuvre, s’inquiètent, s’effraient des projets de la secte naissante, et semblent demander qu’on les rassure. […] Du reste, quel Français, ami des lettres et de la gloire de son pays, ne s’empresserait de reconnaître que, parmi nos jeunes écrivains, parmi ceux-là mêmes que l’indiscrétion d’autrui ou leur propre faiblesse a, si je puis parler ainsi, affublés d’un sobriquet étranger, il en est plusieurs qui ont donné des preuves du talent le plus élevé, le plus brillant et le plus varié ?

821. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Ce sont ceux qui ne croient pas les femmes plus à leur place là qu’ici, — au bal masqué de l’Opéra qu’au bal de la littérature, — et qui souffrent dans la notion pure, élevée, délicate qu’ils ont de la femme, de ses vertus et même de sa gloire, — en la voyant se travestir comme Mme Stern, non plus seulement en artiste et en femme de lettres, mais mieux que cela, en philosophe ! […] Elle a peut-être été bien élevée.

822. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

La mort d’une femme et d’une reine sur l’échafaud, tant de beauté jointe à tant d’infortune, la pitié si naturelle pour le malheur, l’attachement des Français pour une princesse élevée parmi eux, et qui avait été l’épouse d’un de leurs rois ; l’intérêt qu’on prend peut-être malgré soi à des malheurs causés par l’amour ; le nom même de la religion, car elle fut mêlée à ce grand événement ; et l’Europe, agitée alors de fanatisme, regardait presque la querelle de deux reines rivales, comme la querelle des catholiques contre les protestants : tout contribua au grand succès de cet éloge funèbre. […] Mais il ne faut pas trop exiger des hommes ; et s’il y a un exemple d’une statue élevée à un roi après sa mort, il n’y en a pas de panégyrique adressé à un ministre après sa disgrâce.

823. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Les beautés vraiment lyriques où il s’est élevé, ce sont ses souvenirs des Alpes et de l’Allemagne, des paysages magnifiques et des vertus simples de la Suisse ; c’est enfin sa douleur, quand il voit la liberté de ce peuple menacée par l’invasion républicaine de la France ; c’est son indignation, sa fureur de résistance, quand il craint pour l’Angleterre la même menace et la même profanation. […] « Semer la rage et le crime avec toutes ses trahisons là où la paix avait élevé sa discrète demeure, déshériter une race citoyenne de tout ce qui lui rendait si chères ses orageuses solitudes, souiller d’un inexpiable esprit de vengeance l’innocente liberté du montagnard des Alpes, ô France qui te moques du ciel, adultère, aveugle, et patriote seulement pour détruire, sont-ce là tes triomphes, athlète de l’espèce humaine ?

824. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Il faut rendre à M. de Persigny cette justice qu’il a dans le cœur ce je ne sais quoi d’élevé qui répond bien à un tel sentiment, qui y sollicite et peut y rallier même des adversaires, qui va chercher en chacun ce qui est vibrant, et que le sentiment napoléonien historique et dynastique tel qu’il le conçoit dans son esprit et dans son culte, tel qu’on l’a entendu maintes fois l’exprimer avec une originalité saisissante (toute part faite à un auguste initiateur), est à la fois ami de la démocratie, sauveur et rajeunisseur des hautes classes, animateur de la classe moyenne industrielle en qui il tend à infuser une chaleur de foi politique inaccoutumée.

825. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Les âmes généreuses, qui se sont abandonnées à des mouvements coupables, ont fait un tort immense à l’ascendant de la moralité ; elles ont réunis à des torts graves des motifs élevés, et le sens même des mots s’est trouvé changé par les pensées accessoires que leur exemple y a réunies.

826. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Doucement élevé, en pleine campagne, par des femmes et par un prêtre romanesque, n’ayant pour livres que la Bible, Bernardin de Saint-Pierre et Chateaubriand, il s’en va rêver en Italie et se met à chanter.

827. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

Mais, s’il la faisait, il pourrait se glorifier d’avoir été, moralement, le plus grand des pasteurs d’hommes, d’avoir accompli un acte prodigieusement méritoire et original, et d’avoir, le premier de tous, rompu avec la vieille politique égoïste et inauguré les temps nouveaux… Notez que si une âme droite, simple et bonne, qui ne serait point de race royale, qui ne serait retenue ni par l’éducation ni par la tradition, si un véritable enfant de Dieu se trouvait subitement, comme dans les contes, élevé sur le premier trône de l’Europe, toutes ces choses extraordinaires et folles, il les ferait, du premier coup, avec sérénité.

828. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Dans les derniers temps de l’Empire, il y eut, chez les âmes élevées, chez les évêques éclairés, chez les lettrés, un vrai sentiment de « la paix romaine », opposée au chaos menaçant de la barbarie.

829. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Ronsard, et Saint-Gelais. » pp. 120-129

Il habitoit le haut d’une tour fort élevée, qu’on appella pendant longtemps la tour de Ronsard.

830. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

L’un a moins fait d’excellentes odes, que l’autre n’a donné de chefs-d’œuvre dans les genres les plus élevés, & les plus difficiles.

831. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Si on l’accuse de s’être un peu méfiée de ces lettres qui ne guérissent de rien, comme parle Sénèque, il faut aussi condamner cette foule de législateurs, d’hommes d’état, de moralistes, qui se sont élevés beaucoup plus fortement que la religion chrétienne contre le danger, l’incertitude et l’obscurité des sciences.

832. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Nous voulons encore que ces acteurs parlent d’un ton de voix plus élevé, plus grave et plus soutenu que celui sur lequel on parle dans les conversations ordinaires.

833. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

Ils ne sçauroient leur faire enfanter des ouvrages d’un caractere élevé au-dessus de leur portée naturelle.

834. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Les petits du cynique, élevés honnêtement, balayèrent les ordures de leur père en 1804, au 2 décembre, et ses arrière-petits, à la même date providentielle, en 1851.

835. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Ils avaient reconnu, avec le tact des hommes qui savent la place que tient la sensibilité dans les décisions de l’esprit et de la conscience, qu’il naissait à l’Église un bon serviteur de plus, un missionnaire de parole écrite, dont le talent agirait sur les âmes peut-être avec une force plus efficace et plus pratique qu’un talent beaucoup plus élevé, car il serait toujours à la hauteur de cœur, à ce niveau où, qui que nous soyons, forts ou faibles, il faut un jour se rencontrer.

836. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

L’illustre auteur de La Comédie humaine n’a pas changé la nature du roman qui existait avant lui , mais il en a élargi les assises, et il l’a positivement élevé à l’état de Science, à force d’observations, de renseignements, de notions de toute espèce, d’une exactitude, d’une sûreté et d’une justesse merveilleuses.

837. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Mais ce qu’on peut constater dès maintenant, et la constatation contredit d’une façon piquante le préjugé où nous vivons sur l’audace des esprits élevés, c’est que depuis le grand mouvement industriel et commercial qui transforme l’Europe, il y a presque constamment en France une protestation de l’élite intellectuelle (au moins du monde littéraire accrédité) contre les directions du siècle.

838. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

La Grèce savante avait élevé un temple à Homère ; mais elle ne se vantait pas de posséder sa statue, et l’image authentique de ses traits n’existait nulle part.

839. (1898) Essai sur Goethe

Son olympisme ne fut que leur égoïsme devenu conscient et réfléchi — raffiné, élevé par l’intelligence à une puissance supérieure. […] Son vol est moins élevé qu’il ne le paraît : des liens qu’on finit par connaître l’attachent à la terre. […] Or, Herder était un novateur : il avait rompu avec toutes les idées classiques et néo-classiques dans lesquelles Goethe avait été jusqu’alors élevé. […] Ce ne sont que leurs dimensions arbitraires que j’ai élevées à une proportion harmonieuse. […] Cet excellent homme avait recueilli et élevé une petite fille du nom de Minna Herzlieb, dont la gracieuse enfance intéressait Goethe.

840. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Enfin, et c’est là ma vraie raison, j’ai élevé mon grand fils, j’ai refait mes études avec lui ; mon rêve est d’agir de même pour mon second, le petit. […] À travers cette vapeur de tristesse, il aperçut, comme dans un éclair, une maison de lui bien connue, et les visages penchés sous la lampe, parmi les portraits de famille, des deux femmes qui l’avaient élevé. […] Clovis Hugues est bien frappé, vigoureux, facile, richement rimé ; la pensée qui l’anime est généralement élevée, et nul n’a plus de grâce quand il s’agit de peindre le charme de la nature. […] C’est que dans le voisinage il a rencontré une étrange jeune fille, Sabine, nièce du docteur Tallevaut, le savant matérialiste, qui l’a élevée dans ses doctrines et qui secrètement a l’idée d’en faire sa femme. […] C’est ainsi que ce philosophe, au cœur doux autant qu’à l’esprit élevé, comprend la tolérance et l’exerce autour de lui.

841. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Quelque carrière que vous embrassiez, proposez-vous un but élevé, et mettez à son service une constance inébranlable. […] L’admiration est le signe d’une raison élevée servie par un noble cœur. […] Voilà l’objet le plus élevé de l’art. […] que nous sommes loin des Invalides, du Val-de-Grâce et de la Sorbonne, si admirablement appropriés à leur objet, et où paraît si bien la main du siècle et du pays qui les a élevés ! […] Ils ont toujours une pensée, et une pensée morale et élevée.

842. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Elevé par des femmes et par un prêtre tendre et rêveur, le lycée discipliné et militaire de 1804 lui parut horrible. […] Celle de Lamartine est l’expression élevée sans effort et pure sans affectation de ce qu’il y a de plus pudiquement délicat dans les sentiments tendres. […] Chateaubriand a renouvelé l’imagination française Lamartine a retrouvé les sources de la poésie tendre, noble, pure et élevée. […] A partir de son exil, il veut voir dans l’art la forme la plus élevée de la pensée démocratique. […] Il y a un genre plus élevé, c’est le lieu commun moral.

843. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

On reste dans une sorte de fascination devant cet amalgame de lueurs scientifiques, revêtues des formes poétiques les plus élevées. […] Sa puissance restera plus bornée dans les êtres vivants, et d’autant plus qu’ils constitueront des organismes plus élevés, c’est-à-dire plus compliqués. […] L’homme et les animaux élevés paraissent au premier abord devoir échapper à son action modificatrice, parce qu’ils semblent s’affranchir de l’influence directe de ce milieu extérieur. […] La composition chimique des milieux internes ou organiques est beaucoup plus complexe, et cette complication augmente à mesure que l’animal devient lui-même plus élevé et plus complexe. […] Mais elle constitue une science plus élevée et nécessairement plus vaste et plus générale.

844. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

L’homme est élevé dans des conditions malsaines pour son avenir intellectuel : dans sa jeunesse on le bourre, à coup de pensums, de préjugés artistiques et philosophiques ; qu’arrive-t-il ? […] Ces peintres veulent paraître instruits, bien élevés, et les critiques leur savent gré de leur fournir ainsi le prétexte de dissertations historiques, par lesquelles ils se montrent non moins instruits à leur tour. […] « On prend d’abord l’imagination que les bonnes choses sont inaccessibles en leur donnant le nom de grandes, hautes, élevées, sublimes, cela perd tout. […] Je lui sais particulièrement gré d’avoir élevé ces idées de Justice, de Vérité et de Virilité dans la pratique de la vie, qui sont le but du réalisme. […] Ceux-là seront toujours chers aux esprits du monde qui sont un peu élevés au-dessus du niveau commun de la tribu, et qui joignent à beaucoup de finesse des subtilités pour justifier leur convention.

845. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Il y parlait de Bourdaloue et de La Bruyère… J’entendis là une leçon pénétrante, élevée, une éloquence de réflexion et de conscience, dans un langage fin et serré, grave à la fois et intérieurement ému ; l’âme morale ouvrait tous ses trésors. […] Un jeune homme, nommé Amaury, d’une nature ardente et rêveuse, élevé dans la solitude et dans la piété, a vu sa première jeunesse expirer avec les derniers jours de la Révolution française. […] Comme un ange tutélaire accordé à sa destinée, une jeune personne, pleine de grâce et de candeur, élevée à l’ombre des traditions antiques, préparée par la piété filiale à toutes les sortes de dévouement, naïve et noble de langage, lui apparaît sur le chemin de la vie. […] L’idéale beauté de Mme de Couaën, le charme de son imagination rêveuse et grande, de son esprit naïf et élevé, de son âme tendre et pure, ce quelque chose, en un mot, que rien ne définit, qui élève pour nous une créature au-dessus des créatures, nous fait trouver la terre indigne de la porter, et fait de l’amour une véritable religion. […] De cette hauteur passagère où l’avait élevé un amour idéal, il retombe vers la passion vulgaire ; il y entraîne Rachel avec lui ; elle pleurait sa gloire d’ange, elle pleure maintenant sa gloire de femme ; elle cherchait à fixer dans son âme un confus souvenir du ciel ; elle tâche maintenant d’oublier qu’il y a un Dieu et un Christ.

846. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Chénier vous dira de combien de délits M. de Chateaubriand s’est rendu coupable pour avoir élevé son style et son art au-dessus de quelques-unes des prescriptions de ce code, et quelles peines il a encourues. […] Par réaction peut-être, la critique que j’ai appelée classique juge trop : au jour de ses grandes rigueurs, ce sont les têtes les plus élevées qu’elle semble menacer de sa faux. […] L’homme bien élevé lira Corneille, La Fontaine, Racine et Molière, comme nos pères lisaient Homère, Horace et Virgile. […] Il n’est point de plus redoutable science que celle de la vie ; mais le talent élevé au-dessus d’un certain niveau confère une magistrature. […] « Ce répertoire sacré », comme il l’appelait lui-même, et qu’il avait élevé à la hauteur d’une religion, allait-il être effacé des croyances publiques ?

847. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Il est peu d’œuvres qui s’adressent aussi directement aux côtés élevés de l’esprit que cette exquise idylle, étude dont le thème pourrait paraître fourni par la Nouvelle Héloïse. […] Pour me résumer, je dirai que de par ses idées, saines et élevées, l’intérêt de sa fabulation, ce dernier roman de M.  […] De là, il faut bien le dire, des ellipses, des sous-entendus, des mots pléthoriques d’intentions qui parfois rendent difficile l’accès de la pensée ingénieuse et élevée de l’auteur. […] Je m’arrête, renonçant à donner un compte rendu détaillé de ce livre touffu, encombré, mais dans les obscurités duquel pointe souvent la lumière d’une véritable observation, de pensées élevées. […] Dans le monument qui sera élevé au grand sculpteur Barye, le Comité a choisi les meilleures de ses œuvres pour lui en faire un piédestal.

848. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

L’amateur du Théâtre-Français était naguère un homme bien élevé, bien posé dans le monde, esprit calme, âme candide, ambition modeste. […] Restée seule, Gillette avait été élevée à la cour de la comtesse de Roussillon, dans un beau petit coin de terre aimé des dieux. […] Il était fin, léger, hardi, railleur ; figurez-vous Mascarille élevé et dressé à l’école de Figaro. […] Ajoutez à ce rare mérite de Térence, qu’il abandonne enfin la peinture des mœurs basses de la Grèce pour ne s’occuper que des mœurs élevées de l’Italie. […] Caton le censeur, et même le Misanthrope de Molière, ne parlaient pas, de leur vivant, un langage plus élevé, plus grave, plus austère, même dans sa joie, et plus digne de la comédie sérieuse.

849. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Des débats offensants s’étaient élevés à ce sujet dans la législature, et on ne l’avait achetée qu’à vil prix. […] Personne n’ignore assez l’histoire pour supposer que Joad soit un pontife juif ; il est trop bien élevé et trop peu féroce. […] Comment des gens ainsi élevés supporteraient-ils les excès du drame ? […] Cette doctrine est une religion de cordonniers ou de maçons élevés dans la Bible et tenus par la gazette à la hauteur de l’esprit moderne. […] Au bout du temps fixé, il naquit et fut élevé, puis marié par le roi dont elle était l’épouse.

850. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Les conseils du cardinal Albano, les bontés du marquis d’Este, les admirations de la princesse Marie de Savoie et des dames de la cour pour le poète qui avait élevé dans son poème les femmes jusqu’à l’héroïsme, rassurèrent l’imagination du Tasse. […] Il supplia le cardinal Cinthio de lui permettre de quitter ses appartements trop bruyants et trop pompeux du Vatican, pour aller habiter l’humble monastère de Saint-Onufrio, sorte d’ermitage au sommet d’une colline élevée et silencieuse à Rome (le mont Janicule). […] « J’ai demandé à être transporté au monastère de Saint-Onufrio, non pas seulement parce que l’air, au jugement des médecins, y est le plus pur de Rome, mais aussi et surtout afin de pouvoir de ce lieu élevé, et grâce aux dévots religieux de ce couvent, y commencer de plus près mon entretien avec le ciel. […] Né d’une race à la fois chevaleresque et poétique, élevé par une mère d’élite et par un père déjà glorieux, recueilli dans la fleur de son adolescence par un prince qui lui ouvrit pour ainsi dire sa propre famille, protégé, aimé peut-être par la sœur charmante de ce prince, qui fut pour lui, sinon une amante, du moins une autre sœur, et qui lui pardonna tout, même ses négligences et ses distractions de sentiment que tant d’autres femmes ne pardonnent jamais, illustre avant l’âge de la gloire par des poèmes que la religion et la nation popularisaient à mesure qu’ils tombaient de sa plume ; disputé comme un joyau de gloire entre la maison d’Este, la maison de Médicis, la maison de Gonzague, la maison de la Rovère, ces grands patrons des lettres en Italie ; misérable et errant par sa propre insanité, mais non par la persécution de ses ennemis ; comblé d’enthousiasme et de soins par la jeune princesse Léonora de Médicis ; chéri à Turin, désiré à Florence, appelé à Rome ; retrouvant à Naples, toutes les fois qu’il voulait s’y réfugier, la patrie, l’amitié, la paix d’esprit, l’admiration d’une foule de disciples fiers d’être ses compatriotes ; enfin rappelé pour le triomphe à Rome par un neveu du souverain de la chrétienté, fanatique de son génie et providence de sa fortune ; mourant dans ses bras avec la couronne du poète en perspective et le triomphe pour tombeau : on ne voit rien dans une telle vie qui soit de nature à accuser l’ingratitude humaine, excepté quelques années de cruelle séquestration dans un hospice de fous, qui n’accusent pas, mais qui dégradent un peu son protecteur devenu son geôlier ; mais cette infortune n’est-elle pas souvent, dans l’économie d’une grande destinée, l’ombre qui fait mieux ressortir la note pathétique, qui attendrit le cœur de la postérité, et qui donne à la gloire quelque chose d’une compassion enthousiaste du monde ?

851. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

III Son père, qui, indépendant de son état d’architecte, était sculpteur en ivoire, et très habile musicien sur la flûte, entra dans la compagnie des musiciens de la ville et fut aimé des premiers Médicis, ces citoyens élevés par les richesses à la tyrannie volontaire de leur patrie. […] Il finit cependant par le fléchir, et put obtenir de son père qu’on le laisserait aller dessiner chez un fameux bijoutier, Henri Pierino. — Et moi aussi, lui dit son vieux père en le conduisant chez Pierino ; « Moi aussi, me répondit mon père, j’ai été un bon dessinateur ; mais pour l’amour de moi, qui suis ton père, qui t’ai mis au monde, qui t’ai nourri, élevé dans les arts et dans tous les principes de la vertu, ne voudras-tu pas, mon cher fils, prendre quelquefois ton cor et ta flûte, pour me récompenser de toutes mes peines, et charmer les derniers instants de ma vie ? […] Cependant, repris-je, puisque vous m’y avez amené, je veux faire un coup de ma façon : je tournai alors mon arquebuse vers l’endroit où le combat était le plus animé, et je visai un homme qui était plus élevé que les autres. […] La première opération qu’il fit fut de venir à moi, de me faire beaucoup de caresses, et de me donner cinq bonnes pièces d’artillerie, qui furent placées sur le lieu le plus élevé qu’on appelle l’Ange.

852. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Je me garderai bien de ranimer les querelles des romantiques et des classiques, tout en reconnaissant volontiers et en regrettant ce qu’avaient d’honorable et d’élevé ces passions intellectuelles, remplacées par de moins dignes et de moins innocentes. […] On ne peut pas croire, sans faire d’exagération sacrilège, que la Poétique, si le génie d’Aristote avait pu l’achever, aurait en son genre valu l’Iliade, et que le critique se serait élevé au niveau du poète ; mais on peut affirmer que les ruines informes qui sont arrivées jusqu’à nous sont encore si précieuses et si éclatantes que leur gloire efface tant d’autres monuments plus complets, mais moins beaux, qui n’ont été possibles après elles qu’à la condition de les imiter en les perfectionnant. […] Mais il ne veut pas se borner, comme on l’a fait avant lui, à étudier l’âme de l’homme ; ce n’est point un champ assez large ; c’est à l’ensemble des êtres organisés, depuis le végétal jusqu’aux animaux les plus élevés dans l’échelle de la vie, qu’il demandera les faits qui doivent fonder son système. […] Ces mérites, les voici ; et s’ils sont moins élevés que nous ne l’eussions désiré, ils le sont bien assez encore pour justifier toute la gloire du péripatétisme.

853. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

En même temps qu’on y sent chez Duverney la grandeur d’âme accompagnée de bonté et même de bonhomie, le caractère modéré, noble, humain et assez élevé de Bernis s’y dessine naturellement ; son esprit y laisse échapper des nuances et des aperçus qui ont de la finesse. […] Si le roi veut faire respecter sa couronne et sa nation à Venise, il faut qu’il y envoie toujours un homme de bon sens, ce qui suffît, mais un homme d’une âme élevée et de mœurs décentes ; car on n’impose à une nation très libertine, on peut même dire débauchée, que par des mœurs opposées.

854. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Il y eut là, tout au sortir de l’enseignement de Malherbe, dans notre poésie française lyrique, une veine trop peu abondante, trop tôt distraite et interrompue, mais très pure, très française, neuve, élevée et douce : il en est resté quatre ou cinq odes au plus, mais dignes d’Horace, qu’on y retrouve imité sans servilité et avec génie, et bien faites surtout pour enchanter et inspirer, comme cela a dû être, la jeunesse de La Fontaine. […] On sait les beaux vers de Virgile (églogue V) sur la mort de Daphnis : « Daphnis, est-il dit, tout éblouissant de lumière, admire le seuil inaccoutumé de l’Olympe, et voit sous ses pieds les nuées et les étoiles. » Cette consolation est celle qu’on aime toujours à donner aux vivants en deuil lors de la séparation et du départ d’une âme élevée et céleste.

855. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

C’est plus intelligent qu’élevé. […] Son ami lord Sheffield lui a élevé le monument le plus digne et le plus durable en publiant ses Mémoires et ses lettres ; on y devine que la conversation de Gibbon était, en effet, supérieure en intérêt et en charme à ses écrits, et qu’en lui le lettré profond et accompli ne se séparait pas de l’homme de société le plus agréable.

856. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

C’est là, c’est dans ce cadre domestique, paisible, animé, sévère à la fois et riant, que fut élevée la jeune Anne Le Fèvre ; elle avait environ dix-huit ans quand elle perdit ce père dont elle serait devenue l’orgueil et l’honneur. […] Le style de Mme Dacier, quoique pur, exact et facile, ne me paraît pas toujours noble, élevé, poétique, tel enfin que le demandait son sujet.

857. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Toutefois, une opposition s’étant élevée dans la Chambre au sujet de sa nomination, il vit qu’il aurait à comparaître à la barre et à y subir une espèce d’examen sur son degré d’aptitude et de capacité. […] Pour avoir élevé deux ou trois petits arbres verts, l’ambition me prit d’avoir une serre, et en conséquence je me mis à en bâtir une.

858. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Il se montre toutefois plus tolérant pour les systèmes élevés qu’il n’est ordinaire aux sceptiques et aux empiriques ; dans ces divers systèmes imaginés par les Leibniz, les Malebranche et autres, il n’en est aucun qui n’ait des obscurités et qui n’implique contradiction dans certains endroits : Toutefois, dit Frédéric, il est agréable de connaître et de suivre toutes les routes que l’esprit humain s’est frayées pour parvenir à des vérités qu’il n’a pu découvrir. […] Il y a là une prévision, un pressentiment élevé des dangers moraux de l’avenir, dont il faut tenir compte au prince Henri.

859. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Malgré l’ignorance qui nous environne, nous étudions, nous disputons sans cesse, et cette soif de savoir n’est jamais assouvie ; il me semble, en lisant les philosophes et les théologiens, voir des aveugles qui errent dans l’obscurité, qui s’entre-heurtent, qui, en voulant s’éviter, se font choir, qui embrassent l’ombre pour le corps, et qui se servent quelquefois, pour s’assommer, du bâton qui leur a été donné pour se conduire, Un petit nombre, tel que vous, Euler et Clairaut, élevés dans une plus haute région, rient de leurs folies et de leurs méprises, Qu’est-ce qui produit tant de faux jugements ? […] Un peuple bien élevé est facile à gouverner. » Pure invention ; pas un mot de cela chez Frédéric. — Un billet du roi, de quelques lignes, lui fournit prétexte à deux pages de réflexions (p. 365-366) sur les autres rois qui perdent leur temps de mille manières, tandis que Frédéric le perd à rimer : « Je leur pardonne de donner à la chasse, à la bonne chère, au jeu, à la représentation, plus d’heures que je n’en donne à mes amusements littéraires.

860. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Dans ses vues étendues et souvent élevées de politique extérieure, d’Argenson s’indigne que la France baisse, que sa marine se délabre de plus en plus, qu’on ne fasse rien pour reprendre et tenir son rang avec honneur dans les luttes maritimes ou européennes qui se préparent : (Mai 1738. […] Rathery sur les bons côtés, sur les parties fortes et élevées de l’intelligence politique du personnage.

861. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Cette délicatesse peut paraître excessive, mais elle n’a rien de criminel, et même elle suppose  des sentiments élevés. […] Nul scrupule ne doit vous arrêter avec une personne capable de sentir le prix de cette faveur et qui croit à la vertu. » Se peut-il une manière de sentir et de dire, une façon de comprendre le bienfait, plus délicate et plus élevée ?

862. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Un juge impartial, le chancelier d’Aguesseau, a heureusement défini son principe de conduite, et a tracé de lui, à cette occasion, le beau portrait dont voici les points principaux : « François de Harlay, prélat d’un génie élevé et pacifique, auquel il n’aurait rien manqué s’il avait su autant édifier l’Église qu’il était capable de lui faire honneur par ses talents et de la conduire par sa prudence, se conduisait lui-même avec tant d’habileté qu’il réussissait presque toujours également à contenir la vivacité de ceux qu’on appelait Jansénistes, et à éluder, au moins en grande partie, les coups des Jésuites. […] Ce n’était là qu’un dire de société revêtu des plus grandes apparences ; mais bientôt de véritables éclats vinrent démasquer les habitudes d’un homme qui, dans sa profession et sa position élevée, aurait dû être doublement irréprochable.

863. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Il aime, dit-il, en arrivant dans une ville arabe, à choisir, pour bien voir, le point de vue le plus élevé, le pied d’une tour, ce qu’on appellerait en Grèce l’acropole ; et là, montant dès le matin, il passe en contemplation et en rêverie des heures entières. […] J’y suis le matin, j’y suis à midi, j’y retourne le soir ; j’y suis seul et n’y vois personne, hormis de rares visiteurs qui s’approchent, attirés par le signal blanc de mon ombrelle, et sans doute étonnés du goût que j’ai pour ces lieux élevés… A l’heure où j’arrive, un peu après le lever du soleil, j’y trouve une sentinelle indigène encore endormie et couchée contre le pied de la tour.

864. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Riche propriétaire du pays, il y a été élevé et y a passé son enfance, sa première jeunesse ; il y est revenu après une assez longue absence, pour ne plus le quitter ; il est marié, il a une femme jeune encore et sérieuse, et deux enfants ; il a tout l’extérieur du bonheur. […] Plus tard, il a été élevé par une tante paternelle, qui est venue s’installer exprès au château des Trembles, bonne dame, mais qui n’a pas eu d’action ni d’influence sur son neveu.

865. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Employé d’un ordre assez élevé dans l’administration, amateur passionné et collecteur d’autographes, c’est par cette dernière porte, — une porte un peu dérobée, — qu’il est entré et qu’il s’est faufilé dans la littérature. […] Béranger allait même au-delà du but lorsqu’il disait « qu’il avait été élevé à l’école de Chateaubriand 74» mais, enfin, mieux vaut trop d’ouverture à l’esprit que pas assez.

866. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Attache à ton cœur les ailes de la foi aussi bien que celles de l’amour, afin qu’il s’envole, non plus au désert comme la colombe, mais à ce lieu élevé où est bâtie la maison de notre Père… » Et dans le même temps il écrivait à l’abbé Jean, en retombant sur lui-même et en ayant tout à fait perdu de vue la sainte montagne : « … J’ai beaucoup souffert ces deux derniers jours. […] Au lieu de cela, en dehors de l’étude et d’une lecture assez étendue, mais toute sérieuse, La Mennais jeune n’a que des relations et des préoccupations d’un ordre unique : une guerre, à Saint-Malo, du petit séminaire contre l’Université, Saint-Sulpice à l’horizon pour toute capitale, et deux ou trois amis avec qui il correspond sur les mêmes objets élevés, mais toujours pris d’un seul point de vue ; rien d’ailleurs qui vienne renouveler l’esprit et lui offrir une variété d’aliments.

867. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Étienne, l’auteur dramatique qui vers la fin passait presque pour un grand citoyen, et auquel elle semblait si étonnée qu’on pût trouver quelque chose d’élevé dans le caractère ; ceux-là et bien d’autres, elle les touchait d’un mot fin en passant. […] Bien peu de familles auraient eu, comme vous, cette manière élevée et noble de penser et de sentir, qui met la plus grande gloire d’une personne si chère, dans l’expression la plus intime de la vérité. — Vous et votre excellent fils, vous êtes pour moi, à cet égard, des modèles, et tels que je n’en ai pas rencontré deux fois dans ma carrière de critique littéraire et de biographe.

868. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Puisqu’on connaît le portrait de Mlle de Liron, puisque j’ai osé citer un passage de Mlle Aïssé malade, qui, en donnant une incomplète idée de sa personne, laisse trop peu entrevoir combien elle fut vive et gracieuse, cette aimable Circassienne achetée comme esclave, venue à quatre ans en France, que convoita le Régent, et que le chevalier d’Aydie posséda ; puisque j’en suis aux traits physiques des beautés que Mlle de Liron rappelle et à l’air de famille qui les distingue, je n’aurai garde d’oublier la Cécile des Lettres de Lausanne, cette jeune fille si vraie, si franche, si sensée elle-même, élevée par une si tendre mère, et dont l’histoire inachevée ne dit rien, sinon qu’elle fut sincèrement éprise d’un petit lord voyageur, bon jeune homme, mais trop enfant pour l’apprécier, et qu’elle triompha probablement de cette passion inégale par sa fermeté d’âme. […] Par moments, plus tard surtout, je le voudrais autre ; je le voudrais, non plus dévoué, non plus soumis, non plus attentif au chevet de son amie mourante ; Ernest en tout cela est parfait : sa délicatesse touche ; il mérite qu’elle lui dise avec larmes, et en lui serrant la main après un discours élevé qu’elle achève : « O toi !

869. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Les hommes qui veulent faire recevoir leurs vices et leurs bassesses comme des grâces de plus, dont la prétention à l’esprit est telle qu’ils se vanteraient presque à vous-même de vous avoir habilement trahi, s’ils n’espéraient pas que vous le saurez un jour, ces hommes qui veulent cacher leur incapacité par leur scélératesse, se flattant que l’on ne découvrira jamais qu’un esprit si fort contre la morale universelle est si faible dans ses conceptions politiques, ces caractères si indépendants de l’opinion des hommes honnêtes, et si tremblants devant celle des hommes puissants, ces charlatans de vices, ces frondeurs de principes élevés, ces moqueurs des âmes sensibles, c’est eux qu’il faut vouer au ridicule qu’ils préparent, les dépouiller comme des êtres misérables, et les abandonner à la risée des enfants. […] Le célèbre métaphysicien allemand, Kant, en examinant la cause du plaisir que font éprouver l’éloquence, les beaux-arts, tous les chefs-d’œuvre de l’imagination, dit que ce plaisir tient au besoin de reculer les limites de la destinée humaine ; ces limites qui resserrent douloureusement notre cœur, une émotion vague, un sentiment élevé les fait oublier pendant quelques instants ; l’âme se complaît dans la sensation inexprimable que produit en elle ce qui est noble et beau ; et les bornes de la terre disparaissent quand la carrière immense du génie et de la vertu s’ouvre à nos yeux.

870. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Enfin, les restes les plus anciens que l’on connaisse de la classe des mammifères, sont ceux des petits marsupiaux qui sont le type le plus inférieur de cette classe, tandis que le type le plus élevé, l’homme, est le plus récent. […] II Un long travail sur l’hypothèse de la nébuleuse a pour objet de rattacher l’hypothèse de Laplace à la doctrine de l’évolution, en la défendant des objections élevées contre elle par la science.

871. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

La mère, au théâtre, — et c’est une justice, — n’apparaît presque jamais que sous un aspect élevé et noble. […] Seule Thérèse, sa pupille, une sage et sérieuse jeune femme qu’il a élevée, qu’il a mariée, et qui l’aime comme un père, observe, d’un air soucieux, le train du logis.

872. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Mlle Le Couvreur avait vu Baron lorsque, vieux et toujours excellent, il rentra au théâtre en 1720 ; mais elle ne l’avait pas attendu pour réaliser à sa façon la poétique de Molière et pour réunir en elle les qualités à la fois élevées, touchantes et naturelles de la parfaite actrice tragique. […] Difficile à acquérir, mais plus difficile à perdre : telle est la vraie devise de l’amitié, et c’est un mérite que le cœur élevé de Mlle Le Couvreur mettait bien au-dessus des rapides caprices et des flammes passagères.

873. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Il fut élevé dans l’austérité et aussi dans la tendresse domestique, au foyer de cette honnête et forte bourgeoisie, dont il sera bientôt le champion et le vengeur. […] Dans les pages de réflexions et de considérations élevées qu’il écrivit dans la retraite ou dans la captivité en 1792, il faut lui rendre cette justice qu’il parle surtout des choses et des événements généraux, et très peu de lui.

874. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Bersot, en discutant philosophiquement les doctrines antireligieuses de Diderot, s’est attaché à démontrer que le philosophe était moins éloigné d’une certaine conception élevée de Dieu qu’il ne le croyait lui-même. […] Cet homme excellent, cordial, élevé, chaleureux, ce critique si animé, si ingénieux, si fin, et qui a par-dessus tout la manie de prêcher les mœurs, ne sait pas, en présence d’un objet d’art, se contenter d’élever et de fixer notre idée du beau, ou de satisfaire même notre impression de sensibilité : il fait plus, il trouble un peu nos sens.

875. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Dès l’abord, on voit que si Mallet est partisan des gouvernements mixtes et des monarchies tempérées ; que si, élevé et nourri dans sa petite république au sein des troubles populaires, il en a conclu que les gouvernements mixtes sont « les seuls compatibles avec la nature humaine, les seuls qui permettent la rectitude et la stabilité des lois, les seuls en particulier qui puissent s’allier avec la dégénération morale où les peuples modernes sont arrivés », on voit, dis-je, que si sa profession de foi est telle, ce n’est pas qu’il méconnaisse le principe puissant et la force transportante de la démocratie : bien au contraire, et c’est pour cela qu’il la redoute : il ne faut pas s’y méprendre écrit-il, de toutes les formes de gouvernement, la démocratie, chez un grand peuple, est celle qui électrise le plus fortement et généralise le plus vite les passions. […] Il est tout simple que l’adversité dérange des esprits qui n’y ont pas été élevés ; il est tout simple qu’elle ne leur ait donné ni une leçon, ni une idée, ni une notion de rien.

876. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Ce premier et double rôle de restaurateur du bien public et de conservateur de l’autorité royale tenta d’abord l’esprit élevé et lumineux de Condé ; mais Retz nous fait comprendre à merveille comment le prince ne put s’y tenir ; il était trop impatient pour cela : « Les héros ont leurs défauts ; celui de M. le Prince était de n’avoir pas assez de suite dans l’un des plus beaux esprits du monde. » Et, poussant plus loin, il nous explique à quoi tient ce peu de suite. […] La manière élevée dont Retz apprécie à ce moment le prince de Condé et ses intentions premières, avant qu’elles eussent dévié et se fussent aigries dans la lutte, mérite qu’on la lui applique à lui-même.

877. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Voilà donc un lyrique, un auteur d’odes, et avide d’inspirations élevées, qui, dès le premier pas, se détourne de sa voie parce qu’il a été critiqué un peu vivement. […] Il respire dans cette pièce un profond sentiment de la justice que la postérité accorde aux œuvres durables et aux monuments élevés avec lenteur : Flatté de plaire aux goûts volages, L’Esprit est le dieu des instants.

878. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Parlant du vieux maréchal de Bassompierre que raillaient les jeunes gens, elle dira, après avoir loué sa générosité, sa magnificence et ses galantes manières : « Les restes du maréchal de Bassompierre valaient mieux que la jeunesse de quelques-uns des plus polis de ce temps-là (1646). » Elle aimait, dans les pièces de Corneille, surtout la morale élevée et les nobles sentiments qui avaient épuré le théâtre. […] Ses Mémoires deviennent plus sérieux et prennent un caractère historique plus élevé à mesure qu’on avance dans le mouvement des agitations civiles et dans les troubles de la Fronde.

879. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Il fut élevé à la campagne d’abord, puis à Paris au collège Mazarin ; mais, malgré de bonnes études, il se plaît à remarquer qu’il n’eut en définitive « que l’instruction qu’il se donna ». […] Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.

880. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Dès le mois de mars précédent, il avait été élevé à la dignité de duc de Raguse pour récompense de son administration vigilante et créatrice dans cette province inculte de Dalmatie : « Quatre-vingts lieues de belles routes, dit-il, construites dans les localités les plus sauvages, au milieu des plus grandes difficultés naturelles, ont laissé aux habitants des souvenirs honorables et qui ne périront jamais. » Ces travaux étaient exécutés par les troupes, qui, noblement inspirées de la pensée civilisatrice du chef, y mettaient leur orgueil comme à une victoire. […] En 1810, il fit envoyer en France deux cents jeunes Croates pour y être élevés aux frais du gouvernement dans les écoles militaires ou dans celles des arts et métiers : il en retrouva plus tard bon nombre encore remplis de reconnaissance, dans les longs voyages de son exil.

881. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

S’il avait eu à s’expliquer sur la méthode historique qui y avait présidé, il aurait élevé quelques objections : Je n’aime pas, dit-il à propos de je ne sais quel livre de considérations politiques, je n’aime pas trop ces ébauches de théories politiques a priori, quoique l’autorité du président de Montesquieu, qui les affectionnait particulièrement, soit en leur faveur. […] Il y avait des années qu’écrivant à Mlle Volland, l’amie de Diderot, et lui parlant de la vérité et de la vertu comme de deux grandes statues que Diderot se plaisait à voir élevées sur la surface de la terre et immobiles au milieu des ravages et des ruines : « Et moi je les vois aussi, s’écriait-il ; … mais qu’importe que ces deux statues soient éternelles et immobiles s’il n’existe personne pour les contempler, ou si le sort de celui qui les aperçoit ne diffère point du sort de l’aveugle qui marche dans les ténèbres ! 

882. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Son œil brun, vif, spirituel, et quelquefois d’une douceur charmante ou d’une mélancolie profonde, était surmonté d’un arc de sourcil fort élevé, qui donnait à sa physionomie une expression très originale. […] Il y avait dans son tempérament un fond de méditation inactive, de calme supérieur et de paresse, dont il ne triomphait qu’à l’aide des mobiles les plus élevés, et par l’amour passionné qu’il nourrissait pour la noble louange.

883. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

La famille de M. de Suhm, sa sœur et ses quatre enfants furent à l’instant mandés et accueillis à Berlin ; ils y eurent pension, et les enfants y furent élevés aux frais du roi. […] Je suis loin d’avoir épuisé l’ami en Frédéric : ses correspondances avec Jordan, avec La Motte-Fouqué, sont des témoignages non moins réels, non moins touchants peut-être que sa correspondance avec M. de Suhm ; mais celle-ci a cet avantage qu’elle est constamment élevée et pure, qu’elle ne contient ni plaisanteries littéraires ou morales d’un goût équivoque, ni mauvais vers.

884. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Le poète même, pour créer, doit être un penseur, un constructeur de systèmes vivants, mêlant à ses représentations de la vie des conceptions élevées et philosophiques. […] Ce qui fait que quelques-uns d’entre nous donnent parfois si facilement leur vie pour un sentiment élevé, c’est que ce sentiment leur apparaît en eux-mêmes plus réel tous les autres faits secondaires que de leur existence individuelle ; c’est avec raison que devant lui tout disparaît, s’anéantit.

885. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Elle nous tire enfin, par quelque chose de véritablement important et d’élevé, de la littérature croupissante, — de la crapaudière envahissante du naturalisme contemporain. […] Il n’est pas moins certain qu’il y a eu divers bâtards de princes, de seigneurs et de particuliers qui se sont élevés, par leur mérite, au-dessus du sort de leur origine, et qui ont été revêtus de biens et d’emplois et quelques-uns même d’éclatants ; mais, si on les examine, on les trouvera inhabiles à tous autres biens qu’à ceux de la fortune, et que parmi tout le lustre acquis par leur mérite et la protection de leurs parents, les lois n’ont pas fléchi en leur faveur… De là ces noms si communs dans les plus considérables illégitimes, le bâtard de Bourbon, le bâtard d’Orléans, le bâtard de Rubempré, et tant d’autres de princes, de seigneurs et de particuliers, appelés ainsi de leur temps, sans qu’ils eussent d’autres dénominations, par laquelle ils sont transmis jusqu’à nous dans les histoires. » Tel est, pour le mâle et pratique esprit de Saint-Simon, le point de départ du Mémoire sur les légitimés.

886. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Voici les paroles que nous trouvons dans l’introduction dont Saint-Chéron a fait précéder sa traduction de l’Histoire d’Innocent III : « Recevons le beau tableau historique de Hurter comme un témoignage du bien immense qu’un souverain pontife a pu accomplir dans un siècle reculé, mais encore du bien que l’institution, reconnue comme nécessaire aux intérêts les plus élevés du genre humain, pourra faire dans les siècles à venir où il se rencontrera un Grégoire, un Innocent, au milieu des hommes ramenés par une pénible et douloureuse expérience, aux vrais principes sociaux. » Comme on le voit, s’il n’est guère possible d’être plus lourd, il n’est guère possible d’être plus clair. […] Presque jamais auparavant, mais à coup sûr jamais depuis, la pensée occidentale, l’état de l’esprit humain n’a créé à la papauté une situation plus forte, plus élevée, plus facile à fortifier, à grandir encore.

887. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Il voulait (soi-disant), dans un but élevé de connaissance, dégager l’idée religieuse de ce qui la fait une religion positive à telle heure de l’histoire, opposer le sentiment éternel à la forme passagère, et en le lisant on n’a jamais plus senti que c’était impossible ; que, la forme enlevée, l’esprit suivait, et qu’après tout, malgré le progrès et à part la vérité divine, socialement, la dernière des superstitions valait encore mieux que la première des philosophies ! […] Renan que de tous ceux qui se sont servis de l’instrument logique forgé par Hegel, il est celui qui a le plus entassé de contradictions l’une sur l’autre et élevé le plus haut la philosophie du rien sur des pyramides de peut-êtres.

888. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Homme intérieur, dévoué aux théories élevées et prouvées, arraché au christianisme par la logique, il a été égaré par des restes d’inclinations religieuses et par l’habitude de l’abstraction vague. […] Élevé, comme tous ses contemporains, dans le style exact et simple, il put noter ses idées avec vérité et avec précision.

889. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Souffrir avec la vertu est un destin digne de louange. » Il n’est pas vrai, toutefois, que ces premières chansons du Dante, ces odes passionnées avec diffusion, eussent élevé déjà le grand poëte au-dessus de tous ses contemporains. […] beaucoup moins qu’un seul sentiment de l’âme élevée jusqu’à Dieu.

890. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Soyez donc élevé par madame de Maintenon et à l’ombre des charmilles de la plus noble cour, pour venir parler en égrillardes de la rue du Helder.

891. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

Il se dévoua tout entier à l’instruction de ses diocésains, prêchant fréquemment dans sa cathédrale, où j’ai été étonné d’apprendre que son peuple finit par négliger de l’entendre, soit que son admirable talent eût diminué, ou que l’habitude trop répétée en eût affaibli l’impression ; soit, ce qui est plus probable, que Bossuet ayant pris celle des considérations les plus élevées, et traitant des matières au-dessus de la portée du vulgaire, ses auditeurs fussent dans le cas de lui adresser le reproche que faisait à saint Chrysostome une bonne femme d’Antioche : Père, nom t’admirons, mais nous ne te comprenons pas.

892. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Les modernes sont moins indulgents, et l’on flétrit aujourd’hui d’un nom très peu littéraire ces frauduleux pastiches en matière historique, qui, une fois mis en circulation, et quand ils rencontrent leur homme, atteignent souvent à une valeur vénale fort élevée.

893. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Nous n’avons pas à rédiger ici de projet, mais simplement à appeler l’attention sur une idée que l’esprit élevé de M.

894. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Bientôt les événements dans leur réalité nous présentent nos enfants élevés par nous, pour d’autres que pour nous-mêmes, s’élançant vers la vie, tandis que le temps nous place en arrière d’elle, pensant à nous par le souvenir, aux autres par l’espérance ; quels parents sont alors assez sages, pour considérer les passions de la jeunesse comme les jeux de l’enfance, et pour ne pas vouloir occuper plus de place parmi les unes que parmi les autres ?

895. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

J’ai voulu suppléer à ces omissions, et, outre le petit cercle des Français bien élevés et lettrés, connaître la France.

896. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Il le doit même à un titre plus élevé ; car la religion, bien qu’éternelle dans sa base psychologique, a dans sa forme quelque chose de transitoire ; elle n’est pas comme la science tout entière de la nature humaine.

897. (1890) L’avenir de la science « XX »

Or ces facultés sont de très peu de valeur : elles ne rendent ni meilleur, ni plus élevé, ni plus clairvoyant dans les choses divines ; tout au contraire.

898. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

Ces Réflexions, composées pour l’instruction de ses enfans, donnent une idée avantageuse de son ame, qui s’y montre sensible, élevée, pleine d’indulgence & de philanthropie.

899. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Malgré les critiques terribles qui se sont toujours élevées contre le stile décousu & manièré, il n’est point encore passé de mode.

900. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

« Il n’y a rien, ni dans le ciel ni sur la terre, qui soit ou plus doux, ou plus fort, ou plus élevé, ou plus étendu, ou plus agréable, ou plus plein, ou meilleur que l’amour, parce que l’amour est né de Dieu, et que, s’élevant au-dessus de toutes les créatures, il ne peut se reposer qu’en Dieu.

901. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Dans quelle partie de ses écrits le solitaire de Port-Royal s’est-il élevé au-dessus des plus grands génies ?

902. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Lui qui s’est élevé avec tant de force contre les sophistes, n’eût-il pas mieux fait de s’abandonner à la tendresse de son âme, que de se perdre, comme eux, dans des systèmes, dont il n’a fait que rajeunir les vieilles erreurs203 ?

903. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

A la fin, un défenseur s’est-il élevé ?

904. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Bien des métaphores qui passeroient pour des figures trop hardies dans le stile oratoire le plus élevé, sont reçuës en poësie.

905. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Le pere de Moliere avoit élevé son fils pour en faire un bon tapissier.

906. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Dans l’enfant élevé sans tant de soins, l’interieur s’évertuë de lui-même, et l’esprit devient actif.

907. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Transporté de honte pour le compte du genre humain, cet homme, qui était un écrivain du talent le plus élevé, résolut d’arracher, dans la mesure de ses forces, Christophe Colomb à la destinée de silence et d’ingratitude qui pesait depuis près de quatre siècles sur sa mémoire, et qui avait mis la grandeur de l’oubli en proportion avec la grandeur du service rendu par lui au monde tout entier.

908. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Il coupe la truffe en deux : « Tous les philosophes, déclare-t-il à sa sœur, devraient naître avec trois mille francs de rente à Paris, et deux mille en province, ni plus, ni moins. »‌ Le devis que propose Stendhal est légèrement plus élevé : « Celui qui n’a pas sept mille francs de rentes, écrit-il quelque part, doit y penser toujours.

909. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Mais, quand on y a réfléchi, on trouve que ce respect suprême de la liberté, cette façon de traiter comme des hommes faits des jeunes gens déjà consacrés par l’intention du sacerdoce, sont la seule règle convenable à suivre dans la tâche épineuse de former des sujets pour le ministère le plus élevé qu’il y ait d’après les idées chrétiennes. […] Pinault avait été élevé en dehors du catholicisme, il eût été révolutionnaire et positiviste. […] Sa laideur extrême n’excluait pas de ses traits une singulière vigueur ; mais il n’avait pas été élevé comme M. 

910. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Il est rare que des hybrides soient élevés en grand nombre par les expérimentateurs ; et, comme les deux espèces mères, ou d’autres hybrides alliés, croissent généralement dans le même jardin, il faut empêcher la visite des insectes au temps de la floraison. […] Eyton, qui avait élevé deux hybrides provenant des mêmes parents, mais de différentes pontes ; et de ses deux oiseaux, il réussit à élever non moins de huit hybrides d’une seule couvée, qui se trouvaient être ainsi les petits enfants de deux espèces pures. […] Mais la question est hérissée de difficultés, car en ce qui concerne les variétés produites à l’état sauvage, dès que deux formes, jusque-là réputées pour de simples variétés, se trouvent le moins du monde stériles dans leur croisement, elles sont aussitôt élevées au rang d’espèces par la plupart des naturalistes.

911. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Platon, dans plusieurs de ses dialogues12, avait rattaché l’idée de la beauté et celle de l’art aux principes élevés de sa philosophie, et jeté ainsi, en face de l’école empirique et réaliste d’Aristote, les bases d’une théorie rationnelle et idéaliste13. […] Je crois voir un de ces jardins royaux du xviie  siècle, aux futaies élevées, aux larges avenues, où l’œil erre librement à travers les spacieux quinconces. […] Forcée d’être claire pour les autres, l’idée deviendra plus juste en elle-même ; et, d’autre part, la clarté aura plus de valeur quand elle passera au service d’une pensée élevée.

912. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

De mémoire dans l’histoire littéraire de son temps, il en aurait pu laisser une grande, élevée et pure. […] Hugo en avait parfois des élans entre deux antithèses, mais on peut dire avec vérité que c’était surtout par le verbe et le rythme qu’il avait fait sa voie et élevé sa fortune. […] Hugo est franchement osé et physique dans son inspiration, le mot s’affermit sous la brutalité de l’idée, et il redevient l’écrivain grossier, haut en couleur, qui choque les natures élevées non moins que les natures sincères, mais qui a pourtant je ne sais quelle puissance.

913. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

C’est une jeune fille comme il peut y en avoir dans tous les mondes, mal élevée comme on peut l’être dans tous les mondes, et dont on oublie, et qui oublie elle-même, son mauvais ton, à mesure que la vie la prend, la vie telle qu’elle est faite, sérieuse et quelquefois tragique… Il n’y a pas, à proprement parler, de bourgeois et de bourgeoisie là-dedans. […] Ils peuvent s’élever plus haut, brasser d’autres matières, respirer d’autres odeurs, et s’appliquer très bien aux élégances des classes élevées… « Nous avons, nous ! […] Je ne reprocherai donc pas à l’auteur des Frères Zemganno d’avoir abaissé son sujet en choisissant deux clowns pour incarner dans ces deux hommes, qui semblent n’avoir qu’un corps et qui passent leur vie à le retourner comme une paire de gants, un superbe sentiment, un de ces sentiments qui impliquent une âme élevée et charmante.

914. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Élevés dans l’égalité, jamais nous ne comprendrons ces effrayantes distances, le tremblement de cœur, la vénération, l’humilité profonde qui saisissait un homme devant son supérieur, la rage obstinée avec laquelle il s’accrochait à l’intrigue, à la faveur, au mensonge, à l’adulation et jusqu’à l’infamie pour se guinder d’un degré au-dessus de son état. […] Saint-Simon fut élevé dans ces enseignements ; ses premières opinions furent contraires aux opinions utiles et courantes ; le mécontentement était un de ses héritages ; il sortit frondeur de chez lui. […] La Fontaine, le plus heureux, fut le plus parfait ; Pascal, chrétien et philosophe, est le plus élevé ; Saint-Simon, tout livré à sa verve, est le plus puissant et le plus vrai.

915. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Quoi de plus élevé que les narrations de l’Écriture sainte ? […] Voltaire ne laissa-t-il pas apercevoir, en s’écartant de cette leçon, que son esprit si étendu était plus élevé que son âme ? […] Ces grands traits signalent les mœurs ; et c’est à les choisir dans cet ordre rare et élevé que se distingue le génie épique. […] À l’article où nous en sommes, il écrit, en réprimandant les poètes dont le début lui semble trop élevé, et surchargé d’ornements superflus : « Oh ! […] Un seul poète, élevé par la sublimité de l’objet de ses chants, a renouvelé cette forme animée : c’est Klopstock, auteur allemand du poème de la Messiade ; son exorde produit un effet d’autant plus vif qu’on y reconnaît moins l’ouvrage de l’imitation que de l’inspiration même.

916. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

. ; — ni de la critique littéraire, élevée par M.  […] Il est bien vrai que le public éclairé, celui qui se compose des classes élevées de la société, ne lit plus les monstrueux romans dont il s’était affolé il y a dix ou quinze ans. […] C’est un édifice sans base, que le caprice a élevé, que le caprice peut renverser. […] Et la conscience publique n’a pas élevé contre de tels outrages le cri de son indignation ! […] Non seulement la vie a perdu son caractère sérieux en perdant son but élevé, le devoir ; mais les sentiments même les plus vifs, les plus spontanés du cœur humain semblent avoir perdu aussi de leur naïveté et de leur parfum.

917. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Sans doute, la barbarie de Shakespeare monte quelquefois plus haut dans ses drames tragiques, et y atteint à des hauteurs philosophiques au-delà desquelles il n’y a rien à éprouver qu’un frisson de chair de poule et une angoisse d’admiration ; là, on ne peut le comparer à rien, il dépasse tout et efface tout ; il est Shakespeare, le synonyme du sublime, l’entre ciel et terre du génie ; mais il ne semble s’être élevé si haut dans l’Empyrée de l’idéal que pour vous précipiter dans la boue et pour vous étourdir par la chute. […] Il était beau, il avait le front élevé, la barbe noire, l’air bienveillant, le regard limpide et profond. […] IX Il s’attacha comme secrétaire, à la fin du Premier Empire, à un vieillard éminent qui s’était élevé, en 1790, au-dessus de tous les écrivains français de ce siècle par le sentiment : c’était Bernardin de Saint-Pierre, voyageur en Russie et aux Indes orientales. Né, élevé, grandi isolément dans une atmosphère supérieure au dix-huitième siècle, même à celle de Voltaire ; dédaigneux et dédaigné par tous nos philosophes, excepté Jean-Jacques Rousseau ; n’ayant de maître que la nature ; méprisant nos controverses religieuses ou philosophiques, et qui était apparu tout à coup, comme une comète excentrique, Paul et Virginie à la main, homme bien supérieur à Chateaubriand, capable d’écrire mieux que le Génie du christianisme, le Génie du cœur humain. […] Le public sait comme moi jusqu’à quel degré de perfection il l’a élevé : mais ce n’est pas le seul endroit par lequel il nous ait fait voir qu’il a su profiter des leçons d’un si grand maître.

918. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Quant à ceux qui ne pourront faire autrement, nous leur défendrons de travailler chez nous, dans la crainte que les gardiens de notre république, élevés au milieu de ces images vicieuses, comme dans de mauvais pâturages et se nourrissant, pour ainsi dire, chaque jour de cette vue, n’en contractent à la fin quelque grand vice de l’âme, sans s’en apercevoir… ». […] Puis attachons-nous d’une part aux plaisirs nobles, d’autre part aux sciences élevées. […] Nous ne l’avions pas élevé ainsi ! […]   Cette morale est extrêmement élevée et pure et surtout noble. […] Cette morale est donc très pure, très élevée et très noble.

919. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

L’amour de sa profession avait élevé son imagination. […] Dans cette classe très-nombreuse, mais si peu intéressante, sont compris les faux amateurs de l’antique, les faux amateurs du style, et en un mot tous les hommes qui par leur impuissance ont élevé le poncif aux honneurs du style. […] Mais l’artiste moderne qui s’est élevé très-haut malgré son siècle, qu’en dirons-nous, si ce n’est de certaines choses que ce siècle n’acceptera pas, et qu’il faut laisser dire aux âges futurs ? […] Leys et Liès sont-ils donc élevés à la dignité de Dioscures ? […] Il me paraît superflu de détailler les talents d’un artiste aussi élevé et qui a autant produit ; mais ce qui me paraît en lui de plus louable et de plus remarquable, c’est que pendant que le goût de la minutie va gagnant tous les esprits de proche en proche, lui, constant dans son caractère et sa méthode, il donne à toutes ses compositions un caractère amoureusement poétique.

920. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

C’est un genre sublime, où je suis sûr que vous serez plus élevé et plus touchant qu’aucun de vos anciens. » Ce mot de harpe, légèrement amené, est tout ce que Bernis se permettait de mettre en avant : mais il y a loin, on le voit, de ce vœu délicat à proposer à Voltaire une traduction des Psaumes. […] Pour moi, c’est ainsi que j’aime à lire les écrits des hommes célèbres et à en tirer ce qu’il y a de meilleur, de plus élevé : il me semble que c’est de la sorte qu’on est le plus vrai, même au point de vue de l’histoire.

921. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

une passion noble et élevée, M. le docteur Payen a touché ce point dans un article inséré au Bulletin du bibliophile (août 1846). […] Il est, si j’en ose parler d’après ceux qui le connaissent, de ces natures élevées, originales, qui ont besoin d’admirer, d’aimer, et qui, même dans l’ordre intellectuel, n’ont de satisfaction réelle que de se dévouer exclusivement à ce qu’ils aiment, à la mémoire illustre en qui leur sentiment de vénération et d’idéal s’est une fois logé.

922. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Les Français, charmés de leur indépendance, se sont livrés aux plus téméraires conceptions ; ils ont détruit, mais ils ont en même temps creusé, porté la lumière dans les routes les plus obscures ; ils en ont ouvert de nouvelles et forcé les barrières élevées par le préjugé. […] C’est fin à la fois et élevé, et d’une calmante tristesse.

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