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894. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

Il a jugé très justement, très nettement et de haut son auteur.

895. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — V »

Il jugeait les choses avec un haut bon sens qu’on voit aussi chez Goethe.

896. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Mais aussi lorsqu’un prince humain et bienfaisant, tel qu’il y en eut plusieurs, avait cessé de vivre, et que les prêtres récitaient ses actions en présence du peuple, les larmes et les acclamations se mêlaient aux éloges ; chacun bénissait sa mémoire, et on l’accompagnait en pleurant vers la pyramide où il devait éternellement reposer… Depuis trois mille ans, ces usages ne subsistent plus, et il n’y a dans aucun pays du monde, des magistrats établis pour juger la mémoire des rois ; mais la renommée fait la fonction de ce tribunal ; plus terrible, parce qu’on ne peut la corrompre, elle dicte les arrêts, la postérité les écoute, et l’histoire les écrit.

897. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Par l’instinct de l’équilibre moral, qui fait que toute créature, à son insu, tend incessamment vers son milieu, le poète fuyait la société de ses pairs qu’il jugeait assurément aussi malades que nous pouvions le trouver lui-même. […] En cherchant bien pourtant, il doit y avoir çà et là quelque contravention littéraire à réprimer, et plutôt que de ne pas juger, moi, je serais capable, comme Perrin-Dandin, de faire comparoir mon chien citron à la barre. […] Il est vrai que ce tout n’appartient pas à l’auteur du Demi-Monde, jugez plutôt ! […] vous ressemblez à ces buveurs qui, incapables de distinguer dans leur plaisir, jugent de la qualité du vin par le verre imprégné de sable, la vétusté du cachet et les toiles d’araignée qui tapissent les parois de la bouteille. […] Or, le métier, c’est la marche en avant, c’est le progrès du théâtre moderne, et jugez de ce que vaut ce théâtre, lorsque nous y voyons M. 

898. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Sous l’Empire, il jugeait Napoléon III avec la sévérité d’un voisin à qui rien n’échappe. […] Comment en aurait-elle pour juger l’art et la pensée ? […] Qui sait comment jugera le vingtième ? […] Le Sénéchal jugea prudent de quitter Paris, où il était soupçonné de modérantisme. […] Il est vrai qu’ordinairement, pour juger une œuvre, il faut attendre qu’elle soit terminée.

899. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Insisterai-je ici sur l’obligation de juger ? […] Mais quelle est cette affectation de prétendre ne pas « juger » quand en effet on juge ? […] C’est précisément affaire à la critique de penser ou de juger pour la foule. […] À en juger par les extraits qu’en donne effectivement M.  […] On jugera que c’est sans doute assez pour la gloire de son nom ; — et pour la durée de sa philosophie.

900. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Érasme, qui n’approuvait pas ce zèle excessif, avait un enthousiasme plus éclairé pour la morale de Cicéron, et la jugeait digne du christianisme. […] Le sénat le jugea digne de mort ; et il fut exécuté dans sa prison. […] Il faut lire ces sonnets, pour juger l’art savant de langage que Shakspeare mêlait à sa rudesse. […] Déjà l’on pouvait juger que cette liberté, dont il voulait faire l’excuse ou le dédommagement de toutes les violences, se terminait au despotisme. […] Milton, puissant alors, obtint qu’il ne serait pas jugé, et le fit sortir de prison.

901. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

La veuve d’Hector, chez le poète grec, est l’esclave de Pyrrhus qui l’a jugée digne de l’honneur de sa couche : elle en a eu un enfant. […] Il y avait à l’hôtel de Bourgogne un banc où les auteurs avaient coutume de se réunir pour juger les pièces nouvelles, et qu’on appelait le banc formidable. […] Sa vertu même était un peu suspecte ; elle avait cette vivacité, cet enjouement, cette liberté dans les manières, qui nuisent à la réputation d’une femme dans l’esprit de ceux qui jugent sur les apparences. […] Le succès qu’elle obtient aujourd’hui prouve qu’elle fut alors très mal jugée, et que les littérateurs qui en ont fait une critique si amère ont suivi leurs préjugés plutôt que les principes de l’art. […] Et comme à mal juger on n’a que trop de pente, De trente ans avoués, n’en croit-on pas quarante ?

902. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Cadell et Strahan, éditeurs du jeune romancier, jugèrent à propos de détromper le public par un démenti formel. […] D’ailleurs, à vrai dire, je ne crois pas que l’auteur lui-même ait jugé son livre autrement que moi. […] Mais il tient compte à chacun de son malheur pour juger sa faute, il ne condamne qu’en racontant. […] Cependant ce n’est ni avec la religion, ni avec la loi que nous devons le juger ici. […] Elle n’a pas à s’inquiéter si l’Évangile ou le Code condamne l’adultère : elle accepte la faute sans la juger.

903. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Il faut qu’il nous amène à juger que si Horace ne tuait pas sa sœur, ou Médée ses enfants, c’est alors que la nature ne suivrait pas son cours. […] Puis il y a une hiérarchie des genres, mais chaque genre a son idéal, sa perfection propre, absolue en soi ; et pour juger d’un ouvrage, il ne faut pas le comparer à d’autres de genre différent, mais le rapporter seulement au type déterminé par la définition du genre. […] Boileau, qui faisait la théorie de leur génie, estimait aussi la conciliation possible entre le goût du temps, qu’il jugeait légitime, et le vrai caractère des choses, qu’il ne consentait pas à dénaturer.

904. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

C’est une de leurs gloires, et, pour en bien juger, il suffit d’être mère, il suffit d’être femme. […] Ses défauts mêmes, cette humeur difficile, ces scrupules, cet entêtement pour les titres, la crainte de déroger presque plus forte que celle de mal faire, une ambition par tentations et par velléités, soit qu’il aimât mieux être jugé capable des places que de les prendre, soit que ce fût sa vocation de s’en approcher d’assez près pour voir ce qui s’y fait, et de n’y pas atteindre pour avoir le temps d’en écrire ; tout semblait l’inviter à être le grand peintre d’une époque de décadence. […] Louis XIV te jugeait bien.

905. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Si nous l’admettons, comment saurons-nous jamais discerner en tout cas la vraie supériorité, et pourrons-nous jamais juger de l’importance de l’humanité dans l’univers ? […] Il combattra quand il le jugera bon, mais ce qu’il combattra, ce qui lui semblera inférieur, il en comprendra la raison d’être et la réalisation possible. […] L’idéal qu’ils incarnent ne fût-il qu’un rêve irréalisable — ce dont il est impossible de juger — sa valeur esthétique s’élève parfois au-dessus de la société réelle qui le nie, qui l’étouffe et qu’il embellit.

906. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

La Revue Wagnérienne, partant des principes que nous estimons ceux du véritable wagnérisme, jugera, avec l’entière, l’absolue indépendance qu’exige sa situation spéciale et qui est incompatible avec les conditions d’existence de la plupart des autres publications, les faits wagnériens qui s’annoncent pour 1887. […] Lamoureux, ou, à Bruxelles, celle des administrateurs de la Monnaie, nous nous inspirerons pour les juger d’un wagnérisme sans compromis. […] Bibliographie11 [I] Richard Wagner jugé en France, par Georges Servières (un volume in-18, à la Librairie Illustrée, 3 fr. 50).

907. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Avant-propos Dans un livre récent sur « Richard Wagner jugé en France », M.  […] Nous sommes au contraire quelques-uns qui pensons que, si Wagner a jugé à propos d’excuser en quelque sorte auprès de ses auditeurs de la première heure son mot : « Vous avez un art ! » s’il les a jugés incapables de comprendre sa pensée, il n’en est pas moins vrai que ce cri de triomphe, qui s’est échappé de ses lèvres, est le seul qui émanât de sa pensée et le seul qu’il eût le droit de pousser.

908. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Le vrai moyen de juger M. de Voltaire est donc de se transporter dans l’avenir ; de se mettre à la place de nos Descendans ; de leur supposer des lumieres, du goût, de l’honnêteté ; & de prononcer ensuite, en tâchant d’être leur organe. […] Après avoir d'abord gardé quelques mesures, il a méconnu toutes les bienséances, & a insulté sa Nation, ou plutôt toutes les Nations, dès qu'il en a été mécontent : on peut en juger par son Discours aux Welches, ses Stances sur les Italiens, ses Satires contre les Allemands, ses Plaisanteries sur les Espagnols & les Portugais. […] Qu'on rapproche ce qu'il dit dans de certaines occasions, de ce qu'il débite dans d'autres ; qu'on rapproche ses sentimens d'humanité, du mépris qu'il témoigne pour l'humanité en général ; ses déclamations contre les vices, des peintures séduisantes qu'il en fait ; son enthousiasme pour les vertus, du ridicule qu'il leur donne ; ses élans affectueux pour la tolérance, de ses rigueurs impitoyables contre les abus : & on sera à portée de juger, que s'il a été quelquefois réellement pénétré des belles maximes qu'il énonce, il ne l'a pas moins été des maximes qui leur sont contraires, puisque celles-ci paroissent aussi senties, aussi vives, & qu'elles sont aussi fortement énoncées & plus souvent répétées que les autres.

909. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Telle on vous voit, Iris ; une glace fidèle Vous peut de tous ces traits présenter un modèle ; Et s’il fallait juger d’un objet aussi doux, Le sort serait douteux entre Vénus et vous. […] Vous en jugerez. […] Beauté qui triomphez de moi, Vous rêvez à je ne sais quoi Sans qu’on puisse juger quel chagrin est le vôtre.

910. (1842) Discours sur l’esprit positif

La saine philosophie ne sépare donc jamais la logique d’avec la science ; la méthode et la doctrine ne pouvant, en chaque cas, être bien jugées que d’après leurs vraies relations mutuelles : il n’est pas plus possible, au fond, de donner à la logique qu’à la science un caractère universel par des conceptions purement abstraites, indépendantes de tous phénomènes déterminés ; les tentatives de ce genre indiquent encore la secrète influence de l’esprit absolu inhérent au régime théologico-métaphysique. […] Tel est le double but philosophique de l’élaboration fondamentale, à la fois spéciale et générale, que j’ai osé entreprendre dans le grand ouvrage indiqué au début de ce Discours : les plus éminents penseurs contemporains la jugent ainsi assez accomplie pour avoir déjà posé les véritables bases directes de l’entière rénovation mentale projetée par Bacon et Descartes, mais dont l’exécution, décisive était réservée à notre siècle. […] L’esprit métaphysique, qui a souvent tendu à dissoudre activement la morale et l’esprit théologique, qui, dès longtemps, a perdu la force de la préserver, persistent néanmoins à s’en faire une sorte d’apanage éternel et exclusif, sans que la raison publique ait encore convenablement jugé ces empiriques prétentions. […] Ne pouvant empêcher le libre essor de la raison moderne chez les esprits cultivés, on s’est ainsi proposé d’obtenir d’eux, en vue de l’intérêt public, le respect apparent des antiques croyances, afin d’en maintenir, chez le vulgaire, l’autorité jugée indispensable. […] Quoique cette audacieuse mesure, si mal jugée d’ordinaire, fût alors prématurée, parce que ces graves inconvénients ne pouvaient encore être assez reconnus, il reste néanmoins certain que ces corporations scientifiques, avaient déjà accompli le principal office que comportait leur nature : depuis leur restauration, leur influence réelle a été, au fond, beaucoup plus nuisible qu’utile à la marche actuelle de la grande évolution mentale.

911. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Émile Augier » pp. 317-321

Lebrun en a jugé bravement, et, tout en désapprouvant la crudité de quelques couleurs, il n’a pas hésité à louer l’idée même, à l’absoudre au nom de la morale.

912. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

. — L'Ultramontanisme de Quinet a été fort sévèrement et fort judicieusement jugé par Lerminier dans la Revue des Deux Mondes ; Lerminier qui a, lui aussi, en son temps, connu les ivresses de la popularité et qui en a eu ensuite les déboires, était en mesure de faire la leçon à Quinet là-dessus : tout le détail de cet article et les remarques sur cette érudition confuse et fougueuse ont beaucoup d’à-propos et un grand caractère de raison.

913. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

Quant à la forme du vers, — peut-être par trop classiquement arrêtée, — tant discutée et attaquée, je n’ai pas la prétention ridicule de la juger, raisonnant : L’œuvre est-elle belle ?

914. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

» Eh bien, je vous affirme qu’à l’endroit où elle se trouve, cette petite phrase des faubourgs de la vie est plus conforme à je ne sais quel sourire auguste de notre âme que la page la plus éloquente sur la beauté des soirs… Un poète n’est jugé justement que par ceux qui l’entourent et par ceux qui le suivent.

915. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

On peut juger de ces leçons et de sa docilité par une lettre adressée au nom de mademoiselle de Rambouillet au marquis de Salle qui était à Strasbourg, et écrite sur le ton qu’elle lui prescrivit.

916. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 23-32

Vous pourrez en juger par cet échantillon.

917. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Il s’agissoit de juger les Ouvrages & les Auteurs.

918. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

Le Philosophe jugé au tribunal de la raison, par l’Abbé le Masson des Granges, est un livre plein de choses neuves & bien pensées.

919. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

C’est qu’il y a tant de choses qui tiennent au technique, et dont il est impossible de juger, sans avoir eu quelque temps le pouce passé dans la palette.

920. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

N’est-ce pas une façon de juger bien étrange que de ne regarder les Anciens que par leurs beaux côtés, comme vous faites, et que de fermer les yeux sur leurs défauts, et de n’avoir au contraire les yeux ouverts que sur les défauts des Modernes, et que de les tenir opiniâtrement fermés sur leurs beautés [?]

921. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

non ignara mali miseris succurrere disco. il est encore ordinaire de juger des mouvemens naturels du coeur en general, par les mouvemens de son propre coeur.

922. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Un peu d’attention sur ces tableaux fera juger que si Paul Veronése est un si méchant voisin pour Le Brun quant au coloris, le françois est encore un plus méchant voisin pour l’italien, quant à la poësie pittoresque et à l’expression.

923. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Une tour qui paroît à cinq cens pas du devant du bas-relief, à en juger par la proportion d’un soldat monté sur la tour, avec les personnages placez le plus près du bord du plan, cette tour, dis-je, est taillée comme si l’on la voïoit à cinquante pas de distance.

924. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

À ne juger donc que littérairement un ouvrage dont historiquement Barbier a très peu prouvé l’origine, nous n’acceptons pas, par respect pour la mémoire de madame de la Fayette, le cadeau qu’on veut faire aujourd’hui à une femme qui a trouvé dans un petit coin de son cœur un filon de génie, et qui peut se passer de tous les cadeaux avec la seule perle qu’elle porte à son front.

925. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Passons-lui donc d’avoir présenté la force comme la mesure de la grandeur des dieux ; laissons Jupiter démontrer, par la force avec laquelle il enlèverait la grande chaîne de la fable, qu’il est le roi des dieux et des hommes ; laissons Diomède, secondé par Minerve, blesser Vénus et Mars ; la chose n’a rien d’invraisemblable dans un pareil système ; laissons Minerve, dans le combat des dieux, dépouiller Vénus et frapper Mars d’un coup de pierre, ce qui peut faire juger si elle était la déesse de la philosophie dans la croyance vulgaire ; passons encore au poète de nous avoir rappelé fidèlement l’usage d’empoisonner les flèches 83, comme le fait le héros de l’Odyssée, qui va exprès à Éphyre pour y trouver des herbes vénéneuses ; l’usage enfin de ne point ensevelir les ennemis tués dans les combats, mais de les laisser pour être la pâture des chiens et des vautours.

926. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Quant à la tentative de Mistral, je me récuse, je ne suis pas en état de la juger, car j’ignore le provençal ; je ne sais pas quelles ressources le vocabulaire de cette langue offre au rimeur pour éviter la monotonie. […] Nous auriez-vous donné ces vers pour que nous les jugions : rari nantes in gurgite vasto ? […] Autant que |e puis en juger par les traductions des vers de Mistral, je crois que celui-ci est un fort bon poète, une sorte de Théocrite très nourri de Virgile. — Il est possible, qu’étant données les sonorités et les rythmes spéciaux au provençal, sa tentative donne de bons résultats. […] Attendons l’œuvre pour la juger. […] Jugez par là de la place qu’il me faudrait pour répondre aux autres qui n’embrassent pas moins que le présent et l’avenir de la Poésie !

927. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Nous les voyons agir, nous les écoutons parler, nous les jugeons, nous déclarons qu’ils sont intelligents, honnêtes, ou le contraire. […] Donc on s’abstiendra de juger. […] Jules Lemaître ne s’est soustrait à l’obligation de juger. […] En fait, nul n’échappe à cette nécessité de juger : ni les partisans de la méthode historique, Taine ayant jugé, « proscrit » et « pardonné » autant qu’homme du monde ; ni les représentants de l’impressionnisme, M.  […] Mais il a maintenu avec autant de fermeté le droit qu’elle a de juger les œuvres au nom d’un idéal.

928. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Voilà l’idée essentielle de La Rochefoucauld ; et nous nous plaignons d’avoir été jugés sévèrement par lui ! […] Ceux qui l’ont vu autre chose ne connaissaient pas l’homme et l’ont jugé à l’étourdie. […] Elle consiste, non pas à se détacher de soi, ce qui sans doute serait malaisé, non pas à être autre que soi-même, non pas à juger contre soi, ou hors de soi ; mais à juger avec les parties de soi-même qui sont le moins des formes du tempérament, et le plus des facultés pénétrées et modelées par l’expérience, par l’étude, par l’investigation, par le non-moi. […] Brunetière d’une haute conscience et d’une énergique volonté ; car, on le sent, nul ne serait naturellement plus porté que lui à juger par humeur. […] Sarcey racontait clairement, puis jugeait avec netteté et franchise.

929. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Deux auteurs modernes, Mme de Staël et M. de Rivarol, ont aussi jugé le tragique anglais. […] Le prêtre institua des juges et leva des soldats, ou même jugea et combattit lui-même, et l’esprit de chaque ordre fut altéré, en même temps que les propriétés furent confondues. […] Un auteur qui aurait une pareille prétention ne serait-il pas déjà jugé ? […] D’où il résulte que Tacite avait conçu l’idée d’un gouvernement à peu près semblable à celui de l’Angleterre, et qu’en le regardant comme le meilleur en théorie, il le jugeait presque impossible en pratique. […] Le juge souverain peut-il, sans inconvénients, s’exposer à être jugé ?

930. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Si nous jugeons, si nous critiquons, si nous commentons en nous-même les sons qui frappent nos oreilles, la parole intérieure reparaît. […] Mais il ne faut pas juger Cardaillac sur ces apparences : le mot nécessité n’a pas pour lui le même sens que pour un Bonald ; il appelle ainsi un très haut degré d’utilité ; les passages83 dans lesquels il contredit à l’occasion sa formule de la nécessité font plus d’honneur à son sens psychologique qu’à la rectitude logique de son esprit. […] On jugera de l’importance que l’auteur attribue au phénomène par cette remarquable définition de l’acte de penser : « réveiller, au moyen des signes du langage, reproduits subjectivement, une série de notions déjà classées, pour les comparer soit entre elles, soit à des souvenirs, soit à des perceptions actuelles. […] De plus, il y a quelque chose que nous savons être contenu dans le discours, … l’affirmation et la négation ; quand cela se fait en silence dans l’âme par la pensée […], il faut l’appeler opinion […], … et imagination quand cet état de l’âme n’est pas l’ouvrage de la pensée, mais de la sensation » ; etc. — Théétète, p. 189-190 : « J’entends par pensée… un discours que l’âme s’adresse à elle-même sur les objets qu’elle considère… ; il me paraît que l’âme, quand elle pense, ne fait autre chose que s’entretenir avec elle-même, interrogeant et répondant, affirmant et niant, et que, quand elle se décide, … c’est cela que nous appelons juger ; ainsi juger, selon moi, c’est parler, et le jugement […] est un discours prononcé, non à un autre de vive voix, mais en silence et à soi-même […] ; juger qu’une chose est une autre, c’est se dire à soi-même que telle chose est telle autre » ; etc. — Cf. 

931. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Des critiques qui ne me connaissent pas et qui sont promptes à juger des autres par eux-mêmes m’ont prêté, durant cette dernière partie de ma vie si active, bien des sentiments, des amours ou des haines, qu’un homme aussi occupé que je le suis et changeant si souvent d’études et de sujets n’a vraiment pas le temps d’avoir ni d’entretenir. […] J’ai eu souvent à me louer d’articles très-bienveillants, et, autant que je pouvais me permettre d’en juger, fort bien faits, mais tous conçus à un point de vue purement littéraire et contenant des jugements plus que des faits. […] Borgnet, recteur, un homme équitable et juste, et dans le public et dans la jeunesse une disposition à l’écouter avant de le juger. […] H…, qui ayant vu venir des soldats se ranger sur la place avait voulu aussi savoir ce qui se passait, et avait choisi ce poste d’observation, s’y croyant parfaitement en sûreté et espérant bien de là juger de la situation.

932. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

J’ai sous les yeux trois articles favorables et fort judicieux du Journal de Paris (de germinal an x) ; ils sont écrits au point de vue du christianisme pratique, et l’usage tout poétique et sentimental qu’on fait de la religion y est indiqué comme un danger ou du moins comme un affaiblissement d’une chose auguste et sévère. « Au reste, dit en finissant le critique anonyme, on nous annonce depuis longtemps, et je crois même qu’on publie déjà un ouvrage plus considérable ayant, dit-on, pour titre : Des Beautés poétiques, ou seulement Des Beautés du Christianisme, et dont ce livre-ci paraît être l’avant-coureur ; semblables à ces petits aérostats qu’on a coutume de faire partir avant les grands pour juger des courants de l’atmosphère. […] Un déluge de maux couvre la terre ; une arche flotte au-dessus des eaux, comme jadis celle qui portait la famille du Juste ; mais cette arche-ci est demeurée vide, nul n’a été jugé digne d’y entrer !  […] Tout invincible qu’il était, il aurait fini par comprendre qu’il y avait quelque chose de jugé sans retour et qui, d’agonie en agonie, achevait d’expirer. […] Or, en faisant ainsi pour Ballanche, je me trouvai, sans y songer, avoir violemment choqué les hommes qui jugeaient 1815 et les Bourbons, la Convention et le régicide, à un tout autre point de vue que le sien et avec des sentiments contraires.

933. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Rien n’est plus propre d’ailleurs à faire juger de ce que je puis faire en ce genre… Et encore : J’ai fait hier une importante découverte sur la théorie du jeu en parvenant à résoudre un nouveau problème plus difficile encore que le précédent, et que je travaille à insérer dans le même ouvrage, ce qui ne le grossira pas beaucoup, parce que j’ai fait un nouveau commencement plus court que l’ancien… Je suis sûr qu’il me vaudra, pourvu qu’il soit imprimé à temps, une place de lycée ; car, dans l’état où il est à présent, il n’y a guère de mathématiciens en France capables d’en faire un pareil : je te dis cela comme je le pense, pour que tu ne le dises à personne. […] Rien ne nous a mis plus à même de juger combien ce qui dominait chez M.  […] S’ils se sentent pénétrés et jugés par l’esprit supérieur auquel ils ne peuvent refuser une espèce de génie, les voilà maintenus, et volontiers ils lui accordent tout, même ce qu’il n’a pas. […] Ampère aimait ou parfois craignait les hommes, il s’abandonnait à eux, il s’inquiétait d’eux ; il ne les jugeait pas.

934. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

C’est la seule autorité sans contrôle ; c’est l’homme spirituel de saint Paul, qui juge tout et n’est jugé par personne. […] Il est impossible que deux esprits bien faits envisageant le même objet en jugent différemment. […] Jugez combien elle prête à la brutalité. […] Le bon sens est partiel ; il n’envisage son opinion que par le dedans et n’en sort jamais pour la juger du dehors.

935. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Au lieu d’ouvrir les yeux, d’observer l’homme et la nature, de grossir le bagage scientifique transmis par les siècles, on jugeait de la vérité par ouï-dire, sur la parole d’un ancien. […] Il prouve la nécessité de connaître, pour en juger les effets, le ressort essentiel de tout système scolaire. […] Elle exclura l’abbé de Saint-Pierre pour avoir osé juger avec sévérité le souverain défunt. […] Bien que l’auteur m’eût demandé communication de mon livre épuisé en librairie, il a jugé bon de le passer sous silence.

936. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Les deux Nouvelles que publie la Bibliothèque des chemins de fer laissent le regret que les œuvres complètes d’Edgar Poe n’aient pas rencontré un traducteur qui nous mît à même de juger l’auteur américain dans toute la variété de ses inspirations et chaque scintillement de son génie. […] pas sur une analyse à course de plume comme la nôtre, qu’on peut juger de l’effet produit par Edgar Poe sur l’esprit fasciné et presque asservi de son lecteur. […] Grâce à cette traduction supérieure, qui a pénétré également la pensée de l’auteur et sa langue, nous avons pu aisément juger de l’effet produit par l’excentrique américain. […] Tel est le double caractère du talent, de l’homme et de l’œuvre que la traduction française, qui est très bien faite, nous a mis à même de juger : la peur et ses transes, la curiosité et ses soifs ; la peur et la curiosité du surnaturel dont on doute, et, pour l’expliquer, toutes les folies d’une époque et d’un pays matérialiste qui effraye autant qu’il attire.

937. (1739) Vie de Molière

Il accoutuma le public, en lui faisant connaître la bonne comédie, à le juger lui-même très-sévèrement. […] Les hommes jugent de nous par l’attente qu’ils en ont conçue ; et le moindre défaut d’un auteur célèbre, joint avec les malignités du public, suffit pour faire tomber un bon ouvrage. […] Il eût été plus honorable pour la nation, de n’avoir pas besoin des décisions de son maître pour bien juger. […] On peut juger qu’un homme qui n’a pas assez d’esprit pour mieux cacher sa vanité, n’en a pas assez pour faire mieux que Molière.

938. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

On parle du livre que celui-ci vient de faire paraître ; il en demande son avis à l’officier, qui lui répond d’abord : « Je ne suis guère en état d’en juger ; ce n’est pas un livre fait pour moi, je suis trop vieux », donnant à entendre qu’en vieillissant, le goût, comme le palais, devient plus difficile. […] Étienne à l’Institut, en 1811 ; lui, il n’était pas évêque ni archevêque, mais il était grand maître de l’Université, et c’est par égard, — par un égard un peu exagéré, — pour la gravité de l’hermine dont il était revêtu, qu’il se crut obligé de dire au récipiendaire : « Je n’ai point vu la représentation de vos Deux Gendres, je ne puis donc juger de tout leur effet, mais j’ai eu le plaisir de les lire, etc. » 82.

939. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Jugé digne de succéder à Buffon pour son fauteuil à l’Académie française, choisi pour son médecin par la reine Marie-Antoinette, Vicq d’Azyr embrasse dans sa courte et brillante carrière tout l’espace qui fut accordé à ce règne de Louis XVI depuis Turgot jusqu’au 21 janvier : après en avoir partagé et secondé dans sa mesure toutes les réformes et les espérances, il survit peu à cette ruine, à celle des académies dont il était membre, et de la société savante dont il était l’âme ; il périt comme une victime morale, sous une impression visible de deuil et de terreur. […] Au retour, on jugea indispensable de maintenir des correspondances, de recueillir et de comparer les observations, tant sur ce sujet que sur plusieurs autres qui intéressent la santé publique.

940. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Celui-ci commençait à sentir vivement les inconvénients et les impossibilités de sa position en Espagne ; il avait écrit une lettre à la reine Julie, alors à Paris, dans laquelle il parlait d’abdiquer, de se retirer en simple particulier à Morfontaine : Il est bon que vous alliez près de lui, disait Napoléon à Rœderer (mars 1809) ; il continue à faire des choses qui mécontentent l’armée, il fait juger par des commissions espagnoles les Espagnols qui tuent mes soldats. Il ignore que partout où sont mes armées, ce sont des conseils de guerre français qui jugent les assassinats commis sur mes troupes… Il veut être aimé des Espagnols, il veut leur faire croire à son amour.

941. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

» Et quand ses médecins jugeaient à propos de le saigner, il lui fallait donner sa pertuisane qu’il avait au chevet de son lit, pour lui servir de bâton dans la faiblesse ; il n’en voulait point d’autre22. […] Ces pages sont assurément les meilleures qu’il ait écrites, et il ne faudrait pas juger par là du reste.

942. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Il n’avait que vingt ans quand il fut couronné par l’Académie française pour cet Éloge, qu’il n’a sans doute pas jugé depuis assez mûr. […] Ceux qui ont parcouru ces époques et qui croient les juger sans amour et sans haine ne laissent pas d’être étonnés de cet enthousiasme un peu vague, de cette admiration un peu confuse et indistincte de la part d’un esprit aussi juste : car enfin toutes ces années, déjà anciennes, ne se ressemblaient pas ; ces régimes, à les prendre dans le détail et à les vivre jour par jour, étaient fort différents entre eux, et il y a eu bien des moments.

943. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Mélanges scientifiques et littéraires12 Lundi 24 février 1862 C’est un grand désavantage d’avoir à parler d’un homme éminent lorsqu’on ne peut se transporter tout d’abord au cœur de son œuvre et au centre de sa supériorité, lorsqu’on est obligé de se tenir dans les dehors en quelque sorte et les accessoires ; il est périlleux de prétendre juger d’un pays dont on n’a pas visité la capitale (si capitale il y a) et qu’on n’a traversé et entamé que par les bords. […] Biot, parce que pour une raison ou pour une autre, et sans doute parce qu’il l’estimait trop accentué dans le sens philosophique, dans le sens de Condorcet dont il était fort revenu, il n’a pas jugé à propos de le recueillir dans ses trois volumes de Mélanges.

944. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Le caractère des dessins que je n’ai pas qualité pour juger est pur, simple, linéaire ; l’artiste, évidemment, s’est attaché à interpréter le plus possible son auteur dans le sens délicat et chaste, dans l’intention du beau pur ; il ne faut chercher ici rien de ce que les gravures du Régent faisaient saillir, l’ingénuité traduite spirituellement, galamment, et même avec une pointe de libertinage. […] Ne jugeons pas les produits et les fleurs d’une civilisation avec les idées d’une autre.

945. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Mais j’en reviens aux premiers temps, à ceux dont j’ai pu juger comme témoin et assistant, parfois comme pèlerin aussi de ces bons et vieux arts. […] Viollet-Le-Duc, qui démontrera et justifiera dans le détail cette manière de juger et de considérer l’art romain, nous offre, en maint endroit de ses Entretiens, des passages frappants qui font portrait : « Le Romain est avant tout politique et administrateur, il a fondé la civilisation moderne ; est-il artiste comme l’étaient les Grecs ?

946. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Nous n’avons pas à juger, nous racontons. […] On en jugera par quelques extraits.

947. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Ils sont érudits ; mais ils n’approfondissent ni les idées, ni les hommes, soit qu’il y eût véritablement du danger, sous les gouvernements italiens, à juger philosophiquement les institutions et les caractères ; soit que ce peuple, jadis si grand, et maintenant avili, fût, comme Renaud chez Armide, importuné par toutes les pensées qui pouvaient troubler son repos et ses plaisirs. […] On doit juger cependant de ce qu’aurait été la littérature espagnole, par quelques essais épars qu’on en peut encore recueillir.

948. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Jacques Morland Pour bien juger l’Académie française il faut ne pas oublier qu’elle est un salon qui a la charge de maintenir et de défendre parmi nous la tradition. […] Il faut se sentir bien humble en vérité pour se juger honoré par les honneurs, surtout lorsqu’on est à l’abri des moyennes spéculations vaniteuses et mercantiles.

949. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

4º Et en même temps encore, par le respect que les hommes qu’elle estime professent pour le parlementarisme national, pour les campagnes électorales, et, par les simulacres que cette jeunesse s’offre de ces jeux (conférence Molé, association des Étudiants…), elle s’assimile le goût de la propagande populaire, de la prédication morale et sociologique, elle désire répandre sa bonne parole, et conformer sur le modèle, par elle jugé le meilleur, ses contemporains ductiles. […] Radiot, comme les socialistes, a jugé le monde organisé sottement et injustement.

950. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Si quelqu’un te fait un procès pour ta tunique, abandonne-lui ton manteau 231. » « Si ton œil droit te scandalise, arrache-le et jette-le loin de toi 232. » « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent ; priez pour ceux qui vous persécutent 233. » « Ne jugez pas, et vous ne serez point jugé 234.

951. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Martial a très bien jugé ses propres épigrammes ; pourtant, s’il avait fallu faire un choix, un triage dans un si grand nombre de pièces, est-ce Martial qui en eût été le plus capable ? […] On va en juger par la courte narration que j’essaierai de faire, et dans laquelle je résumerai ce qu’on sait de précis sur l’histoire de cette congrégation.

952. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Cependant, comme je ne voyais pas que ces voyages fissent l’effet qu’il devait désirer, et qu’au contraire je jugeais, par ce que lui-même me disait, qu’au commencement ils avaient aigri Sa Majesté, et qu’ensuite elle s’en était moquée, je ne pus jamais avoir la complaisance d’applaudir à cette conduite, et je lui dis que je ne croyais pas qu’il fût prudent de donner de petits déplaisirs à quiconque pouvait si aisément lui en donner de grands. […] Pour la perte de ma fortune, je n’y fus pas trop sensible ; je n’avais jamais pu me persuader que les espérances que l’on me donnait fussent solides, quoiqu’à juger par toutes les apparences, le succès en fût indubitable ; mais perdre une si grande, si parfaite, si bonne princesse, une princesse qui pouvait réparer le tort que ma chute m’avait fait ; non, si j’avais eu le cœur véritablement délicat et sensible, il m’en devait coûter la vie.

953. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Otez à Watteau ses sites, sa couleur, la grâce de ses figures, celle de ses vêtements, ne voyez que la scène, et jugez. […] Ils le jugent, ils l’interpellent lui-même.

954. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Tu vivrais honoré au centre de ta famille, si tu avais été jugé par les règles, et tu as péri et tu étais innocent, bien que tu fusses et que tu étais réputé coupable et par tes juges, et par la multitude de tes compatriotes. ô juges ! […] Cela n’est absolument que poché, mais charmant, expressif, plein de vie et d’esprit ; cependant couvrez l’instrument, et vous jugerez que c’est un fumeur.

955. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

S’il est très vrai, comme on disait autrefois, qu’une bonne comédie ne se peut juger qu’aux chandelles, il n’est pas moins véritable qu’il y a comme un jugement d’appel à porter sur elle et qui ne se peut porter qu’à la lecture. […] Surtout, c’est en lisant qu’on peut relire, et ce n’est qu’en relisant qu’on peut bien juger, non seulement du style, mais de la composition, de la disposition des parties et du fond même, j’entends de l’impression totale que l’auteur a voulu produire sur nous et de la question s’il l’a produite en effet ou non, ou seulement à demi.

956. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Ils nous balaient d’un sourire, nous jugent d’un haussement d’épaules, nous exécutent d’un tour de main. […] On propose une doctrine ; c’est elle seulement qu’il faut juger.

957. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Elle a jugé à propos, pour l’instruction des hommes de faire connaître une seule fois les moyens qu’elle emploie toujours. […] C’est ce qui me fait désirer que le lecteur arrive jusqu’à la fin de cet ouvrage avant de le juger.

958. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

D’écrivain délicieusement personnel, Gustave Droz est passé romancier impersonnel et pénétrant, et c’est comme romancier qu’il faut le prendre et le juger. […] Tous ceux qui l’ouvriront jugeront facilement du talent dont il est rempli.

959. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Il était chez lui, et, sans le savoir, il se jugeait lui-même. […] Ce n’est pas, comme vous pouvez juger, que je veuille ôter à votre générosité tous les avantages qu’elle mérite : car je sais fort bien que, si vous en aviez besoin, elle vous ferait surmonter toutes ces choses pour ne manquer jamais à aucun devoir ; mais je vous avoue que je ne suis guère plus persuadée de l’amitié que vous avez pour vos amis, que je ne la suis de votre hardiesse.

960. (1898) La cité antique

Il ne jugeait pas possible que deux héritages fussent réunis sur une même tête, parce que deux cultes domestiques ne pouvaient pas être servis par la même main. […] Il ne faut pas juger de la clientèle des temps antiques d’après les clients que nous voyons au temps d’Horace. […] Il ne faut pas juger l’Énéide avec nos idées modernes. […] On peut juger de l’importance de cette cérémonie par le pouvoir exorbitant du magistrat qui y présidait. […] Rome avait un préteur pour juger l’étranger (praetor peregrinus).

961. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Quand on jugeait que, par extraordinaire, j’avais été sage, pour me récompenser, grand-père m’emmenait au Luxembourg. […] Je jugeais prudent de ne pas le brusquer. […] Ainsi transformée, je fus jugée digne d’être présentée à la supérieure du couvent. […] J’avais été surprise au cours de cette innovation, et l’on jugeait prudent de m’adjoindre une surveillante. […] Il jugeait bien audacieux de décider de cela.

962. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

En commençant, il a rendu au premier empereur une justice à quelques égards éclatante, et il est impossible de ne pas remarquer combien cette grande figure de Napoléon gagne chaque jour dans la perspective : ceux qui l’on combattu à l’origine n’ont plus, même quand ils le jugent, que le langage magnifique de l’histoire.

963. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVI » pp. 64-69

Nous (la Revue suisse) n’avons pas à le juger politiquement ; mais, à entendre dans cette bouche éloquente ce torrent de magnifiques paroles en sens tout contraire au courant d’hier, nous nous sommes rappelé involontairement ces vers d’Homère (Hiade, XX, c’est Énée qui parle) : « La langue des hommes est flexible, et elle a toutes sortes de discours — de toutes les couleurs, — et le pâturage des paroles s’étend çà et là. » Le noble Pégase a déjà parcouru en bien des sens le pâturage immense, tant sur la rive droite que sur la rive gauche, depuis le jour où d’un coup de son ongle sonore il faisait jaillir au début l’ode sur le duc de Bordeaux : Il est né l’Enfant du miracle.

964. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chénier, André (1762-1794) »

Il faut jeter le livre ou se résoudre à le relire souvent ; ses vers ne veulent pas être jugés, mais sentis.

965. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

La matiere mise en délibération, ils convinrent qu’on lui députeroit en poste un d’entre eux, avec pouvoir de l’interroger juridiquement, & de juger s’il avoit les qualités nécessaires pour former un bon Historien ; mais principalement pour s’éclaircir s’il savoir le Grec.

966. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

Or, voici deux fragments que je n’avais pas jugé à propos de produire, et qui me justifieront peut-être si je n’ai pas fait d’Hégésippe Moreau un plus grand caractère politique et un plus grand citoyen.

967. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Le procès alloit être jugé, lorsqu’il mourut à Venise, où il s’étoit transporté pour les poursuivre.

968. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

Il est naturel qu’ils jugent de la délicatesse de leurs enfans, par la délicatesse dont ils ont été durant leur enfance.

969. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

Comparez-le à Bourdaloue, et jugez-les dans ce rapprochement tous les deux !

970. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

On peut très bien enlever à son recueil un médaillon, une incrustation, une arabesque, et les juger ainsi détachés ; mais comment enlever, sans la briser, un fragment d’une boiserie de chêne sans ornementation d’aucune sorte, quand toute la valeur de cette sérieuse boiserie est dans l’étendue et l’accord majestueux de ses panneaux ?

971. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

parce que, Sainte-Beuve l’a vu, aucune de ces questions n’est indifférente pour juger l’auteur d’un livre et le livre lui-même.

972. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Prenons garde à leur administration, et jugeons des ouvriers selon les œuvres. […] Jugez si, en cette dernière brouillerie142, il se pouvait rien désirer de mieux que ce qui s’y est fait, et si, sans sortir de la modération requise en une affaire si épineuse, la dignité royale n’a pas été remise en un point, où ceux que l’on ne peut empêcher de la haïr, seront pour le moins empêchés de l’offenser. […] Toute la difficulté qui s’y est trouvée, c’est que, ayant été jugé que, pour l’exécution de ce dessein, il était nécessaire que le gouvernement du Havre fut entre ses mains, et le roi le lui ayant voulu acheter, il n’a jamais été possible de le lui faire prendre qu’en lui permettant de le récompenser de son propre argent. […] Mais je sais que juger est un métier que tout le monde ne sait pas faire : il y faut de la science et de la conscience, qui sont choses qui ne se rencontrent pas souvent en une même personne. » N’est-ce pas là une belle définition des devoirs de la critique, et qu’a-t-on trouvé de mieux après deux siècles ? […] On a pu juger du défaut au point de départ.

973. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Il serait assurément fort injuste de juger Plaute, Térence, Molière, en un mot l’école de Ménandre, en prenant pour mesure et pour terme de comparaison les poétiques merveilles d’Aristophane et le vieil idéal comique disparu ; il faut juger les poètes de la comédie nouvelle d’après un idéal nouveau. […] Si une ville de l’antiquité avait adopté la constitution développée dans le second ouvrage de Platon, les citoyens de cette ville auraient été comparés entre eux et jugés d’après la conformité de leur conduite avec l’idéal inférieur des Lois. […] Ce trait, du genre d’Aristophane, bien rendu par l’acteur, est d’un grand effet, et nous pouvons juger par là de la force comique du poète grec89. […] Nous aurons toujours présent à l’esprit que la comédie latine n’offre qu’une image effacée et peut-être défigurée de la comédie attique, afin de pouvoir juger si l’auteur français aurait surpassé les Grecs eux-mêmes, supposé que leurs ouvrages fussent parvenus jusqu’à nous.

974. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Je ne peux pas et je ne veux pas le juger ici. …………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………… L’histoire jugera dans quelques années ; je n’ai pas d’humeur contre l’histoire. […] Il jugea donc à propos de temporiser trois ou quatre mois, souffrant en silence et se ménageant une occasion de retraite. […] Mais, devenu trop différent avec les années, il ne m’appartient aujourd’hui ni de la juger, cette moitié du moi d’alors, ni même d’essayer de la définir. […] Si, à l’ouverture du volume nouveau, ces personnes pouvaient croire que j’ai voulu quitter ma première route, je leur ferai observer par avance que tel n’a pas été mon dessein ; qu’ici encore c’est presque toujours de la vie privée, c’est-à-dire, d’un incident domestique, d’une conversation, d’une promenade, d’une lecture, que je pars, et que, si je ne me tiens pas à ces détails comme par le passé, si même je ne me borne pas à en dégager les sentiments moyens de cœur et d’amour humain qu’ils recèlent, et si je passe outre, aspirant d’ordinaire à plus de sublimité dans les conclusions, je ne fais que mener à fin mon procédé sans en changer le moins du monde ; que je ne cesse pas d’agir sur le fond de la réalité la plus vulgaire, et qu’en supposant le but atteint (ce qu’on jugera), j’aurai seulement élevé cette réalité à une plus haute puissance de poésie.

975. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Boileau en a bien jugé : Les héros, chez Quinault, parlent tout autrement, Et jusqu’à Je vous hais, tout s’y dit tendrement. […] … Mais nous, qui d’un autre œil jugeons les conquérants, Nous savons que les dieux ne sont pas des tyrans ; Et de quelque façon qu’un esclave le nomme, Le fils de Jupiter passe ici pour un homme. […] On en jugeait ainsi chez les anciens, quoique la femme n’y fut pas l’égale de l’homme. […] Pour le juger à son prix, il faut fermer les oreilles aux séductions de sa poésie, et chercher sous les grâces de l’exécution ce travail de fondation, qu’il en regardait comme la plus solide partie. […] Dirai-je, en ce qui me touche, que voulant, sur la foi de sa parole, le juger par où il croyait avoir le plus mérité de son art, j’ai mis en prose certaines de ses tragédies, pour mieux en apprécier la conduite, et que ce simple canevas me donnait une plus haute idée du génie de Racine que toutes les splendeurs de ses vers ?

976. (1879) À propos de « l’Assommoir »

S’il pouvait, je ne dirai pas convaincre quelques personnes, mais les décider à faire consciencieusement l’étude que j’ai faite, à examiner les documents et à juger sans parti pris, mon but serait pleinement atteint. […] Ces souvenirs lui revinrent, et il fut bientôt persuadé que les phénomènes d’hérédité fournissaient une liaison suffisante à une série de romans dont chaque volume serait un tout, et qui pourtant ne pourrait être comprise et jugée que dans son ensemble. […] * On a beaucoup reproché à un romancier d’avoir jugé d’autres romanciers ; on trouve là de l’indélicatesse. […] Busnach, est très parisien, et connaît le théâtre pour s’y être fait maintes fois applaudir, ont jugé prudent de décrasser les personnages, volontairement repoussants, ignobles ou bêtes, que M.  […] Zola eut beau déclarer qu’il ne demandait qu’à rester chez lui bien tranquille, qu’à écrire en paix ses articles et ses livres, qu’à les voir juger sans passion ; qu’il était d’ailleurs complètement en dehors de la question de théâtre : on s’obstina à livrer contre lui une bataille qu’il n’acceptait pas, et, plus tard, à lui reprocher les défauts d’une pièce à la rédaction de laquelle il est resté étranger, qu’il n’a pas signée, mais qu’il n’a pas éreinté non plus, ainsi que le prédisaient ses ennemis.

977. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Pour ne pas les entendre, on s’abîma de plus en plus dans le tourbillon des voluptés et des intrigues ; en partie volonté, en partie fatalité, on s’étourdit sur les dangers de sa postérité et d’un avenir qu’on ne jugeait pas si prochain : l’illusion de cette cour usée semblait un rêve de la caducité délirante.

978. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — III »

Si madame de Maintenon eût vécu jusque-là, elle n’eût ni plus sagement conté, ni jugé plus sainement ; il semblerait en vérité que le Palais-Royal n’en sût pas plus que Trianon.

979. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Œuvres de jeunesse pour la plupart, autant que nous en pouvons juger, les pièces qu’il publie n’ont pas un mérite d’art assez éminent pour faire oublier toujours l’uniformité ou même le vide du fond.

980. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Bœrne. Lettres écrites de paris pendant les années 1830 et 1831, traduites par M. Guiran. »

A part ce que l’écrivain allemand a de plus vif dans la manière, et aussi de plus sautillant, de plus décousu, c’est bien chez lui la même espèce d’opinions démocratiques, la même curiosité active et honnête, la même promptitude à juger, quelque chose de rapide dans le discernement, et de moins profond qu’on ne désirerait.

981. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Dans la position toute particulière où il se trouve depuis quelques mois, personnage politique important, ballotté par les conjectures diverses de l’opinion, jugé avec une sévérité équitable pour avoir déserté un admirable rôle en une circonstance récente, désigné pourtant encore comme ressource prochaine et dernière d’un système qui a usé tous ses hommes, comment M. 

982. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

Déjà placé trop haut pour descendre aux exclusions de partis, de plain-pied avec tout ce qui était supérieur, il devint en même temps l’ami de David, qui avait jugé le roi, et de Delille, qui l’avait pleuré.

983. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

Karr et d’Aubryet, sa manière fut jugée violemment réaliste.

984. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

Pour juger des progrès qu’elle eût pu faire dans l’érudition, il suffit de lire ses Considérations historiques & politiques sur les impôts des Egyptiens, des Babyloniens, des Perses, des Grecs, des Romains, & sur les différentes situations de la France, par rapport aux finances, depuis l’établissement des Francs dans la Gaule, jusqu’à présent.

985. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Cela est aussi bien jugé que mal dit.

986. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

Quant aux principes sur lesquels elle s’appuie… pour clouer, — cette Critique, qui n’est, telle que nous la concevons, ni la Description, ni l’Analyse, ni la Nomenclature, ni la Sensation morbide ou bien portante, innocente ou dépravée, ni la Conscience de l’homme de goût, c’est-à-dire le plus souvent la conscience du sentiment des autres, toutes choses qu’on nous a données successivement pour la Critique, elle les exposera certainement dans leur généralité la plus précise, mais lorsque l’auteur des Œuvres et des Hommes arrivera à cette partie de son Inventaire intellectuel, intitulée : Les Juges jugés ou la Critique de la critique… Seulement d’ici-là, sans les formuler, ces principes auront rayonné assez dru dans tout ce qu’il aura écrit, pour qu’on ne puisse pas s’y tromper.

987. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Mais ce que nous avons vu avec bonheur, et ce que la Critique marquera comme un affermissement de l’intelligence de Méry dans une voie où cette intelligence devait s’avancer hardiment en raison même de l’élévation de sa nature, c’est la mâle et saine manière de penser sur les choses religieuses qui sont le fond de cette grande histoire, que Gibbon, malgré un talent qui approchait du génie, n’a pas su juger parce qu’il n’était pas chrétien.

988. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

J’expose et mets en regard ces deux manières sans avoir la prétention de les juger, ni d’assigner la préférence à l’une ou à l’autre. […] Mais ne vous hâtez pas de juger : il se fortifie avec son siècle ; il a vaincu, réparé cette disposition première contre laquelle il est en garde ; il ne lui est resté que l’agrément. […] Villemain pour lui demander, au moment où je m’occupais de son Portrait, son acte de naissance : cet homme d’esprit, qui était une coquette, m’aurait jugé là-dessus et m’eût répondu par une plaisanterie.

989. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Les deux diplomaties furent jugées. […] XV Il en fut de même, enfin, pour la Pologne, quand, à la tête d’une émeute de trente mille vociférateurs recrutés dans les rues de Paris, les Polonais voulurent nous imposer la folie d’une déclaration de guerre au continent tout entier pour la cause malheureusement trois fois jugée de la Pologne. […] Cet habile négociateur jugea, au contraire, qu’il était de l’intérêt bien entendu de la France de s’allier avec la maison d’Autriche pour empêcher la Russie de déborder trop irrésistiblement sur l’Occident, et pour empêcher la Prusse de créer à son profit cette unité ambitieuse de l’Allemagne qui étoufferait sous sa masse toute influence française sur le Rhin et au-delà du Rhin.

990. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Pour bien se conduire avec les enfants, il faut prendre leurs yeux et leur cœur, voir et sentir à leur portée et les juger là-dessus. […] Au sortir de là, le monde est jugé, on y tient moins. […] Lisez les lignes suivantes, et jugez combien la piété bien entendue et bien sentie s’étend à tout, depuis l’étoile incommensurable jusqu’au pauvre petit chien qui n’a que ses deux pattes à laisser à sa maîtresse.

991. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Qui donc le jugeait déjà comme devait faire la postérité ? […] ou se jugea-t-il plus sévèrement que ses contemporains ? […] Ainsi Ronsard ne paraît le plus souvent se connaître que par l’opinion qu’avaient de lui ses contemporains, et ne se juger que par le bruit qu’il faisait.

992. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Mais nous jugeâmes qu’il valait mieux obéir ponctuellement aux ordres du Roi. » La Fontaine, cette fois, a envie de rester quelque part et de laisser Jannart aller en avant, seulement il dit : « Non, il vaut mieux obéir ponctuellement aux ordres du roi. » Il semble bien qu’il doit y obéir lui personnellement, et, pour moi, je crois à un voyage forcé. […] Je prétends les surpasser tous et que vous ne sauriez vous acquitter envers moi, si vous ne me souhaitez d’aussi bonnes nuits que j’en aurai de mauvaises avant que notre voyage soit achevé. » Vous verrez, quand je vous lirai ce qu’il dit de sa cousine de Châtellerault, qu’il la donne comme grande liseuse de romans et qu’il ajoute : « C’est à vous, qui les aimez fort aussi, de juger quelle conséquence on en peut tirer. » Il a déjà fait ce reproche à sa femme dans sa première lettre. […] Je ne vous en saurais apprendre autre chose, sinon qu’elle aime fort les romans ; c’est à vous, qui les aimez si fort aussi, de juger quelle conséquence on en peut tirer. » Voilà le portrait d’une jeune cousine de La Fontaine ; voilà une jeune fille dont on ne dit pas le nom et qui, cependant, est immortelle.

993. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Les deux volumes que voici n’ajoutent pas un iota à ce génie que j’ai suivi, reconnu, décrit et jugé tant de fois dans ses œuvres. […] Vous le voyez, Victor Hugo nous met fort à l’aise quand il s’agit de le juger ! […] Quant aux vers qui entrelardent cette maigreur, ils ne sont pas différents des autres vers de leur auteur que par leur faiblesse, mais on les reconnaît encore, à une multitude de traits, pour être de cette inépuisable fabrique qui a peut-être trop fabriqué… Vous en jugerez : … Dieu ne nous a pas confié sa maison La Justice, pour vivre en dehors d’elle… Cette justice qui est une maison… Celui qu’on nomme un Pape est vêtu d’apparences !

994. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Sans vouloir les suivre dans le développement de leurs doctrines, voyons comment ils ont été conduits au principe qui domine toutes leurs explications et apprenons à juger cette méthode par ses résultats. […] Ne pouvant voir la réalité elle-même, en ce qui concerne la libre spontanéité de nos actes, il en est réduit à juger de la causalité sur de simples apparences. […] S’il se borne, comme le font les psychologues de l’école expérimentale, à observer ces phénomènes du dehors, il sera toujours tenté de juger de la réalité par l’apparence.

995. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Tu en as ainsi jugé quand tu as écrit sur Lamartine un livre où le plus inspiré des poètes trouvait son vrai critique chez un poète dont l’âme est parente de la sienne. […] Il faut l’avoir peu ou mal lu pour le juger ainsi. […] Elle est trop connue pour avoir besoin d’être analysée, et trop récente pour pouvoir être jugée. […] Dombidau de Crouseilhes, ne paraît pas avoir jugé le candidat malheureux aussi sévèrement que le jury, car il le pourvut d’un poste de philosophie. […] Il jugeait en outre nécessaire d’acquérir en législation, en droit administratif, en matière financière, la compétence d’un spécialiste.

996. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

En parlant de la sorte, nous ne le surfaisons à l’avance en rien, et le lecteur va juger tout à l’heure par lui-même de l’exactitude de notre jugement. […] On en jugera d’ailleurs à le voir à l’œuvre, et par l’exposé même des faits où nous avons hâte d’entrer. […] On a trop souvent jugé Anacréon d’après des traductions qui ne permettent pas même de soupçonner la grâce parfaite, l’originalité piquante, l’inimitable légèreté de style. […] Cabanis (et je n’entends hasarder ici que mon opinion personnelle) n’est pas encore bien jugé de nos jours ; malgré un retour impartial, on ne me paraît pas complétement équitable. […] Lorsque l’historien veut résumer en un seul chapitre l’ensemble de cette administration et de ce règne, il a l’intention parfaite de ne juger le monarque que sur des actes positifs, mais il ne l’embrasse peut-être pas suffisamment selon le génie qui l’animait.

997. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Quoi qu’il en soit, ces lignes du Semeur sont à retenir C’est la première fois que Vinet jugeait Sainte-Beuve, et il le jugeait fort bien. […] Je ne l’ai point signée ; mais si vous jugiez nécessaire que M.  […] Voulez-vous en juger ? […] La prédiction de l’Enfer s’accomplit : le Juge lui-même est jugé. […] Or, l’homme correspond à Dieu, et l’on ne peut le juger abstraction faite de cette correspondance.

998. (1903) La pensée et le mouvant

Par elle, des problèmes que nous jugions insolubles vont se résoudre ou plutôt se dissoudre, soit pour disparaître définitivement soit pour se poser autrement. […] Telle est la doctrine que certains avaient jugée attentatoire à la Science et à l’Intelligence. […] Si nos vues furent généralement jugées paradoxales quand elles parurent, quelques-unes sont aujourd’hui banales ; d’autres sont en passe de le devenir. […] Pour peu qu’il ait du bon sens, il jugera nécessaire, comme tout le monde, une certaine permanence de ce qui est. […] Pourquoi la jugea-t-il impossible ?

999. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

et si Virgile ou Horace revenaient au monde pour juger ces héros modernes du Parnasse latin, ne devrions-nous pas avoir grand-peur pour eux ? […] On peut juger après cela si cet ouvrage est celui d’un simple grammairien ordinaire, ou d’un grammairien profond et philosophe ; d’un homme de lettres retiré et isolé, ou d’un homme de lettres qui fréquente le grand monde ; d’un homme qui n’a étudié que sa langue, ou de celui qui y a joint l’étude des langues anciennes ; d’un homme de lettres seul ou d’une société de savants, de littérateurs, et même d’artistes ; enfin on pourra juger aisément si, en supposant cet ouvrage fait par une société, tous les membres doivent y travailler en commun, ou s’il n’est pas plus avantageux que chacun se charge de la partie dans laquelle il est le plus versé, et que le tout soit ensuite discuté dans des assemblées générales. […] Il n’y a point d’ouvrage que l’on doive plus juger d’après cette règle qu’un dictionnaire, par la variété et la quantité de matières qu’il renferme et qu’il est moralement impossible de traiter toutes également. […] Ainsi, quand on cite Térence, par exemple, ou Plaute, il faut, ce me semble, avoir soin d’y joindre la pièce et la scène, afin qu’en recourant à l’endroit même, on puisse juger si on peut se servir du mot en question. […] On peut juger de là combien est opposée à l’éloquence véritable, cette loquacité si ordinaire au barreau, qui consiste à dire si peu de choses avec tant de paroles.

1000. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Mais il faut voir avec quel dédain de spirituels et doctes amis de Sainte-Palaye jugeaient de cette passion, si singulière à leurs yeux, qu’il avait pour le moyen âge. […] Le mot est de Caton l’ancien, qui dit « Pleraque Gallia duas res industriosissime consequitur, rem militarem et argute loqui. » Nation belliqueuse et bien parleuse ; c’est à nous de juger (en tant qu’on peut se juger soit même) si le double trait s’est bien conservé à travers les siècle. […] Soit que ce latin rustique (en Gaule) fût une suite, un développement, une variété de l’idiome populaire latin importé autrefois par les conquérants en même temps que la langue savante, et s’émancipant désormais sur tous les points à la fois, — auquel cas les langues romanes seraient elles-mêmes, comme on l’a voulu pour l’italien, une simple dérivation et un dégagement presque organique des idiomes populaires latins soumis à une quantité de circonstances locales accidentelles, et modifiées à l’infini ; — soit qu’il fut déjà un corruption, une dégradation du latin littéraire, un abominable et un cas hautement de barbarismes et de solécismes, ce qui aurait tout l’air d’avoir « t », si on en jugeait par ce qui est ensuite advenu dans toutes ces contrées de la langue romaine (on voit chez Muratori, que, de 712 à 744, on gravait ses mots sur un monument public : Edificatus est hanc civorius sub tempore domino nostro lioprendo rege).

1001. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Ils la jugent sévèrement. […] Le lecteur va juger, sur une traduction toujours atténuante de l’œuvre originale, combien Schiller dépassa Pindare et Horace dans ce dithyrambe didactique du poète qui se souvenait d’avoir été chrétien. […] Nous n’avons pas connu nous-mêmes Bettina d’Arnim, mais nous avons connu sa fille, et, si l’on doit juger des charmes de physionomie, d’âme et d’esprit de la mère, par la figure de la fille, Bettina fut bien digne d’être l’Hébé de ce Jupiter mourant. […] Mais la faculté de sentir, d’aimer, de souffrir, qui est la plus belle des facultés du cœur, n’est pas la plus forte des qualités de l’esprit : la preuve en est que la plus simple des femmes sent, aime et pleure ; mais le génie seul pense et plane au-dessus de ses propres impressions pour les contempler et pour les juger avec la sublime impassibilité d’un dieu.

1002. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Voilà un jeune homme et un vieillard qui se donnent la main en jouant du bout du pied avec les cailloux polis du torrent desséché de l’Aisse dans le bassin de Chambéry, et qui causent nonchalamment après dîner de choses et d’autres, comme deux voyageurs en attendant le départ sur le banc de l’hôtellerie ; et à trente-sept ans de là le vieillard sera devenu prophète, et le jeune homme, après avoir été arbitre momentané presque du monde, jugera le vieillard pour gagner sa vie, en intéressant ses lecteurs dans un entretien littéraire ! […] Vous en jugerez vous-même, puisque je vous ai envoyé la pièce. […] Il a jugé à propos, au reste, de garder un silence absolu sur cette démarche ; car je n’ai nulle preuve qu’il en ait écrit à son ambassadeur ici, et je suis sûr qu’il n’en a pas parlé au comte Tolstoï à Paris. […] Est-ce pour lui donner les moyens de bâtir quelques citadelles de plus sur les Alpes, et de donner à l’Autriche, quand le roi de Sardaigne jugera à propos de s’allier avec elle, un poids décisif contre moi ?

1003. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

« Votre dîner chez madame de Boigne ne m’a point étonné ; les lettres de Fabvier au comité grec m’avaient appris à juger ce que c’était. […] Vous me jugez mal ; vous ne me croyez peut-être pas sincère dans mon désir de tout quitter et de mourir dans un gîte oublié : vous auriez tort. […] Jugez comme elle me fait bien la cour : elle est Turque enragée. […] Legouvé se rencontra chez madame Récamier peu de temps après l’apparition de mon Histoire des Girondins, ouvrage qu’il ne m’appartient pas de juger, mais de défendre ; le bruit que faisait alors ce livre allait jusqu’au tumulte dans les salons politiques ou littéraires du temps.

1004. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Mais le peuple romain, comme le peuple grec, accoutumé, par la fréquentation du forum, à juger ses orateurs en artiste, appréciait dans César, dans Hortensius, cette exténuation du corps qui attestait l’étude, la passion, les veilles, la consomption de l’âme. […] En voici quelques mots qui feront juger l’orateur et le criminel : XXI « Jusques à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? […] La patrie, qui est notre mère commune, te hait : elle te craint ; depuis longtemps elle a jugé les desseins parricides qui t’occupent tout entier. […] Les hommes de génie sont jugés par les esprits médiocres : c’est le secret des accusations de la postérité contre la vertu civique de Cicéron.

1005. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Si ceux qui viendront après moi jugent que cette méthode m’a conduit à mon but plus heureusement que d’autres, cette petite digression pourra, avec le temps, éclairer et fortifier quelque disciple de l’art que je professe. […] Dans l’ardeur bouillante de cet âge, raisonner et juger n’étaient peut-être qu’une noble et généreuse manière de sentir. » XII Ici nous approchons du seul véritable intérêt de cette vie, l’amour conçu par Alfieri pour la comtesse d’Albany, reine légitime d’Angleterre, se rendant alors à Florence avec son vieux mari, le prétendant Charles-Édouard, héros de roman dans sa jeunesse, découragé et avili par l’adversité. […] Il ne faut pas juger ces rapports comme on les aurait jugés en France ; en fait de mœurs conjugales le pays des sigisbés absout tout.

1006. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Ces conventions une fois arrêtées, et le pape ayant autorisé la séparation a mensa et toro, Charles-Édouard signa la déclaration que voici : « Nous, Charles, roi légitime de la Grande-Bretagne, sur les représentations qui nous ont été faites par Louise-Caroline-Maximilienne-Emmanuel, princesse de Stolberg, que pour bien des raisons elle souhaitait demeurer dans un éloignement et séparation de notre personne, que les circonstances et nos malheurs communs rendaient nécessaires et utiles pour nous deux, et considérant toutes les raisons qu’elle nous a exposées, nous déclarons par la présente que nous donnons notre consentement libre et volontaire à cette séparation, et que nous lui permettons dores en avant de vivre à Rome, ou en telle autre ville qu’elle jugera le plus convenable, tel étant notre bon plaisir. […] Cette difficulté, qui ne fit alors que m’enflammer de plus en plus, et qui, lorsque ensuite je voulus développer, versifier et imprimer ma tragédie, a toujours été l’aiguillon qui m’excitait à vaincre l’obstacle, l’œuvre achevée, je la crains, cette difficulté, et la reconnais dans toute son étendue, laissant aux autres à juger si j’ai su la surmonter complètement ou en partie, ou si elle demeure tout entière. […] L’année d’avant, après m’avoir, comme je l’ai dit, accompagné jusqu’à Gênes, de retour de Toscane, il s’était rendu à Rome presque uniquement pour faire connaissance avec elle, et pendant son séjour, qui dura plusieurs mois, il l’avait vue constamment, et l’avait accompagnée dans ses visites de chaque jour à tous les monuments des beaux-arts, qu’il aimait lui-même passionnément, et qu’il jugeait en appréciateur éclairé. […] Je laisse à juger avec quelle joie, quel empressement, dès les premiers jours de septembre, je pris, pour me rendre en Alsace, la route ordinaire des Alpes Tyroliennes.

1007. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Il n’y avait encore que peu d’insectes, et je jugeai que l’affection qu’ils portaient à ce lieu avait dû, bien plus qu’aucun autre motif, déterminer leur prompt retour. […] J’arrêtai mon cheval pour juger de la distance à laquelle l’oiseau pouvait être, puis, après un moment de réflexion, je dis à mon ami que le pont n’était pas à plus de cent pas de nous, bien qu’il nous fût tout à fait impossible de l’apercevoir. […] J’arrivai sur les bords d’un bayou qui n’avait guère que quelques pas de large ; mais ses eaux étaient si bourbeuses que je n’en pouvais distinguer la profondeur, et je ne jugeai pas prudent de m’y aventurer avec mon fardeau. […] On connaissait la valeur de ses nègres ; et, au jour dit, le crieur les avait exposés soit par petits lots, soit un à un, suivant qu’il le jugeait plus avantageux à leur propriétaire.

1008. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Goethe, en effet, s’occupe beaucoup de la France et du mouvement littéraire des dernières années de la Restauration ; il est peu de nos auteurs en vogue dont les débuts en ces années n’aient été accueillis de lui avec curiosité, et jugés avec une sorte de sympathie ; il reconnaissait en eux des alliés imprévus et comme des petits cousins d’outre-Rhin. […] Ni son prince ni son pays ne lui demandaient compte de cette partialité blessante pour le vainqueur. « Ce sont deux grands esprits, se disaient-ils, ils ne se jugent pas, ils s’admirent. » Napoléon, en effet, comme on le verra, affecta d’admirer beaucoup Goethe. […] « Si je te possède, si je peux, toi seul, te posséder, pensais-je, tout le reste me conviendra. » Je lui répétai que j’étais prêt à faire tout ce qu’il jugerait le meilleur dans ma situation. […] On jugera combien je m’estimai heureux quand je la tins sous mes yeux.

1009. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Il ne m’en faut pas plus pour le juger. […] Mais quiconque voudra payer de l’ennui de les lire le droit de les juger, en fera le même cas que ces seigneurs de la cour de Naples, qui se permirent de « bâiller » au Père de famille, pendant que leur roi fondait en larmes63. […] A l’œuvre nous allons juger de la doctrine. […] Il y a sans doute, pour ceux qui jugent le théâtre en hommes de l’art, beaucoup à louer dans les autres pièces de Collin.

1010. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Elle l’avait connu à Nantes où siégeait une commission militaire, qui, parfois, jugeait et passait par les armes, en un seul jour, des fournées de dix et douze brigands et brigandes. […] En 1796, la brigande épousa civilement le soldat républicain, qui, plus Brutus que jamais, était pour l’instant et le resta jusqu’en 1797, rapporteur d’un conseil de guerre, qui jugeait expéditivement les royalistes : sans autre forme de procès, il les condamnait à mort, leur identité et inscription sur la liste des suspects, constatées. […] Il avait dans son aveugle emportement lancé des déclarations si catégoriques, et pour son malheur elles eurent un retentissement si considérable ; il avait marqué les hommes du coup d’État de vers si cuisants, qu’il était impossible de les faire oublier ; il lui fallut rester républicain et renoncer à la politique ; il jugea qu’il valait mieux accepter bravement le rôle de martyr de la République, de victime du Devoir. […] D’autres recueils ont trouvé moyen de faire bénéfice sur les faveurs du ministre du roi, lesquels se sont souvenus des avantages de l’économie lorsqu’il s’est agi d’encourager un ouvrage assez maladroit pour se montrer royaliste et indépendant. » (Préface du troisième volume du Conservateur littéraire). — Cependant page 361 du même recueil on lit : « L’ode sur la mort du duc de Berry, insérée dans la septième livraison, ayant été communiquée par le comte de Neufchâteau au duc de Richelieu, président du conseil des ministres et zélé pour les lettres, qui l’ayant jugée digne d’être mise sous les yeux du Roi, sa Majesté daigna ordonner qu’une gratification (sic), de 500 fr. fût remise à l’auteur, M. 

1011. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Pour émanciper la fille de M. d’Estrées, le roi jugea qu’il n’y avait rien de mieux à faire que de la marier à un gentilhomme de Picardie, M. de Liancourt. […] Petitot, Michaud et Poujoulat, qui n’ont pas jugé à propos de les comprendre dans leurs « Collections des mémoires relatifs à l’histoire de France ».

1012. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Je me trompe : on avait essayé d’en donner de son vivant une ébauche d’édition faite sur des notes et par des copistes (la sténographie n’existait pas alors) ; c’était sur cette édition incomplète, non authentique, que les critiques étaient réduits à le juger. […] Les grands effets de l’éloquence de Massillon sont connus : le plus célèbre est celui qui signala son sermon Du petit nombre des élus, au moment où, après avoir longuement préparé et travaillé son auditoire, il l’interrogea tout d’un coup et le mit en demeure de répondre, en disant : « Si Jésus-Christ paraissait dans ce temple, au milieu de cette assemblée, la plus auguste de l’univers, pour nous juger, pour faire le terrible discernement, etc… » Cette assemblée, la plus auguste de l’univers, était celle de la chapelle de Versailles ; mais ce ne fut point là que Massillon prêcha d’abord ce sermon : ce fut à Paris, dans l’église de Saint-Eustache, où se produisit l’effet imprévu, irrésistible.

1013. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Ce n’était pas ici comme pour La Motte qui posait en principe qu’il était parfaitement inutile de savoir le grec pour juger du point en litige ; l’abbé Terrasson savait le grec, mais il n’en avait pas plus pour cela le sentiment du beau. […] Dans le public, l’impression de cette querelle fut plutôt à l’avantage de La Motte ; on ne jugea point du fond, mais uniquement de la manière, selon notre habitude.

1014. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Cet apaisement, cette simplification et ces temps de repos qu’il lui prêche, cet état de tranquillité et de quiétude morale auquel il le voudrait insensiblement amener, — ne pas toujours voir Dieu à travers la grille d’un raisonnement étroit et serré, — c’est de la part de Fénelon un conseil du bon sens le plus clairvoyant, le plus net, et qui dans le cas présent, autant que nous en pouvons juger, allait le mieux à son adresse ; c’est encore du bon quiétisme. […] Soit que ce dernier dans l’éloignement n’ait point assez connu les qualités tardivement développées et les mérites supérieurs qu’on a loués dans ce jeune prince ; soit qu’à titre d’ancien précepteur, il ait été trop disposé à le juger jusqu’au bout comme un enfant ; soit qu’à ce titre de maître et de précepteur toujours, il se soit montré plus sévère et plus exigeant envers lui comme un habile et consciencieux artiste l’est pour son propre ouvrage, il est certain que les lettres de Fénelon qui traitent du duc de Bourgogne sont continuellement remplies des censures les plus précises et les plus nettement articulées, excepté les dernières de ces lettres qui se rapportent aux huit derniers mois de la vie du prince.

1015. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Théophile Gautier, je n’ajouterai rien à ce que notre spirituel collaborateur a dit du peintre ; il l’a jugé en le peignant à son tour : « La moitié du génie est faite, comme on l’a dit, de patience, et le laurier de la gloire couronne le front de cet amant obstiné du beau. » Cette conclusion est notre point de départ. […] Ce scrupule sur un point fait juger de toute l’économie de la vie et des mœurs.

1016. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Il jugera à l’occasion que c’est une faiblesse au duc de Guise de vouloir écrire de sa main tous ses ordres pour les tenir plus secrets ; et dans une boutade plaisante, au milieu de son admiration pour le grand capitaine, il lui échappera de dire un jour dans son antichambre, et entendu de lui sans s’en douter : « Au diable les écritures ! […] Rocquancourt, quelques phrases de Montluc citées comme preuve de son aversion pour les armes à feu, tandis qu’au contraire, aucun capitaine avant lui ne s’en était aussi bien servi, et que, à en juger par ses propres paroles, il faisait grand cas de l’arquebuserie12.

1017. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Cousin, restée un instinct et une ingénuité première chez M. de Lamartine, et ils se jugent encore plus qu’ils ne jugent l’adversaire.

1018. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Prosper Blanchemain qui, dans une édition de luxe publiée par un libraire bibliophile, a jugé qu’il n’était pas inopportun de présenter, non plus un extrait et un choix des œuvres connues de Ronsard, mais un surcroît d’œuvres inédites, des variantes ou fragments tirés de recueils manuscrits, en un mot quelque chose de plus que ce qu’on avait déjà. […] L’année suivante (1553), le docte Muret jugea à propos de commenter ce recueil de sonnets ; il voulait venger Ronsard contre la critique des ignorants, contre l’arrogance, disait-il, de ces acrêtés mignons dont « l’un le reprenait de se trop louer, l’autre d’écrire trop obscurément ; l’autre d’être trop audacieux à faire de nouveaux mots ».

1019. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Vous jugerez que je dis ceci avec beaucoup de connaissance, si vous vous souvenez de l’entretien que j’eus l’honneur d’avoir avec vous dans cette prairie de Chirac où, m’ayant ouvert votre cœur, je vis tant de résolution, de force et de générosité, que vous achevâtes de gagner le mien. Je connus alors que vous aviez de si saines opinions de tout ce qui a accoutumé à tromper les hommes, que les choses qu’ils considéraient le plus en vous étaient celles que vous y estimez le moins, et que personne ne juge d’un tiers avec moins de passion que vous jugez de vous-même.

1020. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Mais dans cette lettre, sous prétexte que Lulli descendu aux Enfers est renvoyé par Proserpine pour être définitivement jugé par-devant le Bon Goût, on se met en marche du côté où l’on suppose qu’habite ce dieu ou demi-dieu : et ici Sénecé nous trace tout un itinéraire où il expose sa théorie littéraire et critique sous forme d’emblème. […] Il jugeait mieux d’ailleurs et était plus compétent en ce qui était des pures belles lettres, et surtout du domaine du bel esprit.

1021. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Ceux qui ont vu le règne de Charles IXe, avec la suite des maux que la France a soufferts depuis, jugeront facilement le danger où elle est. […] » Car, de même, continue Plutarque, que la poésie d’Antimaque et les peintures de Denys, ces deux enfants de Colophon, avec tout le nerf et la vigueur qu’elles possèdent, donnent l’idée de quelque chose de forcé et de peiné, tandis qu’aux tableaux de Nicomaque et aux vers d’Homère, sans parler des autres mérites de puissance et de grâce, il y a, en outre, je ne sais quel air d’avoir été faits aisément et coulamment : c’est ainsi qu’auprès de la carrière militaire d’Épaminondas et celle d’Agésilas, qui furent pleines de labeur et de luttes ardues, celle de Timoléon, si on la met en regard, ayant, indépendamment du beau, bien du facile, paraît à ceux qui en jugent sainement l’œuvre non pas de la fortune, mais de la vertu heureuse.

1022. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Frédéric, après la perte de la bataille de Kunersdorf contre les Russes, arriva à l’armée du prince et dérangea des plans qu’il jugeait insuffisants en définitive, et auxquels il estimait qu’il fallait apporter plus de nerf : Ne trouvez-vous pas, disait-il gaiement à son frère (10 novembre 1759), que j’arrive chez vous comme Pompée ? […] Le prince Henri a du genre humain une bien meilleure opinion que Frédéric ; on n’a pas à beaucoup près toutes ses lettres, mais on en peut jusqu’à un certain point juger d’après les réponses qu’y fait son frère ; le prince Henri, qui n’est pas sans quelques-unes des idées françaises d’alors, et qui a de nos illusions à la Jean-Jacques, soutient volontiers que la vertu et le bonheur habitent dans les cabanes, et qu’il y a par le monde de vrais sages, de parfaits philosophes.

1023. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Jugez après cela si je ne ferais pas la pluie et le beau temps en cette cour, et si c’est avec trop de vanité que je vous y offre mes services. […] Si vous croyez que la lettre soit bonne à faire voir, vous en ferez, s’il vous plaît, l’usage que vous jugerez à propos.

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