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1715. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Outre Plaute, Térence et Lucrèce que j’ai nommée il semble avoir connu Rabelais et Montaigne et c’est bien tout. […] C’est qu’elle l’ignorait, Mais Molière la connaissait. […] Elle le connaît tel qu’il a été, tel qu’il est et tel qu’il sera au dernier acte. […] Il faut que cela soit connu, dit son petit beau-fils qui a tout entendu. — Mais non ! […] Nous avons tous connu des hommes qui présentaient cette particularité intéressante.

1716. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Si j’avais été susceptible d’ivresse d’amour-propre d’écrivain, je me serais cru plus qu’un homme ; mais dès cette époque je connaissais l’engouement, et je ne me fiais pas à ma popularité d’historien. […] Je n’avais fait confidence de ces vers à personne ; j’étais à cent vingt lieues de Paris ; l’imprimeur seul à qui j’avais adressé le manuscrit du poème connaissait ces vers. […] Je le connaissais de longue date, pour l’avoir rencontré dans la société politique de madame de Montcalm, sœur du duc de Richelieu. […] Le public apprit à connaître mon nom. […] La dissolution fut connue dans la journée.

1717. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Quant au second, tout mécanique, par conséquent toujours le même, il n’a rien qui attire, ni surtout qui retienne notre attention : c’est une nécessité et rien de plus ; il cesse, pour ainsi dire, d’être vu à force d’être connu. […] Certains puissants artistes savent évoquer en nous des images assez fortes pour produire, elles aussi, la conviction, et pour paraître réelles malgré leurs dissemblances avec toutes les images réelles jusqu’alors connues de nous. […] La vie telle que nous la connaissons, en solidarité avec toutes les autres vies, en rapport direct ou indirect avec des maux sans nombre, exclut absolument le parfait et l’absolu. […] L’école classique a bien connu l’effet esthétique de l’éloignement dans le temps ; mais son procédé ne consiste encore qu’à reporter les événements dans un passé abstrait. […]  » Je vis celui dont je ne connaissais point le visage.

1718. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

J’en ouvre cinq, dix, vingt pour les refermer bientôt, ayant lu une page, deux pages, les pages connues et préférées. […] Georges de Bouhélier et quelques jeunes inconnus ont trouvé le seul moyen de se faire connaître ; ils ont lancé le ballon du génie de Victor Hugo, sûrs d’être emportés dans la nacelle. […] Pour moi, je n’ai nul souci d’apprendre ce que les autres peuvent penser ou aimer en-général, et, en particulier, de connaître quel est le poète de M.  […] On a tant appris à les connaître et à les chérir, on a tant pris pour habitude de les confondre dans un même et puissant amour qu’on se fait presque un scrupule de placer l’un d’eux avant tous. […] Combien Leconte de Lisle, qui connut toutes les douleurs humaines, qui les exprima dans une forme admirable de puissance et d’émotion concentrée, qui pensa vraiment et dont l’apparente impassibilité fut faite de toutes les détresses éternelles, me paraît mériter une plus hautaine et plus pure gloire !

1719. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Nous devons chercher si notre hypothèse est vérifiée ou infirmée par les faits connus de localisation cérébrale. […] Parmi les nombreuses variétés d’aphasie décrites par les cliniciens, on en connaît d’abord deux (4e et 6e formes de Lichtheim), qui paraissent impliquer une relation de ce genre. […] On connaît quelques cas de surdité verbale avec survivance intégrale des souvenirs acoustiques. […] Sa thèse serait déjà réfutée par ce simple fait qu’on ne connaît pas un seul cas d’aphasie motrice ayant entraîné de la surdité verbale. […] Nous sommes tenus de chercher ce que deviennent les faits connus, quand on cesse de considérer le cerveau comme dépositaire de souvenirs 82.

1720. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Une esthétique qui ne s’adapterait pas aux exigences constitutives de la vie, ressemblerait un peu à ces langues mortes que la curiosité nous porte à connaître, mais dont les imperfections ou les circonstances opportunes nous interdisent l’usage. […] Je renvoie aux œuvres et aux théories des Laforgue, des Kahn, des de Souza, des Vielé-Griffin, des de Gourmont, des Beaunier, des Boschot, — pour ne citer que les plus connus des commentateurs compétents. […] Ainsi j’appréhende dans ces deux mots : nature et vérité, les données de la connaissance et l’opération de l’esprit qui connaît ; la matière et la forme. […] Je dis officielle, car depuis le xvie  siècle les trois unités extraites d’Aristote par les Italiens étaient connues des érudits. […] C’est ce qui faisait dire à Malebranche que nous connaissons l’âme par sentiment.

1721. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Un poëme qui n’a pas été connu autant qu’il méritait de l’être, et qui rentre assez par quelques tons dans la couleur des débuts de M. […] M. de Maistre écrivait à l’auteur de l’Essai, sans le connaître personnellement, une lettre honorable, dans laquelle la vigueur de ce hautain et ironique génie éclate comme partout. […] La doctrine de Saint-Martin semble assurément très-voisine de lui, et pourtant, au lieu d’en être aussi imbu qu’on pourrait croire, il ne l’a que peu goûtée et connue. […] Il ne connaissait aucune des littératures étrangères, excepté les poëtes italiens et le philosophe Vico ; mais sa familiarité avec toutes les délicatesses et les finesses de la littérature française était complète, et le ton de sa conversation avait la saveur que donnent l’habitude et la contemplation du beau et du parfait dans l’art. […] Nodier a de bonne heure connu les premiers essais de M.

1722. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Ce serait donc de ma part une étrange contradiction, ô Athéniens, si, après avoir gardé fidèlement, comme un bon soldat, tous les postes où j’ai été placé par vos généraux, à Potidée, à Amphipolis, à Délium, aujourd’hui que le dieu de l’oracle intérieur m’ordonne de passer mes jours dans la philosophie, la peur de la mort ou de quelque autre danger me faisait abandonner ce poste ; et ce serait bien alors qu’il faudrait me citer devant ce tribunal, comme un impie qui ne reconnaît point de Dieu, qui désobéit à l’oracle, qui se dit sage et qui ne l’est pas ; car craindre la mort, Athéniens, c’est croire connaître ce qu’on ne connaît pas. […] Qui a lu le Phédon connaît ce qu’il y a de mieux à connaître de la philosophie de Socrate et du génie de Platon. […] « Et l’âme ne pense-t-elle pas plus fortement et plus clairement que jamais, quand elle n’est troublée ni par la vue, ni par l’ouïe, ni par la volupté des sensations, et lorsque, concentrée en elle-même et dégagée autant que possible de son commerce avec le corps, elle s’applique directement à ce qui est, pour le connaître ? […] Si l’on peut parvenir jamais à connaître l’essence des choses, n’est-ce pas par ce moyen ? […] « Telle fut, Échécratès, la fin de notre ami, de l’homme, nous pouvons le dire, le meilleur des hommes de ce temps que nous ayons connus, le plus sage et le plus juste de tous les hommes. » XXIX Voilà le dialogue ou plutôt le poème de la mort de Socrate, selon Platon, sur le récit du dernier entretien de Socrate.

1723. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Je ne connais qu’une seule contradiction plus flagrante que celle-ci : c’est un pape constitutionnel. […] Le résultat leur est connu d’avance ; ce résultat est vrai, certainement vrai. […] Je connais très bien la méthode théologique, et je puis affirmer que ses procédés sont directement contraires au véritable esprit scientifique. […] La critique ne connaît pas le respect ; pour elle, il n’y a ni prestige ni mystère ; elle rompt tous les charmes, elle dérange tous les voiles. […] Il est trop clair que le bon sens dont il est ici question n’est pas celui qui résulte des facultés humaines agissant dans toute leur rectitude sur un sujet suffisamment connu.

1724. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Elles doivent conduire « à mieux connaître et à mieux servir Dieu. » Elles deviennent dès lors « les bonnes lettres », comme on disait au temps de la Restauration. […] Il prouve la nécessité de connaître, pour en juger les effets, le ressort essentiel de tout système scolaire. […] S’il est critique, il découvrira des beautés cachées dans le livre ou la pièce de l’éminent confrère dont il espère la voix ; il ménagera l’opinion de tel salon qui est une antichambre connue de la docte assemblée parmi laquelle il désire siéger. […] Du temps où le réalisme était en faveur, j’ai connu de soi-disant réalistes qui étaient profondément idéalistes de nature. La mode et les engouements qu’elle suscite, la contagion de l’exemple, le désir d’associer sa fortune à celle d’écrivains déjà connus déterminent beaucoup de débutants à professer des théories contraires à leur propre talent et partant à composer des œuvres forcément médiocres.

1725. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Au grand nom de Richard Wagner, célébré par les Allemands nous opposerons glorieusement le sien, ce nom que nul ne connaît encore, mais que nous entendrons bientôt au milieu des applaudissements et des cris de bienvenue. […] Mais il fallait que Wagner conquît un public à son idée, et qu’il fît, d’abord, connaître quelque partie de ses œuvres nouvelles. […] Il vivait à Vienne, n’a pas connu d’autre ville que Vienne ; n’est-ce point tout dire ? […] Elles sont, ainsi, pour tous, un enseignement, et pour les rares initiés de l’Art, une joie ; et, s’il les eût connues, Richard Wagner, notre divin Maître, les eut trouvées un hommage digne de sa grande âme. […] Le premier moment que les anciens grecs ont connu est celui du mythe et de l’union des arts.

1726. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Huysmans me contait, qu’un Hollandais d’une maison de commerce de Hambourg, épris de naturalisme, et combattant pour nous dans les journaux de là-bas — et notez un homme qui ne connaissait pas Robert Caze — lui avait écrit, qu’ayant appris que Robert Caze était très malade, et que sachant d’autre part, qu’il n’était pas dans une position fortunée, il le priait de s’aboucher avec quelqu’un de la famille, de lui demander quelle somme pouvait lui être nécessaire, s’engageant à envoyer aussitôt sur Paris un chèque de la somme demandée. […] Marvejols m’entretenait de Blaquière, l’auteur de Thérésa, le librettiste de la Femme à barbe, le noctambule par excellence, et qu’il voyait, un matin, surgir dans sa chambre, s’asseoir sur le pied de son lit, et lui dire d’une voix, où il y avait encore l’enrouement de l’ivresse : « Il vient de m’arriver une chose bien étrange, cette nuit… on m’a mené à un poste, que je ne connaissais pas !  […] Le vin, le vieux et vrai vin, connu jusqu’ici comme un réconfortant, est tout à fait contraire à la santé, et pourrait être à la rigueur un débilitant, etc., etc. […] Toutefois, il faut l’avouer, il y a une délicatesse dans cette scène tout à fait surprenante, pour ceux qui ont connu l’auteur. […] Mais personne ne connaît le nom de Chateaubriand, et même le chemin de Henri IV est oublié dans le pays.

1727. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Vous tous qui connaissez l’hymne d’Athénagène, cet adieu qu’il laissait à ses compagnons au moment de les quitter pour s’élancer dans la flamme, vous connaissez aussi la croyance des martyrs sur l’Esprit-Saint !  […] Cette harmonie des Hellènes, si mélodieuse dans ses formes les plus connues, si complexe dans la variété de ses strophes, se réduisait à de simples versets de longueur à peu près égale. […] Tu es seul inexprimable, toi qui as créé tout ce que la parole exprime ; tu es seul impossible à connaître, toi qui as créé tout ce que perçoit l’intelligence. […] par qui viennent les hymnes, par qui l’adoration, par qui les chœurs des anges, par qui l’infinie durée des siècles, par qui resplendit le soleil, et s’accomplit le décours de la lune, et reluit la grande beauté des astres, par qui l’homme ennobli a reçu le privilège de connaître le divin, en étant lui-même un être raisonnable. […] Pour qui connaît la vaste lecture du poëte anglais, sa familiarité avec l’Orient hébraïque, l’empreinte d’hellénisme partout répandue sur ses vers, il n’est pas douteux que Milton, dans son épopée si souvent lyrique, ne se soit inspiré de Synésius, comme ailleurs de saint Justin, de saint Éphrem et de saint Jérôme.

1728. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

À quelques jours de là, un matin, à la visite, il disait à Dieulafoy : « Moi, je connais le voleur !  […] Je fais cette remarque, en me comparant aux bourgeois de mon âge que je connais. […] Il me le montre, prenant goût aux études, et pouvant seulement être gardé par le collège, alors qu’il a connu les Géorgiques de Virgile et les Idylles de Théocrite. […] Il s’est trouvé avec lui à la Flèche, il a été de sa promotion, et dit que ce qui le caractérise, c’est qu’il est un étranger, un Écossais par sa mère, un homme qui ne connaît pas le ridicule, qui se promènerait dans une voiture rouge d’Old England… qu’au fond il méprise les Français. […] Finalement, Lenoir me conte que son père avait connu Houdon, dans les dernières années de sa vie, où il habitait l’Institut, et pendant lesquelles il était tombé en enfance, ramassant des culs de bouteille qu’il donnait pour des pierres précieuses.

1729. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Ce phénomène, bien connu des linguistes, et qui explique le renouvellement périodique des mots dans une même langue, a été généralement désigné d’une manière inexacte : on parle à tort de l’usure des mots ; ce qui s’use, ce sont les idées, quand le mot qui les éveille est trop fréquemment employé. […] Il arrive assez souvent, dans certaines poésies modernes, qu’un des mots de la phrase n’a pas de sens connu du lecteur ou de l’auditeur ; celui-ci n’est pas arrêté par cette lacune ; il s’en aperçoit à peine ; il ne réclame pas le lexique indoustani ou malais dont l’ouvrage aurait besoin pour être entièrement compris. […] A l’âme qui veut se connaître, de même que la conscience n’est rien sans le souvenir, le souvenir n’est rien sans la reconnaissance. […] Le premier et principal objet de la psychologie, c’est la succession consciente ; si l’on appelle psychique uniquement ce qui est conscient, connue cela seul qui est psychique est légitimement psychologique, les faits proprement inconscients ne font pas partie de l’objet de la psychologie, du moins de son premier et principal objet. […] VIII) voit les choses plus simplement ; selon son habitude, il substitue des antithèses à une analyse exacte : « Un enfant qui fait un thème a des idées dont il cherche les mots, et celui qui fait une version a des mots dont il cherche les idées ; le premier va de l’idée connue au mot inconnu, le second du mot connu ou du son à l’idée inconnue… ; le dictionnaire est pour l’un un recueil d’idées et pour l’autre un recueil de mots.

1730. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Il ne la connaît pas et n’a jamais éprouvé le besoin de la connaître. […] Menier dont il ne connaît d’ailleurs que la façade. […] Qui ne connaît, comme s’il l’avait vu, le héros tarasconnais ? […] Daudet l’avait connu jadis, lors de son arrivée à Paris. […] Car, non seulement nous avons tous connu Delobelle, et c’est M. 

1731. (1924) Critiques et romanciers

Cette histoire est bien connue. […] Il ne connaissait de gendarmes que pour l’arrêter. […] C’est qu’il ne se connaissait point en scepticisme. […] Il connaît à merveille les animaux. […] » Bref, nos meilleurs gouvernements connaissent mal les colonies, ou bien ne les connaissent pas du tout.

1732. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Il me reste pour achever ce cours à vous faire connaître la plus grande et la plus originale de toutes, l’ancienne école grecque. […] Pallas elle-même, à qui sans la connaître il fait des contes, l’admire et le loue : « Ô fourbe, menteur, subtil et insatiable en ruses, qui te surpasserait en adresse, si ce n’est peut-être un dieu !  […] L’horizon de l’homme s’est élargi et s’élargit tous les jours davantage ; la Méditerranée tout entière a été explorée ; on connaît la Sicile et l’Égypte sur lesquelles Homère n’avait que des contes. […] On bâtit le temple Dorien ; on connaît la monnaie, les chiffres, l’écriture, ignorés d’Homère ; la tactique change, on combat à pied et en ligne au lieu de combattre en char et sans discipline. […] C’est seulement dans la période suivante, en même temps que l’orchestrique et la poésie lyrique, qu’on les voit se développer, se fixer, prendre la forme et l’importance finale que nous leur connaissons.

1733. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Je connais le grand argument de Jacques Dangy. […] On connaît les personnages de ses comédies. […] C’est « l’homme fort », l’homme qui connaît les femmes et qui « professe » sur elles. […] et lorsqu’elle deviendra sa maîtresse, le connaîtra-t-elle mieux qu’elle ne connaissait son mari avant la nuit de noces ? […] Les époux ne se connaissent presque jamais avant le mariage, et se connaissent rarement après.

1734. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle avait beaucoup connu, à partir de 1836, M.  […] mais non ; le silence, le retirement du cloître. — 30 au soir. » Ces jeunes âmes déjà mûres, aux heures où la vie leur échappe, ont souvent ainsi de ces révoltes concentrées et profondes, de ces rancunes dernières contre la destinée, de ces regrets ineffables de ce qu’on a connu trop peu et qu’on ne peut plus ressaisir. […] Je vous dois un double remerciement pour m’avoir fait connaître le jugement que portait de moi cette femme distinguée, dont le talent et la personne m’ont toujours inspiré l’admiration la plus sincère et la plus vive sympathie, et pour avoir sanctionné ce jugement de votre autorité… Indifférente aujourd’hui à la publicité…, je ne le suis point à l’estime affectueuse de quelques nobles âmes, à l’approbation de quelques esprits d’élite. — Je vous dois donc, monsieur, une très douce émotion… » — M.  […] — Vous l’avez bien connue, vous lui avez donné de la lumière pure. […] L’auteur porte un nom connu et célèbre ; — il était un ami et un des visiteurs assidus de Sainte-Beuve pendant sa dernière maladie ; il est un de ceux dont Sainte-Beuve put dire dans l’après-midi du dimanche, 10 octobre, quatre jours avant de mourir, en le faisant monter près de son chevet : « Ils me font comme les soldats d’Alexandre, qui venaient visiter leur capitaine au lit de mort… » Et M. 

1735. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

1834 Ce qu’il y a d’excellent surtout, selon moi, aux vrais mémoires des vrais grands hommes, c’est que déjà connus par leurs œuvres publiques, par des actes ou des productions hors de ligne et qui resteraient des fruits un peu mystérieux pour le gros du genre humain, ces hommes nous apparaissent dans leurs mémoires par leur lien réel avec la nature de tous. […] Lui, qui hier encore était tout rassasié de Mirabeau et ne croyait avoir rien d’important à apprendre sur cet homme si controversé ; lui, lecteur, qui hier ne connaissait le marquis économiste que par quelques ennuyeux volumes ou quelques épigrammes, et ne connaissait pas du tout le bailli, le voilà tout d’un coup épris d’eux, altéré de leur vie, de leurs opinions, de leur langage ; le voilà qui se fâche presque contre M. […] Nous n’imaginons pas que personne mette en doute que partout et dans tous les temps il ne vive et ne meure loin de tout éclat une multitude d’hommes supérieurs à ceux qui jouent un rôle sur la scène du monde, etc. » Peut-être il n’a manqué à Mirabeau lui-même qu’un peu plus de vertu, de discipline, et un cœur moins relâché, pour rester et vivre inconnu ou du moins médiocrement connu, et simplement notable à la manière de ses pères. […] ) — On trouvera dans le même tome IV d’autres articles sur la Correspondance de Mirabeau et du comte de La Marck, publication capitale, avant laquelle Mirabeau politique n’était qu’imparfaitement connu : on en parlait un peu à l’aveugle et sans savoir le dessous des cartes.

1736. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Tu connais par expérience le prix de ce que le vulgaire appelle des biens ; biens aussi éloignés du véritable bonheur, que l’orient l’est de l’occident. […] Voici ce qu’en dit un historien contemporain : « On n’entend parler ici, dit-il, ni de vols, ni de désordres nocturnes, ni d’assassinats ; de jour et de nuit, tout individu peut vaquer à ses affaires avec la plus parfaite sécurité : on n’y connaît ni espions ni délateurs : on ne souffre point que l’accusation d’un seul trouble la tranquillité générale ; car c’est une des maximes de Laurent, qu’il vaut mieux se fier à tous qu’à un petit nombre. » Son influence diplomatique en faisait le juge de paix de l’Europe. […] J’ai appris avec bien de la satisfaction que, dans le cours de l’année passée, vous aviez souvent approché des sacrements de la confession et de la communion, de votre propre mouvement ; et je ne connais rien qui soit plus capable d’attirer sur vous les faveurs du ciel, que de vous habituer à la pratique de ces devoirs et autres semblables. […] C’est en les imitant que vous vous ferez connaître et estimer à mesure que votre âge et les circonstances particulières de votre vie vous feront distinguer davantage entre vos collègues. […] Nous avons connu, de nos jours, des hommes ainsi composés pour le peuple.

1737. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

On connaît la charmante anecdote de ce paysan disant avec fureur : « Je n’ai pas pu dormir ; il y avait là une canaille de rossignol qui n’a fait que gueuler toute la nuit !  […] Je connaissais la plupart de ces beaux vers, quelques-uns depuis presque mon enfance, car je vous suis depuis la Revue fantaisiste, mais quel plaisir sans pair que de faire connaissance à nouveau avec eux 1 Quant à ceux très rares, que je ne savais pas encore et qui datent des époques où j’étais absent de France et de toute littérature, je les ai dévorés et redévorés à belles et bonnes dents : aussi, ce régal ! […] Car il faut entendre et réentendre Gwendoline pour en connaître à fond les merveilles harmoniques. […] Je devais pourtant connaître cet honneur. […] Vous y recherchez la vérité, vous y vivez pour le triomphe de l’idéal avec une passion que nos confrères ni leur « prince » n’ont connue ; avec une érudition qui humilie même les ignorants et avec ce vrai Bon Sens qui se défend d’être l’opinion moyenne, car il appartient aussi aux poètes !

1738. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

C’était une frivolité de dire que « les malades se guérissaient à la vue des lettres de Balzac » ; que « son livre n’était guère moins connu que l’eau et le feu » ; que « c’était le philtre qui faisait aimer le français aux nations qui habitent les bords de la mer Glaciale » ; que Sénèque, auprès de Balzac, n’était que monotonie, et Cicéron que vide ; qu’il était l’empereur des orateurs, comme si le titre d’orateur, objecte judicieusement un de ses critiques, pouvait appartenir à qui n’a jamais parlé en public. […] Aussi voit-on sans mauvaise humeur l’infatuation de Balzac écrivant d‘un de ses critiques : « Un d’eux ne pouvant souffrir cet éclat, je ne sais lequel, qui me rend plus visible que je ne veux, et cette réputation incommode que je changerais de bon cœur avec le repos de ceux qui ne sont connus de personne, a entrepris de parler plus haut que la renommée et d’obliger tout un royaume de se dédire. » Et plus loin : « Il m’est pourtant bien doux de recevoir aujourd’hui, avec vos prières, celles de la moitié de la France10. » Bayle cite l’anecdote de cet homme qui lui demandait des nouvelles de messieurs ses livres. […] Pour comble, Richelieu prenait ombrage de sa gloire, et de la même main qui en 1624 l’avait loué d’un style si délicat, lui écrivait en 1627, au plus fort de ses succès : « Je n’ai point celé à un de vos amis que je trouvais quelque chose à désirer en vos lettres, en ce que vous y mettez d’autrui ; craignant que la liberté de votre plume ne fit croire qu’il y en eût en leur humeur et en leurs mœurs, et ne portât ceux qui les connaîtraient plus de nom que de conversation à en faire un autre jugement que vous ne souhaiteriez vous-même11. » Est-ce à cause de cette indépendance d’esprit, ou de cet éclat qui le rendait si visible, que Balzac manqua l’évêché dont Richelieu l’avait quelque temps flatté ? […] Ainsi, un critique passionné, partial, connut mieux la véritable mesure de Balzac que ses admirateurs les plus éclairés et les plus sincères, et le jugement de Descartes sur cet écrivain ne doit être admis qu’avec les réserves du père Goulu. […] Quoi de moins ressemblant au portrait du prince que Machiavel a tracé d’après nature, et dont chaque détail est pris à quelque personnage connu, que ce vain idéal, mélange de souvenirs de lecture échauffés par le travail, et de digressions où Balzac tantôt fait sa cour au roi, tantôt défend sa réputation attaquée ?

1739. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

C’est le dix-septième siècle dans une correspondance entre deux femmes d’esprit qui n’y connaissent rien de plus important que leurs propres affaires, et qui mêlent Louis XIV, Turenne, Condé, les guerres de la France et de l’Empire à des détails de ménage, à une grossesse, à un projet de mariage, au menu des dîners officiels de la gouvernante de Provence, Mme de Grignan. […] On se connaît en style épistolaire dans notre pays : aussi Mme de Sévigné y a-t-elle trouvé ses meilleurs juges, et, parmi les femmes, les plus favorables et les plus compétents. […] C’est d’un cœur fermé, et d’un esprit qui n’a pas connu l’abandon. […] Les contemporains n’ont pas mieux connu les originaux de Saint-Simon, d’après le mal ou le bien qu’ils en ont reçu, que la postérité, sur ce qu’il nous en a dit. […] Il voulait voir les gens pour les connaître et pour en être vu.

1740. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Mais, en fait, nous ne connaissons que des sociétés où la haine et la lutte, le mensonge, le mépris des autres, la violence même ont encore leur rôle peut-être nécessaire. […] Les autres, en dehors de lui, il ne les connaît qu’à travers lui-même, à travers ses perceptions et ses idées. […] En général son auteur connaît cette contradiction, même il s’y complaît, il en apprécie la saveur et la portée, et il s’en sert pour quelque fin esthétique ou pratique. […] C’est là une vérité fort méconnue et proscrite comme immorale, quoique tout le monde la connaisse et l’applique. […] L’homme qui est l’être le plus élevé que nous connaissons est aussi le plus déséquilibré peut-être, puisqu’il est entre la vie sociale pour laquelle il n’était pas fait et qui le blesse encore comme une chaussure mal faite et trop neuve, et la vie individuelle qui lui est devenue impossible.

1741. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

» de vous voir chercher des beautés nouvelles dans ces chefs-d’œuvre, aussi connus que le Pont-Neuf. […] Ainsi parlait Henri ; ceux qui le connaissent comme je le connais, savent très bien qu’une fois lancé, il est impossible de l’arrêter. […] Les vrais honnêtes gens sont ceux qui les connaissent parfaitement et les confessent. » Cette maxime de M. de La Rochefoucauld s’applique aux vrais et aux faux hommes de lettres. […] J’enrage de voir de ces gens qui se conduisent en ridicules, malgré leur qualité ; de ces gens qui décident toujours et parlent hardiment de toutes choses, sans s’y connaître ; qui dans une comédie se récrieront aux méchants endroits et ne branleront pas à ceux qui sont bons… Eh !

1742. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Nous l’avons dit plus haut : Mme de Longueville, malgré toutes ses illustrations, n’est pas un personnage d’une telle place dans l’histoire que les Mémoires du temps ne suffisent à en faire connaître ce qu’il est utile d’en savoir. […] Cousin qui, dans tout le cours de son livre, nous parle, comme Demoustier, l’auteur des Lettres à Émilie, des changements d’amants de Mme de Chevreuse, trop grande dame pour daigner connaître la retenue, — l’insolent !  […] On ne les trouve pas plus dans ce livre que dans les autres histoires que nous avons de Mme de Chevreuse, qui était suffisamment connue, — connue exactement pour ce qu’elle valait. […] Il ne connaît plus rien.

1743. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

« Cette ombre des pays de lumière, dit-il, tu la connais. […] Il communique à l’âme un équilibre que tu ne connais pas, toi qui as toujours vécu dans le tumulte ; loin de l’accabler, il la dispose aux pensées légères ; on croit qu’il représente l’absence de bruit, comme l’obscurité résulte de l’absence de lumière ; c’est une erreur. […] Nous en connaissons et nous en supportons qui ne voyagent pas, qui ne travaillent pas, qui sont uniquement occupés à être malheureux et à nous raconter la progression lente ou rapide de leur mal. […] Et il en résulte qu’une seule âme est complètement connue, celle de Dominique, et que toutes les autres, même celle de Madeleine, sont sacrifiées à celle-là, et vraiment incomplètes, et ne vivent que du reflet de l’unique flamme qui éclaire le livre. […] Si j’avais été votre contemporain, il me semble, à vous lire, que j’aurais aimé vous connaître, et que, respectueusement, je vous aurais écouté.

1744. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Il a commencé par faire connaître les diverses sortes de caractères et la manière de les fabriquer. […] Il connaît l’Inde mieux que ne la connaît aucun Anglais vivant et sait l’hindoustani mieux que ne devrait le savoir un écrivain anglais. […] Peut-être le faisait-il pour bien marquer ses prétentions si connues à l’inspiration verbale. […] Pour peu qu’on se pique de se connaître en littérature on se gardera de rapprocher ces deux noms. […] Car celui qui n’a de présent à l’esprit que le présent ne connaît rien du siècle dans lequel il vit.

1745. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

« Nous voici connus ici des ambassadeurs de toutes les puissances étrangères. […] On remarque aussi dans ces lettres un caractère tout spécial aux musiciens ; caractère qui nous a souvent frappé nous-même dans les grands compositeurs que nous avons connus : c’est la gaieté, le badinage, l’enjouement ; en d’autres termes, la verve. […] Si je te connais, je n’ai à attendre de toi que de la joie, et c’est ce qui me console de ton absence, laquelle me ravit la paternelle joie de t’entendre, de te voir, de t’embrasser. […] En ai-je jeté ainsi par les rues, de l’argent, dans les commencements, le plus souvent sans même connaître les gens ! […] Il n’y avait personne auprès d’elle que moi, un de nos bons amis, que mon père connaît, M. 

1746. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Seigneur don Diego, lui répondis-je, je vous ai connu en tout comme un fort honnête homme ; mais ce Francesco (cet orfèvre se nommait ainsi) est tout le contraire de vous. […] Moi, en les attendant, je me promenais impatiemment dans ma boutique, disposé à faire une des plus épouvantables scènes que j’eusse faites de ma vie, lorsque je les vis arriver tous les trois, avec le père que je ne connaissais pas. […] Le roi, étonné, se tourne vers le roi de Navarre et les cardinaux de Lorraine et de Ferrare, et leur dit : Benvenuto est vraiment un homme admirable et digne de se faire aimer et désirer de tous ceux qui le connaissent ! […] Combien de fois, avant de connaître la vie et les procédés de Benvenuto Cellini, ne nous sommes-nous pas arrêté à Florence devant la Logia dei Servi pour contempler ce miracle du génie humain ! […] Ayant ensuite appris que c’était de mes mains qu’elle était sortie, il m’écrivit cette lettre : “Mon cher Benvenuto, je vous ai longtemps connu comme le plus grand orfèvre que nous eussions, et je vous reconnais aujourd’hui pour le premier sculpteur.

1747. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Wagner dit, en parlant de la Missa Solemnis de Beethoven : « Ici, le texte ne doit pas être saisi selon sa signification abstraite, mais ne doit servir qu’à réveiller en nous les impressions que produisent des formules religieuses bien connues ». […] Elles le connaissaient : elles lui parlèrent. […] Mais M. le comte de Villiers de l’Isle-Adam connaît le mystère d’une musique surnaturelle. […] En Épilogue, le dialogue du vieux Wagnériste et du jeune prix de Rome que connaissent nos lecteurs. […] Le chœur des pèlerins reprend le grand thème de l’ouverture, celui par lequel elle débute même, l’un des plus connus de l’œuvre et des plus populaires de Wagner par son atmosphère de religiosité, d’intériorité et de solennité.

1748. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Là, où nous avons habité autrefois, notre nom ne se prononce plus ; des enfants, qui ne sont plus les tiens, ont foulé le parquet où j’appris à marcher, et là où le long de cette rue, le jardinier Robin me traînait chaque matin à l’école, enchanté de ma voiture d’enfant, enveloppé d’un chaud manteau écarlate et coiffé d’une toque de velours, c’est devenu maintenant une histoire peu connue qu’autrefois nous appelions la maison pastorale la nôtre. […] Un mal d’yeux interrompit quelque temps ses études ; il fut mis ensuite à l’école de Westminster, où il eut pour amis des condisciples distingués qui se firent connaître depuis ; il y resta jusqu’à dix-huit ans. […] Il le garda pendant près de douze ans, le célébra dans un des livres du poème de La Tâche, se félicitant d’avoir gagné toute sa confiance et d’avoir détruit en lui toute crainte : « Si je te survis, disait-il, je creuserai ta fosse et, en t’y plaçant, je dirai avec un soupir : J’ai connu au moins un lièvre qui a eu un ami. […] [NdA] Cowper a en France depuis assez longtemps des admirateurs et des amis qui le lisent et le cultivent en silence : la traduction que je viens de donner est due à un poète bien connu, M. 

1749. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Les deux derniers volumes qu’on vient de publier nous font mieux connaître l’abbé Le Dieu en lui-même, dans son fonds de nature, et l’on doit rétracter les éloges qu’on avait été trop prompt à lui donner d’après les premiers dehors et les commencements. […] Bossuet donne raison à Mécène et à la fable si connue : « Pourvu qu’en somme je vive… » Ce dimanche 7 d’octobre 1703, M. de Meaux a paru fort gai, à son réveil, d’avoir bien dormi toute la nuit, et de joie il lui est échappé cette parole : « Je vois bien que Dieu veut me conserver. » Il a ensuite entendu la messe dans sa chapelle et s’est encore recouché jusqu’à son dîner. […] j’avais la bonne copie. » Il prétend connaître l’état des manuscrits mieux même que les possesseurs. […] On imprime tout désormais ; on ne connaît plus le choix.

1750. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Nous en connaissons encore comme cela. […] La nouvelle s’en est répandue partout où il est connu, et amis et ennemis s’en sont réjouis presque également, et lui en ont fait des huées qui le persécutent : l’Académie même ne s’en est pas abstenue, et s’est réjouie, en sa présence et à ses dépens, de l’avoir vu venir par force au lieu où il faisait profession de ne point venir de son bon gré. […] On connaît le fameux recueil dédié à Mademoiselle, et où l’on voit plusieurs portraits de sa façon. […] Et puisque j’en suis sur ce sujet de l’Académie, un des sujets les plus nationaux en France, dont tout le monde parle, qu’il est, ce semble, si aisé de connaître, et dont pourtant on raisonne si souvent à faux, je demande à rappeler quelques faits et à présenter quelques observations sans beaucoup de suite et dans le pêle-mêle où elles me viendront.

1751. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Voulant étudier l’ancien régime et y pénétrer jusqu’au cœur pendant les deux siècles qui ont précédé la Révolution française, un homme éminent et regrettable à tant de titres, M. de Tocqueville disait : « Pour y parvenir, je n’ai pas seulement relu les livres célèbres que le xviiie  siècle a produits ; j’ai voulu étudier beaucoup d’ouvrages moins connus et moins dignes de l’être, mais qui, composés avec peu d’art, trahissent encore mieux peut-être les vrais instincts du temps. » Le Journal de d’Argenson est un de ces ouvrages que devait rechercher M. de Tocqueville ; l’art y est aussi absent qu’on peut le désirer, l’instinct y respire. […] C’est de lui qu’il est question dans ce passage de la satire de Rulhière, où l’original a tout l’air d’un portrait de fantaisie : Auriez-vous par hasard connu feu monsieur d’Aube Qu’une ardeur de dispute éveillait avant l’aube ? […] Chauvelin est un personnage politique important, qui ne s’était jamais complètement dégagé, dans l’histoire, de l’ombre du cardinal de Fleury, et que l’on doit à d’Argenson, aujourd’hui, de bien connaître. […] Chauvelin lui-même et d’obtenir un des portefeuilles qui faisaient partie de sa dépouille, le portefeuille des Affaires étrangères : « Je ne postulai point, mais on postula pour moi… Je vaux peu, mais je brûle d’amour pour le bonheur de mes citoyens, et, si cela était bien connu, certainement on me voudrait en place. » Aux environs de ce temps-là, dans les mois et les années qui suivent, on le voit successivement en passe ou en idée de devenir ou premier président du Parlement, ou secrétaire d’État à la guerre ; — chancelier de France (si M. le Chancelier, qui a soixante-neuf ans, venait à manquer) ; — contrôleur général, ou même surintendant et duc à brevet ; — premier ministre enfin ; car il a toutes ces visées, et il les indique ou les expose au fur et à mesure des occasions.

1752. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Dans cette suite de montagnes et de vallées qu’on traverse et qui ont leur grandeur, il rencontre dans la vallée du Chéliff un pays, un lieu extraordinairement aride et qui réalise bien l’idée d’une Afrique entièrement africaine (non pas Boghar plus connu, plus en vue, mais Boghari), qu’on découvre à main gauche en entrant dans la vallée, — un village perché sur un rocher, au fond d’un amphithéâtre désolé, mais flamboyant de lumière : « C’est bizarre, frappant ; je ne connaissais rien de pareil, et jusqu’à présent je n’avais rien imaginé d’aussi complètement fauve, — disons le mot qui me coûte à dire, — d’aussi jaune. […] Il usera avec un art infini de toutes les ressources connues du vocabulaire ou de la palette, sans innover décidément et sans faire rage ; il vise à ses plus grands effets, en combinant merveilleusement des procédés moyens. […] Il communique à l’âme un équilibre que tu ne connais pas, toi qui as toujours vécu dans le tumulte ; loin de l’accabler, il la dispose aux pensées légères ; on croit qu’il représente l’absence du bruit, comme l’obscurité résulte de l’absence de la lumière : c’est une erreur.

1753. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Comment dès lors construire une théorie qui convienne d’avance à des choses dont le principal mérite sera de sortir du connu et du déjà vu ? […] Je connais des odes et des discours où un recours à l’infaillible postérité fait bon effet, surtout quand il est exprimé en vers sonores ou en périodes ronflantes. […] Sa devise est le mot connu : « Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux. » A son esprit doivent toujours être présentes ces paroles que deux grands écrivains n’ont pas craint d’émettre, alors que l’autorité, même en matière littéraire, s’affirmait avec énergie. […] Pourquoi tout le monde connaît-il Britannicus ou Andromaque, tandis que vingt ou trente curieux tout au plus s’avisent de lire aujourd’hui la Judith de Boyer ou le Germanicus de Pradon ?

1754. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Thiers a connu, et qui lui a permis d’offrir du général Dupont la seule réhabilitation possible, celle qui concerne son honneur militaire. […] Pourtant la vérité générale de pareils tableaux se prouve aussi, se déclare d’elle-même, et, en les voyant, on a droit de s’écrier comme devant un portrait dont on n’a jamais connu le modèle : Que c’est vrai ! […] Alfieri disait après 93 : « Je connaissais les grands, et maintenant je connais les petits. » Aux fautes des princes, M. 

1755. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Mais c’est là aussi, c’est dans cet entourage où tout se reflète et s’exagère, qu’il est parfois commode et piquant de connaître un auteur et de le retrouver. […] Au sortir de cet élan romanesque, Rousseau rentre dans la réalité plus qu’il ne faudrait, en étalant à ces deux jeunes femmes, qu’il ne connaît pas, le détail de ses maux physiques, de ses infirmités : Vous parlez de faire connaissance avec moi ; vous ignorez sans doute que l’homme à qui vous écrivez, affligé d’une maladie incurable et cruelle, lutte tous les jours de sa vie entre la douleur et la mort, et que la lettre même qu’il vous écrit est souvent interrompue par des distractions d’un genre bien différent. […] » Le plus piquant hommage qu’on puisse adresser aux hommes de cette nature et de cette manie, c’est de leur dire : « On vous comprend, on vous connaît, on vous admire ; mais vous avez des pareils, ou du moins des semblables, plus que vous ne le croyez. » Mme de La Tour ne lit pas comme son amie Claire ; elle ne se découragea point. […] Elle retourna chez lui deux mois après, en se faisant connaître : elle eut peu de succès ; il lui donna son congé par lettre, et lui signifia que c’était assez de cette troisième visite.

1756. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

L’auteur, en les terminant, a eu vraiment le droit d’en juger comme il l’a fait : « Je crois pouvoir dire qu’il n’y en a point eu jusqu’ici qui aient compris plus de différentes matières, plus approfondies, plus détaillées, ni qui forment un groupe plus instructif ni plus curieux. » Ces vastes mémoires, qui n’ont paru au complet qu’en 1829-1830, étaient dès longtemps connus et consultés par les curieux et les historiens ; Duclos et Marmontel s’en sont perpétuellement servis pour leurs histoires de la Régence. […] On n’est propre alors en définitive qu’à une chose, à noter, à connaître et à juger ce que les autres font. […] Après avoir mis assez adroitement le Saint-Esprit de son côté, puisque le Saint-Esprit lui-même n’a pas dédaigné de dicter les premières histoires, il en conclut qu’il est permis de regarder autour de soi, d’avoir pour soi-même cette charité bien ordonnée qui consiste à ne pas rester, en présence des intrigants, à l’état d’aveugles, d’hébétés et de dupes continuelles : « Les mauvais qui, dans ce monde, ont déjà tant d’avantages sur les bons, en auraient un autre bien étrange contre eux s’il n’était pas permis aux bons de les discerner, de les connaître, par conséquent de s’en garer… » Enfin, la charité, qui impose tant d’obligations, ne saurait imposer « celle de ne pas voir les choses et les gens tels qu’ils sont ». […] Il confesse encore une fois ses propres sentiments secrets sur cette mort de Monseigneur ; comme on n’en était encore qu’à savoir l’agonie, il n’est pas complètement rassuré : « Je sentais malgré moi, dit-il, un reste de crainte que le malade en réchappât, et j’en avais une extrême honte. » Il n’y a point d’homme en qui, s’il était bien connu, il n’y ait, à certains moments, de quoi le faire rougir.

1757. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

On ne connaît pas le premier Fontenelle, ce qu’il était en fait de goût originel et instinctif, quand on n’a pas lu ces lettres du précieux le plus consommé et le plus rance. […] Personne certes ne connaissait mieux le Fontenelle définitif que Mme Geoffrin ; qui passait sa vie avec lui et qui fut son exécutrice testamentaire. […]  » — Voilà l’idée qu’il avait du rire : il souriait seulement aux choses fines ; mais il ne connaissait aucun sentiment vif. […] Fontenelle fait semblant de vouloir parler d’autre chose : « Non, répliquai-je, il ne me sera point reproché que dans un bois ; à dix heures du soir, j’aie parlé de philosophie à la plus aimable personne que je connaisse.

1758. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq est mort le 15 février dernier, et cette mort a aussitôt réveillé, chez ceux qui ne connaissaient ce spirituel auteur que par ses œuvres, le vif souvenir de tout un piquant chapitre littéraire, de tout un chapitre de mœurs sous la Restauration. […] Il est de ceux à qui l’on est tenté de dire par moments : Avez-vous donc été femme, monsieur, pour les si bien connaître ? […] Alice, la femme de chambre, résume tout d’un seul mot, en disant : « Voilà quatre ans que je sers Madame, je ne lui connaissais pas encore la petite voix qu’elle a ce matin. » La nature est si bien prise sur le fait dans ce petit chef-d’œuvre, qu’on a pu l’appeler une comédie physiologique, sans qu’elle cesse d’être une lecture de bonne compagnie. […] Il n’a jamais connu cet effort combiné qui consiste à monter une pièce, à la construire, à la faire sortir plus ou moins sauve de toutes les embûches des coulisses, à la faire marcher droit et haut devant la rampe redoutable ; il n’a jamais eu à consommer, comme dit Voltaire, cette œuvre du démon.

1759. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Le cardinal de Tournon, l’ayant connu à Rome et apprécié pour ses qualités studieuses et morales, parla de lui à la Cour, lorsque le roi Henri II cherchait un précepteur pour ses deux fils, les ducs d’Orléans et d’Anjou (depuis Charles IX et Henri III), et Amyot fut choisi (1554). […] Il continua de justifier les faveurs de la fortune en publiant, en 1572, les Œuvres morales de Plutarque, qu’il dédia à son élève et maître le roi Charles IX, par reconnaissance pour ses bienfaits, « et aussi, dit-il, pour témoigner à la postérité et à ceux qui n’ont pas cet heur de vous connoître familièrement, que Notre-Seigneur a mis en vous une singulière bonté de nature… ». […] Sans prendre à la lettre les imprécations de d’Aubigné sur le roi qui eut le malheur d’attacher son nom à cette nuit funeste, on conviendra qu’il y avait au moins de l’illusion de précepteur et de père nourricier dans Amyot. — Quant au petit roi, il jugeait son bon maître tout en le comblant : on rapporte qu’il le raillait parfois sur son avarice et sa parcimonie, et enfin, lui qui se connaissait en vers et qui en faisait même d’assez bons, il se permettait de trouver durs ceux qu’Amyot mêlait à ses traductions : Amyot, très peu poète en cela, ne l’en trouvait pas moins aimable. […] À côté de ces pages de la Vie de Numa, il faudrait en rappeler d’autres également connues de la Vie de Lycurgue, et dans lesquelles est nettement et vivement défini le caractère des jeunes guerriers spartiates avant et pendant le combat (chap. 

1760. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Si Dieu m’a créé bourru, bourru je dois vivre et mourir… Les gens d’esprit sont souvent très singuliers ; ils croient connaître le cœur humain mieux que d’autres, et, parce qu’ils ont fait du grec avec le père et qu’ils ne sont pas tout à fait aussi vieux que lui, ils croient que c’est une raison pour être aimés de la fille, d’une toute jeune fille, et cela sans faire de frais, sans rien retrancher à leur humeur, à leur procédé rude, à leur extérieur inculte, et en se conduisant, dès le lendemain de leurs noces, comme de vieux maris. […] Tout au fond de l’église, une espèce d’armoire, etc. » Quand Courier a parlé ainsi de la confession, il voulait faire un tableau ; il se souvenait des prêtres d’Italie, et il connaissait peu ceux de France ; il avait toujours présents Daphnis et Chloé, et (religion même à part) il oubliait moralement les vertus et le voile spirituel que la foi fait descendre à certaines heures, et qui s’interposent jusque dans les choses naturelles. […] Cette reprise du procès, avec la solution finale, n’étant pas aussi connue que le reste, je résumerai les points incontestables. […] On ne connaîtrait que son talent et non point tout son caractère, si on ne l’avait vu façonner à plaisir et limer ses aiguillons.

1761. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

On sait que l’Éléphant est le plus lent à se reproduire de tous les animaux connus, et j’ai essayé d’évaluer au minimum la progression probable de sa multiplication. […] Le Fulmar Pétrel (Procellaria glacialis) ne pond qu’un seul œuf ; néanmoins c’est l’espèce la plus nombreuse que l’on connaisse parmi les oiseaux. […] Nous ne connaissons exactement aucun des obstacles qui arrêtent son développement progressif, et l’on ne peut s’en étonner si l’on songe combien nous sommes ignorants à cet égard, même en ce qui concerne l’Humanité, que nous connaissons cependant mieux qu’aucune autre espèce.

1762. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Ce talent, qui va peut-être tout à l’heure vous faire oublier, à force d’émotion, ses ressemblances et ses analogies, il semble que vous le connaissiez que vous en ayez joui déjà. […] VI Il y a neuf mois à peu près que nous parvinrent ces Horizons prochains dont l’auteur, qui est une femme connue par d’autres écrits, a fait le meilleur de ses titres, et qu’elle préfère à son nom. […] La vision de la simple femme doit, à ce qu’il semble, étancher mieux que la création du génie, la soif dévorante de connaître, qui prend la créature raisonnable et immortelle devant le mur de son tombeau ! […] J’en connais les bords, et de ces bords émergent tant de clartés ardentes, que mon cœur brûle en moi.

1763. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Il avait un besoin passionné de connaître la destinée de l’homme ; il établit comme axiome que tout être a une destinée, et de là dérive le reste. […] « Dès que nous avons conçu que tout être a une fin, nous recueillons de l’expérience cette seconde vérité, que cette fin varie de l’un à l’autre, et que chacun a la sienne qui lui est spéciale85. » Ces deux vérités nous en découvrent une troisième, à savoir que « si chaque être a une fin qui lui est propre, chaque être a dû recevoir une organisation adaptée à cette fin, et qui le rendît propre à l’atteindre : il y aurait contradiction à ce qu’une fin fût imposée à un être, si sa nature ne contenait le moyen de la réaliser. » Puisque la nature des êtres est appropriée à leur fin, on pourra, en étudiant la nature d’un être, connaître sa fin, de même qu’en étudiant la structure d’un édifice on peut conclure sa destination. […] Que notre science soit imparfaite, peu importe ; notre destinée est toujours de connaître. La preuve en est que le bœuf désire manger et que nous aspirons à connaître.

1764. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

C'est une singulière organisation que celle de ce brillant et facile talent, et après l’avoir entendu nous-même, en ses beaux jours, et à écouter ceux qui l’ont pu mieux connaître, nous oserions dire : Villemain n’aime et ne sent directement ni la religion, ni la philosophie, ni la poésie, ni les arts, ni la nature. […] Quelqu’un qui l’a bien connu disait : « M. de Genoûde m’est insupportable ; ce prêtre gras me dégoûte ; sa grosse face exprime sa logique béate ; sa mauvaise foi, à la longue, a l’air d’être devenue une conviction, absolument comme un corps étranger qui, à force de séjourner dans l’estomac, s’introduirait dans l’organisation et irait se loger entre cuir et chair : … et fibris increvit opimum Pingue… a dit Juvénal. » 24.

1765. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Cela n’a point d’inconvénient toutes les fois que la fin dernière du discours est la représentation d’un état de l’imagination ou de l’âme : toutes les métaphores alors, toutes les hyperboles, toutes les figures naturelles sont bonnes, du moment qu’elles font connaître cet état d’âme ou d’imagination au lecteur ou le suscitent en lui. […] Il est plus facile de dire ce qu’on désire, que le moyen d’obtenir ce qu’on désire, de rendre l’impression confuse qu’on ressent en présence d’un objet, que de faire connaître l’objet lui-même.

1766. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Bodinier connaît les hommes. […] » car celui-là, son nom du moins est encore connu.

1767. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

Laurent Tailhade à l’hôpital C’est à visiter les poètes que j’ai connu tous les hôpitaux de Paris : Laennec avec ses toits de prieuré, sa façade d’ancienne abbaye ; Broussais, qui semble, bâti sur pilotis, une bourgade de l’époque lacustre ; Necker aux murs nus et froids de caserne, mais où chante dans la cour une éternelle eau plaintive ; Saint-Louis, dont les tourelles Louis XIII pointent si joliment derrière les feuillages de l’avenue ; l’Hôtel-Dieu, qui ordonne parmi les colonnades et les degrés de pierre, la pompe païenne d’un décor antique… C’est précisément à l’Hôtel-Dieu que je viens de voir Laurent Tailhade, à peine remis d’une douloureuse et grave opération. […] Aurait-elle donc connu, elle aussi, la morsure du fer, la hantise, l’obsession nauséeuse du chloroforme ?

1768. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Si la plume de M. de Mirabeau ne lui a point acquis une grande célébrité, il a du moins mérité, par ses vertus sociales, l’estime de tous ceux qui l’ont connu. […] Qu’il se révolte contre sa morale : l’expérience a fait constamment connoître que cette morale est la digue la plus respectable & la plus sûre qu’on puisse opposer à la perversité des passions.

1769. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

L’homme de son siècle qui écrivoit le mieux en Latin est accusé de ne se pas connoître en stile. […] La pointe de cette épigramme tombe sur ce que le peintre n’a représenté Erasme qu’à demi corps* : Vois la moitié d’Erasme, en tous lieux si connu.

1770. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

L’attrait du spectacle des gladiateurs le fit aimer des grecs aussi-tôt qu’ils le connurent : ils s’y accoutumerent, quoiqu’ils n’eussent point été familiarisez avec ses horreurs dès l’enfance. […] Les hommes enrichis par ses bienfaits sont connus de toute l’Europe comme le sont ceux ausquels il est arrivé quelqu’avanture singuliere.

1771. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Il se fait connoître aux autres pour ce qu’il est, quand lui-même il ne le sçait pas encore. […] Du moins voïons-nous dans sa vie que ce qui le fit connoître d’Auguste, ce furent des secrets pour guérir les chevaux, à la faveur desquels ce grand poëte s’introduisit dans l’écurie de l’empereur.

1772. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Quand nous avons vu une main purement et fermement catholique comme celle de Wallon, dont nous connaissons le courage, écrire un livre biographique sur le célèbre fondateur de l’éclectisme moderne et y camper cette insolente épigraphe qui le montre au doigt : Esto vir !  […] Aujourd’hui qu’elles sont connues, elles font horreur, et la postérité n’aura pas assez d’invectives contre elles… Assumant en elles toutes les contradictions, elles éveillent en nous tous les sentiments contradictoires, la confiance et le doute, l’amour et la haine, l’estime et le mépris.

1773. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

C’est un Taine que ses compatriotes n’ont pas connu. […] Quant aux lettrés de Vouziers, ils prennent un ton réservé, disant : Taine n’est pas venu à nous ; il ne nous a pas connus ; il ne rentrait à Vouziers que de loin en loin, descendait à l’hôtel et ne voyait que ses hommes d’affaires. »‌ La supériorité de la vie contemplative sur la politique, c’est qu’il n’est pas besoin de délégation pour la représenter ; que le Rethelois, que l’Argonne, que nos régions de l’Est autorisent ou non Taine, elles s’expriment par son génie.

1774. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On a rassemblé depuis peu en Angleterre plusieurs de ces monuments qui s’étaient conservés dans le nord de l’Écosse, et ils sont connus en France sous le titre de poésies erses. […] C’en est fait ; les heures de ma vie sont écoulées : je vais sourire en mourant. » On peut juger par ce morceau, quelle était la mythologie, le caractère et le tour d’imagination de ces peuples, plus connus jusqu’à présent par leur férocité que par leur génie ; mais ce qui mérite d’être observé, c’est que la plupart des scaldes ou chantres du nord étaient Islandais.

1775. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Enfin dix pages de Tacite apprennent plus à connaître les hommes que les trois quarts des histoires modernes ensemble. […] J’ai parlé de son éloquence, elle est connue ; en général ce n’est pas une éloquence de mots et d’harmonie, c’est une éloquence d’idées qui se succèdent et se heurtent ; il semble partout que la pensée se resserre pour occuper moins d’espace ; on ne la prévient jamais, on ne fait que la suivre ; souvent elle ne se déploie pas tout entière, et elle ne se montre, pour ainsi dire, qu’en se cachant.

1776. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Il connaît mieux la marche des globes célestes qui roulent à des millions de lieues de la portée de ses faibles sens, qu’il ne connaît les routes terrestres par lesquelles la destinée humaine le conduit à son insu ; il sent qu’il gravit vers quelque chose, mais il ne sait où va son esprit, il ne peut dire à quel point précis de son chemin il se trouve. […] Dieu seul connaît le but et la route, l’homme ne sait rien ; faux prophète, il prophétise à tout hasard, et quand les choses futures éclosent au rebours de ses prévisions, il n’est plus là pour recevoir le démenti de la destinée, il est couché dans sa nuit et dans son silence ; il dort son sommeil, et d’autres générations écrivent sur sa poussière d’autres rêves aussi vains, aussi fugitifs que les siens ! […]   Voilà, disions-nous en nous levant, ce que sera sans doute la poésie des derniers âges : soupir et prière sur des tombeaux, aspiration plaintive vers un monde qui ne connaîtra ni mort ni ruines. […] Les parois de ce rempart de granit étaient tellement perpendiculaires, que les chevreuils mêmes de la montagne n’auraient pu y trouver un sentier, et que nos Arabes étaient obligés de se coucher le ventre contre terre et de se pencher sur l’abîme pour découvrir le fond de la vallée ; le soleil baissait, nous avions marché bien des heures, il nous en aurait fallu plusieurs encore pour retrouver notre sentier perdu et regagner Éden ; nous descendîmes de cheval, et nous confiant à un de nos guides qui connaissait, non loin de là, un escalier de roc vif, taillé jadis par les moines maronites, habitants immémoriaux de cette vallée, nous suivîmes quelque temps les bords de la corniche, et nous descendîmes enfin par ces marches glissantes, sur une plate-forme détachée du roc et qui dominait tout cet horizon. […] Elles auront été le soupir modulé de mon âme en traversant cette vallée d’exil et de larmes, ma prière chantée au grand être ; et aussi quelquefois l’hymne de mon enthousiasme, de mon amitié ou de mon amour pour ce que j’ai vu, connu, admiré ou aimé de bon et de beau parmi les hommes.

1777. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Là encore le mouvement a été très marqué : voilà vingt-cinq ans que l’on répète sur la musique wagnérienne les accusations de folie ou d’impuissance ; le public veut enfin connaître. […] Vous connaissez le sujet de Tristan et Iseult dont j’ai quelquefois entretenu les lecteurs du Siècle, et vous savez que le clou de la pièce qui remplit le premier acte est l’accès de delirium tremens qui s’empare de Tristan et d’Iseult après qu’ils ont bu d’une certaine préparation pharmaceutique. […] Richard Wagner pour un Gluck et pour un Eschyle que de ne connaître ni Eschyle ni Gluck, ce qui parfois s’est vu, même chez de puissants monarques … Au fond, tout ce rabâchage d’une personnalité ivre d’elle-même nous touche médiocrement, n’était pourtant une phrase trop bouffonne pour ne pas être relevée. […] Johann Paul Friedrich Richter (1763-Bayreuth 1825), mieux connu sous le pseudonyme de Jean Paul, est un écrivain allemand. […] Auguste de Gasperini (1823-1868) avait connu Wagner par l’intermédiaire du chef d’orchestre Hans von Bulow et s’était lié d’amitié avec le compositeur en 1860.

1778. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Ce poème, connu aussi sous le nom de Lohengrin, termine en quelque sorte le cycle du Saint-Gral : de plus, il relie la « matière de Bretagne » à la « matière de France » pour parler comme nos trouvères, par le lieu où se passe l’aventure et les versions diverses qui l’ont rattachée dans la suite au cycle de Charlemagne. […] Le poème germanique est censé faire suite à un autre poème beaucoup plus connu même en Allemagne, et dont l’auteur est également ignoré : c’est La guerre des chanteurs à la Wartburg, qui a servi, d’accord avec les populaires légendes, pour la réalisation du Tannaeser wagnérien. […] Wagner ne connaissait pas le nouvel Opéra de Parisp, ce qu’on appelle l’Académie nationale de musique ! […] Il y a différents degrés dans cet art : le sauvage, en effet, dominé par la passion, ne connaît dans sa danse que le mouvement violent ou le repos apathique. […] On connaît le système musical que Wagner a appliqué aux œuvres de sa seconde manière.

1779. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

« Il y a des objets que l’âme connaît par elle-même, et d’autres qu’elle connaît par les organes du corps. […] Ce qui est vrai de nos sens est vrai aussi de notre imagination, de notre mémoire, de notre entendement, de notre raison, de notre conscience même : nous ne pouvons connaître les choses que selon ce que nous sommes, non directement selon ce qu’elles sont. […] Or, il ne connaît les objets que par ses impressions ; donc ces rapports existent déjà d’une manière concrète dans ces impressions mêmes ; donc il doit y avoir d’abord une certaine affection de notre conscience, un certain feeling, qui est l’effet propre en nous des choses multiples, différentes, identiques, et qui ne se retrouve pas dans les autres affections ou états de conscience ; donc, enfin, les relations, avec leurs effets sur nous, sont l’objet d’une conscience sensitive avant de pouvoir être l’objet de cette « opération intellectuelle » où Platon voyait une contemplation des idées. […] Une sensation, selon nous, n’existe en elle-même qu’à la condition d’exister aussi pour soi à quelque degré, et il n’y a pas plus de sensation absolument inconsciente que de souffrance inconsciente ; or, par cela même qu’un état de conscience est senti, on peut dire aussi que, dans la même mesure, il est connu comme tel. […] Je puis agir volontairement sur les choses par mes idées des choses ; donc je les connais et je les affirme, autant du moins qu’il est nécessaire à la connaissance purement scientifique.

1780. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Il est douteux qu’on connaisse aucun exemple bien authentique d’un animal hybride parfaitement fécond. […] Quoique je ne connaisse aucun cas bien authentique d’animaux hybrides parfaitement féconds, j’ai cependant des raisons de croire que les hybrides des Cervulus vaginalis et Reevesii, et du Phasianus colchicus avec le Ph. torquatus, sont parfaitement féconds123. […] On connaît beaucoup d’exemples d’espèces qui peuvent être croisées avec la plus grande facilité et qui produisent de nombreux hybrides ; et cependant ces hybrides sont absolument stériles. […] Cette stérilité est susceptible de présenter tous les degrés possibles, et elle est parfois si peu sensible, que les plus soigneux expérimentateurs qu’on connaisse sont arrivés à des conclusions opposées en classifiant les formes organiques d’après le critère qu’elle leur a fourni. […] Les premiers croisements entre des formes bien connues pour variétés, ou assez ressemblantes pour qu’on les croie telles, de même que leur postérité métisse, sont très généralement, mais non pas, comme on l’a faussement affirmé, universellement féconds.

1781. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Victor Hugo, qui a posé devant la Critique depuis quarante ans dans toutes les attitudes, est trop connu pour qu’on s’amuse à caractériser un talent, gros d’ailleurs, grimaçant et sonore comme un masque, qui se voit aisément et de loin, et dont on ne perd rien, si loin qu’on en soit, parce qu’il manque profondément de finesse. […] Le poète déjà connu est toujours le Narcisse éternel qui a chanté ses cheveux noirs, qui va chanter les blancs, qui palpite pour lui et qui s’effraie pour lui, et s’imagine que tout l’intérêt des lecteurs va s’absorber dans cette incroyable contemplation de fakir ! […] Pour cette raison, qui n’est pas la seule, du reste, il n’y a point à chercher dans le recueil actuel des effets nouveaux, des beautés patiemment obtenues par une étude sévère à soi-même, en deux mots, un Hugo inconnu dans le Hugo que nous connaissons. […] Victor Hugo est, pour qui se connaît en poètes, un poète primitif, attardé dans une décadence, aimant tout ce qui est primitif, comme la force, par exemple, et ses manifestations les plus physiques et les plus terribles. […] Hugo pourrait appliquer à son talent même, car il en est la meilleure caractéristique que nous connaissions.

1782. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Une des plus connues consiste à promener un certain groupe de personnages, d’acte en acte, dans les milieux les plus divers, de manière à faire renaître dans des circonstances toujours nouvelles une même série d’événements ou de mésaventures qui se correspondent symétriquement. […] Nous apercevons le sens réel de la situation, parce qu’on a eu soin de nous en montrer toutes les faces ; mais les acteurs ne connaissent chacun que l’une d’elles : de là leur méprise, de là le jugement faux qu’ils portent sur ce qu’on fait autour d’eux comme aussi sur ce qu’ils font eux-mêmes. […] Comparez ces petites scènes entre elles, vous verrez que ce sont généralement des variations sur un thème de comédie que nous connaissons bien, celui du « voleur volé ». […] C’est le mot bien connu, attribué encore à M.  […] Nous connaissons l’expression naturelle, en effet, puisque c’est celle que nous trouvons d’instinct.

1783. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Et pourtant, malgré mon désir de sortir le plus tôt possible de ces temps de trouble et de révolution « où, comme l’a dit M. de Bonald, il est plus difficile de connaître son devoir que de le suivre36 », j’ai encore à exposer mieux que je ne l’ai fait jusqu’ici la conduite et le caractère du président Jeannin dans cette période orageuse, en le comparant surtout avec le personnage de Villeroi, auquel on l’associe volontiers, mais avec qui il ne doit point se confondre. […] Il y a dans le président pendant la Ligue deux hommes en quelque sorte : d’une part, le conseiller politique, l’homme sage et patriote qui cherche le salut général et la pacification de l’État ; et de l’autre il y a l’ami, l’intime du duc de Mayenne, « celui qui connaît le mieux l’intérieur de son cœur ». […] Cependant sa fidélité envers Mayenne, si honorable et si prolongée, dont les motifs désintéressés n’étaient pas suspects, et qui s’ajoutait à des antécédents si connus de modération et de clairvoyance, ne put que recommander le président Jeannin auprès de Henri IV, bon juge des hommes.

1784. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Je laisserai donc ce poème tout à fait en dehors de mon appréciation présente, et il ne sera question ici que du Parny élégiaque, de celui dont Chateaubriand disait : « Je n’ai point connu d’écrivain qui fût plus semblable à ses ouvrages : poète et créole, il ne lui fallait que le ciel de l’Inde, une fontaine, un palmier et une femme. » Né à l’île Bourbon, le 6 février 1753, envoyé à neuf ans en France, et placé au collège de Rennes, où il fit ses études, Évariste-Désiré de Forges (et non pas Desforges) de Parny entra à dix-huit ans dans un régiment, vint à Versailles, à Paris, s’y lia avec son compatriote Bertin, militaire et poète comme lui, Ils étaient là, de 1770 à 1773, une petite coterie d’aimables jeunes gens, dont le plus âgé n’avait pas vingt-cinq ans, qui soupaient, aimaient, faisaient des vers, et ne prenaient la vie à son début que comme une légère et riante orgie. […] Il y connut la jeune créole qu’il a célébrée sous le nom d’Éléonore ; il commença par lui donner des leçons de musique ; mais le professeur amateur devint vite autre chose pour son Héloïse ; les obstacles ne s’aperçurent que trop tard, après la faute, après l’imprudence commise ; l’heure de la séparation sonna ; il y eut ensuite un retour, suivi bientôt de refroidissement, d’inconstance. […] La poésie érotique n’est pas l’enfance, mais l’enfantillage de la poésie. » Voilà l’anathème du vieux Caton ; — pas si Caton qu’il en avait l’air, pas si Aristide du moins, et qui, dans son austérité de censeur en titre, ne dédaignait ni les places, ni les émoluments, ni les biens solides pour sa famille : — « Les Bonald, je les connais », disait M. 

1785. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

On me dit qu’on eût été bien aise de connaître les œuvres de Veyrat avant de savoir s’il faut s’intéresser à sa vie ; mais il en est de lui comme de tous les poëtes personnels et lyriques : sa lyre et son âme, sa vie et son œuvre sont une même chose. […] Panthéiste, athée ou chrétien, Tu connais leurs luttes obscures ; C’est mon martyre, et c’est le tien, De vivre avec ces deux murmures. […] Sully Prudhomme, qui paraît en connaître les chefs, ne les imite pas et ramène les choses au vrai point.

1786. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Topffer alors peu connu en France267, et, dans le Journal des Débats du 13 juin 1846, nous avions à écrire les lignes suivantes : « M.  […] La douleur profonde qu’il laisse à ses amis de Genève sera ressentie ici de tous ceux qui l’ont connu, et elle trouvera accès et sympathie auprès de ces lecteurs nombreux en qui il a éveillé si souvent un sourire à la fois et une larme. » Mais c’est trop peu dire, et ceux qui l’ont lu, qui l’ont suivi tant de fois dans ces excursions alpestres dont il savait si bien rendre la saine allégresse et l’âpre fraîcheur, ceux qui le suivront encore avec un intérêt ému dans les productions dernières où se jouait jusqu’au sein de la mort son talent de plus en plus mûr et fécond, ont droit à quelques particularités intimes sur l’écrivain ami et sur l’homme excellent. […] Sayous, parent et ami de Topffer, et qui l’a si bien connu par l’esprit et par le cœur.

1787. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Les peines donc qui naissent de l’exaltation de l’âme, ne sont point connues par les ambitieux ; mais si le vague de l’imagination offre un vaste champ à la douleur, elle présente aussi beaucoup d’espace pour s’élever au-dessus de tout ce qui nous entoure, éviter la vie, et se perdre dans l’avenir. […] Il ne faut qu’ouvrir l’histoire, pour connaître la difficulté de maintenir les succès de l’ambition ; ils ont pour ennemis la majorité des intérêts particuliers, qui tous demandent un nouveau tirage, n’ayant point eu de lots dans le résultat actuel du sort. […] Ce qui est grand et juste d’une manière absolue, n’est donc plus reconnu ; tout est estimé dans son rapport avec les passions du moment : les étrangers n’ont aucun moyen de connaître l’estime qu’ils doivent à une conduite que tous les témoins ont blâmée ; aucune voix même, peut-être, ne la rapportera fidèlement à la postérité.

1788. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Les peines de cette passion sont assez peu connues, parce que ceux qui les ressentent en gardent le secret, et que tout le monde étant convenu de mépriser ce sentiment, jamais on n’avoue les souvenirs ou les craintes dont il est l’objet. […] C’est non seulement à la réunion des hommes en société que ce sentiment est dû, mais c’est à un degré de civilisation qui n’est pas connu dans tous les pays, et dont les effets seraient presque impossibles à concevoir pour un peuple dont les institutions et les mœurs seraient simples ; car la nature éloigne des mouvements de la vanité, et l’on ne peut comprendre comment des malheurs si réels naissent de mouvements si peu nécessaires. […] Connaissez-vous Licidas ?

1789. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Donc la querelle, qui venait ensuite, si elle n’était plus une vive entrée en matière, devenait un coup de théâtre émouvant : intéressés à la passion des jeunes gens, nous sommes plus touchés de la dispute des pères ; mais voir entrer deux hommes, qu’on ne connaît pas, dont on ne sait rien, qui ne nous sont rien, et les entendre échanger des insolences et des injures, c’est vif, si l’on veut : mais d’effet dramatique, je n’en vois pas. […] Antoine connaît les dispositions de cette foule brutale et tumultueuse : il faut l’amadouer pour la dominer et la retourner. […] Bossuet ne manque jamais de faire connaître le plan qu’il se propose de suivre dans ses oraisons funèbres : mais il le fait sans le dire, sans compter sur ses doigts les parties et les parties des parties, sans sécheresse en un mot ni nomenclature rebutante.

1790. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

J’en connais — et d’illustres — qui n’ont jamais fait autre chose que chercher dans les auteurs des passages conformes à leurs jugements préconçus, et qui pouvaient leur servir à construire l’édifice sévère de leur doctrine. […] Si la culture des Universités ou des Collèges prépare l’homme à la vie dans son milieu et dans son temps, il ne suffit pas de connaître la valeur historique des textes ; il faut en rechercher la valeur présente. […] On appuiera plus ou moins sur certains rapports des œuvres françaises avec les modèles anciens, selon que les auditeurs seront capables de connaître ceux-ci dans l’original ou seulement par des traductions.

1791. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Un Socrate instinctif, ou mieux, un faune, un satyre, un être à demi brute, à demi dieu, qui s’effraye comme une force naturelle qui n’est soumise à aucune loi connue. […] Je crois qu’il faut connaître tout Verlaine pour pouvoir l’aimer autant qu’il mérite d’être aimé, et je ne choisis pas. […] Verlaine n’a jamais connu le calme.

1792. (1842) Essai sur Adolphe

Ellénore a déjà aimé ; elle a déjà connu toutes les angoisses et tous les égarements de la passion ; elle s’est isolée du monde entier, pour assurer le bonheur de celui qu’elle a préféré. […] Adolphe choisit Ellénore entre toutes les femmes, non pour la relever et la soutenir, car il ne la connaît pas assez pour sympathiser avec son chagrin, mais parce qu’elle a tenu tête à l’orage, parce qu’elle a lutté contre l’envie et la médisance, parce que les yeux sont fixés sur elle, parce que sa fidélité permanente a déjoué bien des ambitions injurieuses, parce que son dédain a humilié bien des jactances. […] L’entraînement mutuel de ces deux cœurs, si différents et si mal connus l’un de l’autre, deviendra peu à peu irrésistible.

1793. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Je mis la main sur mes yeux, et je fis le choix avec mon cœur… Je ne connais rien de plus triste que cette prodigalité de cœur qui est répandue sur toute cette préface, sous prétexte d’y couvrir ce que l’auteur ne fait par là qu’étaler. […] Pour me représenter M. de Lamartine et ses erreurs sans lui faire trop d’injure, je me suis demandé quelquefois ce que serait devenu un François de Sales ou un Fénelon, une de ces natures d’élite, qui n’aurait pas été élevée du tout, qui n’aurait connu aucune règle, et se serait passé tous ses caprices. […] Sa manière, que nous avons connue si noble d’abord, un peu vague, mais pure, s’est gâtée ; elle dément à chaque instant ses premiers exemples et ses modèles.

1794. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Le livre est en Latin : il avoit au moins cet avantage, d’être peu connu ; mais le P.  […] Mais ce même Gacon, si connu pour avoir été à la tête de cette association, appellée le régiment des fous & de la calotte, pensa gâter entièrement la cause qu’il défendoit. […] Elle en fut indignée, & s’écria : « Il est tombé absolument en démence ; accident si ordinaire aux gens qui, comme lui, se mêlent de faire des vers, que j’aurois dû le prévoir, & ne pas souffrir qu’un pareil homme pût se vanter d’être connu de moi. » On en appelloit aux autres nations qui font plus de cas que nous des poëtes, & qui ne dédaignent pas quelquefois de les mettre à la tête du gouvernement.

1795. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Elle comprend elle-même plusieurs organes distincts, dont la description serait trop compliquée, et dont il suffira de connaître les noms. […] Cette vérité fondamentale a d’ailleurs été mise hors de doute par les expériences si connues de M.  […] Je ne connais point de sujet plus compliqué, de question plus difficile. » Le poids du cerveau soit absolu, soit relatif, étant un symptôme si difficile à déterminer et d’une signification si douteuse, on a proposé un autre critérium pour mesurer l’intelligence par son appareil organique On a dit qu’il fallait moins considérer le poids que la forme et le type.

1796. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Un comédien qui ne se connaît pas en peinture est un pauvre comédien ; un peintre qui n’est pas physionomiste est un pauvre peintre. […] Sentir ce qu’il en faut prendre, ce qu’il en faut laisser ; connaître les passions douces et fortes, et les rendre sans grimace. […] Les peintres ne manquent pas ces grossières analogies ; mais s’ils en connaissaient distinctement la raison, bientôt ils iraient plus loin.

1797. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Elle ne sut jamais rien, du moins avec nos manières de connaître… Elle n’avait rien appris que de son Ange gardien, qu’elle voyait toujours, extatique dès l’enfance, sans se douter de son extase ! […] C’était une enfant de la pâle et sainte misère et de la rose Patience, comme dit si profondément Shakespeare, qui se connaissait en Anges, mais qui, lui, ne les avait pas vus ! […] » Et vraiment pour nous qui les admirons aujourd’hui comme l’originalité la plus extraordinaire et la plus puissante, le plus incroyable à nos yeux n’est pas d’avoir créé dans l’histoire ou vu ce qui, de fait, n’y est pas (car c’est la même chose), mais c’est de n’avoir pas brouillé les lignes en écrivant dans l’entre-deux ; c’est de n’avoir pas faussé l’histoire connue, en y ajoutant ; c’est d’avoir pu, par exemple, l’Évangile étant donné, l’Évangile qu’on peut, même sans être chrétien, sans avoir l’âme bien haute, sans être Jean-Jacques, trouver le plus beau livre qui ait jamais paru parmi les hommes, ajouter aux faits qu’il renferme ; à son esprit, à son langage, et cela sans que l’imagination se soulève avertie et dise précisément comme on dit du Père Lacordaire sur la Madeleine : « Prenons garde !

1798. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Il les écrivait à travers toutes les distractions, — à travers les cris perçants de ce fameux ara jaune et bleu que tout Paris a connu, ce tigre à plumes (disait Saint-Victor), qui criait comme s’il avait été l’ara du diable ; et il faisait gaiement sa partie de cris avec ce monstre, qui aurait déchiré le tympan des plus sourds, et il la faisait sans lâcher la phrase qu’il écrivait et dans laquelle il berçait si voluptueusement sa pensée ! […] qui avait, de plus, en perspective, deux cent mille livres de rente, qui était connu de toute l’Europe, bien venu de ses Princes et de ses artistes, et que tous les courtisans de son feuilleton, qui étaient nombreux, appelaient le Prince de la Critique bien avant que M.  […] à un homme qui ne devait connaître aucun des malheurs de la vie, qui ne devait pas avoir d’enfants, dont les seuls enfants furent ses livres, ses livres aimés d’Apollon et qui n’en sentirent jamais les flèches !

1799. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Quoiqu’il n’ait pas eu le dessein de reproduire les traits de Mazarin dans ce qu’ils ont d’arrêté, de gravé, de connu, mais bien plutôt dans ce qu’ils ont de fuyant, de mystérieux encore ; quoiqu’il ait dit, avec cette sobriété et ce tact qui sont le goût : « N’abusons pas de l’oncle en parlant des nièces », l’auteur des Nièces de Mazarin n’a pas cependant pensé qu’à elles seules. […] Il juge les femmes qu’il peint en homme que la bonne compagnie ne trouble point, parce qu’il la connaît. […] Il s’agit du duc de la Meilleraie, qui épousa Hortense Mancini, la plus belle des Mancines, et qui reste connu, dans la splendeur d’un ridicule égale à sa fortune, sous le nom de duc de Mazarin.

1800. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Le sensualiste nie la raison, qui est la faculté de connaître l’absolu. […] II Les hommes qui l’ont connu disent que sa conversation avait un charme dont on ne pouvait se défendre, et ses leçons furent une conversation. […] On en connaît très-bien la couverture ; quant au contenu, c’est autre chose. 

1801. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Faguet, mais de ce point de vue qui nous fait connaître comme un milieu de vérité transcendante le son purifié de la parole humaine. […] Le théâtre est le genre commun, la plate-forme populaire où se fait connaître une école poétique. […] Nous avons à revendre des livres d’anecdotes sur Verlaine, nous connaissons assez et trop ses propos de café.

1802. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Cet éloge, où un particulier loue un prince avec lequel il a quelque temps vécu dans l’obscurité, pouvait être précieux ; le souvenir des études de leur jeunesse et cette heureuse époque où l’âme, encore neuve et presque sans passions, commence à s’ouvrir au plaisir de sentir et de connaître, devait répandre un intérêt doux sur cet ouvrage ; mais nous ne l’avons plus, et nous n’en pouvons juger ; nous savons seulement qu’il était écrit en grec. […] Pour connaître l’esprit des différents siècles, il n’est pas inutile d’observer que Mamertin, qui prononça cet éloge, parvint, par ses talents, aux premières dignités ; il occupa longtemps avec distinction le rang de sénateur ; et quand Julien monta sur le trône, il lui donna la place de surintendant général des finances de l’empire. […] Ainsi, l’erreur se rapprochait de la vérité pour la mieux combattre ; mais, dans cette agitation universelle, ce qui dominait le plus, c’était la fureur de connaître ce qui n’était point encore, et de franchir les bornes que la nature a posées aux connaissances comme au pouvoir de l’homme.

1803. (1899) Arabesques pp. 1-223

Puis il épouse Marie, lui fait un bel enfant et connaît enfin la joie de vivre. […] Bientôt, j’émergeai entre les deux rochers et je connus la joie de m’épanouir à l’air libre. […] Mais les arbres, plus on apprend à les connaître, plus on s’y attache. […] Quand j’ai commencé à réfléchir, vous m’avez aidé à me connaître moi-même. […] Hæckel et Spinoza sont bons à connaître.

1804. (1932) Les idées politiques de la France

J’en connais qui le sont dans une mesure très appréciable. J’en connais qui sont pour la séparation de l’Église et de l’État. […] Elles ont connu, au 2 décembre, un nouveau Thermidor. […] Il connut en Péguy un Garcin. […] Il connaîtra son libéralisme comme précaire, et sera au besoin libéral contre lui.

1805. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Avec tous ceux qui lisent poétiquement les poètes, j’avais remarqué que, pour sentir le charme d’un vers, d’un lambeau de vers, pas n’est besoin de connaître le poème où ce vers, ce lambeau se trouvent. […] vous parlez de poésie pure, me dit-il, et je n’en connais pas d’autre, du moins digne de ce nom. à merveille. […] Dresser la carte de nos plaisirs, c’est l’affaire du critique ; la philosophie ne connaît pas de frontières. […] Mais pour bien comprendre la qualité et le rôle différents qu’il leur attribue d’ impulsion, d’ induction ou d’ irradiation, il faut connaître les bases de sa synthèse. […] Mais il m’a paru important pour notre thèse d’en faire connaître les grandes lignes, l’auteur aboutissant à une métaphysique a posteriori, d’autant plus intéressante pour nous qu’elle serait dans son ensemble cartésienne et mécaniste.

1806. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

L’autre, que je n’ai jamais connu beau causeur, ni même très communicatif en général, ne répondait guère que par monosyllabes plutôt ennuyés. […] Tous ceux, du reste, qui connaissent les quelques romans de M.  […] J’ai passablement connu Victor Hugo. […] Même il connut le luxe et tint un certain rang. […] J’en connais même des vers, et non des moins intéressants, que mon pauvre ami m’avait communiqués verbalement, en grande quantité, grâce à sa prodigieuse mémoire.

1807. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Projetées hors de la surface nerveuse où nous logeons la plupart des autres, l’attache qui les reliait aux autres et à nous s’est dénouée, et elle s’est dénouée selon un mécanisme bien connu, par l’effacement de l’opération imaginative qui situe la sensation à tel ou tel endroit. […] Un jour, il prit le chat, qu’il connaissait bien par le toucher, le regarda fixement et longtemps, le posa par terre et dit : “À présent, Minet, je te reconnaîtrai une autre fois.” Plus tard, quand avec les yeux il eut connu le visage de ses parents, « on lui montra le portrait de son père en miniature sur la montre de sa mère ; on lui dit ce que c’était, et il le reconnut comme ressemblant. […] Avant l’opération, l’aveugle a fermé et ouvert déjà ses paupières, et connaît certainement leur situation, comme celle des autres portions de son corps. D’ordinaire, aussitôt après l’opération, le jour trop vif l’oblige à les fermer et à contracter sa pupille. — Voilà deux sensations musculaires dont il connaît l’emplacement et qui sans doute contribuent à lui faire situer sa nouvelle sensation nouvelle contre le globe de l’œil.

1808. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Ces deux Auteurs, sans se connoître, & sans s’être communiqué leur dessein, conçurent le même projet, l’exécutèrent, & se disputèrent à l’envi le mérite & l’honneur de l’invention. […] Les Auteurs Grecs furent connus des Gaulois, presque en même temps que des Latins. […] Ainsi les Gaulois n’ont connu les ouvrages de l’Antiquité Latine, que sous la domination des Romains, accoutumés à imposer aux vaincus la nécessité d’apprendre, de parler & d’écrire la langue des vainqueurs ; car leur politique étoit d’étendre l’usage de leur langue aussi loin que leurs conquêtes : politique négligée par les Grecs, & à laquelle la langue Latine est redevable de la gloire d’être constamment demeurée la langue vulgaire de tous les gens de Lettres ; tandis que la langue Grecque n’est aujourd’hui bien connue que d’un petit nombre de Savans. […] Quoique l’homme soit né pour connoître & pour aimer la vérité ; l’erreur, l’illusion & le mensonge assiégent son berceau. […] Quelque imparfaites que fussent ces Traductions, elles donnoient du moins une idée de l’Antiquité, & inspiroient le desir de connoître les originaux & de les consulter.

1809. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

” » Et sur l’un des derniers feuillets du carnet se trouve : Histoire de plusieurs cœurs de jeunes filles, que j’ai connues. […] sont les noms connus du temps de ma jeunesse. […] Au fond c’est une cervelle très curieuse, et de toutes les cervelles de jeunes que je connais, la plus disposée et la plus prête à donner de l’original et du puissant. […] Dumény, qui, avant de connaître la pièce, m’avait laissé voir la peur, qu’il avait de son rôle, l’accepte gaiement. […] Mais votre pièce nous a saisis, bouleversés, enthousiasmés, et des jeunes gens qui, comme moi, ne vous connaissaient guère, trois heures avant, et qui n’avaient pour votre art qu’une estime profonde, sont sortis pleins d’une admiration affectueuse pour vous.

1810. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Je me mets entièrement dans les bras d’un si digne ami que vous êtes, Monsieur, car je ne connais personne à qui je puisse confier mieux et mon honneur et mes intérêts. […] Mon amie connaissait aussi et elle aimait tendrement ce cher François Gori. […] Il paraît qu’elle avait connu le premier en Italie. […] Nous vous dirons bientôt ce que c’était que Fabre, que nous avons beaucoup connu après la mort d’Alfieri, mais de qui nous n’avons jamais reçu aucune confidence irrespectueuse pour ses deux amis. […] Le général me répondit directement deux mots pour me dire que mes ouvrages lui avaient inspiré le désir de me connaître ; mais que désormais, averti de mon humeur sauvage, il ne me chercherait plus.

1811. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

L’homme n’est fait que pour aimer l’être qu’il connaît, qu’il approche ou qu’il possède. […] Il gronde, il grogne, il argutie, avec cet agacement de nerfs, que tous ceux qui le connaissent, lui ont toujours vu pour une œuvre un peu haute, l’espèce de petite colère qui le congestionne dans la discussion, et encore avec la mauvaise foi féminine qui le caractérise. […] Quelles belles études à faire sur ces trois écrivains de la Révolution, connus seulement de nous : Suleau le journaliste de 1791, Chassagnon, le fou de Lyon, le Saint-Jean à Pathmos de la Terreur, et ce Juvénal en prose du Directoire, Richer-Serizy ! […] Et, sans rien y connaître, nous voici devenus amoureux des deux arbres les plus chers du pépiniériste. […] * * * Qui n’a lu les conversations de Napoléon dans les Mémoires si vivants, si intéressants, si peu connus de Roederer, ne connaît point ce genre d’éloquence de l’homme de génie, qu’on pourrait appeler le vagabondage de l’éloquence.

1812. (1926) L’esprit contre la raison

Ce qui les frappe, c’est un pouvoir qu’ils ne se connaissent pas, une aisance incomparable, une libération de l’espritbl, une production d’images sans précédent et le ton naturel de leurs écrits. […] Accrochés au souvenir, aux faits, jamais ils ne connaîtront cette exaltation de qui a renoncé à la joie du ventre, à cet espoir dont Paul Valéry nous disait qu’il n’est que la méfiance de l’être à l’égard des prévisions de son esprit… Le poète, lui, au contraire, ne flatte ni ne ruse. […] Le livre de ses songes, il le lit comme ces leçons de choses où son enfance essaya d’apprendre à connaître l’économie du monde, la marche du temps, les caprices des éléments et les mystères des trois règnes. […] Les Pensées de Pascal nourrissent souterrainement le texte comme ici « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » [Lafuma 224 , Br. 277]. […] « On ne passe point dans le monde pour se connaître en vers si l’on n’a mis l’enseigne de poète, ni pour être habile en mathématiques si l’on n’a mis celle de mathématicien.

1813. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Pour le reste, nous ne le connaissions que par quelques-uns de ces mots qui souvent, en France, sont les seuls survivants de l’histoire. […] Pénétré de la lecture de son livre, un des plus substantiels que je connaisse, voici, en résumé, non pas mon jugement, mais mon impression. […] mais où elle a admirablement raconté les philosophies antérieures, je connais peu de pages plus solides, plus nettes, plus transparentes, que celles où M.  […] Henri Delaage, sur les moyens de connaître l’avenir, ou, pour mieux dire, sur le Magnétisme. […] Mais vous connaissez trop bien la manière de M. 

1814. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Il y a une limite, sans doute, et je crois la connaître. […] J’ai connu beaucoup de jeunes gens élevés dans ces maisons. […] Vous les connaissez ; vous ne doutez pas de cela. […] Il ne néglige pas ses affaires : il ne les connaît plus ; elles n’existent plus pour lui. […] L’homme qui ne connaît l’histoire que depuis 1789 est un homme si limité qu’il en est bouché.

1815. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Garat avait l’air de souhaiter que je me fisse connaître davantage et que j’entrasse plus amplement en matière, mais je ne m’y sentis nullement poussé, et je me contentai d’avoir lancé mon trait… Ce n’était qu’une première escarmouche. […] Garat avait dit en opposition à l’universalité des idées morales ou autres idées premières : « Je ne connais rien d’universel, à la rigueur, que l’univers. » Saint-Martin le presse sur ce mot et lui en demande compte : Malgré l’opposition que vous annoncez contre le matérialisme, vous avez cependant été entraîné à dire, comme ses sectateurs, que vous ne connaissiez rien d’universel, à la rigueur, que l’univers, tandis qu’il y a quelque chose en vous de bien plus universel que cet univers, savoir votre pensée. […] J’aurais beaucoup gagné à le connaître plus tôt : c’est le seul homme de lettres honnête avec qui je me sois trouvé en présence depuis que j’existe ; et encore n’ai-je joui de sa conversation que pendant le repas : car aussitôt après parut une visite qui le rendit muet pour le reste de la séance, et je ne sais quand l’occasion renaîtra, parce que le Roi de ce monde a grand soin de mettre des bâtons dans les roues de ma carriole.

1816. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Les sceaux étant rendus au chancelier d'Aguesseau, M. d’Argenson crut que les Affaires étrangères allaient lui venir presque d’elles-mêmes : « Je ne postulai point, dit-il, mais on postula pour moi… Je vaux peu, mais je brûle d’amour pour le bonheur de mes citoyens, et si cela était bien connu, certainement on me voudrait en place. » N’est-ce pas là un peu de cette candeur dont on l’a souvent loué ? […] Cette position de ministre en expectative se prolongea assez longtemps pour M. d’Argenson, qui s’en accommodait fort bien ; on sentait autour de lui qu’il le deviendrait tôt ou tard : « Mes bonnes intentions, dit-il, et des méditations fort sérieuses que j’ai faites sur les affaires d’État, commencent à percer beaucoup dans le monde ; à quoi joignant de la retraite qui me donne de la rareté, cela me fait passer pour un homme singulier dans le bien, et bien des gens qui ne me connaissent que d’imagination me prônent et m’élèvent. » Il lui venait des offres de services ; on lui proposait de le pousser auprès du roi par les domesticités ; des financiers habiles et administrateurs émérites (un M. de Bercy, gendre de l’ancien contrôleur général Desmarets), lui proposaient de servir sous lui en second, de travailler sous ses ordres, ce qu’ils ne feraient avec personne autre, et qu’il se laissât porter au ministère des finances : « Voilà de l’intrigue, car il en faut, ajoute en toute bonhomie M. d’Argenson, et heureusement j’y suis passivement. […] Ceux qui ne le connaissent pas le croient dévoré d’ambition ; non, il n’en est qu’occupé ; il la médite même gaiement, à cause de l’opinion qu’il a de sa supériorité ; il se voit lui-même au-dessus de tout, il croît apercevoir les fils des marionnettes, il se moque de tout, il se rit de tout et perpétuellement. […] Or rien n’est si à propos que de s’attirer dans le monde la même espèce de considération par où sa race est connue ; il y faut conserver les qualités comme le nom et les armes : d’où je conclus que nous sommes bien étrangers dans le monde par l’intrigue de Cour, et par ce machiavélisme italien qui réussit peu dans les grandes choses, ou y succède mal tôt ou tard.

1817. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Il en est deux pourtant dont les types nous sont connus et familiers et se personnifient dans des noms qui s’expliquent d’eux-mêmes. […] Je connais vos souffrances ; je sais que souvent, pour vous procurer du pain, vous avez vendu les objets précieux que vous possédiez, ceux même que vous teniez des mains les plus chères. J’ai la confiance qu’avec votre courage et votre discipline vous sortirez glorieusement de cette position ; de l’autre côté de l’Apennin, vous trouverez un pays fertile qui pourvoira à tous vos besoins ; avant d’y pénétrer, vous aurez des marches forcées à faire, de nombreux combats à livrer : nos efforts réunis surmonteront toutes les difficultés. » Ce discours, que j’ai trouvé dans les archives de la 18e demi-brigade, ne produisit qu’un médiocre effet sur la troupe ; elle ne pouvait avoir confiance dans les promesses d’un jeune homme dont elle connaissait à peine le nom. […] Le matin de la bataille de Rivoli, quand la tête de la 18e parut, Bonaparte se porta à sa rencontre et dit ces paroles qui devinrent la devise glorieuse de la demi-brigade, et qui seront plus tard brodées en lettres d’or sur son drapeau : « Brave 18e, je vous connais ; l’ennemi ne tiendra pas devant vous. » À ces paroles, les soldats répondirent : « En avant !

1818. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

J’ai fort connu Gustave Planche dès la jeunesse et même dès l’adolescence. […] Sa jeunesse fut, de toutes celles que j’ai connues, la plus irrévérente et la plus dénuée de la faculté du respect. […] Ceux qui ont vu et connu le personnage savent s’il est bien vrai qu’il fût amant de l’idéal à ce point, et si c’était en effet à l’étude austère et à la sobre contemplation des chef-d’œuvres qu’il employait ses heures solitaires ! […] Cette ville toute couleur de terre ressemble plutôt à celles des Abruzzes qu’à tout ce que nous connaissons du littoral de l’Afrique.

1819. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

J’avais autrefois rencontré Gavarni, je ne l’ai connu que tard ; mais j’ai beaucoup causé avec ceux qui l’ont pratiqué de tout temps, je me suis beaucoup laissé dire à son sujet, et insensiblement l’idée m’est venue de rendre à ma manière cette physionomie d’un artiste qui en a tant exprimé dans sa vie et qui les comprend toutes ; j’ai voulu l’esquisser telle qu’à mon tour je la vois et la conçois et telle qu’on l’aime. […] Il avait un oncle, frère de sa mère, peintre connu de la fin du XVIIIe siècle, Thiémet. […] « Personne, me disait un des amateurs qui connaissent le mieux toute son œuvre, personne de nos jours n’a enveloppé la femme ni habillé l’homme comme Gavarni. » Un des premiers tailleurs de Paris28 a dit ce mot mémorable : « Il n’y a qu’un homme qui sache faire un habit noir, c’est Gavarni, Voilà un habit fait il y a vingt-cinq ans, il est toujours à la mode. […] Il ajoutait dans le billet d’envoi : « Monseigneur le Surintendant a voulu avoir ces six vers, et je ne suis pas fâché de lui avoir fait voir que j’ai toujours eu assez d’esprit pour connaître mes défauts, malgré l’amour-propre qui semble être attaché à notre métier. » — L’ancien Balzac n’aurait pas écrit ce petit billet-là, ni le moderne Balzac non plus : l’amour-propre les empêchait de se voir et de se juger.

1820. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Le château, de son côté, tout en se revêtant à neuf et en prenant sa forme féodale, appropriée aux besoins de la défense, reçoit à l’intérieur son arrangement et sa distribution en vue de l’agrément et même du luxe qui s’introduit peu à peu ; il se meuble de mille objets curieux, que les romans du temps nous font connaître, et dont M.  […] Viollet-Le-Duc, par son travail complet, et qui bientôt ne laissera rien à désirer, a mis à contribution pour le Moyen-Âge tous les livres de recherches antérieurs, et, indépendamment des objets mêmes qu’il a dû voir, il a voulu connaître tout ce qu’on en a dit ; il a puisé abondamment pour cela aux sources originales, c’est-à-dire aux chroniques, aux romans chevaleresques, aux traités moraux et didactiques d’alors, tels que le Livre du chevalier de La Tour-Landry pour l’enseignement de ses filles 39, ou le Ménagier de Paris 40. […] Ce serait pourtant mal connaître le cœur humain que de le croire si disposé à rendre justice à ce qui est bien, même quand ce qui est bien ne barre le chemin de personne et augmente le savoir de tous. […] Un bon juge, et qui l’a vu à l’œuvre, me disait : « Je ne connais personne qui dessine mieux, plus facilement, et qui rende plus exactement le caractère de l’objet qu’il dessine.

1821. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

La reine m’a dit hier que plus elle la connaissait, et plus elle lui devenait chère et plus elle l’aimait ; et réellement elle est charmante. » Et comme on était alors en France plus fou que jamais de la porcelaine de Saxe, je ne sais quel bel esprit de la Cour disait : « On ne doit plus prendre de femme qu’en Saxe, et, plutôt que de m’en passer, quand il n’y en aura plus, j’en ferai faire en porcelaine. » Ce dauphin, auquel elle se consacrait, si renfermé et si méditatif, fut peu connu et mal connu : pieux, instruit, mélancolique, il se consuma d’ennui et mourut de la poitrine. […] L’abbaye de Thélème ou le paradis d’Odin, il y avait de l’un et de l’autre à Chambord. — La Bruyère a fait une remarque où, sans avoir l’air d’y toucher, il dit leur fait aux bourgeoises de son temps : « Tout le monde connaît cette longue levée qui borne et qui resserre le lit de la Seine, du côté où elle entre à Paris avec la Marne qu’elle vient de recevoir : les hommes s’y baignent au pied pendant les chaleurs de la canicule ; on les voit de fort près se je ter dans l’eau, on les en voit sortir : c’est un amusement.

1822. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Cette lettre est adressée à l’un de ses amis, négociant et nullement militaire, qu’il avait connu à Paris dans le temps où lui-même était dans les affaires, et qui habitait en dernier lieu à Saint-Pétersbourg63 : « 16/28 mars 1822. — Mon cher Pangloss, j’ai reçu votre aimable et philosophique épître du 8/20 février, et après l’avoir lue et savourée, je me suis bien demandé lequel de nous deux était le coupable du silence de 900 jours… Vous broyez donc décidément du noir sur les bords de la Newa, et, à vous entendre, il ne faut s’occuper ni du passé, ni du présent, ni de l’avenir. Vous connaissez assez la disposition actuelle de mon esprit pour présumer que je ne suis pas bien éloigné de partager votre avis ; cependant lire une ode d’Horace, une élégie de Parny64, quelque morceau d’un éloquent historien tel que Tacite ou Tite-Live, c’est bien s’occuper du passé, et c’est ce que Denys le Tyran ne manquerait pas de faire avec quelque plaisir s’il revenait dans ce bas monde. […] Étudier sans doute en elle-même une physionomie militaire distinguée et singulière en son genre, un personnage plus cité que connu ; traverser avec lui la grande époque, la traverser au cœur par une ligne directe, rapide et brisée, par un tracé imprévu et fécond en perspectives ; recueillir chemin faisant des traits de lumière sur quelques-uns des grands faits d’armes et des événements historiques auxquels il avait pris part ou assisté. […] J’ai donc tâché d’y apporter toute lumière et, sans rien voiler, rien qu’en exposant, de faire en sorte que tous ceux qui sont et seront plus ou moins ses disciples puissent l’apprécier, le voir tel qu’il était en effet, le bien comprendre dans ses vicissitudes de sentiments et de destinée, le plaindre, l’excuser s’il le faut, pour tout ce qu’il a dû souffrir, l’aborder, l’entendre, le connaître enfin de près et comme il sied, d’homme à homme, et peut-être l’affectionner

1823. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Elle était connue, assez mal connue, il est vrai, très-mal famée, et elle semblait condamnée sans appel ; il a fallu un certain effort de curiosité et une sorte de courage de goût pour revenir jusqu’à elle et y pénétrer. […] Turquety, était Champenois, et il s’est aidé de tous les documents de l’érudition locale pour le faire mieux connaître (1859)100. […] Il faut nous représenter Ronsard et sa Pléiade se précipitant, pleins d’ardeur, sur tous les chemins de l’intelligence avec la pensée bien arrêtée qu’ils sont les premiers à y entrer et que personne avant eux n’a connu le printemps ni les fleurs.

1824. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Il n’eut rien de Werther, il ne connut guère Byron de bonne heure, et même il en savait peu de chose au delà du renom fantastique qui circulait, quand il lui adressa sa magnifique remontrance. […] La renommée, un héritage opulent, un mariage conforme à ses goûts et où il devait rencontrer un dévouement de chaque jour, tout lui arriva presque à la fois ; sa vie depuis ce temps est trop connue, trop positive, pour que nous y insistions. […] Dans sa vie connue dans ses tableaux, ce qui domine, c’est l’aspect verdoyant, la brise végétale ; c’est la lumière aux flancs des monts, c’est le souffle aux ombrages des cimes. […] La Mort de Socrate et surtout le Dernier Chant d’Harold sont d’admirables méditations encore, avec un flot qui toujours monte et s’étend, mais avec l’inconvénient grave d’un cadre historique donné et de personnages d’ailleurs connus : or, Lamartine, le moins dramatique de tous les poëtes, ne sait et ne peut parler qu’en son nom.

1825. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Pour les gens du métier qui savent combien ces jugements portés sur les livres du jour par les critiques compétents sont utiles à l’histoire littéraire, et combien, à une certaine distance, il devient difficile de se les procurer dans des feuilles si vite disparues, il semblera tout naturel qu’un homme qui connaît autant les circonstances et les destinées des livres que M. […] La plus vive tentative qu’il se permit hors du cercle où nous le connaissons, est une petite comédie en un acte et en prose, représentée à l’Odéon le 16 mars 1826 : Racine ou la troisième Représentation des Plaideurs. […] Magnin est écrivain, qu’il en a les qualités, le goût, un peu l’entraînement ; il aime à étudier, à connaître, mais pour écrire, pour déduire ce qu’il sait, pour le mettre en belle et juste lumière. […] Magnin, de cette nature des plus fidèles à elle-même et à ce qu’elle a une fois accepté ; il tient beaucoup en cela de ces personnages de la fin du xviiie  siècle, qu’il connaît si bien, qu’il a pratiqués de bonne heure, et dont il a gardé plus d’une doctrine et plus d’un pli, tout en se séparant d’eux si complétement sur la question littéraire.

1826. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Le seul auteur grec connu était le pseudo-Denys l’Aréopagite, identifié à saint Denis, en l’honneur de qui, le 16 octobre, on célébra tous les ans jusqu’en 1789 une messe grecque à l’abbaye de Saint-Denis. […] Cependant le besoin de connaître les langues des Evangiles et de la Bible devenait plus pressant : et mettant à exécution des résolutions prises depuis assez longtemps, l’université de Paris donnait cent écus à Grégoire Tifernas en 1457 pour enseigner le grec avec la rhétorique. […] Et, la première peut-être, la reine de Navarre a noté, entre la passion physique, seule connue aux conteurs bourgeois, et la passion intellectuelle, idée des lyriques courtois, une autre passion, qui est la vraie, la pure passion de l’âme, celle des tragédies de Racine170. […] Tout le monde connaît cette grâce malicieuse, cette très peu candide et très naturelle simplicité, ces jets imprévus d’imagination ou d’ironie, cet art de dire les choses en se jouant, sans appuyer, et d’enfoncer profondément le trait dont l’atteinte est si légère.

1827. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Paris, l’Europe sont inondés de petits livrets signés de noms connus ou inconnus, réels ou fantastiques : Dumarsais, Bolingbroke, Hume, Tamponel docteur de Sorbonne, l’abbé Bigex, l’abbé Bazin et son neveu, les aumôniers du roi de Prusse, je ne sais combien d’auteurs inattendus, tous différents d’âge et de condition, encore que beaucoup soient d’Eglise, tous semblables de doctrine et d’esprit. […] « En vérité, disait Grimm après lecture des Honnêtetés littéraires, M. de Voltaire est bien bon de se chamailler avec un tas de polissons et de maroufles que personne ne connaît. » Le pis pour Voltaire, c’est que ces « polissons » et ces « maroufles » n’étaient pas les seuls objets de sa colérique humeur. […] Elle consiste surtout en deux opérations : 1° la réduction de l’inconnu au connu ; 2° la démonstration par l’absurde. Mais tandis que le mathématicien convertit ses formules sous nos yeux, et nous conduit à sa conclusion par une suite de propositions constamment évidentes, Voltaire supprime les intermédiaires ; il substitue brusquement la vérité connue à la proposition non démontrée, l’absurdité sensible à la proposition non réfutée ; et il nous laisse le soin de saisir l’équivalence des termes de chaque couple.

1828. (1890) L’avenir de la science « II »

Le problème se varie, s’élargit à l’infini, suivant les horizons de chaque âge ; mais toujours il se pose ; toujours, en face de l’inconnu, l’homme ressent un double sentiment : respect pour le mystère, noble témérité qui le porte à déchirer le voile pour connaître ce qui est au-delà. […] Pour moi, je ne connais qu’un seul résultat à la science, c’est de résoudre l’énigme, c’est de dire définitivement à l’homme le mot des choses, c’est de l’expliquer à lui-même, c’est de lui donner, au nom de la seule autorité légitime qui est la nature humaine tout entière, le symbole que les religions lui donnaient tout fait et qu’il ne peut plus accepter. […] Et puis, comme on connaissait les auteurs de l’oeuvres nouvelle, qu’on se jugeait leur égal en autorité, que la machine improvisée avait de visibles défauts et que, l’affaire étant désormais transportée dans le champ de la discussion, il n’y avait pas de raison pour la déclarer jamais close, il en est résulté une ère de bouleversements et d’instabilité, durant laquelle des esprits lourds mais honnêtes ont pu regretter le vieil établissement. […] Hegel est insoutenable dans le rôle exclusif qu’il attribue à l’humanité, laquelle n’est pas sans doute la seule forme consciente du divin, bien que ce soit la plus avancée que nous connaissions.

1829. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Ceux des wagnéristes qui connaissent à quel tarif sont payées les réclames insérées au Figaro, ne peuvent guère avoir foi, ce me semble, en des jugements qu’ils savent soldés contre quittances ; et ceux qui ignorent ces trafics, ont-ils donc tant de confiance dans l’impeccable wagnérisme des journaux boulevardiers ? […] Lamoureux, sûr apparemment de terrifier la Revue Wagnérienne, m’affirma que de toute sa puissance il combattrait la Revue et par tous les moyens ; enfin à ses engagements personnels (dont hélas, je n’avais pas pris la simple précaution de demander un écrit) il répondait, ne les niant pas, par cet authentique mot : « je me mets en faillite avec vous37… » Ce qui, d’ailleurs, paraît n’infirmer aucunement « la probité bien connue », etc. […] Au commencement de cette année, on ne connaissait pas la Walküre, qui est jouée dans les plus petits théâtres d’Allemagne. […] Lamoureux puisse chicaner, les choses que je raconte étaient connues de personnes « faisant foi ».

1830. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Mais pourquoi ne traiterions-nous pas aussi en tout Béranger comme Voltaire, c’est-à-dire sans le surfaire cette fois, sans le flatter, et en le voyant tel qu’il est, tel que nous croyons le connaître ? […] Ceux de ses amis qui les connaissent n’en parlent qu’avec admiration. […] Il faut connaître sa mythologie pour comprendre cela ; il faut se rappeler qu’autrefois, en Thrace, un scélérat de roi appelé Térée fit un mauvais parti à la pauvre Philomèle. […] Je vais oser exprimer ce que vous pensez. » J’ai connu autrefois M. de Pontmartin, et je n’ai pas attendu ses succès pour rendre justice à toutes ses qualités d’homme agréable et de causeur fort spirituel.

1831. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il avait l’esprit trop fin, trop sensé, pour ne pas être choqué des théories absolues de d’Holbach : « Au fond, nous ne connaissons pas assez la nature, pensait-il, pour en former un système. » Il reprochait à ces prétendus systèmes de la nature de ruiner toutes les illusions naturelles et chères à l’homme ; et, comme le livre de d’Holbach parut vers le temps où l’abbé Terray décrétait la banqueroute, il disait : « Ce M.  […] Mais il en est arrivé comme l’avait prédit son ami Caraccioli, lequel disait que l’abbé resterait deux mois dans ce pays, qu’il n’y aurait à parler que pour lui, qu’il ne permettrait pas à un Anglais de placer une syllabe, et qu’à son retour il donnerait le caractère de la nation et pour tout le reste de sa vie, comme s’il n’avait connu et étudié que cela. […] « Il est bon à faire des mémoires, des journaux, des dictionnaires, ajoutait-il, à occuper les libraires et les imprimeurs, à amuser les oisifs ; mais il ne vaut rien pour gouverner. » Un homme d’État, selon lui, ne devait pas seulement connaître à fond les matières spéciales, mais aussi connaître la matière par excellence sur laquelle il a à opérer, c’est-à-dire le cœur humain.

1832. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Ajoutons vite que si elle se dit fière et orgueilleuse, que si elle se sait belle, et que si elle se regardait souvent, elle restait gaie, franche d’abord, sans grimace aucune, vive et même naïve dans les mouvements, bonne enfant, disent tous ceux qui l’ont connue alors (Lamartine disait bien d’elle un jour : C’est un bon garçon ! […] Il y a en Mme de Girardin un homme de beaucoup d’esprit (celui qui sera le vicomte de Launay), et qui a tué le poète ; tué, non, car le poète apparaît encore parfois avec son masque, sa cuirasse, son casque de Clorinde, son escrime habile, aisée et large de jeu, ses poussées de beaux vers dans la tirade, et comme ses éclairs dans la mêlée ; mais tout cet appareil et cette mise en scène ne sauraient imposer à ceux qui ont une fois connu ce que c’est que la poésie véritable. […] Je remarque aussi que, plus loin, elle parle bien en détail de Cicéron et a l’air de le connaître par ses harangues. […] Mais quand on est amoureux, quand on l’est surtout comme Antoine l’est de Cléopâtre, de telles découvertes d’infidélité ne détachent pas, elles irritent ; elles font plutôt qu’on veut rester, qu’on veut punir. « On bat sa maîtresse, me disait mon voisin qui paraissait s’y connaître, on la surveille, et on l’aime plus fort. » Et puis toute cette machine, tout ce premier nœud n’aboutit à rien.

1833. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Son père, qui l’a si bien connu, persécuté, maudit, haï, et finalement salué et admiré, son père disait de lui : « il est bâti d’une autre argile que moi, oiseau hagard dont le nid fut entre quatre tourelles ». […] Retournons donc à l’orthographe (pour plaire à ton honorée mère) : mais je ne connais qu’un moyen d’écrire correctement, c’est de posséder sa langue par principes. […] Moi, qui le connaissais, je ne pris pas tant de précautions. […] » — « Pas autrement, lui dis-je, que de lui donner à lire la lettre de mon beau-frère : je ne veux pas même lui en parler. » Je fus m’asseoir à côté de lui ; il me connaissait bien et me haïssait d’autant mieux.

1834. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Élève de Bachaumont, n’ayant jamais fréquenté que les gens du monde et du plus bel esprit, elle ne connut d’autre passion qu’une tendresse constante et presque platonicienne. […] Elle poussa jusqu’au bout la maladie de l’esprit, car elle choisit pour confesseur l’abbé Couet, qui avait beaucoup d’esprit et qui était connu pour tel. » Mme de Lambert, qui ne se séparait pas volontiers de sa raison et de sa pensée, même dans ces choses de religion, a trouvé de belles paroles à la fin de ce même Traité de la vieillesse, lorsqu’elle a dit : Enfin, les choses sont en repos, lorsqu’elles sont à leur place : la place du cœur de l’homme est le cœur de Dieu. […] Elle dira en définissant toujours l’amitié, et les qualités qu’elle exige, et les vices de cœur qu’elle exclut : « Les avares ne connaissent point un si noble sentiment ; la véritable amitié est opulente. » Elle dira encore, en recommandant à son fils de se méfier des plaisirs : « Se livrer à la volupté, c’est se dégrader. […] Mais tout est relatif, et, quand on suffoque de chaleur, quelques degrés de moins d’une chambre à l’autre font aussitôt l’effet du plus frais printemps. — Ajoutons que M. de Sainte-Aulaire était chez lui dans le salon de Mme de Lambert : car si, comme on l’a dit, « elle ne connut d’autre passion qu’une tendresse constante et presque platonicienne », il en fut l’objet.

1835. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

L’heure était propice : il connaissait le duc d’Orléans régent, et leurs principes s’accordaient sans peine ; il avait près de lui un agent spirituel et peu difficultueux dans l’abbé Dubois, son compatriote limousin. […] Si vous aimiez, vous comprendriez qu’étant rassurée sur votre état par des étrangers, il est encore une nature d’inquiétude qui doit me tourmenter ; mais, dès que vous me la faites avoir, vous ne la connaissez point. […] Mais il est des moments où elle s’aperçoit de son illusion, et que son cœur fait trop de chemin ; car, après tout, elle le connaît à peine ; elle anticipe sur les temps pour l’aimer ; dix jours de connaissance dans la vie, et puis c’est tout ; le reste n’a été qu’un rêve : Un cœur comme le mien est un meuble bien inutile pour l’agrément de la vie, et bien à charge dans toutes ces circonstances. […] Nous avons toutefois à Bonneval une obligation, c’est de nous avoir fait connaître la douce, la pure et touchante figure de sa femme.

1836. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Mais, dans un article sur les obsèques de Sautelet (16 mai), Carrel lui-même ne disait-il pas, en voulant expliquer l’âme douloureuse de son ami : La génération à laquelle appartenait notre malheureux ami n’a point connu les douleurs ni l’éclat des grandes convulsions politiques… Mais, à la suite de ces orages qui ne peuvent se rencontrer que de loin à loin, notre génération a été, plus qu’une autre, en butte aux difficultés de la vie individuelle, aux troubles et aux catastrophes domestiques… Et pourquoi, s’il en était ainsi de cette génération, pourquoi interdire à la sensibilité particulière et sincère son expression la plus naturelle et la plus innocente qui est la poésie lyrique, consolation et charme de celui qui souffre et qui chante, et qui ne se tue pas ? […] Car il était, ne l’oublions jamais, l’homme de son humeur : cela perce déjà dans les dernières lignes de cet article tout pacifique et d’expectative ; il prévient les questionneurs et adversaires du National qu’il ne s’agit plus désormais, dans ces critiques fort déplacées dont il est l’objet, d’attaques collectives : « Ces attaques, dit-il en terminant, ne s’adresseraient désormais qu’à une seule personne, celle qui s’est fait connaître hier pour directeur unique du National, et l’on doit s’attendre qu’elles seraient relevées. » Voilà une pointe d’épée qui s’aperçoit : et combien de fois déjà ne s’était-elle pas montrée à la fin des articles de Carrel ! […] Ce qu’il exigeait particulièrement de ses amis, de ceux surtout qui pouvaient avoir quelques prétentions politiques, me dit un de ceux qui l’ont le mieux connu, c’était du courage personnel. […] Durant cette absence d’un des pouvoirs de l’État, ce qui le rassure, c’est, d’une part, « la popularité et les intentions connues du prince », et, de l’autre, la Garde nationale, qui est « toute cette classe moyenne, aujourd’hui prépondérante » ; elle saura tenir les choses où elles sont.

1837. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Aimé Martin s’est jeté dans une apologie sans réserve, et dont l’expression ne connaissait point de bornes. […] Des personnes judicieuses qui l’ont connu, m’ont expliqué ses défauts et son irritabilité de caractère, en me disant qu’il n’avait pas été élevé, qu’il n’avait jamais été soumis et rompu à une discipline. […] Hennin qui lui répond tout ce qui se peut de plus sensé : « Je vous avouerai même, ajoute-t-il, que je partais (quand j’ai reçu votre lettre) pour aller demander à M. le marquis de Castries une pareille somme annuelle pour vous, une pension sur les fonds de la Marine, avec l’espérance d’y réussir tôt ou tard. » Il lui donne, en finissant, des conseils affectueux : « Mon ami, vous vous êtes trop séquestré du monde ; vous ne connaissez plus ni les hommes ni la marche des affaires. […] Mon ami, vous vous êtes trop séquestré du monde ; vous ne connaissez plus ni les hommes ni la marche des affaires.

1838. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Il a des paroles de tolérance et d’intelligence universelle qu’il n’a pas toujours pratiquées, et qu’il lui arrivera d’oublier encore : C’est pour ne connaître, dit-il, que soi et les siens qu’on est opiniâtre ; c’est pour n’avoir vu que son clocher qu’on est intolérant, parce que l’opiniâtreté et l’intolérance ne sont que les fruits d’un égoïsme ignorant, et que quand on a vu beaucoup d’hommes, quand on a comparé beaucoup d’opinions, on s’aperçoit que chaque homme a son prix, que chaque opinion a ses raisons, et l’on émousse les angles tranchants d’une vanité neuve pour rouler doucement dans le torrent de la société. […] Je le laisse parler lui-même le plus que je peux ; c’est le meilleur moyen de le faire connaître, car on le lit bien peu aujourd’hui : Lorsqu’en 1783, écrit-il, je partais de Marseille, c’était de plein gré, avec cette alacrité, cette confiance en autrui et en soi qu’inspire la jeunesse : je quittais gaiement un pays d’abondance et de paix pour aller vivre dans un pays de barbarie et de misère, sans autre motif que d’employer le temps d’une jeunesse inquiète et active à me procurer des connaissances d’un genre neuf, et à embellir, par elles, le reste de ma vie d’une auréole de considération et d’estime. […] Mais laissons-le poursuivre et nous raconter avec plus d’abandon que nous ne lui en avons jamais vu, qu’il n’est plus comme autrefois l’homme exact, esclave de ses projets une fois arrêtés : Ceci me rappelle encore un singulier Hollandais, jadis ambassadeur au Japon, et que j’ai connu à Paris, Titsing ; il me disait en février : « Je partirai le 6 septembre prochain, à sept heures du matin, pour aller voir ma sœur à Amsterdam ; j’arriverai le 12, à quatre heures. » Si cela manquait de demi-heure, il était malheureux. […] [NdA] En fait de vision dans laquelle intervient un Génie, et comme correctif des Ruines, je recommande le chapitre du Spectateur d’Addison (nº 159), connu sous le nom de « Vision de Mirza ».

1839. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Excepté deux ou trois d’entre eux, devenus proverbes dans le dédain, espèces de chouettes clouées qui restent pour l’exemple, on ne connaît pas tous ces malheureux noms-là. […] Connaissez-vous rien de plus inutile que du nuisible qui ne nuit pas ? […] La métaphore du peuple, qui ne se trompe jamais, confirme, sans la connaître, l’invention du poëte ; et, pendant que Shakespeare fait Shylock, elle crée le happe-chair. […] Les mœurs de ces cours tragiques étant données, du moment que Hamlet, par la révélation du spectre, connaît le forfait de Claudius, Hamlet est en danger.

1840. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Carthage ne connaît que ses ballots et ses caisses ; Sparte se confond avec la loi ; c’est là son vrai territoire ; c’est pour les lois qu’on meurt aux Thermopyles. […] Un jour, sur le pont de Rouen, devant la belle statue due à David d’Angers, un paysan monté sur un âne me dit : Connaissez-vous Pierre Corneille ? […] Je repris : — Et connaissez-vous le Cid ? […] Le monument provoque à connaître l’homme.

1841. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

» Où en serait le genre humain, s’il fallait étudier la dynamique et l’astronomie pour connaître l’Être-Suprême ? […] Les trois tableaux connus sous le nom de l’Éclair, du Tonnerre et de la Foudre. […] Parmi les peintures à fresque de ce genre, la plus célèbre était connue sous le nom de Marachers. […] Quoique Vitruve prétende qu’Anaxagore et Démocrite avaient parlé de la perspective en traitant de la scène grecque, on peut encore douter que les anciens connussent cette partie de l’art, sans laquelle toutefois il ne peut y avoir de paysage.

1842. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

C’est là qu’il apprit la guerre, et que, mêlé de bonne heure aux événements du monde européen, il connut le jeune Aétius, otage des Romains près de son oncle Roua. […] J’y vois aussi la même hauteur relative dans les jugements généraux, les mêmes tendances politiques, la même gravité, et s’il y a une différence de fond entre ces deux intelligences dont l’effigie si ressemblante qu’elle soit n’a pourtant pas été frappée d’un seul et même coup de balancier, elle serait toute à l’avantage de l’auteur des Récits de l’histoire romaine qui a le sentiment chrétien que son frère ne connaissait pas. […] Après la révolution de 1830, quand (on peut le dire) on avait, dans des œuvres que tout le monde connaît, remué, pour ainsi parler, la couleur à la pelle, un grand historien, sans être pour cela un débauché de couleur, pouvait faire donner à la couleur tout ce qu’elle pouvait donner, lorsqu’il s’agissait de peindre et de ressusciter le temps le plus épique de notre histoire ! […] les vrais artistes, ne fussent-ils pas chrétiens, ne connaissent pas ce mot de presque et ils le laissent aux habiles, aux subtils, aux nuancés, qui ont peur de l’affirmation, de l’enthousiasme et de la vérité !

1843. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

La joie physique et mutuelle étant le cœur même de l’existence, celui qui n’en poursuit pas, invinciblement et pleinement à travers le monde, la possession, ne connaîtra jamais le sens de la vie, ni ce qu’un être peut contenir en lui ; sa croissance ne sera jamais plus que la maigre efflorescence de la tige que compriment les pavés d’une cour et qu’enténèbre la barrière de froides murailles. […] Si l’on aime une femme saine, la nature ne connaît pas encore d’autre mode d’épanouissement de cet amour, que de l’aimer physiquement.‌ […] Et si le don d’expression manque à la plupart, il n’en est pas moins vrai que celui qui vit dans le monde sans faire dépendre sa joie ou ses larmes exclusivement de son cerveau, qui connaît chaque parcelle d’existence pour l’avoir personnellement sentie vivre en lui, dont la solitude n’a pas ravagé le désir et la sensualité, est mille fois plus poète, sans avoir écrit une seule ligne, que le plus raffiné jouisseur de lui-même. […] J’admets cette chasteté bienfaisante, pour une période subordonnée à la vigueur mentale de l’individu qui peut la pratiquer impunément, et tous les travailleurs intellectuels connaissent, par expérience personnelle, ces besoins momentanés de solitude et de claustration.

1844. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

  C’est une faculté naturelle à tous les hommes, à laquelle les indifférents n’échappent pas plus que les curieux, d’aspirer en tout sujet à connaître les causes, et de s’y complaire lorsqu’elles sont saisies. Heureux qui peut connaître la raison des choses !

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