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894. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Pendant qu’ils furent fermés et leur personnel dispersé, et plus tard avant que l’Université impériale eût solidement renoué la tradition, s’éleva librement la génération qui, vers 1820, commença d’écrire ; au reste, il était impossible de vivre au collège, comme autrefois, absorbé dans l’antiquité : et le présent disputait victorieusement au passé les âmes des enfants. […] Il fallait avoir vécu loin des salons, et n’avoir pas subi le joug du discours latin, pour faire des mots la sincère et simple image de l’émotion ou de la sensation. […] Ces restrictions font honneur à son jugement : tout le monde ne les faisait pas alors ; et, avec cette frénésie qui scandalisait ou effrayait les classiques, un journaliste converti de la veille donnait en deux phrases le credo romantique : « Vivent les Anglais et les Allemands !

895. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Et presque toujours ce développement se fait sous la forme dramatique (dialogue ou discours), qui ajoute au comique en faisant vivre et parler l’absurde, en le supposant réalisé. […] Après avoir vécu excommunié comme franc-maçon, il paraîtrait qu’à sa dernière heure il a abjuré la franchise et la maçonnerie pour mourir dans les bras de la religion à laquelle nous devons le cardinal Dubois et la seconde expédition romaine… Cette habitude qu’a le clergé de venir se fourrer jusque dans la table de nuit des mourants pourrait être utilisée par les gouvernements qui, comme le nôtre, ont le plus puissant besoin d’adhésions. […] Il reprend sa plume, il insulte par habitude, il calomnie sans y trouver le moindre plaisir  parce qu’il faut vivre.

896. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Ce fils de Naundorff est réduit pour vivre à se faire placier en vins. […] Leur catholicisme farouche, violent et outré, pue l’hérésie à plein nez, et, s’ils eussent vécu au temps des papes Farnèse et Ghisléri, il n’eût pas été prudent de les envoyer faire un tour aux environs du Saint-Office. […] Petit, voûté, les yeux vifs, d’un bleu d’acier pâle, ce Breton vivait, reclus, en compagnie de sa femme, dans son domaine de Kéroman, où il mourut le 14 juillet 1885, au moment même où s’épanouissait l’idée symboliste qui, pour une part, relève de lui.

897. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Si l’on compare une époque idéaliste à une autre époque idéaliste, dont elle est séparée par un large intervalle où le réalisme a eu son tour, on s’aperçoit vite qu’il y a entre les deux époques similitude, mais non identité ; on constate que l’idéal de la seconde n’est pas exactement celui de la première ; que, si nous considérons l’idéal comme ayant continué à vivre obscur durant son interrègne, il a subi, au cours de cette éclipse, de notables changements. […] Mais en même temps le pessimisme, qui teignait de noir les romans de Zola et de ses adeptes, leur souci du milieu où vivent les personnages qu’ils mettent en scène, leur effort pour élargir la langue littéraire jusqu’aux limites de la langue parlée, leur style même souvent si chatoyant de couleurs et de métaphores, tout cela permet de dire : C’est une queue du romantisme. […] Chacun de ces ensembles, où un principe commun unit opinions, croyances, institutions, tendances, peut être considéré comme le produit d’une force unique qui agit sur les hommes durant une longue période, et l’on peut dire que cette force va d’abord croissant, s’assimilant ce qui l’entoure, conquérant et organisant à son profit le milieu où elle évolue, jusqu’au moment où elle atteint son maximum d’extension ; après quoi, épuisée par son effet même (car vivre, c’est se tuer à petit feu), elle décline, perd de sa vigueur et finit par laisser se désagréger les éléments de tout genre dont elle était l’âme et le Jien.

898. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Et le héros, vaincu par le futur, se livre A l’ineffable mal d’être grand et de vivre. […] César Franck je le sais, est originaire de Belgique ; mais c’est pour nous qu’il a écrit, c’est en France qu’il a vécu et travaillé, et, ce libre choix, il a tenu à l’affirmer aux heures les plus douloureuses de l’An terrible. […] L’auteur constate que l’humanité est en pleine décadence ; il attribue ce fait à notre façon de vivre, et il réclame une réforme de l’hygiène.

899. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Cette activité dont nous avons la conscience permanente au milieu même de nos changements, et qui fait que nous nous sentons vivre, nous ne pouvons nous la représenter elle-même sous une forme directe et distincte, qui lui soit adéquate ; nous ne pouvons nous en faire une image, une idée déterminée. […] De même, nous sommes certains de vivre, mais essayez de vous représenter ce qu’est vivre.

900. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

… Je sais que la vengeance Est un morceau de roi, car vous vivez en dieux. […] Mademoiselle de Montpensier, qui ne la connaissait pas, qui même ne l’avait jamais vue, dit, dans ses Mémoires, que le « marquis de Lafare et nombre d’autres passaient leur vie chez une petite bourgeoise, savante et précieuse, qu’on appelait madame de la Sablière. » Cela veut dire seulement, en style de princesse, que madame de la Sablière avait de l’esprit et de l’instruction, qu’elle voyait bonne compagnie à Paris, et n’avait pas l’honneur de vivre à la cour. […] Tel est encore le dernier : Ils font cesser de vivre ayant que l’on soit mort.

901. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

On a souvent remarqué que l’Italie n’a guère connu la féodalité, ou du moins ne l’a pas vécue aussi complètement que d’autres pays ; les villes (communi) y échappent, et ce sont ces villes qui commandent à l’évolution générale ; de là une persistance de l’idée romaine qui explique à son tour que la Renaissance se prépare en Italie, et non ailleurs, dès le xive  siècle. […] Privée de vie nationale, elle n’a pas vécu toutes les étapes de l’évolution normale ; elle a connu les brutalités des conquérants, mais non point les relativités nécessaires de sa propre réalité, puisque pendant des siècles elle n’a pas eu de réalité à elle. […] Ces morts, qui s’appelaient Dante et Pétrarque, ont brisé la pierre des sépulcres ; Giusti l’avait prédit ; ils vivent aujourd’hui plus radieux que jamais, au cœur même de cette nation italienne qu’ils ont rêvée, qu’ils ont voulue, qu’ils ont créée, eux, les chefs d’une légion héroïque au service de l’Idée.

902. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Si on louait ainsi des hommes célèbres qui n’étaient plus, et dont quelques-uns même avaient vécu dans la pauvreté et dans l’exil, à plus forte raison devait-on louer Louis XIV, et vivant, et prince, et conquérant, et absolu. […] Par une loi éternelle, tout prince doit naître, vivre, mourir, et être enterré au bruit des éloges : l’habitude, la reconnaissance et le respect satisfirent à tout. […] Trajan et Henri IV, quand ils commandaient leurs armées, marchaient et vivaient en soldats ; Louis XIV, dans les camps, parut toujours en roi : il mêla la pompe du trône à la fierté imposante des armées ; et déployant une grandeur tranquille, sans jamais se montrer de près à la fortune, son mérite fut d’inspirer à ses généraux l’orgueil de vaincre, et à ses troupes l’orgueil de combattre et de mourir pour lui.

903. (1911) Études pp. 9-261

Les vers se posent sur lui, comme un vêtement qui le ferait vivre. […] Le sentiment de sa vie, de cette merveille qu’il y a à vivre, l’exalte et l’égare. […] Qui préférera sa mort à la joie de vivre en Christ ? […] Il ne peut plus vivre, il ne sait plus comment s’y prendre. […] Sans doute on ne peut vivre toute sa vie sans préférence.

904. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Il n’était point éloquent ; il vivait depuis douze ans sur une brochure qui n’était que le lieu commun de la Révolution. […] Il avait cédé, jusqu’au vote à mort contre l’infortuné Louis XVI, à la terreur que lui inspirait la Montagne ; il avait donné une tête royale pour sauver la sienne ; il se taisait pour qu’on lui pardonnât de vivre. […] « Masséna, avec l’armée de Ligurie, point augmentée, secourue seulement en vivres et en munitions, avait ordre de tenir sur l’Apennin entre Gênes et Nice, et d’y tenir comme aux Thermopyles. […] L’infortunée, que les reines d’Europe auraient pu envier, à ne juger de son sort que par l’éclat extérieur dont elle était entourée, vivait dans les plus affreux soucis. […] Il vécut de ses émoluments, qui étaient considérables, et, sans qu’il fût pauvre, passa pour l’être.

905. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Ce sage couronné, qui, par amour de la pensée, a vécu en ascète, est, comme M.  […] Renan vivra dans l’avenir, car depuis Platon, personne n’a écrit plus de choses essentielles sur les problèmes de l’âme et du cœur. […] Il évitait la société, il vivait retiré, enfermé en lui-même, avec une sauvagerie qui n’était point de son âge, et qui l’isolait. […] Mais nous vivons, pourtant, et notre vie, tant qu’elle dure, est une chose importante, sinon pour l’univers, du moins pour nous. […] Lemaître n’a jamais vécu dans les hauteurs où se complaît M. 

906. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

L’humanité avait jusqu’ici vécu surtout de ces trois choses : la religion, la morale, l’art. […] Vivre d’une vie pleine et forte est déjà esthétique ; vivre d’une vie intellectuelle et morale, telle est la beauté portée à son maximum et telle est aussi la jouissance suprême. […] Chaque art, dans un milieu nouveau, ne peut plus revivre comme il a vécu, mais il ne meurt pas pour cela. […] Non, les œuvres actuelles de l’industrie paraissent vivre, mais à la façon des monstres. […] Le vers ne peut pas vivre ainsi de sons et de mots vides.

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