/ 2455
358. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

On voit bien des braves et de ceux qui semblaient des héros devant les balles, aux prises désormais avec la faim et le froid, s’écrier comme le pauvre homme de la fable : « Pourvu qu’en somme je vive, je suis content !  […] On sent, en lisant M. de Fezensac, que, jusque dans les moments les plus désespérés de l’épouvantable épreuve, il y eut encore quelques âmes de cette trempe énergique et exquise, et c’est ce qui console : Au milieu de si horribles calamités, dit le colonel du 4e, la destruction de mon régiment me causait une douleur bien vive. […] Là aussi, pour consoler des scènes contristantes, on vit chez quelques-uns le courage et l’honneur briller d’un plus vif éclat au plus fort de la détresse ; on vit de ces jeunes officiers humains, généreux, compatissants autant que braves, et à la fois dignes de l’éloge qui a été accordé à l’un d’eux, à ce jeune Hippolyte de Seytres, dont une amitié éloquente a consacré le nom : « Modéré jusque dans la guerre, ton esprit ne perdit jamais sa douceur et son agrément ! 

359. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Un amour vif & désintéressé de voit tenir lieu de tout. […] Mais ces accusations parurent, dans la suite, très-injustes, malgré tout ce qui déposoit contr’eux ; malgré des lettres interceptées, où le langage de l’amour étoit traité de la manière la plus tendre & la plus vive ; malgré l’exposition d’une morale qui présente sans cesse à l’imagination des images indécentes, des idées de lubricité. […] Quel stile vif, naturel, harmonieux !

360. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Mais dans un spectacle qui doit peu durer, les passions vives peuvent jouer leurs jeux, et de subalternes qu’elles sont dans le poème épique, devenir dominantes dans la tragédie, sans lasser le spectateur, que des mouvements trop lents ne feraient qu’endormir. […] Les passions vives et courtes sont donc les vrais mobiles propres à animer le théâtre ; car si ce que je viens de dire est vrai dans la nature, le spectacle qui en est une imitation, doit s’y conformer d’autant plus, que les passions, fussent-elles feintes, se communiquent d’homme à homme d’une manière plus soudaine que la flamme d’une maison embrasée ne s’attache aux édifices voisins. […] Enfin, Eschyle a conçu visiblement que la tragédie devait se nourrir de passions, ainsi que le poème épique, quoique d’une façon différente, c’est-à-dire, avec un air plus vif et plus animé, à proportion de la différence qui doit se trouver entre la durée de l’un et celle de l’autre, entre un livre et un spectacle.

361. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Une femme seule — mais spéciale, mais organisée tout exprès, — pouvait avoir cette étonnante souplesse qui permet d’aller aussi loin qu’on veut dans les choses… dangereusement vives, et, tout à coup, de s’arrêter net, cambrée sans effort et délicieuse d’équilibre, — comme une danseuse sur un vase étrusque, — à l’extrémité de ce toit ! […] Il y a enlèvement, non de vive force, mais de volonté, de complicité, d’arrangement calculé. […] Elle qui écrit habituellement des scènes de mœurs d’un accent très vif, a voulu cette fois velouter son accent et montrer à l’ironique railleur qui l’a nommée, et qu’elle appelle son parrain dans sa dédicace, qu’elle pouvait, ma foi !

362. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Son admiration d’elle-même est trop vive pour qu’elle s’abandonne au souci vulgaire de s’examiner : elle est la France, et cela lui suffit, le mot pouvant bien suppléer à la chose. […] Elle peut se résumer en cette brève formule : « Vive la France ! […] Alors même qu’un léger nuage d’inquiétude voilerait son front, le premier cri de « Vive la France ! 

363. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Je viens de relire une douzaine, de lettres de lui qui se rapportent à cette année et aux suivantes, et j’y ai retrouvé toute une image de ces temps de vive ardeur et de sympathie mutuelle, les témoignages précieux d’une expansion trop réprimée dans la suite et trop combattue. […] En général, au théâtre, M. de Vigny tâtonna jusqu’à ce qu’il eût obtenu son succès enfin, un succès des plus vifs et des plus saisissants, par son Chatterton, représenté le 12 février 1835. […] Il avait d’ailleurs touché une corde vive. […] L’effet n’en était que plus vif et plus aigu auprès d’une génération littéraire atteinte du même mal et très surexcitée. […] Chez quelques-uns, il n’existe et ne se dégage que dans la jeunesse, à l’état de vive flamme, et il ne luit dans son plein qu’un moment.

364. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Fontenelle eut, comme Voiture, chez les caillettes de bonne maison, un vif et assez long règne de bergerie en tapinois dans les ruelles. […] Le goût des arts, des lettres, les sentiments d’un esprit vif et honnête, s’y montrent selon les traditions reçues. […] Le pathétique, chez Delille, alla en augmentant à travers le technique, et il y eut sympathie de plus en plus vive de toute une partie de la société pour ce qui semblait n’avoir dû être d’abord qu’un passe-temps de ses loisirs. […] Delille gagna à ce parti pris d’un exil tout volontaire des sentiments plus vifs que d’habitude, et le droit d’exhaler une inspiration plus profonde qu’il n’en avait marqué jusqu’alors. […] Ce sont d’agréables madrigaux, de faciles et ingénieuses bagatelles, mais qui n’approchent pas du tour vif et galant des chefs-d’œuvre de Voltaire en ce genre.

365. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Mot durable, vive exclamation d’un sage, étonné peut-être de ne la plus trouver au monde que dans le cœur d’un mendiant, et sans doute affligé de la voir si délaissée ! […] Qu’imaginez-vous de plus saillant, de plus vif et de plus comique ? […] Au sujet de ce vœu, l’auteur crée une fiction frappante, vive et morale. […] « Que chacun y soit peint des couleurs les plus vives. […] On ne peut accorder plus finement une personnalité dure avec la bienséance du monde : Molière fait parler un homme de goût, et ce mot vif est du meilleur ton.

366. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Les Russes en buvaient beaucoup, du moins à cette époque, et cette rigueur les atteignait dans leur goût le plus vif, leur superflu le plus nécessaire. […] , ne sont pas toujours empreints d’une admiration aussi vive. […] Edmond Texier a quelque chose de froid et d’acéré comme la lame ; il ne redouble pas, mais il frappe si juste, que la pointe pénètre jusqu’au vif. […] Tous les hommes sérieux accueillirent ces Lettres avec une vive sympathie, et M.  […] Il peut y avoir, il y a souvent, entre ces deux races d’origines diverses, de vives antipathies, d’ardentes colères, des querelles bruyantes.

367. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Je reviens au cardinal de Bernis que je n’avais pas songé d’abord à prendre si politiquement, ni d’une manière si grave ; je reviens au caractère général qui m’avait d’abord attiré vers sa personne et dont je ne me laisserai plus détourner même par les grandes affaires et les controverses très vives où son nom se trouve mêlé. […] Il était temps que les affaires et le monde revinssent occuper cette vive et brillante intelligence. […] Ces consultations innocentes sont entremêlées de plaisanteries plus ou moins vives sur toutes sortes de sujets. […] Mais il a le mérite d’avoir senti et signalé, l’un des premiers, ce qui devait corrompre le goût léger, vif et spirituel, et la gaieté originale de notre nation.

368. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Une préface vive, sensée, résolue, attirait d’abord l’attention. […] Ce billet est le plus vif de tous ceux qu’on lit dans la correspondance de Voltaire avec Duclos ; car ils ne furent jamais dans des termes intimes ni bien tendres. […] Il commence par un tableau circonstancié des dernières années de Louis XIV : ici, malgré les imitations et les emprunts que nous allons signaler, on sent dans le récit de Duclos une vive impression personnelle, qui y donne le mouvement. […] C’est ainsi que, pour être plus piquant et plus vif, Duclos travestit en son propre langage le ton d’une conversation d’intérieur entre une jeune personne et Louis XIV.

369. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

En définissant le genre de talent de La Motte, il va nous définir une partie de son talent à lui-même, ou du moins de son idéal le plus sévère, tel qu’il le conçoit : L’expression de M. de La Motte, dit-il, ne laisse pas d’être vive ; mais cette vivacité n’est pas dans elle-même, elle est toute dans l’idée qu’elle exprime ; de là vient qu’elle frappe bien plus ceux qui pensent d’après l’esprit pur, que ceux qui, pour ainsi dire, sentent d’après l’imagination. […] Il lui faut une expression qui fixe positivement ses idées ; et c’est de cette justesse si rare que naît cette façon de s’exprimer simple, mais sage et majestueuse, sensible à peu de gens autant qu’elle le doit être, et que, faute de la connaître, n’estiment point ces sortes de génies qui laissent débaucher leur imagination par celle d’un auteur dont le plus grand mérite serait de l’avoir vive. […] Pourtant nous voilà bien avertis de l’idéal qu’il s’est choisi ; La Motte est pour lui le beau intellectuel, simple, majestueux, son Jupiter Olympien en littérature et son Homère : l’autre Homère, avec ses grands traits et ses vives images, n’est bon tout au plus qu’à débaucher les esprits. […] Montesquieu, dans les Lettres persanes, est plein de ces expressions neuves et vives, qui parlent à l’imagination, et qui se font applaudir et accepter.

370. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il a dit encore : J’ai de l’imagination, l’esprit vif pour peu que quelque nouveauté ou désir sympathique l’anime. […] La manière vive et précise dont il nous décrit ce vice, tel qu’il le voit, ôte à ses reproches tout air de lieu commun. […] D’Argenson me donne, par ses remarques de chaque jour, le sentiment vif de la corruption du milieu du siècle, de cette corruption sèche et qui était sans ressources, tandis qu’il y aura des ressources dans la corruption ardente et plus neuve de la seconde moitié. […] J’ai vu alors chez lui une joie maligne et vive, quoiqu’il soit de mes amis ; le bon air aujourd’hui est de se réjouir de l’incommodité des autres, et de s’attrister de leur bien’être. » On ne saurait un meilleur commentaire à Gresset.

/ 2455