Les partis ne cherchent pas la vertu, mais les services dans ceux qui se mettent à leur tête ; il fut certainement alors une des causes de la chute de la monarchie des Bourbons en 1830 ; il avait juré de se venger, sa vengeance porta plus loin que sur les ministres, elle porta sur le trône ; elle embarrassa le roi et désaffectionna l’opinion qu’il avait le premier fanatisée pour les Bourbons en 1814. […] C’est ce que les lecteurs du Génie du Christianisme eurent le droit de conclure, surtout en ne voyant pas éclater, dans la vie de ce Tertullien, les vertus chrétiennes dont il faisait profession dans son livre. […] LXVIII Jean-Jacques Rousseau est celui des écrivains français auquel Chateaubriand aspire le plus à ressembler dans sa jeunesse ; il a des larmes dans le style ; sa sensibilité lui fait illusion, il la prend pour la vertu et pour la vérité. […] Plus l’homme est grand, plus grand est le vide, plus il est impossible de le remplir, excepté par la vertu ou par l’amour ; aussi, voyez comme ce vide est vaste en lui ; il croit le combler par la gloire, il l’acquiert jeune et elle lui laisse un profond ennui ; il passe à la politique, à l’ambition même coupable, la politique et l’ambition le laissent plus ennuyé que jamais ; de rien à une ambassade, ennui ; d’une ambassade au ministère, ennui ; d’un ministère à une révolution, des Tuileries à Gand en 1815, ennui ; de Gand à Rome au retour, ennui ; de Rome à Londres, ennui, ennui toujours ; il s’impatiente et croit s’en défaire par ses vices ; il se met à attaquer ce qu’il a défendu, il renverse ce qu’il a construit ; il triomphe, et l’ennui triomphe avec lui ; il redevient royaliste et recherche une popularité équivoque, mais il est vaincu, et l’ennui de son impuissance le ressaisit pour la dernière fois ; il s’adresse à la plus belle des femmes, et croit aimer ; mais l’ennui est plus constant que l’amour ; il se livre tard aux voluptés de la jeunesse, l’ennui l’obsède ; il revient repentant à la femme aimée, puis il meurt à la fin d’ennui.
Être, c’est être soi ; la vertu, comme le bonheur, c’est de conserver, de concentrer, de cultiver le moi ; il faut empêcher le monde extérieur de pénétrer ce moi, de l’altérer, de le dissoudre ; et il faut développer toutes les puissances de ce moi, toutes légitimes, dès lors que naturelles. La vertu, c’est l’effort de l’être pour réaliser sa loi ; c’est l’effort vers l’ordre. […] Puis c’est un poème humanitaire et démocratique : en face du bourgeois égoïste et satisfait, le peuple opprimé, trompé, souffrant, irrité, mourant, l’éternel vaincu ; en face des vices des honnêtes gens, les vertus des misérables, des déclassés, d’un forçat, d’une fille. […] Ses jeunes filles sont des répliques de l’ingénue banale ; il les a tirées de la même armoire que Scribe : de fades poupées, modestes, patientes, aimantes : la vertu, comme la grâce, réussit mal à Balzac ; son génie commence à la vulgarité et au vice.
Les sentiments élevés, les hautes vertus que la poésie, l’éloquence et l’histoire se plaisent à mettre sous nos yeux, ne peuvent pas être pour nous un vain spectacle. […] La religion, la morale, la vertu, ne sont plus les sources où le poète va puiser ses inspirations ; il s’abreuve trop souvent aux eaux corrompues du vice et de l’impiété, où le goût se perd, où la raison périt. […] Loin de là, nous serons toujours heureux de voir le front d’un grand écrivain ceindre la double couronne du génie et de la vertu. […] L’auteur, qui du fauteuil, où dorment ses confrères Combat résolument les vertus somnifères, Était de nos quarante un des plus renommés.
C’est parce que nous dirons tout à l’heure leurs torts et leurs excès qu’il nous plaît d’insister aujourd’hui sur leurs vertus et les titres qu’ils se sont acquis à l’estime et à la reconnaissance des Lettrés.
Mais pour cela, outre la souplesse du génie, il faut de la patience : vertu qui manque plus que le génie aux François, & qui manque sur-tout aux Traducteurs ; car tout Ecrivain ne fait effort qu’à proportion de la gloire qu’il se promet de son Ouvrage ; & comme les Traducteurs savent que le préjugé du Public n’attache qu’une gloire médiocre à leur travail, aussi sont-ils sujets à ne faire que des efforts médiocres pour y réussir. » Après avoir condamné la maniere de traduire de Tourreil, on doit rendre justice aux deux Préfaces excellentes qu’il a mises à la tête de sa Traduction.
Accoutumée d’ailleurs à révérer l’Antiquité sous toutes ses formes, à reconnaître aux grands hommes, aux grands écrivains du paganisme des qualités et des vertus qui étaient un acheminement vers la morale chrétienne, elle trouvait mieux à concilier les objets de son admiration et de son culte dans la pleine et large doctrine de l’ordre catholique, dans cette voie latine qui ramène encore au Capitole, que dans ces autres voies plus strictes et particulières où la Réforme prise au sens de Calvin l’eût tenue confinée113. […] Dacier depuis son mariage, il entra plus ou moins de Mme Dacier ; elle lui était supérieure, et, par une ignorance qui était chez elle une vertu plutôt qu’une grâce, elle ne s’en apercevait pas : « Dans leurs productions d’esprit, disait Boileau, c’est Mme Dacier qui est le père. » Elle se dégagea pourtant et se remit à suivre, en traduisant, ses propres choix et ses instincts. […] Il nous restait une fille très aimable, qui était toute notre consolation, qui avait parfaitement répondu à nos soins et rempli nos vœux, qui était ornée de toutes les vertus, et qui, par la vivacité, l’étendue et la solidité de son esprit, et par les talents les plus agréables, rendait délicieux tous les moments de notre vie ; la mort vient de nous la ravir.
À une séance de l’Académie française à laquelle il assistait, Marmontel, qui remettait le prix de vertu à la libératrice de Latude, dit, en se tournant vers la tribune où était placé le comte d’Oëls (le prince Henri) : « C’est en présence de la vertu couronnée de gloire que l’Académie a la satisfaction de remettre ce prix à la femme obscure… » On traitait presque le prince Henri comme Henri IV, comme quelqu’un de la famille. Modestie, sagesse, sensibilité, toutes les vertus, on lui accordait tout.
Son caractère est vrai, et quoiqu’il est gauche, il a toutes les attentions et complaisances possibles pour moi. (15 décembre 1775.) » Gauche et empêché, c’était, je le répète, le seul défaut de Louis XVI vis-à-vis de cette jeune princesse : il avait d’ailleurs toutes les bonnes intentions et toutes les vertus, excepté cette force qui est l’essence de la vertu même. […] Je vous embrasse tendrement ; ne me croyez pas fâchée, mais touchée et occupée de votre bien-être. (30 septembre 1774.) » A un moment elle ne craint pas, elle, l’illustre Marie-Thérèse, de se comparer a ce triste et médiocre trio de Mesdames qui, avec leur vertu, jouaient un si pauvre rôle, et dont elle craignait la mauvaise influence sur sa fille : « Ce qui m’a fait de la peine et m’a convaincue de votre peu de volonté de vous corriger, c’est le silence entier sur le chapitre de vos tantes, ce qui était pourtant le point essentiel de ma lettre, et ce qui est cause de tous vos faux pas… Est-ce que mes conseils, ma tendresse, méritent moins de retour que la leur ?
Ce que ne donnent ni l’effort, ni l’étude, ni la logique d’un goût attentif et perfectible, il l’atteignait au passage ; il avait dans le style cette vertu d’ascension merveilleuse qui transporte en un clin d’œil là où nul n’arrive en gravissant. […] L’orgueil, c’est la vertu, l’honneur et le génie ; C’est ce qui reste encor d’un peu beau dans la vie, La probité du pauvre et la grandeur des rois ; quand Frank avait dit cela, le chœur avait su divinement répondre : Frank, une ambition terrible te dévore. […] Le XVIe siècle lui va à merveille, parce que le moyen âge, en s’y brisant, le remplit d’éclats, et qu’en crimes et en vertus l’énergie individuelle, poussée à son comble, y hérite directement de tout ce qu’avait amassé, durant des siècles, l’organisation féodale et catholique.
Assurément il n’a pas la naïveté de nous montrer la vertu toujours heureuse ; mais il châtie le vice et le crime avec une infaillible régularité. […] C’est ainsi que l’Idéal, qui est un livre tout plein de bons sentiments et où même les sermons abondent, lu à la campagne, dans un milieu paisible et patriarcal, m’a fait passer d’agréables heures. — M. d’Artannes, un gentilhomme qui a toutes les vertus et beaucoup d’expérience et d’esprit, se fait le mentor d’une fillette et s’applique à former son esprit et son cœur. […] J’ai vu Méris, par la vertu de telles herbes, se changer en loup et traverser d’un bond les longues forêts, ou faire sortir les morts de leurs tombeaux ; je l’ai vu de même transporter les moissons d’un champ dans un autre. » André Fleuse fait songer aussi aux ascètes de la Thébaïde, dont la solitude faisait des voyants, et, par-delà, aux plus anciens hommes, aux pâtres chaldéens.
Ce qu’il glorifie et ce qu’il consacre, c’est une des plus hautes vertus de la Grèce antique, le droit sacré des Suppliants, la religion du foyer. […] Le devoir qu’ils imposaient à leurs hôtes était si grave et si redoutable, qu’on l’avait soumis à des rites, faute desquels la supplication perdait sa vertu. […] L’hospitalité apparaît ainsi comme la vertu native de ses races, le foyer secourable comme la pierre angulaire de la Cité grecque.
Mme Geoffrin ajoute un nom de plus à cette liste des génies parisiens qui ont été doués à un si haut degré de la vertu affable et sociale, et qui sont aisément civilisateurs. […] Dans l’admirable chapitre de saint Paul sur la Charité, on lit, entre autres caractères de cette vertu divine : « Charitas non quaerit quae sua sunt… Non cogitat malum… La Charité ne recherche point ce qui lui est propre. […] Je sais tout ce qu’on peut dire en faveur de cette vertu respectable et charmante, alors même qu’elle songe à soi.
ange protecteur à qui le ciel a confié les jours et les vertus de sa chère Émilie, ange qui vous attachez à ses pas au milieu des dangers dont elle est environnée, faites qu’elle acquière encore de nouvelles vertus et de nouveaux charmes ; secondez ses touchants efforts, et hâtez ses progrès vers la perfection ! […] La vertu des grandes dames de cette fin du xviiie siècle a trouvé, d’une part, de zélés chevaliers dans la Société des bibliophiles, et surtout dans le président de cette Société (M.