Cela voudrait dire, en d’autres termes, puisque la philosophie est la recherche de la vérité, que la vérité n’est pas destinée à devenir la trame de notre bonheur. Ainsi expliqué, l’aphorisme paraîtra contestable aux fanatiques de la vérité. […] Même si la vérité était horrifique, si elle était conforme à la théorie de Schopenhauer ou à celle de M. de Gaultier lui-même, qui nous présente la vie comme l’illusion suprême, le bonheur serait-il incompatible avec des vérités si âpres ? […] Voilà la vérité. […] Cela semble à cette heure à peine vraisemblable et c’est l’exacte vérité.
Une vérité nouvelle, il y en a une, pourtant, qui est entrée récemment dans la littérature et dans l’art, c’est une vérité toute métaphysique et toute d’a priori (en apparence), toute jeune, puisqu’elle n’a qu’un siècle et vraiment neuve, puisqu’elle n’avait pas encore servi dans l’ordre esthétique. Cette vérité, évangélique et merveilleuse, libératrice et rénovatrice, c’est le principe de l’idéalité du monde. […] Nous ne connaissons que des phénomènes, nous ne raisonnons que sur des apparences ; toute vérité en soi nous échappe ; l’essence est inattaquable. […] Verhaeren d’être le poète halluciné. « Les sensations, disait Taine, sont des hallucinations vraies », mais où commence la vérité et où finit-elle ? […] Si trop d’abstentions avaient faussé la vérité, quel dommage !
— La vérité, répondit Daudet, c’est qu’il y en a que j’ai pris au vol, mais j’en ai fait moi-même le plus grand nombre. […] J’apercevais la vérité de ma situation. […] Paul Bourget est fait pour démontrer cette vérité, et en l’écrivant le romancier a certainement prêché d’exemple. […] Le cérémonial de la remise des Sacrements est étonnant de vérité, d’émotion et de détails terrifiants. […] Aussi, quelque soin de prendre date pour le prime salut, là-haut donné, à quelques viables vérités.
Ce qui fait à mes yeux une grande partie de l’intérêt des écrits de d’Argenson et ce qui doit les rendre précieux pour quiconque aime la vérité, c’est que tout y est successif et selon l’instant même ; il ne rédige pas ses mémoires après coup en résumant dans un raccourci plus ou moins heureux ses souvenirs ; il écrit chaque jour ce qu’il sait, ce qu’il sent ; il l’écrit non pas en vue d’un public prochain ou posthume, mais pour sa postérité tout au plus et ses enfants, et surtout pour lui, pour lui seul en robe de chambre et en bonnet de nuit. […] La seule vérité historique que je tiens à marquerk, c’est que les deux frères appartiennent à des familles d’hommes politiques toutes différentes et même opposées, l’un étant de ceux qui vont au fond des objets et aspirent à un but réel et constant, l’autre de ceux qui s’en tiennent en tout aux expédients, et s’inspirent uniquement de la circonstance. […] On suit bien chez d’Argenson la maladie qui précéda cette venue de Rousseau, le persiflage par bel air ou l’affectation fausse de sensibilité de la part de ceux qui en manquaient le plus : « On ne voit, dit-il énergiquement, que de ces gens aujourd’hui dont le cœur est bête comme un cochon, car ce siècle est tourné à cette paralysie du cœur ; cependant ils entendent dire qu’il est beau d’être sensible à l’amitié, à la vertu, au malheur ; ils jouent la sensibilité presque comme s’ils la sentaient. » Le grand mérite de Rousseau fut de sentir avec vérité ce qu’il exprima avec force et quelquefois avec emphase : car par lui on passa brusquement de la presque paralysie du cœur à une sorte d’anévrisme soudain et de gonflement impétueux. […] La seule vérité historique que je tienne à marquer
Il se devait à lui-même de l’essayer, et il l’essaya ; ce n’est pas a nous qu’il appartient de dire quels mérités encore de vérité et de ressemblance conservent et continuent d’offrir ces tableaux composés en Italie, même quand il n’y aurait pas atteint tout le caractère qu’on y cherche. […] C’est ce qui fait qu’à cause de la vérité même de son rendu, on l’a appelé un trompe-l’œil, comme si ce n’était pas une rare qualité en peinture, la première dans un art d’imitation, que d’imiter ce qu’on a sous les yeux. » Vanité de la gloire et de la réputation, et non-seulement vanité, mais âcreté et amertume ! […] Et remarquez comme, sans théorie aucune et par un pur sentiment de vérité, il pense au peuple de l’armée, à toutes les classes de héros. […] Il faut, à la vérité, que je me recueille avant mon improvisation, mais je la ferai. » Je consentis de très-grand cœur, et je ne puis vous dire combien je fus heureux en voyant que mon jeu lui avait fait réellement tant de plaisir.
Elle essaye de décrire « le charme d’une prison » où l’on est délivré de tout soin importun, de toute distraction fâcheuse, « où l’on ne doit compte qu’à son propre cœur de l’emploi de tous les moments. » Elle trouve, pour exprimer ce sentiment particulier de quiétude, des paroles qui eussent fait honneur aux anciens sages : « Rendu à soi-même, à la vérité, sans avoir d’obstacles à vaincre, de combats à soutenir, on peut, sans blesser les droits ou les affections de qui que ce soit, abandonner son âme à sa propre rectitude, retrouver son indépendance morale au sein d’une apparente captivité, et l’exercer avec une plénitude que les rapports sociaux altèrent presque toujours. » Elle se plaît à revenir sur cette idée, si chère à sa passion, qu’elle est présentement dispensée de toute lutte, à l’endroit qui lui est le plus sensible, et qu’elle peut s’abandonner sans scrupule et sans danger à une effusion innocente. […] En fait de délicatesse aussi, toutes les vérités se tiennent. […] Faugère le désir qu’il en fît usage pour rétablir la vérité et montrer que la part de gloire qui revenait légitimement à Mme Roland était assez grande sans qu’il fût besoin d’y rien ajouter aux dépens de son mari : « J’acceptai cette mission avec empressement, nous dit le nouvel éditeur, et je m’occupai dès lors à compléter les éléments d’un ouvrage qui sera consacré à faire connaître plus intimement Roland de La Platière, en même temps que la femme supérieure qui ne fut pas tout dans sa destinée, mais qui, en s’unissant à lui, a contribué à donner à son nom un éclat que son seul mérite n’aurait point produit. » Oserai-je dire à M. […] Associée à un homme que le même sort attendait, mais dont le courage n’égalait pas le sien, elle parvint à lui en donner avec une gaieté si douce et si vraie, qu’elle fit naître le rire sur ses lèvres à plusieurs reprises. » Je ne cherche dans ces extraits que la vérité, et je dirai jusqu’au bout ce que je pense.
Elle est chose grave, sacrée1, et pourtant il entre à vue d’œil toutes sortes de hasards dans sa constitution, bien du factice et du convenu dans sa vérité définitive. […] Plus ou moins de vérité dans le détail n’y fait plus guère rien : l’historien, d’autorité, intervient et redresse les témoins. […] Il suffit pour la vérité historique relative que le pont soit, autant que possible, dans quelqu’une des directions principales, et porte sur quelqu’un des grands courants. […] La légitime gloire du talent qui, le premier en France, nous a rendu le goût et déroulé le tableau de ces grandes époques barbares, qui les a refaites et gravées en traits profonds, sobres et précis, pour notre agrément et à notre usage, cette gloire durable de l’historien épique demeure hors de cause, et ce n’est point par nous ici que la vérité de tel ou tel détail se débattra.
Eynard, qui se soucie moins que nous de l’intérêt poétique, et qui croit que l’aimable romancier a fini par guérir radicalement de sa chimère, par obtenir en don l’entière vérité. […] Je me laisse aller à dire la vérité comme moi-même au fond je la sens. […] Eynard me le pardonnera, il m’y a presque obligé en se plaçant sur ce terrain d’exacte vérité et en m’y appelant avec lui. […] « Dire aux hommes ne suffit pas, il faut redire, et puis redire encore ; l’enfance n’écoute pas, la jeunesse ne veut pas écouter, et si la vérité est enfin accueillie, c’est que de sa nature elle est infatigable, et qu’après avoir été tant rebutée, elle trouve enfin accès par sa persévérance.
C’est là surtout que l’ironie s’alourdit jusqu’à la cruauté : précisément parce que Flaubert prend son point de départ dans son préjugé personnel, c’est là qu’il y a le moins de vérité objective, et, sous la platitude réaliste du détail, le plus de fantaisie arbitraire : cette étude n’est, qu’un vieux paradoxe romantique traité par le procédé naturaliste. […] Zola a mis dans ces deux romans plus de vérité, une observation plus serrée et plus précise que dans les autres : là aussi, plus de sincérité, je crois, et moins d’artifice verbal. […] Cette vie, très particulière en son détail, est si vraie, d’une vérité si moyenne en sa contexture et qualité, qu’elle en prend une valeur générale : à sa tristesse s’ajoute toute la tristesse des innombrables vies que nous apercevons derrière ce cas unique, et la puissance douloureuse de l’œuvre en est infiniment accrue. […] Même dans le couple de l’Assommoir, peu d’individualité, et au contraire, puissante vérité typique.
Je sais aussi que M. le duc d’Aumale ne dit jamais que la vérité, et que son histoire n’a point le ton ni l’allure d’un panégyrique. Mais dit-il toujours toute la vérité ? […] Car, outre qu’ils se ressemblent entre eux, ils ressemblent au buste anonyme, d’une vérité si brutale, qui se trouve au musée de la Renaissance. […] Car on n’en fera jamais un très bon homme ; mais, de plus, arrangé, il serait moins original ; et, d’autre part, notre défiance, mise en éveil, irait plus loin que la vérité.
C’est l’ère de la littérature française, parce que c’est l’époque où un grand nombre de vérités générales sont exprimées dans un langage définitif. […] Ils ne pénètrent pas dans la vie humaine au-delà de ce que peut atteindre une vue ordinaire ; les vérités qu’ils expriment sont le plus souvent de celles que l’art néglige, tant elles nous sont familières et présentes. […] Boccace semble plus sérieux, et plus persuadé de la vérité de ce qu’il raconte. […] « Jugeant, dit-il39, ses inventions trop basses pour un prince de hault esprit, il les a laissées reposer, et a jeté l’oeil sur les livres latins, dont la gravité des sentences, ajoute-t-il, et le plaisir de la lecture (si peu que je y comprins) m’ont espris mes esprits, mené ma main, et amusé ma muse. » Marot, comme on le voit, n’est pas guéri du goût des pointes ; mais il indique du doigt le genre de beauté que notre littérature allait puiser au trésor des littératures anciennes ; à savoir, cette gravité des sentences que nous appelons les vérités générales.
C’est moins de la critique que de la guerre, et je n’affirmerais pas que ces prophètes de malheur et ces éplucheurs de mots aient été purs du péché d’envie ; cependant, ne sont-ils pas plus près de la vérité dernière sur la Henriade que la Harpe, qui ne trouve à porter au compte des fautes qu’un seul exemple de « vérités communes exprimées en vers communs ? […] Nous qui sommes juges dans un procès fait à un homme de génie, nous ne prenons de ces preuves que ce qu’il en suffit pour donner raison à la vérité contre Voltaire, sans toucher à sa gloire. […] Enfin je ne vois qu’une vérité dans le Discours sur l’envie, c’est qu’il ne faisait pas bon critiquer les vers de Voltaire.
Les mêmes questions qui se posaient à propos des vérités de la géométrie euclidienne, se posent de nouveau à propos des théorèmes de l’Analysis Situs. […] Sont-ce des vérités expérimentales ? […] Remarquons également qu’ici les empiristes sont débarrassés de l’une des objections les plus graves qu’on peut diriger contre eux, de celle qui rend absolument vains d’avance tous leurs efforts pour appliquer leur thèse aux vérités de la géométrie euclidienne. Ces vérités sont rigoureuses et toute expérience ne peut être qu’approchée.