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491. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Si la masse cérébrale se développe et s’augmente par l’exercice de la pensée, il importe assez peu, nous semble-t-il, que le travail intellectuel aboutisse à la vérité ou à l’erreur. […] Bien plus, comme il faut peut-être plus d’effort intellectuel pour établir entre deux idées un rapport artificiel et sophistique que pour concevoir simplement les liens naturels qui les unissent, j’en conclurais que le travail cérébral est plus considérable dans le premier cas, et qu’ainsi l’habitude du sophisme doit plutôt exercer et élargir l’organe de la pensée. […] Cela est vraisemblable ; mais, d’une part, Aristote avait commencé ses travaux zoologiques avant l’expédition d’Alexandre, et, d’autre part, quand celui-ci dépassa l’Asie-Mineure, les rapports entre le maître et l’élève s’étaient déjà bien refroidis : raison sérieuse pour douter que la sollicitude du royal disciple ait beaucoup contribué à enrichir les collections de son précepteur d’animaux expédiés de la Haute-Asie, de l’Afrique ou de l’Inde. […] Elle lui suggère, par exemple, la première idée de cette grande loi de la division du travail zoologique, qui attendra jusqu’en 1827 que M.  […] Bientôt les traductions se multiplient ; Guillaume de Mœrbecké aborde directement le texte grec, et aujourd’hui encore son travail peut être consulté avec fruit.

492. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Il a complété le travail de Bossuet en l’achevant. […] Travail de fourmi littéraire, cela est fin, charmant, remué, inépuisable ; mais ce genre de talent, qui décompose une existence, ne la recompose jamais, tandis qu’Audin en dresse la synthèse sur les analyses et les atomes de l’érudition et de la recherche. […] Quoique chaque détail historique soit très soigné chez Audin comme chez toute intelligence artiste, néanmoins, c’est principalement par l’ensemble et par l’ampleur de ses travaux qu’il sera classé dans la littérature contemporaine. […] Pour un homme de l’activité d’Audin et de sa vigueur de travail, ces introductions, si graves qu’elles soient, et quelques lectures qu’elles aient entraînées, n’auraient pas interrompu la trame de ses travaux historiques ; mais un projet longtemps nourri le maîtrisait, et il le réalisa. […] S’il avait continué et poussé dans cette voie, il eût pu, les visites aidant, entrer comme un autre à l’Académie française ; mais il aima mieux produire dix volumes de travaux immenses, où le talent égale l’abondance des notions.

493. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

L’excès de travail le fit tomber dangereusement malade. […] Vous l’assistez en toutes ses entreprises, vous le soulagez en tous ses travaux. […] La fin de la dédicace est employée à montrer la France aussi florissante par les arts de la paix que s’il n’y avait point de guerre, les bâtiments et les Louvres qui s’élèvent, l’émulation dans les lettres, et l’Académie française qui en est l’interprète, prenant note de tant de beaux titres pour les transmettre aux siècles à venir : Et je m’estimerais heureux si je pouvais joindre mes travaux à tant de beaux ouvrages qu’elle prépare pour votre gloire, et vous témoigner par quelque effort comme je suis, de Votre Éminence, le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur, Du Mézeray. […] N’accusons donc point Mézeray de ces lacunes, et sachons-lui gré plutôt de les avoir si bien signalées et définies : il a fallu deux siècles de défrichement et de critique, des travaux sans nombre et en France et dans d’autres pays, des systèmes contradictoires qui se sont usés en se combattant et qui ont fécondé le champ commun par leurs débris ; il a fallu enfin ce qu’invoquait Mézeray, l’appui des gouvernements dans les recherches, dans le libre accès aux sources et à toutes les chartes et archives, pour que les faits généraux qui se rapportent à cette première et à cette seconde race fussent éclaircis, pour que la société féodale fût bien connue, et que l’histoire du tiers état pût naître.

494. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Quand tout bas elle soupire, N’en soyez pas interdit : Écoutez ce qu’on veut dire, Et non pas ce que l’on dit… Il y a ainsi de Maucroix en sa jeunesse quantité de couplets, épigrammes, madrigaux, épîtres familières, desquels il aurait pu dire comme Pline le Jeune envoyant à un ami ses hendécasyllabes : « Ce sont de petits vers dans lesquels tour à tour je raille, je badine, je suis amoureux, je me plains, je soupire, je me fâche. » Il aurait eu grand besoin, comme Pline, de demander pardon des légèretés et des endroits libres, en se couvrant des illustres exemples d’hommes réputés graves dont les mœurs, dit-on, valaient mieux que les paroles ; mais il n’aurait pu ajouter, comme le docte et ingénieux Romain, qu’il avait été, dans sa manière, tantôt plus serré, tantôt plus élevé et plus étendu (modo pressius, modo elatius) : Maucroix n’est jamais ni resserré ni élevé ; il a du naturel et une certaine douceur de rêverie, il n’a pas de force ni de travail. […] Son grand travail, en quelques endroits qu’il a tâché de polir, ne sert qu’à mieux faire voir qu’il n’est point naturel. » Maucroix, en deux ou trois pièces, a précisément ce naturel joint au poli, et qui fait de lui plutôt un disciple de Racan. […] Ici le nonchaloir et la philosophie sembleraient aller jusqu’à une égoïste indifférence pour les maux de tous : avec un peu de travail, Maucroix aurait rendu sa pensée sans prêter à ce reproche. […] S’il avait vécu à Paris, sa plume élégante et qui cherchait des sujets où s’employer, eût peut-être aspiré à l’histoire, l’histoire écrite en beau style et traitée comme on l’entendait alors : « Je me serais hasardé à composer une histoire de quelqu’un de nos rois. » Mais vivant en province, loin des secours et des riches dépôts, il finit par s’accommoder très bien de cet obstacle à un plus grand travail, et sauf quelques heures d’étude facile dans le cabinet, il passa une bonne partie de sa vie à l’ombre dans son jardin, au jeu, aux agréables propos et en légères collations.

495. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Ce travail est absurde, mais les pauvres artisans s’en trouveraient mal s’ils voulaient prouver que leurs examinateurs sont des niais. » Je ne crois pas qu’en parlant ainsi Gœthe fût équitable pour tous les savants de nos jours, et le succès de ses vues en physiologie végétale, ou même en anatomie comparée, montre assez que ce n’était pas la seule prévention qui s’opposait à son triomphe dans l’optique. […] Mais au fond elle n’a été que peine et travail, et je puis affirmer que, pendant mes soixante et quinze ans, je n’ai pas eu quatre semaines de vrai bien-être. […] Il nous a entretenus de Schiller, de leurs travaux communs, de ce que celui-ci voulait faire, de ce qu’il aurait fait, de ses intentions, de tout ce qui se rattache à son souvenir : il est le plus intéressant et le plus aimable des hommes. […] Ce travail est le résultat de toute une éducation allemande et française, et de quelque chose encore que l’éducation ne donne pas, la curiosité et l’ardeur d’un Faust même

496. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

La préface de Brown-Séquard en tête du livre de Braid, les travaux de Carpenter sur l’Expectant Attention m’avaient dessillé les yeux. […] La justification nécessaire de son livre Rome, à propos duquel on le taxait de compilateur, reste en même temps, un excellent aveu de ses procédés préférés : « Me voilà donc forcé de répéter, une fois de plus, quelle est ma méthode de travail. […] Se remet au travail, mais irrégulièrement (p. 174), se « cuite » décidément (p. 178). […] Mais il abandonna ce traité “bien démodé aujourd’hui” et consulta le Dr Pouchet, un Rouennais qu’il avait connu chez Flaubert, s’inspira ensuite de la thèse d’agrégation du Dr Déjeriné et des travaux de Weissmann.

497. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Il arrachait par son intelligence et sa capacité de travail l’admiration de son oncle le bailli et, pendant leurs rares trêves, celle même de son père. […] Il joignait à ses grands dons celui de savoir utiliser le travail d’autrui. […] S’il sait mettre à contribution ses amis, s’il sait leur faire produire ce qu’ils n’auraient jamais fait sans lui, il en est véritablement l’auteur. » Du moins, nous sommes assurés par ses travaux antérieurs de la capacité de son esprit, de l’étendue de ses connaissances : si, accablé d’affaires, il dut recourir à des secrétaires pour la préparation de ses discours, c’était une économie de temps, et non un supplément de génie qu’il y cherchait. Il dirigeait leur travail, le contrôlait, le gardait ou le modifiait selon ses vues, l’animait de son éloquence.

498. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Ce double travail manque ici : la description remplace trop l’analyse. […] Le sérieux demande du travail et de l’effort ; l’abandon, la liberté ; le laisser-aller se produisent d’eux-mêmes : aussi ont-ils un air de gaieté qui naît de l’absence de toute contrainte. […] L’objet de ce travail étant d’exposer, non de critiquer, je ne m’arrêterai pas à discuter cette doctrine, quelque contestable qu’elle me paraisse à beaucoup d’égards. […] Comment d’ailleurs ne pas voir que ces lois promulguées sont le résultat des consciences individuelles, d’un travail sourd, latent, qui a duré quelquefois des siècles.

499. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Le centre, le corps principal du travail est Aristote lui-même et sa Poétique traduite, commentée, cette Poétique que tant de gens hier invoquaient encore et que si peu ont lue. […] Son neveu nous a peint son genre d’esprit et ses habitudes de travail dans une lettre intéressante. Pline ne perdait pas un instant : levé avant le jour, il trouvait du temps la nuit pour ses travaux de prédilection ; c’est là ce qu’il appelait ses moments de loisir. […] « Le monde raille les recherches auxquelles je me livre, disait-il, et tourne en ridicule mes travaux ; mais dans ce labeur, tout immense qu’il est, ce m’est une grande consolation encore départager ce dédain avec la nature. » Il y a du rhéteur dans Pline ; il ne faut ni le méconnaître ni l’exagérer.

500. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Mais, sans insister sur ce travail critique, reprenons maintenant les assertions de l’auteur. […] Si je regarde attentivement dans la rue, je n’entends pas quelqu’un qui m’appelle à côté de moi ; si je suis occupé à quelque travail, je n’entends pas la pendule sonner. […] En outre, j’admets que l’abus du travail intellectuel puisse amener la folie (quoique cela soit très rare quand il n’y a pas de cause concomitante). […] Est-ce à dire que le travail intellectuel soit une névralgie ?

501. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

L’auteur de la richesse est aussi bien celui qui la garantit par ses armes que celui qui la crée par son travail. […] De ce sérieux travail poursuivi pendant cinquante ans, la Prusse sortit la première nation de l’Europe. […] La démocratie française fera la même faute en politique ; il ne sortira jamais une direction éclairée de ce qui est la négation même de la valeur du travail intellectuel et de la nécessite d’un tel travail. […] Les économistes se trompent en considérant le travail comme l’origine de la propriété. […] Dans le travail sur la Monarchie constitutionnelle.

502. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Par l’art d’un travail caché, il nous a présenté certaines qualités de l’âme revétues de ces images qui les font adopter. […] Certaines classes d’Artisans ont trouvé moins d’inconvéniens & plus d’avantages dans leurs travaux, par la communication des lumières. […] Les travaux de l’Homme de Lettres ne peuvent plus être récompensés par l’argent ; & je le prouve par le fait. […] La gloire doit donc payer des travaux aussi nobles, aussi désintéressés. […] Il passe sa vie dans les anxiétés d’un travail qui lui déplaît & dans la vaine attente d’une renommée qu’il poursuit en haletant.

503. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Ce travail, hors du collège, se fait rapidement : le temps manque pour réfléchir longuement ; on improvise presque toujours. […] Au collège on a en général tout loisir : on peut défaire et recommencer son travail, et le mettre lentement au point.

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