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45. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

La division du travail ne saurait associer intimement les hommes sans les égaliser. […] Dans les sociétés où le travail se divise, les inférieurs ne tardent pas à crier aux supérieurs : « Que deviendriez-vous sans nous ?  […] Durkheim, dans la Division du travail. […] Division du travail, p. 330. […] Durkheim, Division du travail, p. 187.

46. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Quitard sera certainement — car ses travaux ne sont pas épuisés par les deux publications qu’il nous donne — l’honneur et l’agrément de cette science, coiffée de grec, qui est, après tout, moins abstraite et moins aride que celle-là dont elle est un démembrement. […] Du reste, malgré la justesse de la vue première : — faire une histoire des proverbes qui fût l’histoire des mœurs perdue par de l’expression retrouvée, — et malgré des travaux pleins d’intérêt, mais qui ne sont, après tout, que des préliminaires, cette histoire qui l’a tenté Quitard ne l’a pas faite néanmoins avec son Dictionnaire et son Étude. […] Il a eu l’idée d’une telle histoire et il l’a dégrossie, mais il ne l’a pas chassée, toute vibrante, du bloc de travaux où elle sommeillait renfermée, et d’où une main plus violente, sinon plus vigoureuse que la sienne, ne la tirera qu’à force d’obstination et d’effort hardi. […] … Et cette seconde peur n’énerve-t-elle et n’infirme-t-elle pas ses travaux dans leur substance même ? […] Ainsi qu’on le voit, ces reproches s’adressent bien plus à une manière de sentir qui nuit à la conception première de son travail qu’à sa science de parémiographe.

47. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Si vous parcouriez, en effet, les académies de l’Europe, et il est de presque toutes, excepté, bien entendu, de celles de son pays, et si vous leur demandiez, à ces académies, pour votre édification personnelle, ce que c’est que César Daly, ce que c’est que le fondateur et le directeur de cette encyclopédie de science et d’art qui se publie, depuis plus de vingt ans, sous le titre de Revue générale de l’Architecture et des travaux publics, vous verriez ce qu’on vous répondrait ! […] L’administration ne le crut pas, et le travail de la cathédrale d’Albi, accompli avec une si grande aisance dans la puissance de l’exécution, fit la preuve de ce que pourrait être Daly en dehors de ses travaux d’érudition et de critique, en dehors de cette supériorité que des génies en maçonnerie lui reconnaissent, pour n’avoir pas à lui reconnaître l’autre. […] À qui peut la juger il est évident que cette œuvre, qui a demandé tant d’années, ce hardi et magnifique travail exécuté sur la cathédrale de France la plus effrayante de beauté et la plus désespérante pour qui oserait se charger d’y porter la main, peuvent faire pressentir à la critique un architecte créateur pour plus tard, un architecte, enfin, pour le propre compte de son génie ! […] Conçue avec une rare grandeur et un dévouement absolu à l’art et à la science, les deux choses auxquelles il croit le plus, la revue de Daly n’est pas qu’une chronique des découvertes et des travaux contemporains rédigée par des artistes ou des savants dont il serait l’inspirateur et le guide. […] La vérité, en effet, voilà ce qui a toujours préoccupé — et à outrance — Daly, en ses efforts et ses travaux, depuis vingt ans.

48. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

En esthétique, le même travail est nécessaire. […] La distribution des travaux, la classification des sciences, la mise en ordre des systèmes, et l’anéantissement des hiérarchies, toutes ces opérations fondamentales dépendent de l’esthétique seule. […] Appliquons toute notre énergie à nous embellir nous-mêmes constamment ; par un inflexible et sévère travail, augmentons-nous dans tous les ordres de la beauté. […] L’épuration plastique et spirituelle du monde est un travail grave et austère qu’ont su seulement exécuter des esprits comme Sophocle et Platon à Athènes, comme Raphaël à Florence et comme Michel-Ange à Rome. […] La classification des sciences, le perfectionnement de la race, la mise en ordre du système et l’anéantissement des hiérarchies, voilà quel doivent être les effets de nos travaux.

49. (1890) L’avenir de la science « XII »

Que de travaux d’ailleurs qui, bien que n’ayant aucune valeur absolue, ont eu, de leur temps, et par suite des préjugés établis, une sérieuse importance ! […] Dans l’état actuel de la science, il n’y a pas de travail plus urgent qu’un catalogue critique des manuscrits des diverses bibliothèques. […] Et pourtant les recherches érudites seront entravées et incomplètes, jusqu’à ce que ce travail soit fait d’une manière définitive. […] Quand on songe au vaste engloutissement de travaux et d’activité intellectuelle qui s’est fait depuis trois siècles et de nos jours, dans les recueils périodiques, les revues, etc., travaux dont il reste souvent si peu de chose, on éprouve le même sentiment qu’en voyant la ronde éternelle des générations s’engloutir dans la tombe, en se tirant par la main. […] On ne se fait pas d’idée de la largeur avec laquelle devrait se faire le travail de la science dans l’humanité savamment organisée.

50. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M.  […] Il fit ses études au collège de Dijon, et marqua dès l’abord de grandes dispositions au travail et au plaisir. […] Durant ces cinquante années de travaux, la vie de Buffon est uniforme. […] Le pavillon de travail de Buffon était à l’extrémité de ses jardins, et l’on y arrivait de terrasse en terrasse en montant. […] Hors de là, tout, dans son cabinet de travail, exprimait la simplicité.

51. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Les travaux physiques apportent à une certaine classe de la société, par des moyens absolument contraires, des avantages à peu près pareils dans leurs rapports avec le bonheur. Ces travaux suspendent l’action de l’âme, dérobent le temps, ils font vivre sans souffrir ; l’existence est un bien dont on ne cesse pas de jouir ; mais l’instant qui succède au travail, rend plus doux le sentiment de la vie, et dans la succession de la fatigue et du repos, la peine morale trouve peu de place. […] Le travail, de quelque nature qu’il soit, affranchit l’âme des passions dont les chimères se placent au milieu des loisirs de la vie. […] Soit qu’on lise, soit qu’on écrive, l’esprit fait un travail qui lui donne à chaque instant le sentiment de sa justesse ou de son étendue, et sans qu’aucune réflexion d’amour-propre, se mêle à cette jouissance, elle est réelle, comme le plaisir que trouve l’homme robuste dans l’exercice du corps proportionné à ses forces. […] C’est surtout en combinant, en développant des idées abstraites, en portant son esprit chaque jour au-delà du terme de la veille, que la conscience de son existence morale devient un sentiment heureux et vif ; et quand une sorte de lassitude succéderait à cette exertion de soi-même, ce serait aux plaisirs simples, au sommeil de la pensée, au repos enfin, mais non aux peines du cœur, que la fatigue du travail nous livrerait.

52. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Toutes ces choses entrevues nous paraissaient excellentes et nous rendaient, sur la foi d’autrui, mouton de Dindenaut nous-même, extrêmement sympathique aux travaux de Fournier. […] Tel est le livre d’Édouard Fournier et tel est son travail. […] C’est, comme vous le voyez, un vrai regrattage, — insignifiant quand il n’est pas maladroit, — une espèce de travail semblable à celui que l’on fait parfois (et je n’ai jamais su pourquoi) sur les édifices que le temps a austèrement bistrés et qui portent, au rebord de leurs angles et sur le cordon de leurs nervures, la poussière chassée par les siècles ou la graine éclose qu’en passant l’oiseau du ciel y fit tomber. […] Travail qui, du reste, lui donne le vertige. […] Assurément, et surtout en histoire, tous les travaux, même les plus petits, même les plus enfantins, peuvent avoir leur utilité, même ceux de la « petite horde » dans Fourier ; mais ce grattage des mots éloquents ou expressifs dans l’histoire, lesquels, vrais ou arrangés par l’art qui suit la gloire et aime à la parer, illuminent d’un jour vrai tout un caractère, est un travail mauvais en soi et d’une tendance funeste, car on ne va à rien moins, en faisant ainsi, qu’à désillustrer l’histoire sous prétexte de la purifier !

53. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Varin, auteur d’un intéressant travail sur Reims. […] Le travail de M. […] En attendant, une histoire des journaux est à faire ; les doctes travaux de M. […] C’est là un des préjugés et une des morgues de l’érudition que d’attendre, pour attacher du prix à certains travaux, qu’il ne soit presque plus temps de les bien faire. […] ne nous exagérons rien ; si la tâche s’allonge, elle se simplifie aussi avec le temps : combien peu de gens, d’ici à quelques années, seront encore à même de contrôler et de contredire en ce genre l’approximatif de nos travaux !

54. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Il appartient à d’autres de juger ce que j’ai pu faire : je rends compte de ce que j’ai voulu faire, de l’idée qui m’a guidé dans mon travail. […] Cependant j’espère, dans cette partie de mon travail comme dans les autres, n’avoir rien aimé ou blâmé que pour des raisons d’ordre littéraire. […] Un travail est à faire : dans la vaste production que les spécialistes nous ont révélée, il faut séparer le monument littéraire du document historique ou philologique. […] Brunetière qui, depuis trois ans, a bien voulu s’intéresser à ce travail. […] La troisième édition que j’offre actuellement au public, a reçu de plus nombreuses corrections ; j’y ai inscrit quelques travaux récents qui n’avaient pas paru ou n’étaient pas venus à ma connaissance à l’époque de la première impression.

55. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

On n’a oublié ni une rature, ni une surcharge, ni une virgule mise là plutôt qu’ici… On s’est livré au travail le plus minutieux, le plus microscopique, le plus patient, et à force de patience, le plus impatientant ! […] Mais on n’a pas trouvé que ce fût assez, et on nous a raconté sa vie, et on nous a donné le dessous de cartes de ses travaux, l’envers et le déshabillé de son œuvre, — ce qui va nuire à son effet et en diminuer la magie. […] Elles montrent trop — et fort inutilement — ses mille procédés de travail, et ces procédés de travail, bons comme toutes les méthodes qui sont relatives et personnelles, n’en sont pas moins chétifs et de nature à rabaisser l’idée qu’on a de son génie. […] Quant à ce qui est de l’analyse et des méthodes de travail du poète, elles nuisent toujours à la beauté synthétique de son œuvre. […] On n’a pas besoin des douze travaux d’Hercule pour prouver que l’on est Hercule.

56. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Eugène Poitou, a publié sur le plus grand romancier du xixe  siècle un long travail, qui peut-être sera un livre demain. Comme les idées sont indépendantes de la chronologie et de la forme purement matérielle sous laquelle elles arrivent au public, nous n’avons pas attendu le livre et nous parlons de ce travail aujourd’hui. […] Le travail de M.  […] Voilà, dégagé de ses développements et de ses déclamations, le fond du travail de M.  […] Combien de pages, de pensées, de pierres d’attente hésitons nous à sacrifier dans l’économie de nos travaux, tandis que lui, Balzac, sacrifiait des livres entiers comme on sacrifie des notes perdues !

57. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes Je conçois que le génie de leurs arts consiste dans un arrangement heureux des organes du cerveau, dans la bonne conformation de chacun de ces organes, comme dans la qualité du sang, laquelle le dispose à fermenter durant le travail, de maniere qu’il fournisse en abondance des esprits aux ressorts qui servent aux fonctions de l’imagination. En effet, l’extrême lassitude et l’épuisement, qui suivent une longue contention d’esprit, rendent sensible que les travaux d’imagination font une grande dissipation des forces du corps. […] Heureux les peintres et les poëtes, qui ont plus d’empire sur leur génie que les autres, qui sortent de leur enthousiasme en quittant le travail, et qui n’apportent point dans la societé l’yvresse du Parnasse. L’experience prouve suffisamment que tous les hommes ne naissent pas avec un génie propre à les rendre peintres ou poëtes : nous en voïons qu’un travail continué durant plusieurs années, plûtôt avec obstination qu’avec perseverance, n’a pû élever au-dessus du rang de simples versificateurs. […] Ainsi Raphaël instruit par un peintre médiocre, mais soûtenu par son génie, s’éleva fort au-dessus de son maître, après quelques années de travail.

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