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1249. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

C’est à mon tour à vous faire des sermons, je le vois : ce sera neuf et surprenant. — Sermonneur ou pénitent, je suis votre amie à présent et toujours.  […] — Les souvenirs, en général, me sont chose si chère et si douloureuse que je n’aime pas à y insister à moins qu’on ne m’y oblige. — Mais à ceux qui m’interrogent sur ce que je pense à mon tour de l’auteur des éloquents Mémoires, je réponds : Vous la connaissez par là comme par tant d’autres endroits de ses écrits, mais vous ne la connaissez encore qu’à demi : il y a des parties plus profondes, plus vives, qu’elle a raison, du moins maintenant, de ne pas dire, et seulement d’indiquer : si on savait tout d’elle, je ne parle pas de l’admiration, mais l’estime pour sa nature et la sympathie même augmenteraient.

1250. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

On a dit qu’il était très-aimable dans l’intimité, et je le crois volontiers ; mais, d’après les échantillons mêmes qu’on donne de sa conversation et des ingrédients qu’il y faisait entrer, j’y trouve tout un train de bons mots, anecdotes et historiettes, accusant ce tour d’esprit un peu futile dont le dix-huitième siècle ne se payait qu’en de certains moments. […] — Gresset se trompe, il n’est pas si coupable36 Un vers heureux et d’un tour agréable Ne suffit pas ; il faut de l’action, De l’intérêt, du comique, une fable, Des mœurs du temps un portrait véritable, Pour consommer cette œuvre du démon !

1251. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Le père d’Ernest était dans les ambassades ; M. de Liron trouve naturel qu’Ernest y entre à son tour : voici l’âge ; pour l’y introduire, il a songé à l’un de ses anciens amis, M. de Thiézac, qui, de son côté, se voyant au terme décent du célibat, songe que Mlle de Liron lui pourrait convenir, et arrive à Chamalières après l’avoir demandée en mariage. […] Le chevalier avait les agréments de l’esprit et de la figure, un tour de sensibilité légèrement romanesque ; il était chevalier de Malte, mais avait eu des succès à la cour : la duchesse de Berry l’avait distingué et honoré d’un goût de princesse.

1252. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Sans prétendre sonder, à mon tour, le secret de cette destinée de poëte et mettre la main sur la clef fuyante de son cœur, il me semble, à voir jusqu’à la fin sa solitaire imagination se dévorer comme une lampe nocturne et la flamme sans aliment s’égarer chaque soir aux lieux déserts,  — il me semble presque certain que cette jeune Fille idéale, cet Ange de poésie, celle que M. de Chateaubriand a baptisée la Sylphide, fut réellement le seul être à qui appartint jamais tout son amour ; et comme il l’a dit dans d’autres stances du même temps : C’est l’Ange envolé que je pleure, Qui m’éveillait en me baisant, Dans des songes éclos à l’heure De l’étoile et du ver-luisant. […] Bertrand nous récita, entre autres, la petite drôlerie gothique que voici, laquelle se grava à l’instant dans nos mémoires, et qui était comme un avant-goût en miniature du vieux Paris considéré magnifiquement du haut des tours de Notre-Dame : LE MAÇON.

1253. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Un homme au collège s’est laissé dire qu’un vers est une ligne de douze syllabes sans élisions, laquelle finit par un son pareil à celui de la ligne voisine ; tout le monde peut fabriquer des lignes semblables, c’est affaire de menuiserie ; d’ailleurs il se souvient qu’il en a fait en latin, presque aussi bien que Claudien, bien plus joliment que Virgile ; maintenant que le voilà inspecteur des douanes, officier en retraite, il rabote et aligne des vers, compose des fables, traduit Horace, exactement comme d’autres, ses confrères, confectionnent des boîtes et des bilboquets avec un tour. […] Et, mettant en nos mains, par un juste retour Les armes dont se sert sa vengeance sévère     Il ne vous fasse en sa colère     Nos esclaves à votre tour.

1254. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Il n’est que d’acquérir le tour de main qui force sûrement la grimace du rire ou du pleur, pour tenir la recette à tout faire : farces et mélos, le procédé élastique, la formule-caoutchouc des succès imperméables. […] Ce fut un théâtre national que celui où des artistes comme Eschyle, Sophocle, Aristophane, montraient, suivant le tour pathétique ou ironique de leur sensibilité, les hauts faits des spectateurs et de leurs ancêtres, aussi les faiblesses d’une démocratie trop vite enthousiaste.

1255. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Il n’est que d’acquérir le tour de main qui force sûrement la grimace du rire ou du pleur, pour tenir la recette à tout faire : farces et mélos, le procédé élastique, la formule-caoutchouc des succès imperméables. […] Ce fut un théâtre national que celui où des artistes comme Eschyle, Sophocle, Aristophane, montraient, suivant le tour pathétique ou ironique de leur sensibilité, les hauts faits des spectateurs et de leurs ancêtres, aussi les faiblesses d’une démocratie trop vite enthousiaste.

1256. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

. — Il aurait pu y voir encore des familles entrelacées autour du foyer, des cités sortant de terre, avec leurs remparts et leurs tours, des cortèges de prêtres enveloppés du nuage d’encens des sanctuaires. — Et tout en haut, des groupes de dieux, de plus en plus vrais, de plus en plus justes, montant et se succédant dans l’éther. […] Des épithètes se détachent, comme des fragments d’astres, de ces divinités essentielles, et forment, à leur tour, des êtres divins.

1257. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Alors Aristodichos fit le tour du temple, il enleva des corniches et des chapiteaux tous les nids d’oiseaux qui y étaient suspendus et les jeta sur les dalles. […] C’est vers cet Olympe hospitalier que Danaos pousse l’essaim craintif de ses filles ; chacune tient à la main un rameau cueilli aux oliviers du coteau. — « Un autel est plus sûr qu’une tour, leur dit-il, et protège mieux qu’aucun bouclier. » — Il n’est que temps de s’abriter derrière ce rempart ; une troupe de guerriers, montés sur des chars, s’est élancée des portes d’Argos.

1258. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Une imagination vive, brillante, tours fins et délicats, expressions nouvelles et toujours heureuses, en font l’ornement. […] Propre aux commerces les plus délicats, quoique les délices des savants ; modeste dans ses discours, simple dans ses actions, la supériorité de son mérite se montre, mais il ne la fait jamais sentir… Nous retrouvons ici cette langue excellente et modérée que j’ai déjà essayé de caractériser plus d’une fois, la langue des commencements du xviiie  siècle, remarquable surtout par le tour, par la justesse et la netteté, la langue d’après Mme de Maintenon, et que toute femme d’esprit saura désormais écrire, celle des Caylus, des Staal et des Aïssé.

1259. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

C’est quand Hector, ayant repoussé les Grecs de devant les murs de Troie, les vient assiéger dans leur camp à leur tour, et va leur livrer assaut jusque dans leurs retranchements, décidé à porter la flamme sur les vaisseaux ; tout à coup un prodige éclate : un aigle apparaît au milieu des airs enlevant dans ses serres un serpent qui, tout blessé qu’il est, déchire la poitrine de son superbe ennemi et le force à lâcher prise. […] » elle se contentait d’éluder, de se taire, et baissant les yeux : « Passez, disait-elle, à autre chose. » La noble fille, enlacée à son tour par le serpent, n’osait répondre comme Hector, mais elle pensait comme lui.

1260. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

En lisant les mémoires historiques qu’on avait depuis François Ier, il conçut presque dès l’adolescence, l’idée de consigner par écrit à son tour et de faire revivre après lui tout ce qu’il verrait, avec la résolution bien ferme d’en garder, sa vie durant, le secret à lui tout seul, et de laisser dormir son manuscrit sous les plus sûres serrures ; prudence rare dans un jeune homme, et qui est déjà un grand signe de vocation. […] Mais ce n’est que lors du mariage de son ami le duc de Chartres, le futur Régent, avec une des filles bâtardes de Louis XIV, que la curiosité de Saint-Simon s’avoue tout entière et se déclare : « Il m’en avait depuis quelques jours transpiré quelque chose (de ce mariage), et, comme je jugeai bien que les scènes seraient fortes, la curiosité me rendit fort attentif et assidu. » Louis XIV et sa majesté effrayante qui impose à toute sa famille, la faiblesse du jeune prince qui, malgré sa résolution première, consent à tout, la fureur de sa mère, l’orgueilleuse Allemande, qui se voit obligée de consentir elle-même, et qui nous est montrée, son mouchoir à la main, se promenant à grands pas dans la galerie de Versailles, « gesticulant et représentant bien Cérès après l’enlèvement de sa fille Proserpine » ; le soufflet vigoureux et sonore qu’elle applique devant toute la Cour à monsieur son fils, au moment où il vient lui baiser la main, tout cela est rendu avec un tour et un relief de maître.

1261. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Il a des raffinements de pensées et de tour. […] Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.

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