Ce voisinage offrit à la jeune enfant l’occasion de fortifier une passion pour le théâtre qui était née avec elle. […] Elle va faire ses caravanes en province et aux pays limitrophes, sur les théâtres de Lorraine et d’Alsace. […] Nous trouvons ces deux écoles en opposition déjà et en guerre au début de notre théâtre, la troupe de Molière aux prises avec celle de l’hôtel de Bourgogne. […] Mlle Le Couvreur avait vu Baron lorsque, vieux et toujours excellent, il rentra au théâtre en 1720 ; mais elle ne l’avait pas attendu pour réaliser à sa façon la poétique de Molière et pour réunir en elle les qualités à la fois élevées, touchantes et naturelles de la parfaite actrice tragique. […] Elle a charmé le monde, et vous l’en punissez… Mais ici je ne veux pas trop m’étendre, de peur de paraître toucher à la déclamation, en parlant de celle dont le principal mérite, au théâtre comme dans la vie, a été d’être la vérité, la nature, le contraire de la déclamation même.
Il le reconnaît du premier ordre pour la marche lumineuse de l’ensemble, pour la puissance de l’action et les principaux effets que le théâtre se propose, pour « ce grand fonds d’intérêt qu’il semble interrompre lui-même volontairement, et qu’il est toujours sûr de relever avec la même énergie ». […] Mais, encore une fois, Grimm, en y voyant les défauts, ne sacrifie pas la tragédie française à celle de nos voisins ; il reconnaît que chaque théâtre est approprié à la nation et à la classe qu’il émeut et qu’il intéresse : « L’un (le théâtre anglais) ne paraît occupé qu’à renforcer le caractère et les mœurs de la nation, l’autre (le théâtre français) qu’à les adoucir. » Grimm va plus loin ; il pense que ces mêmes tableaux que l’une des deux nations a pu voir sans aucun risque, quelque terrible et quelque effrayante qu’en soit la vérité, pourraient bien n’être pas présentés sans inconvénient à l’autre, qui en abuserait aussitôt : « Et n’en pourrait-il pas même résulter, se demande-t-il, des effets très contraires au but moral de la scène ? […] En philosophie, il le traite avec le dédain d’un homme qui n’en est pas resté aux demi-partis et dont l’incrédulité, du moins, n’est point inconséquente : Voltaire, au contraire, s’arrête à mi-chemin et, en continuant de mal faire, s’effraye par moment de sa propre audace : « Il raisonne là-dessus, dit Grimm, comme un enfant, mais comme un joli enfant qu’il est. » À partir de Tancrède, tout ce que Voltaire produit pour le théâtre lui paraît marqué du signe de la vieillesse ; mais, à sa mort, il se reprend à l’envisager dans son ensemble, et avec l’admiration qu’une telle carrière inspire ; il exprime très bien le sentiment de la décadence littéraire que, selon lui, Voltaire retardait, et qui va précipiter son cours : « Depuis la mort de Voltaire, un vaste silence règne dans ces contrées, et nous rappelle à chaque instant nos pertes et notre pauvreté. » Il écrivait cela à Frédéric (janvier 1784). […] Il est même, à cet égard, en contradiction avec lui-même : car il a très bien remarqué quelque part qu’une des différences qui distingue le plus les modernes des anciens, c’est que, pour connaître ces derniers, « c’était beaucoup d’avoir acquis la connaissance de leurs lois, de leurs coutumes et de leur religion », tandis que l’on connaîtrait fort imparfaitement les modernes, si on ne les considérait que par ces relations-là : notre manière de penser et de sentir dépend de bien d’autres circonstances : « On en jugerait bien mieux, ajoute-t-il, par l’esprit de notre théâtre, par le goût de nos romans, par le ton de nos sociétés, par nos petits contes et par nos bons mots. » Sur de telles nations, sur la nôtre en particulier, les livres donc, les bons livres et surtout les mauvais, ont grande influence.
Don Juan met l’épée à la main ; Arlequin se couche à terre sur le dos, tient sa flamberge pointe en l’air, de manière que son adversaire la rencontre toujours en ferraillant ; ce jeu de théâtre bien exécuté faisait le plus grand plaisir. […] Il nous suffit de montrer où elle en arriva sur le théâtre italien, par une conséquence toute naturelle du jeu comique propre à ce théâtre. […] À lire les récits que font les contemporains des merveilles qui s’y déployaient, on se demande si nous voyons rien de comparable ni d’approchant sur nos théâtres d’aujourd’hui, où pourtant le luxe des décors et de la mise en scène est porté si loin.
« Oui, en effet, elle se souvient, ainsi vaincue par une force irrésistible, de ses jours tout-puissants de triomphe et de victoire ; elle se souvient de l’enthousiasme universel, elle se souvient de ses créations splendides, quand elle faisait, de rien quelque chose : une comédie d’un vaudeville, un membre de l’Institut de quelque faiseur de mauvais vers ; elle se souvient de la joie, de la bonne humeur, de l’applaudissement du parterre ; elle se rappelle tous les triomphes entassés là, à ses pieds : ce théâtre glorifié, cette scène agrandie, et les vrais Dieux venant au-devant d’elle, les mains chargées de couronnes. […] la voici : « Une coutume s’est introduite dans les théâtres de Paris, qui nous paraît une coutume stupide. […] Avouez ensuite que c’est là véritablement insulter les fleurs du bon Dieu que de les jeter sans respect, et sans pitié, sur les planches huileuses d’un théâtre ; enfin, ajoutez, pour tout dire, que la plupart du temps ces couronnes maladroites tombent sur la tête mal peignée de quelque brave claqueur. […] Alors Baron s’avançant tout au bord du théâtre, et regardant dans cette foule, comme s’il eût pu découvrir les insulteurs : — Ingrat public que j’ai formel dit-il en les montrant du doigt ; et depuis ce jour-là, on eut beau le prier et le supplier de reparaître, il ne reparut plus.
Mais le style de théâtre a ses exigences propres, ses bornes étroites. […] Dr Albert Prieur, La science et le théâtre, de l’Évasion aux Avariés, Mercure de France, décembre 1901, p. 667. […] Dr Albert Prieur, La science et le théâtre, Mercure de décembre 1901, p. 602.
L’indécence des pièces de Congrève n’eût jamais été tolérée sur le théâtre français : on trouve dans le dialogue des idées ingénieuses ; mais les mœurs que ces comédies représentent sont imitées des mauvais romans français, qui n’ont jamais peint eux-mêmes les mœurs de France. […] On dirait que, voulant être gais, ils ont cru nécessaire de s’éloigner le plus possible de ce qu’ils sont réellement, ou que, respectant profondément les sentiments qui faisaient le bonheur de leur vie domestique, ils n’ont pas permis qu’on les prodiguât sur leur théâtre. […] Dans les comédies anglaises, on trouve rarement des caractères vraiment anglais : la dignité d’un peuple libre s’oppose peut-être chez les Anglais, comme chez les Romains, à ce qu’ils laissent représenter leurs propres mœurs sur le théâtre.
Bodinier n’a donc point été si mal inspiré en organisant, dans une galerie attenante à son théâtre de poche, une exposition de portraits d’acteurs et d’auteurs dramatiques. […] Peut-être de « l’air de théâtre » également répandu sur toutes ces figures. […] Et, si quelque peintre les a fixés sur la toile, ce n’est donc point leur vrai visage qu’il nous a transmis, mais un visage arrangé par eux pour nous donner l’idée de tel ou tel personnage de théâtre… Il est de toute évidence que la tête de M.
La supériorité intellectuelle et morale se résumait à peu près en ceci : « Mépriser la politique et aimer le théâtre. — Connaître au moins de vue et de nom les personnages de “la fête” à Paris. — N’aller déjeuner et dîner que dans les restaurants connus. — Faire semblant d’avoir tout lu. — Savoir tous les potins. — Couper les livres des auteurs qui dînent chez vous. — Dîner beaucoup en ville et aller à la messe. — Retenir d’une exposition les tableaux des gens qu’on rencontre dans le monde. — Éviter le solennel et prendre la vie à la blague. » * * * Étrange société où connaître les gens qui font « la fête » suffit pour conférer un titre d’excellence. […] On raffole du théâtre. […] A récemment joint à sa boutique de blanc, un magasin d’accessoires de théâtre et de costumes historiques pour modèles, à l’enseigne de palmes vertes.
Dimanche 21 décembre 1851 Janin, dans la visite que nous lui avions faite, nous avait dit : « Pour arriver, voyez-vous, il n’y a que le théâtre ! […] La grande comédienne se montre accueillante avec une voix rude, rocailleuse, une voix que nous ne reconnaissons pas, et qu’elle a l’art de transformer en une musique au théâtre. […] * * * Mardi 23 décembre Assis sur une banquette de l’escalier du théâtre et palpitants et tressaillants au moindre bruit, nous entendons, à travers une porte qui se referme sur elle, Mme Allan jeter de sa vilaine voix de la ville : « Ce n’est pas gentil, ça !
mais sa tête pâle, souffrante, ses yeux enfoncés et inquiets, sa bouche tourmentée, son grand front plein d’orages montrent clairement que. riche, heureux enfin, maître de son succès et de son art, propriétaire d’un beau château et d’un nom qui voltige sur les bouches des hommes, roi absolu du théâtre du Gymnase et du théâtre du Vaudeville, assez affermi dans sa tyrannie légitime pour pouvoir ne faire qu’une bouchée d’Edgard Poe et de Cervantès, et pour contraindre les poètes morts à lui gagner les droits d’auteur, — il ressent encore les souffrances passées du temps où les directeurs de spectacles, aujourd’hui ses esclaves !
Au théâtre, il n’a rien inventé. […] Dumas a découpées pour le théâtre. […] Le théâtre, comme la tribune, est voué au tumulte et à l’agitation : celui qui craint le bruit doit renoncer au théâtre comme à la tribune. […] Hugo a voulu mettre l’histoire au théâtre, il semble s’être imposé la tâche de mettre le théâtre hors de l’histoire. […] Au théâtre, y a-t-il rien de pareil ?
. — Théâtre du Figaro (1861). — Les Galanteries du xviiie siècle (1862). — L’Argent maudit (1862). — Chansonnettes des rues et des bois (1865). — Almanach gourmand (1865). — De Montmartre à Séville (1865). — L’Amour et le Plaisir (1865). — François Soleil (1866). — Portraits après décès (1866). — Physionomies parisiennes (1868). — Les Premières Représentations célèbres (1869). — Les Créanciers (1870). — La Lorgnette littéraire (1871). — Les Frères Chantemesse (1872). — Les Femmes qui font des scènes (1872). — Marie et Ferdinand (1873). — Panier fleuri (1873). — Gastronomie (1874). — Les Amours du temps passé (1875). — Scènes de la vie cruelle (1876). — Lettres gourmandes (1877). — Poésies complètes (1881). — Monsieur de Cupidon (1882) […] Jules Barbey d’Aurevilly Je connaissais le Monselet de tout le monde, le Monselet du journal, du théâtre, du café, du restaurant, le Monselet du boulevard et de Paris, le Monselet légendaire, celui qu’on a représenté les ailes au dos, comme Cupidon, parce qu’il a écrit Monsieur de Cupidon… Je connaissais le Monselet de la gaîté, de la bonne humeur, de la grâce nonchalante, la pierre à feu qu’on peut battre éternellement du briquet pour en tirer d’infatigables étincelles…, mais je ne connaissais pas le Monselet intime, — le Monselet du Monselet, — la quintessence de l’essence, et c’est ce livre, intitulé tout uniment et tout simplement : Poésies complètes de Charles Monselet, qui me l’a fait connaître, qui m’a appris l’autre Monselet dont je ne connaissais que la moitié… Un poète, un poète de plus parmi les vrais poètes, voilà ce qu’apprend ce recueil des Poésies complètes de Monselet, réunissant tous les rayons éparpillés de son talent et nous faisant choisir entre tous celui qui plaît davantage, le plus pénétrant et le plus pur… Certes, on savait bien, bien longtemps avant ce recueil, que Monselet était un chanteur plein de verve et de fantaisie… Il était plus que cela, et ce dernier recueil le met à sa place, parmi les touchants.
Il est frappé lui-même de la ressemblance ; les métaphores tirées de la vie du théâtre reviennent à chaque instant sous sa plume. […] Elle se marque, au théâtre, par une insurrection contre les règles d’Aristote. […] C’est le théâtre. […] Une autre fois, le poète veut porter Charlemagne au théâtre. […] Le roman à thèse, le théâtre à tendance trahissent en elle l’invasion des débats qui agitent la société environnante.