Les terres qu’ils habitent depuis des siècles leur appartiennent sans doute : personne ne leur refuse ce droit incontestable ; mais ces terres, après tout, ce sont des déserts incultes, des bois, des marais, pauvre propriété vraiment. […] Quitter son pays à cet âge pour aller chercher fortune sur une terre étrangère, quelle misère ! […] Royer-Collard, baissant un peu le ton dans l’une des lettres suivantes, était plus dans le vrai lorsqu’il insistait sur l’action utile et prolongée de l’écrivain, sur cette vocation qui n’avait pas été la sienne, à lui, et qui était de nature moins viagère ; on ne saurait définir d’une manière plus noble toute l’ambition permise à une littérature élevée, toute sa portée dans l’avenir, en même temps que ses difficultés, ses arrêts et ses limites : « … Vous, monsieur, il vous est donné de marquer autrement votre passage sur la terre et d’y tracer votre sillon ; vous l’avez commencé ; vous le suivrez sans l’achever jamais ; car aucun homme n’a jamais rien fini.
Quoi qu’il en soit, cette indifférence du siècle se révéla comme fait capital à M. de La Mennais, et il résolut de la contrarier par toutes les faces, de secouer de terre sa lâcheté assoupie, de l’insulter dans l’arène, comme on fait au buffle stupide, de la toucher au flanc de la pointe de cette lance trempée au sang du Christ. […] Tout cela se fit par degrés, selon les temps et les pays ; il y eut chez nous une ère transitoire qui eut sa splendeur sous Louis XIV, sa mourante lueur sous la Restauration, et durant laquelle, tout en reconnaissant la puissance spirituelle, en lui rendant hommage en mille points, en se signant ses fils aînés, on se posa en face d’elle comme pouvoir indépendant, à jamais légitime de père en fils sur la terre. […] « Ils ont aussi passé sur cette terre, ils ont descendu le fleuve du Temps ; on entendit leurs voix sur ses bords, et puis l’on n’entendit plus rien. […] la terre et les cieux sont remplis de votre gloire !
Et l’atavisme religieux pèse aussi sur lui : « Tous ces baisers ont un goût de terre. » À la même heure, Charles Guérin écrit : Toute chair à ma bouche a le goût du Péché. […] Sans doute, il effleure le scrupule religieux quand il parle des « baisers au goût de terre », mais il y a, dans les préventions dont la jeunesse fait preuve à l’égard de la passion, peut-être autre chose qu’un relent superstitieux. […] Ce ne sont pas seulement des chrétiens qui y apportent un sentiment de répugnance, mais des hommes d’une autre confession et sur toute l’étendue de la terre. […] Il sait que la morale n’eut d’autre fondement, au début, que des nécessités d’hygiène ; que l’homme poursuit ses métamorphoses et qu’il viendra peut-être un jour où, comme l’insinue Wells, des êtres « qui sont maintenant latents dans nos pensées et cachés dans nos reins, se dresseront sur cette terre comme on se dresse sur un tabouret, et éclateront de rire, en étendant la main au milieu des étoiles15 ».
Comme tous les enfants du siècle, j’ai eu mes accès de scepticisme ; autant que Sténio j’ai aimé Lélia ; mais par la critique j’ai touché la terre, et, lors même que telle croyance ne paraît pas aussi scientifique qu’on pourrait le désirer, je dis encore sans hésiter : il y a là du vrai, bien que je ne possède pas la formule pour l’extraire. […] Le centre du monde, c’était le coin de terre le plus méprisé de l’Orient. […] Mais cette activité ne tardera pas à se proclamer elle-même impuissante, et l’on comprendra alors que la grande révolution ne viendra pas des hommes d’action, mais des hommes de pensée et de sentiment, et on laissera ce vulgaire labeur aux esprits inquiets, et toutes les âmes nobles et élevées, abandonnant la terre à ceux qui en ont le goût, tenant pour choses indifférentes les formes de gouvernement, les noms des gouvernants et leurs actes, se réfugieront sur les hauteurs de la nature humaine et, brûlant de l’enthousiasme du beau et du vrai, créeront cette force nouvelle qui, descendant bientôt sur la terre, renversera les frêles abris de la politique et deviendra à son tour la loi de l’humanité.
Je voudrois savoir si un Magistrat seroit flatté d’entendre un de ces Messieurs s’écrier : Sages de la terre, Philosophes de toutes les Nations, c’est à vous seuls à faire des Loix ; ayez le courage d’éclairer vos freres…. […] Ceci nous rappelle le dîner du grand Kan des Tartares, qui, après avoir bu un peu de lait & mangé un morceau de jument crue, fait crier à la porte de sa tente par un de ses Marabous : Tous les Potentats de la Terre peuvent dîner, le grand Kan a pris sa réfection. […] Ils ont des bras : s’ils ne peuvent s’en servir à cultiver une portion de terre en propriété, qu’ils s’en servent à purger cette même terre des monstres qui la dévorent.
Après six ans de jeunes inouïs, de macérations affreuses, de méditations à faire éclater le crâne, après s’être assis, les jambes croisées, contre un arbre, en s’écriant : « Qu’ici mon corps se dessèche, que ma peau, ma chair et mes os se dissolvent, si, avant d’avoir obtenu l’intelligence suprême, je soulève mon corps de cette herbe où je l’assieds », Sidhârta se redresse un matin, en frappant d’une main la terre que sa parole va conquérir. […] Le vent jette les feuilles à terre, mais la féconde forêt en produit d’autres. […] les corps au sein de la terre, leur souvenir au sein des âges ! […] » — Comme Hamlet dans le cimetière, il se demande ce que la terre a fait des os d’Alexandre : — « Alexandre de Macédoine et son muletier ont été réduits, après la mort, à la même condition… Puanteur que tout cela et pourriture au fond du sac !
Je trouve que la terre de Naples est tout à fait poétique, et ses habitants rappellent incontestablement les Grecs, leurs fêtes et leurs usages : l’État pontifical me paraît avoir un aspect différent ; les Romains ont quelque chose de plus sérieux et qui est en rapport avec l’idée que, généralement, on se fait de leurs ancêtres. […] Feuillet de Conches le décrit en des termes qui rappelleront à tous l’impression reçue : On est au moment où le soleil à son déclin rase la terre et projette des ombres plus douces. […] il semble qu’on n’a plus rien à y mettre, et qu’il est fermé aux sentiments qui donnent tant de jouissances à la jeunesse. » Il résistait à l’égoïsme et à ce goût de jouissances positives qui prend certaines natures, même distinguées, dans la seconde partie de la vie : « Une vie matérielle qui peut convenir à beaucoup n’a jamais pu m’accommoder ; et, à présent que pour nous elle pourrait remplacer celle des illusions, il est impossible qu’elle me satisfasse assez pour me donner du plaisir d’être habitant de la terre. » C’est ainsi qu’il parlait à ses amis Schnetz ou Navez ; mais avec M.
En m’asseyant au soleil pour me pénétrer jusqu’à la moelle du divin printemps, j’ai ressenti quelques-unes de mes impressions d’enfance : un moment, j’ai considéré le ciel avec ses nuages, la terre avec ses bois, ses chants, ses bourdonnements, comme je faisais alors. […] La nature est fraîche, rayonnante ; là terre semble savourer avec volupté l’eau qui lui apporte la vie. […] Tous ces germes, incalculables dans leur nombre et leur diversité, sont là suspendus entre le ciel et la terre dans leur berceau, et livrés au vent qui a la charge de bercer ces créatures.
Et sur la terre même, d’où vient la succession, la régularité des saisons ; et dans les végétaux, dans les corps organisés, cet ensemble de lois mystérieuses et manifestes qui y président et qui constituent la vie ; et ces mouvements d’un ordre supérieur et singulier, cette activité spontanée des animaux ; et nos propres sensations à nous, et ce pouvoir de penser, de vouloir et d’agir que je sens en moi ? […] À l’instant, toutes les énigmes qui l’avaient si fort inquiété s’éclaircirent à son esprit : le cours des cieux, la magnificence des astres, la parure de la terre, la succession des êtres, les rapports de convenance et d’utilité qu’il remarquait entre eux, le mystère de l’organisation, celui de la pensée, en un mot le jeu de la machine entière, tout devint pour lui possible à concevoir comme l’ouvrage d’un Être puissant directeur de toutes choses ; et s’il lui restait quelques difficultés qu’il ne pût résoudre, leur solution lui paraissant plutôt au-dessus de son entendement que contraire à sa raison, il s’en fiait au sentiment intérieur qui lui parlait avec tant d’énergie en faveur de sa découverte, préférablement à quelques sophismes embarrassante qui ne tiraient leur force que de la faiblesse de son esprit. Dans son ravissement, dans l’admiration qui le pénètre jusqu’au fond de l’âme et qui déborde, le philosophe, à ce moment, se prosterne la face contre terre et adresse à l’Être divin un hommage, un hymne ardent et pur, qui ne diffère en rien d’une prière.
About n’a senti et n’a décrit le caractère et le genre de beauté des paysages, l’éclat et la transparence du ciel de l’Attique à de certaines heures, la maigreur élégante de cette plaine, opposée à la terre riche et grasse, aux fertiles glèbes d’Argos ou de Thèbes. […] Hippocrate a dit, dans une remarque féconde en conséquences : « En général tout ce que la terre produit est conforme à la terre elle-même. » M.
Grand Dieu, votre main réclame Les dons que j’en ai reçus ; Elle vient couper la trame Des jours qu’elle m’a tissus : Mon dernier soleil se lève, Et votre souffle m’enlève De la terre des vivants, Comme la feuille séchée, Qui, de sa tige arrachée, Devient le jouet des vents. […] Je ne verrai plus les mortels qui habitent avec moi la terre ! […] Par malheur, ce qui glace aussitôt, c’est que le moderne Orphée nous raconte que … jamais sous les yeux de l’auguste Cybèle La terre ne fit naître un plus parfait modèle Entre les dieux mortels que le comte du Luc.
Marcel le prend et le jette à terre : « Est-ce ainsi, Mademoiselle, que je vous ai enseigné à présenter quelque chose ? […] On interprète « les harmonies de la Nature » comme des attentions délicates de la Providence ; en instituant l’amour filial, le Créateur a « daigné nous choisir pour première vertu notre plus doux plaisir314 » À l’idylle qu’on imagine au ciel, correspond l’idylle qu’on pratique sur la terre. […] « Toutes ces belles dames et ces beaux messieurs qui savaient si bien marcher sur les tapis et faire la révérence ne savaient pas faire trois pas sur la terre du bon Dieu sans être accablés de fatigue.
La Bruyère écrit, par exemple, sans s’étonner : « … Si Troïle dit d’un mets qu’il est insipide, — ceux qui commençaient à le goûter, n’osant avaler le morceau qu’ils ont à la bouche, ils le jettent à terre… » Or, tout se tient ; et j’imagine que ces gens-là étaient moins exacts que nous à se garder de certaines incongruités. […] Les « soupirs » et les « grands élancements » à faire retourner les fidèles, la terre « baisée à tous moments », et la puce tuée « avec trop de colère », et « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline », ce sont donc là des traits tout à fait propres à frapper l’imagination de cet idiot. […] Mais Elmire : C’est que vous n’aimez rien des choses de la terre.