Ils enrichirent ainsi la langue en la rendant plus hétérogène, en appliquant à des fonctions spéciales les termes qui, jusque-là, se remplaçaient à peu près indifféremment : les synonymes reçurent des propriétés diverses, et l’on prépara ainsi de fins instruments pour enregistrer la finesse des pensées. […] Pour alléger la phrase, on la débarrassa de l’échafaudage logique qui l’étayait ; les idées se lièrent par elles-mêmes, se subordonnèrent par leur ordre de présentation ; et l’on rebuta des termes de liaison, conjonctions et locutions conjonctives. […] Le monde, par raison et par mode, s’affranchissait de la tradition ancienne et ne reconnaissait que l’usage actuel : ainsi tout terme suranné était absolument proscrit ; il ne restait plus à la disposition de l’individu à qui il plaisait de l’utiliser. Puis le monde, par sa composition, fit souveraine la langue de la cour : le vocabulaire du courtisan fut le vocabulaire des honnêtes gens, et les vocabulaires des métiers, tous les termes professionnels et techniques, leur furent interdits. […] L’abondance des termes de chasse, de blason et de guerre marque le caractère aristocratique de cette société, mais les termes techniques y font si absolument défaut, qu’un académicien, Thomas Corneille, se hâte de faire imprimer la même année un Dictionnaire des Arts et des Sciences, en même format.
Il y a dans la langue française et dans toutes les langues novolatines, trois sortes de mots : les mots de formation populaire, les mots de formation savante, les mots étrangers importés brutalement ; maison, habitation, home, sont les trois termes d’une même idée, ou de trois idées fort voisines ; ils sont bien représentatifs des trois castes d’inégale valeur qui se partagent les pages du vocabulaire français. […] Il y a aussi un grand nombre de termes abstraits qui, quoique d’une physionomie assez barbare, nous sont indispensables, tant que le vocabulaire n’aura pas subi une réforme radicale ; dès qu’on touche aux abstractions, il faut écrire en gréco-français ; cet essai sera, et est déjà plein de mots que je répudie comme écrivain, mais sans lesquels je ne puis penser. […] Nous ne comprenons plus, sans études préalables, le vieux français ; la tradition a été rompue le jour où les deux littératures, française et latine, se trouvèrent réunies aux mains des lettrés ; les hommes qui savent deux langues empruntent nécessairement, quand ils écrivent la plus pauvre, les termes qui lui manquent et que l’autre possède en abondance. Or, à ce moment, le français paraissait aussi pauvre en termes abstraits que le latin classique, tandis que le latin du moyen âge, enrichi de toute la terminologie scolastique6, était devenu apte à exprimer, avec la dernière subtilité, toutes les idées ; ce latin médiéval a versé dans le français toutes ses abstractions ; la philosophie et toutes les sciences adjacentes s’écrivent toujours dans la langue de Raymond Lulle. […] Il loue en ces termes insidieux : « il est beau et doux à l’oreille. ».
La représentation qu’il forme de l’espace pur n’est que le schéma du terme où ce mouvement aboutirait. […] S’il faut une intelligence pour conditionner des termes les uns par rapport aux autres, on conçoit que, dans certaine cas, les termes, eux, puissent exister d’une manière indépendante. Et si, à côté des relations de terme à terme, l’expérience nous présentait aussi des termes indépendants, les genres vivants étant tout autre chose que des systèmes de lois, une moitié au moins de notre connaissance porterait sur la « chose en soi », sur la réalité même. […] En tout cas, de la série entière des vivants, aucun terme n’eût été ce qu’il est. Maintenant, était-il nécessaire qu’il y eût une série et des termes ?
. — Terme de botanique. […] — Terme didactique. […] Ancien terme de palais. […] Terme de chicane. […] Terme de géologie.
Je fais ce rapprochement à dessein, parce qu’on établirait sans peine une proportion entre les quatre termes. […] Et ceci ne peut guère arriver que lorsque la phrase renferme une absurdité manifeste, soit une erreur grossière, soit surtout une contradiction dans les termes. […] Il faudra que vous empruntiez au vocabulaire du sport un terme si concret, si vivant, que je puisse m’empêcher d’assister pour tout de bon à la course. […] Il n’est pas rare qu’on se serve de ce moyen pour réfuter une idée en termes plus ou moins plaisants. […] Plusieurs auteurs, Jean-Paul entre autres, ont remarqué que l’humour affectionne les termes concrets, les détails techniques, les faits précis.
Victor Hugo abonde constamment en termes durs à apparier. […] Nous sommes au terme de notre analyse. […] Chez lui, chaque idée, au lieu d’en suggérer une autre, de se propager de terme en terme, du début à la fin d’une œuvre, s’étant immédiatement fondue et comme dissipée dans l’abondance d’expressions qu’elle déchaîne, ne subsiste pendant une durée appréciable qu’en mots. Ceux-ci comprennent d’abord les termes propres et synonymes, puis les termes analogues, enfin, et, nécessairement, les termes métaphoriques. […] Hugo est en communion avec la foule, parce qu’il en épouse les idées et en redit, en termes magnifiques, les aspirations.
Notre esprit, percevant soudain une qualité commune en deux objets différents, ou créant entre eux un rapport qui les assimile, nomme l’un du terme qui convient ou qui appartient à l’autre : il fait une métaphore. […] On ne saurait aussi se mettre trop en garde contre les métaphores qui n’ont pour effet que de provoquer le lecteur à la recherche du terme propre qu’elles cachent. […] Comment ménager le passage des expressions métaphoriques aux termes propres ? […] Tout réduire à la métaphore, c’est le procédé des précieux : mais jeter la métaphore au milieu des termes propres, n’est-ce pas scabreux aussi, et souvent ridicule ? […] Cette confusion des métaphores et des termes propres n’est pas propre aux écrivains de notre siècle.
Comment la raison prononcera-t-elle, par exemple, sur la ressemblance ou la différence de deux termes, si ces termes ne lui sont pas préalablement donnés ? Jamais la conception d’un rapport ne pourra précéder la conscience des termes entre lesquels il est saisi. […] Le plaisir, quand l’excitation a duré un certain temps, fait naître le besoin que le plaisir même ait un terme ; si bien qu’alors, dans la mesure où croît le plaisir, diminue le pouvoir de le ressentir encore. Il en résulte ce quelque chose d’amer qui surgit du fond de la coupe enivrante : le plaisir est lié à une dépense de force qui a pour terme la souffrance. […] Parfois aussi, les termes intermédiaires entre deux idées conscientes échappent eux-mêmes à la conscience.
Les romains qui emploïoient souvent les termes grecs en parlant de musique, en sçavoient certainement l’étimologie et ce que pouvoit changer dans la signification propre de ces termes un usage autorisé. […] Ainsi modi, terme que les latins emploïent souvent en parlant de leur musique, ne signifioit proprement que le mouvement. […] Saint Augustin rend en quelque sorte raison de cet usage, en disant que tout ce qu’un musicien doit faire est presque renfermé sous le terme de modulation. Je pourrois encore citer plusieurs passages d’anciens auteurs latins qui ont emploïé les termes de modi et de modulatio dans un sens aussi étendu ; mais pour convaincre le lecteur qu’on s’en servoit communément pour dire toute la composition, il suffira de rapporter la définition que fait du mot de modulation, Diomede grammairien, qui a vécu avant la destruction de l’empire romain. […] Enfin le terme de modulation avoit parmi les romains, la même signification que carmen : un mot que nous ne sçaurions traduire suivant sa signification précise, parce que n’aïant point la chose, nous n’avons pas le terme propre à la signifier, et qui vouloit dire la mesure et la prononciation notée des vers.
Soit qu’on ne sache pas faire usage des mots qu’on connaît, soit qu’on n’ait pas les mots eux-mêmes à sa disposition, on se laisse aller à croire que la langue ne peut pas rendre ce qu’on ne sait pas lui faire dire, et l’on crée des tours de phrases et des termes pour le besoin de sa pensée. […] On aime aujourd’hui à défaire ses phrases, à ne plus les construire, à braver l’antique et régulière structure des propositions, à jeter les sujets sans verbes au milieu d’une mer d’épithètes et de compléments, à greffer d’étranges et singulières incidentes sur le tronc des phrases, à faire chevaucher les prépositions les unes sur les autres, à supprimer toutes les articulations des périodes, tous les mots qui liaient les termes expressifs, et les assemblaient selon les exigences de la syntaxe, pour ne laisser subsister que ces termes expressifs, dépositaires de l’impression et du sentiment, qu’on plaque les uns à côté des autres comme des couleurs sur la toile, sans rien qui les assemble ou les sépare, que les seules lois de l’accord et de l’opposition des tons. […] Une classe de néologismes qu’on doit proscrire, ce sont les termes qu’on forge pour remplacer les locutions composées dont la langue autrefois se contentait. […] En recherchant les termes les plus justes qui répondent aux mots étrangers et aux idées des écrivains, on pénètre plus avant dans le sens des mots français, on en mesure mieux l’énergie et la vertu, et l’on en fait provision en même temps pour le jour où l’on devra exprimer ses propres pensées.
L’intelligence affirmera donc encore, en termes implicites. […] La vraie relation est celle qu’on trouve entre les deux membres d’une équation, dont le premier membre est un terme unique et le second une sommation d’un nombre indéfini de termes. […] La scission n’était donc pas encore irrémédiable entre les deux termes. […] De ce qu’un terme est solidaire d’un autre terme, il ne suit pas qu’il y ait équivalence entre les deux. […] Il a raison d’y voir le terme d’une évolution.
Évidemment ils appartiennent à la famille qu’on vient de décrire, et chacun d’eux est le premier terme sensible, apparent d’un couple. […] Telle courte et petite sensation entrée par les yeux ou l’oreille a la propriété d’éveiller en nous telle image, ou série d’images, plus ou moins expresse, et la liaison entre le premier et le second terme de ce couple est si précise qu’en cent millions de cas et pour deux millions d’hommes le premier terme amène toujours le second. […] Des couples, tels que le premier terme fasse apparaître aussitôt le second, et l’aptitude de ce premier terme à remplacer l’autre, en tout ou en partie, de façon à acquérir soit une province définie de ses propriétés, soit toutes ses propriétés réunies, voilà, selon moi, l’origine des opérations supérieures qui composent l’intelligence humaine ; on en va voir le détail.
Les pensées qui peuvent être offertes sous le double aspect du sentiment et de l’imagination, sont des pensées premières dans l’ordre moral ; mais les idées trop fines n’ont point de termes de comparaison dans la nature animée. […] La concision qu’il faut envier, c’est celle de Tacite, celle qui est tout à la fois éloquente et énergique ; et loin que les images nuisent à cette brièveté de style justement admirée, les expressions figurées sont celles qui retracent le plus de pensées avec le moins de termes. […] C’est la gradation des termes, la convenance et le choix des mots, la rapidité des formes, le développement de quelques motifs, le style enfin qui s’insinue dans la persuasion des hommes. […] Cet éloge si simple d’un grand homme, cette gradation qui donne pour dernier terme de la gloire les affections de son pays, fait éprouver à l’âme la plus profonde émotion. […] Lorsque c’est la finesse des idées ou l’énergie des sentiments qui inspirent le besoin d’une expression plus nuancée ou d’un terme plus éloquent, le mot dont on se sert, fût-il inusité, paraît naturel.