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852. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Renan avec un sourire placide et superbe) a écrit en tête de la 2e édition de son Essence du christianisme : par ce livre, je me suis brouillé avec Dieu et le monde. […] Si la pleine liberté de la Critique était consentie, si la Science avait le droit d’agir en vue seulement des résultats scientifiques, on n’aurait plus besoin de rien, on aurait tout, et les vêpres siciliennes de la philosophie sonneraient, à pleines volées, sur nos têtes ! […] Caligula philologique à faire mourir de rire qui voudrait que l’humanité n’eût qu’une tête pour la lui couper, si cette tête portait un nom propre !

853. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre premier. Des signes en général et de la substitution » pp. 25-32

Mais vous savez que sous chacun de ces points sombres ou bigarrés il y a un corps vivant, des membres actifs, une savante économie d’organes, une tête pensante, conduite par quelque projet ou désir intérieur, bref une personne humaine. […] De même, lorsque je lis ou j’entends ce mot Tuileries, j’imagine plus ou moins vaguement, en formes plus ou moins tronquées, un terrain plat, des parterres encadrés de grilles, des statues blanches, des têtes rondes de marronniers, la courbe et le panache d’un jet d’eau, et le reste.

854. (1890) L’avenir de la science « VII »

Hâtons-nous de le dire : il sera injuste d’exiger du savant la conscience toujours immédiate du but de son travail, et il y aurait mauvais goût à vouloir qu’il en parlât expressément à tout propos ; ce serait l’obliger à mettre en tête de tous ses ouvrages des prolégomènes identiques. […] Autrefois il y avait place pour ce petit rôle assez innocent du savant de la Restauration ; rôle demi-courtisanesque, manière de se laisser prendre pour un homme solide, qui hoche la tête sur les ambitieuses nouveautés, façon de s’attacher à des mécènes ducs et pairs, qui pour suprême faveur vous admettraient au nombre des meubles de leur salon ou des antiques de leur cabinet ; sous tout cela quelque chose d’assez peu sérieux, le rire niais de la vanité, si agaçant quand il se mêle aux choses sérieuses !

855. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XII. Ambassade de Jean prisonnier vers Jésus  Mort de Jean  Rapports de son école avec celle de Jésus. »

Antipas charmé ayant demandé à la danseuse ce qu’elle désirait, celle-ci répondit, à l’instigation de sa mère : « La tête de Jean sur ce plateau 554. » Antipas fut mécontent ; mais il ne voulut pas refuser. Un garde prit le plateau, alla couper la tête du prisonnier, et l’apporta 555.

856. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

A la tête des confédérés étoit le fameux Erasme, le plus bel-esprit de son siècle, un des restaurateurs des lettres, l’ennemi irréconciliable de l’absurde jargon de l’école, & le père de la vraie philosophie. […] « Scaliger, dit Baile, jetta toutes sortes d’ordures sur la tête d’Erasme : il l’appella cent fois ivrogne.

857. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

ce n’est point avec un esprit naturellement et exclusivement propre à l’analysent des doctrines philosophiques sans nouveauté et auxquelles on a deux cents fois répondu, qu’on peut faire sortir de sa tête une synthèse de la force d’une religion, progressive ou non progressive. […] Déclaration solennelle, dont nous aimons à prendre acte et qui équivaut à celle-ci : c’est qu’après la religion catholique, de l’aveu même de la philosophie, il n’y a plus de religion possible pour les hommes, et que toutes les têtes des philosophes se mettraient-elles, bout à bout, les unes sur les autres, et feraient-elles toute une pyramide de cerveaux, elles ne parviendraient pas à en construire péniblement la queue d’une seule, en dehors de cette circonférence du catholicisme qui étreint l’Univers et la Pensée !

858. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Il en fait tour à tour le plus grand poète et le plus pathétique vulgarisateur de choses abstraites qui ait jamais existé Cette faculté d’assimilation, ou d’imprégnation, qui est à un degré si déplorable dans Cousin, — et qui le transforme tour à tour en éponge qui boit tout ou en cuvette dans laquelle on mêle tout, idées et systèmes, — cette faculté d’être un Grec, deux Écossais, trois Allemands à la fois, et de ne pouvoir parvenir à être un homme, exalte l’admiration effrayante de Wallon et lui inspire ces incroyables arabesques de louanges et ces perfides lacs d’amour de l’éloge qu’il trace autour de son nom… C’est là ce qui lui fait verser sur cette grande tête, dévouée aux… flatteries, assez de couronnes pour l’accabler. […] Puisque, dit Wallon en finissant, « Cousin n’est qu’un enfant de Paris, mais un enfant… sublime », il ne fallait pas écrire à la tête de son ouvrage : Esto vir ! 

859. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Elles ne lui appartiennent ni par la date ni par l’inspiration, qui fut la grande inspiration du xixe  siècle, l’inspiration de 1830, désormais épuisée ; car l’Esprit qui renouvelle les littératures, et qui ne souffle qu’à son heure, varie ses manières de souffler et ne descend point sur deux têtes ou sur deux époques sons la même forme de langue de feu… Il nous faut donc laisser là les réimpressions d’œuvres anciennes et d’œuvres posthumes qui ont aussi leur ancienneté. […] que le catholicisme soit reçu nulle part sur un pied quelconque, n’a pu supporter, et pourquoi, indignée, elle a lancé tout aussitôt sa Mademoiselle de la Quintinie à la tête de la Sibylle de Feuillet !

860. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Quand donc nos modernes néo-chrétiens qui affadissent tout, même le sens des mots, se mettront-ils dans la tête qu’il n’y a pas d’autre catholicisme que l’orthodoxie ! […] Renan avait connu une crise de conscience, je crois qu’il faudrait la chercher un peu plus tard, quand il a terminé son essai sur l’Avenir de la Science et qu’après quelques tentatives, il se détermine à se conformer à la conduite dictée par les anciens : « Le philosophe doit sacrifier aux dieux de l’Empire. » Ce que Pascal formulait : « Il faut avoir une pensée de derrière la tête et juger du tout par là, en parlant cependant comme le peuple. » Cet aphorisme constitue le point essentiel du « renanisme » ; c’est à l’adopter que le maître put hésiter, parce qu’il avait l’amour de la vérité et qu’il dut lui en coûter de la taire à demi, comme il fit le plus souvent, dès sa trentième année.

861. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

« Je me souviens du long silence où nous tombions lorsque, lieue après lieue, nous retrouvions toujours les têtes rondes des chênes, les files d’arbres étagées et la senteur de l’éternelle verdure. » Cependant, il suivait les cours d’une petite école dirigée par un M.  […] Ses cheveux étaient collés, serrés sur sa tête, sans une ondulation.

862. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Un homme ayant dit de mon temps : Je crois cela comme article de foi, tout le monde se mit à rire… Il y a un comité pour considérer l’état de la religion, mais cela est regardé comme ridicule. » Cinquante ans plus tard, l’esprit public s’est retourné ; « tous ceux qui ont sur leur tête un bon toit et sur leur dos un bon habit492 » ont vu la portée des nouvelles doctrines. […] Elle est une sorte d’opéra supérieur où défilent et s’entrechoquent, tantôt en costume grave, tantôt sous un déguisement comique, toutes les grandes idées qui peuvent intéresser une tête pensante. […] En effet, il avait vu le merveilleux chef d’orchestre qui, depuis cinquante ans, menait le bal tourbillonnant des idées graves ou court-vêtues, et qui, toujours en scène, toujours en tête, conducteur reconnu de la conversation universelle, fournissait les motifs, donnait le ton, marquait la mesure, imprimait l’élan et lançait le premier coup d’archet. […] drôle, j’espère bien que pour toi je suis toujours monsieur le comte. » — Ceci montre jusqu’à quel point, dans une tête aristocratique, les nouvelles théories sont admises. […] En 1759, d’Argenson, qui s’échauffe, se croit déjà proche du moment final. « Il nous souffle un vent philosophique de gouvernement libre et antimonarchique ; cela passe dans les esprits, et il peut se faire que ce gouvernement soit déjà dans les têtes pour l’exécuter à la première occasion.

863. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

« Notre petite reinette écossaise, disait Catherine de Médicis elle-même, qui la voyait avec ombrage, n’a qu’à sourire pour tourner toutes les têtes françaises !  […] Rizzio, en manteau court, en veste de satin, en culotte de velours rougeâtre, était assis et couvert ; il avait sur la tête sa toque ornée d’une plume. […] De là, Marie Stuart écrit à sa sœur Elisabeth d’Angleterre pour lui raconter, en les colorant, ses malheurs, et pour lui demander secours contre ses sujets révoltés ; elle appelle à Dunbar tous les contingents des nobles innocents de la conspiration contre elle ; huit mille Écossais fidèles accourent à sa voix ; elle marche avec le roi à la tête de ces troupes sur Édimbourg. […] Elle fait défendre, par ses proclamations, d’imputer à Darnley toute participation au meurtre de Rizzio, elle fait trancher la tête à tous les complices tombés sous sa main ; Ruthven, Douglas, Morton s’enfuient d’effroi hors des frontières ; elle rappelle à la tête de ses conseils l’habile et vertueux Murray, qui s’était assez compromis dans la conspiration pour sa popularité, assez réservé pour sa vertu. […] Un moment après, il appelle son valet de chambre et s’habille ; un de ses agents entre du dehors et lui parle bas à l’oreille ; il prend son manteau de cheval et son épée, couvre son visage d’un masque, sa tête d’un chapeau à larges bords et se rend à une heure du matin à la maison solitaire du roi.

864. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Il domine Gaston de toute la hauteur de sa noble tête, ce chevalier du devoir qui fait pénitence, sous l’uniforme, des folies et des erreurs de sa vie passée. […] Alors, une fois les portes closes et les domestiques renvoyés, vous la voyez mettre bas sa couronne de comtesse, sa robe montante de grande dame, son masque de femme honnête, et la fille reparaît, la fille parisienne qui regrette son élément de boue, de Champagne et de bruit et qui s’y replonge par la pensée, et qui y nage, et puis y barbote, et qui s’en donne par-dessus la tête. […] et patati, et patata. … Olympe respire avec délices ces odeurs de corruption parisienne que lui rapporte la vieille, et sa tête s’exalte au ressouvenir de ces joies maudites. […] Alors, comme elle s’emporte et perd la tête à son tour et se lance dans des menaces d’infamie et de déshonneur, le vieillard exaspéré ouvre une boîte de pistolets qui se trouve là par hasard, et la tue, à bout portant, comme il tuerait une bête enragée. […] Puis, au moment où il brûle le peu de cervelle qu’il y avait dans la tête de cette Olympe, son meurtrier était en marché avec elle ; il débattait son exil, il marchandait son départ.

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