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400. (1881) Le roman expérimental

Son style, c’est sa pensée elle-même ; et comme cette pensée est toujours grande et forte, son style aussi est toujours grand, solide et fort. […] On prétend qu’il y a un style pour le théâtre. […] Il avait le style de son talent, un style tellement original, dans son incorrection et son apparente insouciance, qu’il est resté typique. […] Quelles que soient les bavures, c’est là du grand style. […] De là le style personnel, qui est la vie des livres.

401. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Il y aurait une manière bien simple, bien commode, et à la fois bien juste, de recommander ces volumes ; nous nous hâterions de dire qu’à une grande variété de sujets sur lesquels le critique a répandu tous les assortiments d’une érudition exacte et fine, se joint le mérite d’un style constamment net, rapide, élégant ; que la nouveauté des points de vue n’exclut en rien les habitudes et les souvenirs de la plus excellente et de la plus classique littérature ; que l’ancienne critique s’y trouve toute rajeunie, en ayant l’air de n’être que continuée. […] Magnin vient de publier présentent toute espèce de choix et de variété : Grèce, romantisme, Portugal et Chine, nul échantillon n’y manque ; cette qualité de style dont nous parlons en fait l’harmonie. […] Je ne saurais rendre l’effet désagréable que produit sur moi, par instants, ce style bizarre, baroque, bariolé de métaphores et de termes abstraits, à phrases courtes, à paragraphes secs, décharnés, qui sentent encore le résumé du contentieux, et qui poussent par soubresauts l’éloquence du factum jusqu’à une sorte d’élancement lyrique. […] lecteur, j’aurais pu affiler ma bonne lame, donner de la pointe à ce Scythe, à ce barbare, et lui rendre blessure pour blessure. — Mais nous autres, Grecs d’Athènes, si nous avons du sel aux lèvres, nous n’avons pas de fiel dans le cœur, etc., etc. » J’abrége la parodie : il ne manque à ce choc, à ce cahotage de tous les styles, que d’y avoir fait entrer plus au long ma bonne lame de Tolède ; l’amalgame eût été complet. […] Et si le style s’en mêle, si l’agrément a touché ces humbles pages d’autrefois, elles ont aussi pour qui les rouvre après des années, un certain parfum.

402. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Le style de Corneille est le mérite par où il excelle à mon gré. […] Pour nous, le style de Corneille nous semble avec ses négligences une des plus grandes manières du siècle qui eut Molière et Bossuet. […] Il y a peu de peinture et de couleur dans le style de Corneille ; il est chaud plutôt qu’éclatant ; il tourne volontiers à l’abstrait, et l’imagination y cède à la pensée et au raisonnement. Il doit plaire surtout aux hommes d’état, aux géomètres, aux militaires, à ceux qui goûtent les styles de Démosthène, de Pascal et de César. […] J’insiste sur le style ; le fond du Cid est tout pris à l’espagnol.

403. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Enfin, par leur style tourmenté, raffiné, souvent extravagant ou alambiqué, souvent aussi d’une intense et originale précision, MM. de Goncourt ont exercé une grande influence sur leurs contemporains. Ils ont créé vraiment le style impressionniste : un style très artistique, qui sacrifie la grammaire à l’impression, qui, par la suppression de tous les mots incolores, inexpressifs, que réclamait l’ancienne régularité de la construction grammaticale, par élimination de tout ce qui n’est qu’articulation de la phrase et signe de rapport, ne laisse subsister, juxtaposés dans une sorte de pointillé, que les termes producteurs de sensations. […] Une fois formé, au gré de son maître, Maupassant se mit à écrire des nouvelles et des romans remarquables par la précision de l’observation et par la simplicité vigoureuse du style. […] Sous l’élégance parfois maniérée de son style, il y a plus de réalité qu’on ne croit. […] Dans des œuvres sincères, en un style étrangement vibrant et intense, Loti a dit quelques-unes des impressions qu’il a recueillies en ses campagnes : dans le Spahi, les soleils du Sénégal ; dans Mon frère Yves, les vastes paysages de pleine mer, quand le vaisseau fuit et que « l’étendue miroite sous le soleil éternel », des coins de Bretagne pluvieuse rendus avec une singulière délicatesse ; dans Pêcheurs d’Islande, la Bretagne encore, et la mer boréale, et le Tonkin, et les mers tropicales.

404. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

En même temps que l’influence mondaine amaigrissait la langue en l’affinant, elle gâtait le style en l’ennoblissant hors de propos. […] Quand on en arrive à ce style alambiqué, la réaction n’est pas loin. […] § 2. — Mais c’est assez parler de la langue et du style. […] Le dimanche même, c’est, paraît-il, une chose terrible à exprimer en style noble. […] Piètre victoire, qui n’empêche pas son poème entier d’être, à cause de son effort persistant pour polir son style et ses personnages, revêtu d’une teinte grisâtre qui efface et les caractères et les événements !

405. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Ainsi avec les jésuites, si nous les considérons surtout au dix-septième et au dix-huitième siècles, domine une piété fleurie, qui ne déteste ni les plaisirs du monde ni les agréments du style. […] « C’est aux académistes de bien parler, dit Saint-Cyran ; il suffit que le style n’ait rien de choquant ». […] Or, le style quiétiste, tel qu’il nous apparaît dans Mme Guyon ou dans Fénelon, est en harmonie avec cette doc trine mystique. […] Aux catholiques l’habitude de s’adresser à l’imagination ; le goût des pompes théâtrales et des arts qui parlent aux yeux ; un style volontiers sensuel, coloré, voluptueux. […] La littérature reflète toujours ces fluctuations des opinions religieuses, et les sujets traités, les tendances, le ton, le style des œuvres littéraires en portent la marque ineffaçable.

406. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Quels étaient leur langue, leur style, leur situation sociale, leur pays d’origine, leur conception du monde, leur tempérament, etc., etc. ? […] Bref un effort pour conserver tel quel ce qui existe, une halte de la société et de la pensée dans une immobilité sereine qui permet aux écrivains de songer presque uniquement à plaire et de soigner leur style avec amour, voilà le bilan de ces trente-cinq années185. […] Le style, qui s’est dégagé à la fois de l’affectation et de la trivialité, a l’élégance aisée, la tournure noble et naturelle qui plaisent dans les salons. […] La touche large, le style métaphorique, l’allure franche de Molière lui valent le dédain des raffinés. […] C’est à l’art de l’historien (et l’art comme le style est éminemment personnel) de savoir faire jaillir des documents entassés la lumière et la flamme ou, si l’on veut, de transmuer la vérité en beauté.

407. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

J’avais eu l’idée, après avoir montré le parfait langage du siècle de Louis XIV dans sa fleur et son élégance dernière chez la plus charmante élève de Mme de Maintenon, après avoir considéré le style du xviiie  siècle dans sa plénitude de vigueur et d’éclat chez Jean-Jacques Rousseau, d’aborder aussitôt la langue révolutionnaire chez l’homme qui passe pour l’avoir maniée avec le plus de verve et de talent, chez Camille Desmoulins. […] Son style révolutionnaire est tout épicé et comme farci de citations empruntées à Tacite, à Cicéron, à tous les auteurs latins qu’il applique sans cesse aux circonstances présentes avec gaieté et d’un air de demi-parodie. […] Et, en effet, il estimait fort les cafés, et il en combine étrangement le style et le ton avec ces lambeaux de Tacite et des anciens. […] Quand on a fait la part de l’exaltation du temps, de l’ivresse qui montait alors presque toutes les têtes, et qu’on s’est dit qu’il y eut un moment où elles furent presque toutes à l’envers, quand on s’est bien averti à l’avance de tout cela, on se trouve encore au-dessous de la disposition d’esprit convenable pour aborder la lecture du premier pamphlet de Camille Desmoulins ; on n’est pas encore à la hauteur (style du temps). […] On se prend à s’écrier en se rejetant en arrière : Ô le style des honnêtes gens, de ceux qui ont tout respecté de ce qui est respectable, qui ont placé dans les sentiments mêmes de l’âme le principe et la mesure du goût !

408. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Moreau est un poète ; il l’est par le cœur, par l’imagination, par le style : mais chez lui rien de tout cela, lorsqu’il mourut, n’était tout à fait achevé et accompli. […] Il lui manque la pureté et le goût dans le style. […] Épousseter, sabler, douche de fleurs, voilà le détestable style moderne, le style matériel, prétentieux et grossier, que certes on ne s’aviserait jamais d’aller chercher si près du tombeau de Racine, et qui, j’ose le dire, n’aurait jamais dû entacher non plus et charger le berceau de notre école romantique, telle du moins que je l’ai toujours conçue. Oui, l’on pouvait se montrer plus voisin de la nature encore, de la réalité simple, modeste et sensible, que ne l’avaient été nos illustres poètes classiques, sans tomber pour cela dans ce style lourd, plaqué et technique, qui prévaut presque partout aujourd’hui. […] Je voudrais que, sans nuire aux autres conditions du genre qu’il s’est créé, il s’accoutumât à toujours soigner rigoureusement le style, seule qualité qui fasse vivre la poésie écrite et lui assure un lendemain quand le son fugitif est envolé.

409. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nettement la pensée du sien, elle avait le facile avantage de raconter une littérature étrangère ; et n’aurait-elle pas eu ce style inouï, ce mirage d’idées, comme disait Byron, qui lui aurait permis de se passer de pensées fortes et d’aperçus vrais, si elle n’en avait pas eu, elle apprenait du moins à la France ce que la France ne savait pas. […] Quant au style, dont il reste à parler, il ne sauvera pas la faiblesse d’une œuvre qui, plus qu’aucune autre, avait besoin, pour arrêter et contenir ce qu’elle a de trop facile et de trop lâché, du ferme tissu d’une langue bien faite. […] L’auteur de l’Histoire de la Littérature vise au style pompeux. On voit qu’il a pris l’ordre longtemps chez M. de Chateaubriand ; mais il tempère la manière du maître par la sienne, et de ce mélange il résulte je ne sais quelle phraséologie solennelle et verbeuse qui se remue mal, s’étale, s’affaisse et devient, au bout d’un certain nombre de pages, un modèle de style accroupi. Pour notre compte, nous aimons mieux la Vénus sur la tortue que ce style, immobile sur sa masse épatée et qui ne porte absolument rien.

410. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Est-ce que la théologie, la morale, mises en beau style ou en style piquant, ne sont pas des jouissances de salon et des parures de luxe ? […] Même il est négligé, naïf ; et justement cette naïveté l’élève jusqu’au style antique. […] Ses sermons ont l’air d’une conversation, d’une conversation du temps, et vous savez de quel style on causait à ce moment en Angleterre. […] Il a le style de l’anecdote, saillant, brusque, avec les changements de ton, les gestes énergiques et bouffons, avec toutes les originalités, les violences et les témérités. […] Si celui-ci serre ses phrases et choisit ses épithètes, ce n’est point par amour du style, c’est pour mieux imprimer l’insulte.

411. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Que diriez-vous d’un botaniste qui vous expliquerait la nervure, la tissure et la membrure d’une plante, avec le style d’un Byron en prose ? […] Or, n’est-ce pas un tic, une grimace de style et d’idée que de répéter jusqu’à trois fois, en moyenne, — j’ai fait le calcul — dans un chapitre de dix pages, en un volume de 400 pages, ces mots que M.  […] Barbey d’Aurevilly, ainsi que ses œuvres de critique et de polémique, se plaisent à lui reconnaître un style, une vraiment manière à lui, style de race, certes, et manière originale ! […] I sign myself The Yak — I’m well-known about here under that style » (which was certainly mystic although a little suggestive). […] In that same street, the Rue de Boulogne, near the top as you go from the Rue Blanche on the right, and pass a row of small private hotels, more or less artistic, with frontages in the Renaissance style, and « terra-cottaed » according to the latest bad taste, with windows of doubtful mediaeval style, stood an almost imperceptible house, with one window on the ground floor, one on the first floor, and a garret at the top.

412. (1887) George Sand

Comme tous ces récits sont d’une invention naturelle, d’une allure vive, d’un tour et d’un style exquis ! […] J’ajoute que, par la force des choses, dans ces épisodes de prédication intermittente, le talent ni le style ne sont plus les mêmes. […] Son style. […] On reproche à ce style si expressif et si coloré de n’être pas suffisamment plastique. […] Ça paraît si peu… Quant au style, j’en fais meilleur marché que vous.

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