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532. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Adieu, songe sublime, impossible à saisir ! […] Brunetière les droits du scepticisme, m’a fait songer au philosophe Pyrrhon. […] Il fait songer à Aulu-Gelle, à Apulée, à Érasme, à M.  […] Ils voient en songe des martyrs et des martyres. […] Songez-y, un métaphysicien n’a, pour constituer le système du monde, que le cri perfectionné des singes et des chiens.

533. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Il se confiait en Dieu, comme un être bon et juste qui se sent aux mains d’un être juste et bon ; il vivait volontiers dans sa pensée et en sa présence, et songeait à l’avenir inconnu qui doit achever la nature humaine et accomplir l’ordre moral. […] Il songe à la vie future, mais il n’oublie pas la vie présente ; il appuie la vertu sur l’intérêt bien entendu. […] C’est pourquoi il songe à la mort. […] Calculer les longues et les brèves, poursuivre partout l’euphonie, songer aux cadences finales, toutes ces recherches classiques gâtent un écrivain. […] VI Encore faut-il songer que nous sommes ici en Angleterre, et que bien des choses n’y sont point agréables à un Français.

534. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Il fait beaucoup songer, par sa grâce, au Meilhac de la Petite Marquise, de la Cigale, de Ma Camarade, — avec, si vous voulez, une langueur plus chaude ou un pittoresque plus aigu : ce qui veut peut-être seulement dire qu’il est d’aujourd’hui. […] Sardou reste d’ailleurs surprenante, et j’aime cette dextérité pour elle-même. — J’aurais voulu sans doute que la politique et les intrigues de Barras fussent un peu plus poussées (je songe à Bertrand et Raton ou à Rabagas) : tel qu’il est, néanmoins, le Barras de M.  […] Acculé à la faillite, ayant même mangé la petite fortune de son frère le chef de bureau (ce qui amène enfin la rupture des fiançailles d’Henri et de Mlle Ramel), Jacques Tasselin songe d’abord au suicide. […] Je n’ai rien à répondre, sinon que je n’y ai pas songé et que, ayant voulu très expressément montrer une fille chaste et croyante, il m’était vraiment bien difficile d’accueillir l’idée soit de cette chute, soit de ce suicide. […] — Mais j’irai plus loin : pendant que j’y suis, je songe à ces pasteurs « esprits forts », qui ne croient que bien juste en Dieu ; et, comme tout à l’heure je conciliais mal le sacerdoce avec le ménage, voilà maintenant que j’ai peine à concevoir le sacerdoce lui-même dans une religion rationaliste (si ces mots peuvent aller ensemble) ou qui tend au rationalisme.

535. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

mais songez donc à tout ce qu’elle occupe, à tout ce qu’elle produit ! […] de ne songer, dans ces tumultes, qu’à la gloire exquise et quasi sainte de la poésie et des belles-lettres ! […] … Et songer que je ne devais plus la revoir !  […] En effet, songez à cette joie, à savoir que, chaque jour, chacun viendra vous conter les peines les plus cachées de son cœur. […] Bien plus, songez donc !

536. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

Mais Libri n’est pas éclectique ; c’est un philosophe du xviiie  siècle qui pousse sa pointe à travers ce débat et ne songe qu’à frapper son vieil ennemi.

537. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Il en eut la première révélation en voyant jouer des comédiens de campagne ; il les suivit, joua avec eux à la diable des mélodrames et des vaudevilles, et, sans y songer, apprit ainsi ce mécanisme de la scène et cet art matériel du théâtre, qui si souvent manquent aux poètes lyriques.

538. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

La première affaire était faite, il fallait songer aux autres. […] Le lendemain, Lavretzky se leva d’assez bonne heure, causa avec le starosta, visita la grange, fit délivrer de sa chaîne le chien de la basse-cour, qui poussa bien quelques cris, mais ne songea même pas à profiter de sa liberté. […] « Je ne songeais pas à venir ici, le hasard m’a amené… Je… je… je vous aime », dit-il d’une voix timide. […] Ne songez pas à m’amuser ; nous autres vieillards, nous avons une occupation que vous ne connaissez point encore et qu’aucune distraction ne peut remplacer pour nous : les souvenirs. » Les jeunes gens écoutaient Lavretzky avec une attention respectueuse et tant soit peu ironique, comme ils eussent écouté la leçon d’un professeur ; puis ils le quittèrent en courant. […] La vie est devant vous, et elle vous sera plus facile : vous n’aurez pas, comme nous, à chercher le chemin, à lutter, à tomber et à vous relever dans les ténèbres ; nous ne songions qu’à nous sauver, et combien d’entre nous n’y ont pas réussi !

539. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

On se laissa déborder par le peuple ; on applaudit puérilement au désordre de la prise de la Bastille, sans songer que ce désordre emporterait tout plus tard. […] Ils ne songèrent pas que ce suffrage ne bénéficierait qu’à cinq millions de paysans, étrangers à toute idée libérale. […] Jeté sans patron dans la bataille de la vie, il s’en tire comme il peut, et s’enrichit, s’appauvrit, sans qu’il songe une seule fois à se plaindre du gouvernement, à le renverser, à lui demander quelque chose, à déclamer contre la liberté et la propriété. […] Sous la Restauration, l’esprit public était très vivant encore ; la société noble songeait à autre chose que jouir et s’enrichir. […] Certes, la crise de 1870-1871 est bien plus profonde que celle de 1848 ; mais on peut craindre que le tempérament du pays ne prenne encore le dessus, que la masse de la nation, rentrant dans son indifférence, ne songe plus qu’à gagner de l’argent et à jouir.

540. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

L’accord sur le bien, l’accord sur le vrai, voilà le minimum de communion que l’homme qui écrit pour le théâtre doit songer à réaliser entre son œuvre et son public. […] Un romantique ne songe qu’à soi, ne pense que par soi et ne vit que pour soi. […] Quand on le nomme, on ne peut songer qu’à Eschyle, qu’à Shakespeare, qu’à Calderon : quelques restrictions pèsent peu devant cette parenté magnifique. […] « Il dénombrait avec enthousiasme les paroisses de France, chères à Péguy. » Il songeait que chacune possède un patronage et chaque patronage une scène avec des acteurs. […] Voici trois ans, personne n’y songeait.

541. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

À ce seul geste, et sans qu’il ait songé à s’expliquer à lui-même l’étrange vision, aussitôt — vanité de ces courages à l’épée et au premier sang ! […] Le Sganarelle de Molière ne songe guère à se faire ermite, et savez-vous à quoi il, pense, le bonhomme ? […] Avec une bonne grâce assez rare, M. le duc de Saint-Simon en convient, et il faut lui tenir compte de l’aveu, quand on songe que Molière était un comédien, un excommunié, quand on songe que Lulli avait été marmiton chez la grande Mademoiselle, et bien en prit au jeune apprenti cuisinier de rencontrer une maîtresse si disposée à lui pardonner ses polissonneries : « J’aimais fort à danser, dit-elle dans ses Mémoires, et celle qui l’aimait autant que moi, était mademoiselle de Longueville. […] Il se trouve qu’elle aime le roi, qu’elle aime en lui le beau jeune homme, l’habile danseur, le grand seigneur accompli, et elle ne songe pas qu’il est tout-puissant ; elle parle du roi comme mademoiselle de Coëtlogon parlera de Cavoye. […] » Songez à cela !

542. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

Familière dès longtemps avec ces types qu’elle perfectionne en secret et qu’elle aime, la femme distinguée qui a écrit ce livre n’a pas songé qu’il y avait lieu à une composition, et, dans un grand nombre de cas, elle a raconté ce qui les touche de plus important et de plus intime, en peu de mots, avec une sorte de brève négligence, comme on fait à la fin d’une lettre, lorsque le jour baisse ou que le papier manque.

543. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

il chante les nostalgies de la petite éponge qui s’étiole parmi les objets de toilette et songe à sa jeunesse vécue sur un libre rocher couvert d’algues vertes, en pleine mer, dans la familiarité sauvage des crabes, des homards et des crevettes… Les fables de Franc-Nohain, ingénues, falotes et charmantes, sont certes d’une puissante gaîté.

544. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Le sentiment de l’inconnu nous trouble4 ; mais comme il brouillait toute ardeur de la Beauté en l’incroyant Renan, il dirige notre adolescence vers la clarté du songe intérieur et les violentes langueurs du mysticisme catholique.

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