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197. (1899) Arabesques pp. 1-223

En effet, l’école romane se tient encore plus que le symbolisme en dehors de la vie sociale. […] Au contraire, la plupart veulent agir, être utiles, jouer un rôle social. […] Telle est, à mon sens, la signification sociale de ce livre. […] Mais pour en venir là, il faut la révolution sociale. […] Ils pensent que Hugo et Lamartine ont eu tort de se mêler aux conflits sociaux.

198. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il la réduit à la morale, aux vertus sociales : il en exclut ce qui en est l’essentiel pour un dévot, disons pour un chrétien. […] On pourrait dire que la limite de la légitimité des instincts résulte de la société humaine, et que la morale de Molière est éminement sociable ou sociale. […] Le soin de la perfection intime se subordonne aux vertus sociales, à la sympathie, à la bienfaisance. […] Sans vouloir forcer les choses, il y a dans le Misanthrope comme un germe de la fameuse antithèse de l’homme social et de l’homme naturel qui s’épanouira à travers l’œuvre de J. […] Elle l’est énergiquement ; elle n’est pas sublime, ni dure, ni chrétienne, ni stoïque ; elle propose un idéal très accessible et très séduisant de bonheur individuel et de douleur sociale.

199. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Il y a là, d’abord, une contagion mécanique, mais il y a aussi, selon nous, une contagion psychologique et, conséquemment, un phénomène social. […] Pour ces raisons, nous admettons dans le corps vivant une solidarité des parties qui, mécanique par le dehors, est mentale et sociale par le dedans. […] La solidarité sociale des éléments dont nous sommes composés n’est pas seulement sympathique, elle est défensive et active. L’expression est donc un phénomène social de sympathie et de synergie qui est d’abord intérieur à l’organisme avant de s’étendre aux organismes voisins. […] Chaque être alors, grâce à la pensée, ne vit plus seulement de sa vie individuelle ; il vit de la vie sociale.

200. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Lorsqu’on cherche les précurseurs de tels principes essentiels de la mentalité européenne (principes scientifiques, esthétiques, moraux, sociaux), c’est le plus souvent en Italie qu’on les découvre ; et d’autre part, c’est en Italie que ces mêmes principes ont eu le moins d’efficacité dans l’application pratique. […] Et je ne cite toujours que les noms les plus connus. — A cet épanouissement merveilleux d’une conception nouvelle de la vie (individuelle et sociale) devait succéder normalement une période épique de création ; si les circonstances extérieures l’avaient permis, l’Italie aurait réalisé comme la France, et avant elle, le principe national sous la forme de la royauté absolue. […] En effet : la vie nationale de l’Italie, entravée déjà au cours de la première et de la deuxième ère par des circonstances spéciales, aurait dû commencer du moins au lendemain de la Révolution française ; on sait que Napoléon Ier encouragea cette espérance jusqu’à un certain point ; mais la Restauration paralysa le mouvement : il ne s’est pleinement réalisé qu’avec la prise de Rome ; politiquement ; restaient d’énormes difficultés sociales et morales ; l’Italie, maîtresse de ses destinées, assagie par sa défaite en Érythrée, ne marche sûrement au triomphe que depuis 1900 environ ; à cet état des choses, à cet état d’âme, devrait correspondre une floraison épique. Mais d’autre part l’Italie participe à la crise sociale, intellectuelle et morale que notre civilisation traverse en ce moment et dont l’expression littéraire est surtout dramatique ; elle est soumise ainsi à des influences qui sont en conflit avec le développement national. […] Elle n’effacera que peu à peu les traces d’une fatalité séculaire ; pour juger avec équité certains phénomènes sociaux et politiques de l’Italie contemporaine, il faut connaître son malheur passé.

201. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Une autre idée s’était enracinée en moi ; c’est que l’art devait être social. […] Sully Prudhomme se rattachait à Lamartine par ses essais d’ampleur religieuse détournée à des entités sociales, que M.  […] On se demande si l’art doit se suffire à lui-même : doctrine de l’art pour l’art ; s’il doit belligérer au profit d’idées sociales, d’intérêts contemporains et généraux : doctrine de l’art social. […] Ce sont des écrivains d’art utilitaire, d’appétit moralisant, des écrivains d’art social. […] D’après Bernard Lazare, l’art social reprendrait la tentative naturaliste, en lui ajoutant les vertus qui lui manquaient.

202. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IX. Caractères sociaux. — Le Prêtre. »

Caractères sociaux. — Le Prêtre. Ces caractères, que nous avons nommés sociaux, se réduisent à deux pour le poète, ceux du prêtre et du guerrier.

203. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Les idées et les sentiments, qui sont le fondement de la vie sociale, furent personnifiés dans les Dieux. […] L’individu comme tel, l’individu séparé du corps social, séparé même de son enveloppe corporelle, acquit à ses propres yeux et à ceux d’autrui une valeur infinie, la valeur d’un être immortel racheté par le sacrifice de l’Homme-Dieu. […] Bon citoyen, bon patriote, conservateur de l’ordre social et de la paix, il donne au peuple le spectacle hardi de sa corruption morale, de sa turbulence étourdie, de sa faiblesse crédule et de son imbécile confiance en ceux qui le perdent. […] Enfin don Quichotte, ce héros si riche de son propre fonds, et si follement révolté contre l’ordre social de son époque, nous montre dans sa curieuse personne la synthèse de l’un et de l’autre. […] Pour se faire une idée nette de la forme particulière de l’ordre social, qui est accessible aux représentations de l’art, on n’a qu’à jeter un coup d’œil sur celle qui lui est opposée.

204. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Il ne s’agit plus avec lui de désirs ardents mais vagues, de pensées qui se pressent dans l’esprit sans qu’on puisse les réaliser en actes, parce que la vie sociale ne répond pas à l’activité de notre âme. […] « Jamais homme d’un génie égal au leur, mais ému par les profondes secousses de notre France, de notre Europe, n’aurait pu avoir la patience de peindre pour peindre, sans beaucoup de lyrisme au fond du cœur, comme Scott, avec une froide et étonnante impartialité ; ou, comme Cooper, avec une mélancolie assez vague, une pensée sociale incertaine et douteuse, et seulement le sentiment vif et profond de la nature extérieure : un tel homme n’aurait pu s’intéresser comme eux à ces mille petites nuances qui les intéressent ; et, tourmenté par les rudes problèmes qui occupent l’Humanité de notre âge, il lui eût été impossible de relever curieusement les moindres accidents de jour, de lumière, de paysage, de costume. […] L’ordre social autrefois se peignait dans tous les arts ; l’art était comme un grand lac qui n’est ni la terre ni le ciel, mais qui les réfléchit. […] Ne voyez-vous pas que le volcan n’a pas jeté toutes ses flammes, et que cette forme religieuse et sociale que le Christianisme protestant a revêtue doit disparaître à son tour ? […] Rousseau, l’initiateur de ce mouvement, Rousseau, qui fit sortir l’art des maisons et des palais pour l’introduire sur une plus grande scène, et dont la poésie, sous ce rapport, est à la poésie de ses devanciers comme le lac de Genève est aux jardins de Versailles ; Rousseau, dis-je, avait en même temps, à un degré supérieur, l’idée générale, l’idée philosophique, l’idée sociale.

205. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Toutes les plaisanteries qui portent sur les institutions civiles et politiques contraires à la raison naturelle, perdent leur effet dès qu’elles atteignent leur but, la réformation de l’ordre social. […] Il existe sans doute, dans les ouvrages d’esprit, un autre genre de gaieté que celle qui tient presque uniquement à des plaisanteries sur l’ordre social ou sur la destinée humaine ; c’est l’observation juste et fine des passions et des caractères. […] Les ridicules de ce dernier genre doivent être en beaucoup moins grand nombre dans les pays où l’égalité politique est établie ; les relations sociales se rapprochant davantage des rapports naturels, les convenances sont plus d’accord avec la raison. […] Néanmoins elle est modifiée, comme toutes les productions de l’esprit humain, par les institutions sociales et les mœurs qui en dépendent. […] L’ordre social qui, chez les anciens, créait des esclaves, creusait encore plus avant l’abîme de la misère, élevait encore plus haut la fortune, et donnait à la destinée humaine des proportions vraiment théâtrales.

206. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Quand la satire sociale se substitue à la satire des mœurs mondaines, le ton se fait plus âpre ; Montesquieu développe, et cette fois avec la supériorité de son génie, ce qui était seulement en germe dans quelques parties du livre de La Bruyère. […] Ce qui s’offre à nous sous ce titre, c’est tout Montesquieu, toutes ses connaissances et toutes ses idées, historiques, économiques, politiques, religieuses, sociales, à propos d’une étude comparative de toutes les législations. L’Esprit des Lois est pour Montesquieu ce que les Essais sont pour Montaigne : toute la différence est que l’étude de Montaigne, c’est l’homme moral et les ressorts spirituels, celle de Montesquieu, l’homme social et la mécanique législative. […] Ainsi les lois d’un peuple ne sont ni le produit logique de la raison pure, ni l’institution arbitraire d’un législateur : elles sont le résultat d’une foule de conditions physiques, météorologiques, sociales, historiques. […] Cependant, en 1789, c’est la doctrine de Montesquieu qui la première a été mise à l’épreuve, et l’Esprit des Lois a fourni avant le Contrat Social le modèle de la France nouvelle.

207. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

M. de Bonald avait pris pour épigraphe cette phrase de Rousseau dans le Contrat social : « Si le Législateur, se trompant dans son objet, établit un principe différent de celui qui naît de la nature des choses, l’État ne cessera d’être agité jusqu’à ce que ce principe soit détruit ou changé, et que l’invincible nature ait repris son empire. » — M. de Bonald se réservait de prouver qu’ici la nature n’était autre chose que la société même la plus étroitement liée et la plus forte, la religion et la monarchie. […] « Depuis l’Évangile jusqu’au Contrat social, dit-il et répétera-t-il depuis en maint endroit, ce sont les livres qui ont fait les révolutions. » Les révolutions, qui ont changé en bien ou en mal l’état de la société, n’ont eu d’autre cause que la manifestation des vérités ou la propagation des erreurs. […] Développant pour la première fois cette pensée qu’il a depuis résumée ainsi et qui fait loi : « La littérature est l’expression de la société », M. de Bonald examine dans leurs rapports la décadence des arts et celle des mœurs : « Ce serait, ce me semble, nous dit-il, le sujet d’un ouvrage de littérature politique bien intéressant, que le rapprochement de l’état des arts chez les divers peuples avec la nature de leurs institutions. » Et il en donne à sa manière un aperçu, indiquant que la plus grande perfection des arts et des lettres, comme il les conçoit, répond généralement à l’état le plus parfait des institutions sociales, c’est-à-dire à la monarchie. […] Il y avait longtemps qu’il s’était dit : « C’est par l’état social des femmes qu’on peut toujours déterminer la nature des institutions politiques d’une société. » On peut regretter seulement que, là comme ailleurs, il ait compliqué les excellentes raisons de tout genre qu’il produisait, par d’autres trop absolues, trop abstruses et trop particulières. […] Ce n’est donc que hors de lui et par la société que l’homme s’instruit et s’élève ; il importe donc que ce fonds premier de vérité sociale ne soit point altéré, ou, s’il l’a été, qu’il soit réintégré et rétabli dans sa pureté primitive, comme il le fut, et même à un plus haut degré de perfection, lors de la venue de Jésus-Christ.

208. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

La préface commence par ces mots : « Rousseau répandit la consolation sur ma vie, je dois jeter quelques fleurs sur sa tombe. » En faisant imprimer cet opuscule à part, et en le dédiant à son frère, l’auteur parlait du Contrat social avec enthousiasme. […] Quatorze années de gloire, de grandeur et de reconstruction sociale, avec même tous les désastres de la fin, ne se suppriment pas dans la mémoire et dans la vie d’une nation, comme une parenthèse dans une phrase trop longue. […] Michaud, que cette espèce d’enchantement politique, ce mobile des grandes actions, est une des merveilles de l’ordre social ; et plus nous sommes éloignés aujourd’hui de ces idées, plus nous devons en sentir le prix. » Passant à la morale, il y suivait les mêmes formes, les mêmes jeux de l’amour-propre, et reconnaissait qu’elle a, comme la politique, « ses rubans et sa broderie : ce sont les illusions, et je n’entends par illusion que la manière d’envisager les choses sous leurs formes les plus attachantes ». […] Dans ces considérations ingénieuses et qui avaient leur à-propos social, M.  […] Il mourut et s’éteignit le 30 septembre 1839, à l’âge de soixante-douze ans, ayant gagné beaucoup à la vieillesse, et ayant fait de la santé la plus frêle et du souffle le plus mince un merveilleux usage pour la vie sociale et pour la pensée9.

209. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Dans la prochaine livraison de la Revue, l’un de nos collaborateurs examinera à loisir et en détail cette production si profonde et si savante du chansonnier populaire ; mais, quant à l’effet politique, au sens social, il ressort de lui-même et se perçoit vivement. […] Les questions plus que politiques, les questions sociales, que tant d’esprits éminents ont tourmentées dans ces dernières années, et qui ont prêté aux conceptions, si utiles à certains égards et si méritoires, de Saint-Simon, d’Enfantin et de M.  […] Des questions sociales, si nous passons aux politiques, à proprement parler, lesquelles ne sont pas tant à dédaigner que certains esprits soi-disant avancés se le figurent ; ces derniers jours ont produit une manifestation des sentiments publics bien imposante et qui doit donner à réfléchir. […] Maurize une critique hardie, ingénieuse, de l’ordre social actuel, critique où M. 

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