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1945. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 513-514

Il auroit dû faire sentir davantage le ridicule & l'impuissance des efforts des Celses & des Porphyres de nos jours, contre une Religion qui se soutient depuis plus de dix-sept siecles ; une Religion, le plus ferme appui des Trônes, la sauve-garde des propriétés, la consolation des malheureux, le seul frein des méchans adroits ou puissans.

1946. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ils sentirent la justesse de ses observations, ouvrirent les yeux sur la position où ils s’étaient mis, et se retirèrent. […] La première chose qu’ils firent, ce fut de bannir d’entre eux les conversations réglées et tout ce qui sent la conférence académique. […] Mais l’intention de l’auteur est trop manifeste pour qu’on ne sente pas au premier examen que cette accusation est sans fondement. […] Ce prince sentait qu’il ne pouvait s’opposer plus longtemps à ce qu’il confondît ses détracteurs par l’innocence de son ouvrage. […] D’un autre côté, il sentait que sa défense n’arriverait au but qu’il se proposait qu’autant qu’on ne pourrait deviner qu’il en fût l’auteur.

1947. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Nombre de nos contemporains se sentent d’invincibles affinités avec ces tendres cervelles. […] N’allais-je pas me sentir déchiré ? […] Jean de Mitty conserve le mérite d’avoir été le premier à le sentir. […] Je réponds que cela se sent même à travers la traduction. […] Si abrupte et si farouche que soit Tolède, on y sent que l’Andalousie n’est pas loin.

1948. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

On sentait en l’écoutant que c’était l’homme qui parlerait le mieux à l’oreille de toutes les puissances, peuples, tribuns, femmes, empereurs, rois. […] Il avait senti qu’un nom aristocratique et des opinions populaires étaient une double puissance qu’il fallait habilement combiner dans sa personne, afin d’imposer aux uns par son rang, aux autres par sa popularité. […] Il savait qu’il y a des années où les hommes qui ne se sentent pas trempés pour la lutte doivent disparaître des révolutions, sous peine d’y périr inutiles à eux-mêmes et à leur patrie. […] La France se sentit honorée, l’Europe rassurée. […] On sent, en les lisant, que l’esprit de l’Assemblée constituante est rentré dans les conseils de la république, et que l’âme de Mirabeau respire encore dans son disciple.

1949. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Joncières… ils s’en défendent, et c’est d’un beau patriotisme… mais les auditeurs sentent bien qu’ils ont pris au musicien de Bayreuth ce qu’il avait de possible et de bon. » Ils ne sont point des wagnéristes : ils continuent, les accommodant au goût moderne, le mélodrame de Meyerbeer, ou l’opérette d’Adam, enseignés au Conservatoire. […] Ce plan enfin est réalisé à son tour ; mais Wagner sent alors que ses contemporains, n’ayant pas comme lui réfléchi sur l’œuvre d’art, ne peuvent guère, même en son théâtre, comprendre pleinement son œuvre. […] On sent même, dans Tànnhaeuser, dans Lohengrin, dans Tristan et Isolde surtout, une tendance symbolique, philosophique, et, déjà, volontiers pessimiste. […] Gallet et Détroyat ; par l’aveu de son impuissance à sentir les émotions musicales, il renonce à devenir un musicien13. […] — on ne sent pas l’effort.

1950. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Et d’autant plus pour Féval qu’il a dû sentir en lui bien des fois bouillonner l’esprit de son siècle ! […] , mais inférieur et très indigne d’un grand artiste qui se sent. […] Dans tous les cas, ce qui reste acquis au débat, c’est que cette conversion n’est pas inventée, et qu’on le sent à la manière émue et pénétrante dont elle est racontée. […] Si les ennemis du surnaturel ne sentent pas, en lisant cette histoire, le vent de l’aile de l’Archange qui y passe, ils y sentiront du moins le vent d’une plume assez formidable pour qu’on la prenne pour cette aile. […] — mais entreprise qui montrerait pourtant que l’artiste, en Paul Féval, même converti, se sent encore, qu’il tient à la gloire de son passé, et qu’il n’est pas prêt à donner la démission qu’on lui demande de sa fonction de romancier.

1951. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Quant à nous, en applaudissant avec tout le monde à la fraîcheur d’idées, à la vérité, il la grâce de ces jolies compositions, nous admirions encore le bon sens de l’auteur, qui sentait que ces excellents sujets de vaudeville n’étaient point propres à la comédie, et que ces pensées si légères s’effeuilleraient en se développant. […] Magnin des airs superbes, et il se sentait pour lui quelque dédain qu’il ne dissimulait pas ; il riait de lui voir des velléités de savoir en tous sens quand les instruments pour cela lui manquaient en partie ; il ne se prêtait pas toujours à le satisfaire, quand on le questionnait au nom de son curieux et friand collaborateur, sur les choses et les hommes d’au-delà du Rhin : « Ce sont des envies, des caprices d’érudition, disait-il ; il peut attendre. » Il triomphait avec supériorité de son accès aux hautes sources germaniques et de sa première nourriture de moelle de lion. […] Magnin ne sentait pas assez dans chaque branche les différences tranchées, les points de départ et les fins : ce qui lui manquait, c’était le coup d’archet, ou de le donner lui-même ou de le distinguer chez d’autres ; il était porté à voir dans les choses plus de continuité et de suite qu’elles n’en ont. […] pas davantage ; il n’y prétendait même pas, et tout retentissement lui était antipathique ; — mais tous ces soins, ces scrupules, cette conscience, rien que pour le plaisir de se satisfaire, de ne pas se sentir en faute, de paraître exact et sans reproche à un infiniment petit nombre de juges, de posséder toute une branche d’érudition ténue et délicate, et de la faire avancer, ne fût-ce que d’une ligne : voilà quelle était l’inspiration et l’âme de l’étude pour M. 

1952. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Je voulais être, si cela m’était possible, le dramaturge du plus vaste événement des temps modernes, le Thucydide d’une autre Athènes, le Tacite d’une autre Rome, le Machiavel d’une autre Italie : je m’en sentais imaginairement la force en moi ; le lyrisme pieux et élégiaque de ma première jeunesse s’était promptement transformé en moi, comme autrefois dans Solon, en une vigueur de réflexion politique qui me passionnait pour les sujets historiques plus que pour les poèmes du cœur et de la pensée. Mes fleurs tombaient et je croyais les sentir remplacées par des fruits d’intelligence. […] Sentir m’était aisé, savoir était plus difficile ; j’y mis tous mes soins. […] C’est ainsi que j’ai approché bien près Danton ; Danton, le seul homme d’État de la révolution après Mirabeau, le Jupiter Tonnant de ces orages, le tribun dont on sentait le cœur convulsif palpiter de remords anticipés jusque dans les éclats de voix qui lançaient la peur pour faire fuir les victimes au lieu de les frapper, l’homme qui aurait été le grand factieux des vérités modernes s’il avait eu le courage de ne pas concéder le crime pour arme de la liberté.

1953. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

« De même que l’homme a besoin d’exprimer ce qu’il sent pour le bien comprendre et pour se rendre compte de ses impressions, en les communiquant à ses semblables, de même mon âme, recueillie en soi-même, sent un foyer croissant de contemplation intérieure qui l’échauffe, l’embrase, l’incendie, et cherche à se répandre au dehors. […] L’homme est profondément humilié de sentir que l’antique forêt n’est point encore propre à lui servir de demeure. […] L’homme sent qu’il est en face de l’immensité de la nature. » XXI « On peut se faire une idée de l’aspect des basses terres en se représentant une végétation de serre chaude qui s’étendrait sur une vaste surface marécageuse, des palmiers mêlés à de grands arbres exotiques semblables à nos chênes et à nos ormes, couverts de plantes grimpantes et parasites, un sol encombré de troncs déracinés et pourris, de branches, de feuilles ; le tout illuminé par les rayons ardents d’un soleil vertical et saturé d’humidité.

1954. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Vous vous sentez dans une atmosphère de mensonge, dans un milieu d’avarie et de quarantaine, et vous regrettez presque le vice énergique et l’impudeur nue des régions d’en bas. […] Alors l’amant devient terrible, il sent vaguement, depuis quelques jours, un mensonge qui fuit à son approche, il le tient, il ne le lâchera plus, et, d’une main violente, il arrache le papier de ses doigts crispés. […] La gangrène particulière aux âmes blessées va s’emparer d’elle : je plains ceux qui tomberont entre les froides mains de cette morte qui sent déjà le vampire. […] Sa philosophie sent le fromage du rat de La Fontaine.

1955. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Dans le demi-sommeil qui l’envahit, elle sent son Américain se remuer, s’agiter sourdement, entrer en colère pour les fautes qu’elle a faites, pour son manque d’attention, pour sa cervelle oublieuse de Française ; elle s’endort tout de même, mais au bout d’une demi-heure, d’une heure d’un silence furibond et dans lequel il se dévore, l’Américain la secoue et la réveille pour lui dire : « Si tu avais posé le cinq trois au lieu du deux trois, nous aurions gagné… Et il lui défile tout le jeu. […] Tout pardonnant aux autres qu’il est, on sent que son esprit a de bons yeux, et qu’il perçoit parfaitement les niaiseries, les lâchetés, les butorderies qui lui sont données à voir. […] On se sent là gagné de l’indifférence pour la survie de son nom. […] Les spectateurs assis de côté et tournant à demi le dos à la scène… À ce théâtre, la fille se sent dans son salon.

1956. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

On sent qu’il est Titan à la manière dont il la remue quand il se retourne, à la manière dont il la soulève quand il se cambre sous elle ! […] Cet art inouï du vers, si consommé qu’il est indépendant de ce qu’il exprime, ne peut guères être senti, du reste, que par les poètes, par ceux qui sont du bâtiment, comme dit l’excellente expression populaire. […] Reconnu par tous ses amis pour avoir dans l’esprit quelque chose d’immense qui sentait son chef, ils l’enlevèrent sur le pavois romantique, et les premiers retentissements de sa renommée furent mieux que les premiers bruits du talent : ils furent des scandales. […] Je n’insisterai point, mais ai-je besoin d’insister pour qu’on sente que l’énormité est la vie même de Hugo, de Hugo, la plus grande gloire contemporaine, — non la plus pure, non la plus justifiée, mais la plus… énorme !

1957. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 188-189

On sent que l’Auteur sait penser & faire penser, mérite aussi rare qu’utile ; qu’il a du goût & de la raison, de l’imagination, & de la sensibilité.

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