Havet abonde dans le sens de M. […] Il a deux sens, l’un historique, l’autre symbolique. […] La raison et les sens avaient été touchés. […] En vois-tu le sens ? […] Il vous manque un sens, voilà tout… » Le personnage me regarda d’un œil attendri : — « Il me manque un sens ?
Pierre Jeannin, l’une des gloires de la Bourgogne, né à Autun, en 1540, d’un père tanneur qualifié citoyen et échevin de la ville, et qui, bien que sans lettres, était réputé homme de très grande vertu et de très grand sens, offre par son exemple une preuve de plus qu’avec du mérite, et tout en étant du tiers état, on s’élevait et on parvenait très haut dans l’ancienne monarchie ; même avant la Ligue, il était dans une belle voie d’honneur et de considération dans sa province. […] Jeannin, comme député de la Bourgogne qui avait titre de premier duché-pairie de France, dut opiner le premier33 ; il appuya le parti de la modération et de la paix, de toutes les raisons qui lui semblaient considérables, et il décida la pluralité des voix (sept contre cinq) dans le même sens. Mais le collègue en députation de Jeannin, chargé de porter la parole au nom de tout le tiers état du royaume, faussa le vœu de la majorité et parla traîtreusement en sens contraire : Prévarication infâme et indigne d’un homme de sa qualité ! […] Tous les conseils qui lui arrivaient étaient dans ce sens de représailles qui pouvaient sembler légitimes ; le torrent s’enflait à chaque pas, et, au moment où le prince entra dans Paris salué des acclamations d’une multitude ivre de joie et fanatique de colère, il n’y avait plus à songer à le ramener et à le modérer. […] Mais, à travers ces peines stériles et ces paroles perdues en tous sens, le président se donna la satisfaction de faire un acte patriotique en passant à Marseille, au moment de s’embarquer pour l’Espagne (mars 1591).
« Avec une santé généralement bonne en un sens et constante, mais un corps fatigué de tant d’ennuis et de tant de manières de vivre diverses et le plus souvent contraires, je suis découragé par cette incurable faiblesse des membres qui, en m’ôtant les ressources qu’un autre homme trouverait dans le malheur, me prive de cette résignation, de cette heureuse sécurité que je trouverais dans mes dispositions naturelles, dans les résultats de ma pensée, dans l’habitude d’être ou de me maintenir exempt de passions, de prestiges. […] « Quiconque a tous ses sens et ses membres et possède des amis, quiconque n’est pas jeté pour jamais sur une terre étrangère, ni détenu dans les repaires de l’oppression, et n’a pas dans l’âme des causes de trouble irréparable, ne doit jamais se dire tout à fait malheureux. […] « En plus d’un sens la destinée fait les hommes. […] « Je sens que mes écrits auraient pu être utiles, si je les avais fait connaître davantage ; mais faire beaucoup de pas pour le succès me paraît peu digne des arts mêmes, à plus forte raison de l’art par excellence, celui d’écrire pour le bonheur des hommes. […] Voilà peu de chose en un sens, mais je ne l’aurai jamais.
On entrevoit le sens de mes critiques. […] Il y a de ces mots que je n’aime pas à la fin des vers, gloutons, béant, infâme, mots trop crus, trop bruyants et claquants, pour ainsi dire, qui sont faits pour déplaire, à moins qu’il n’y ait nécessité expresse dans le sens de la pensée, et qu’on ne veuille à toute force insister dessus : mais, quand on ne les emploie qu’à titre d’épithète passagère et courante, ou d’utilité de rime, ils me font l’effet d’un cahotement, d’une détonation. […] Le Seigneur (au sens spiritualiste et chrétien) n’est dans l’automne plus que dans le printemps que parce qu’on le veut bien. […] On a, en bien des sens, comme redonné la main au xvie siècle, par delà les deux précédents. […] L’originalité, à mon sens, serait qu’il fût épique ou dramatique, c’est-à-dire qu’il portât la main là où on a manqué, là où les grandes moissons se conquièrent.
Si quatre-vingt-dix-neuf variantes n’ajoutent ni sens ni beauté à un texte ancien, la centième pourra nous donner un beau vers. […] Mille petits pots, en terre rouge ou brune, ne seront que des petits pots, quelques-uns avec des bonshommes dessus : le mille et unième sera précieux pour l’histoire de l’art ou des religions, complétera pour nous le sens d’un mythe, nous fera mieux connaître l’âme des anciens hommes. […] Lisez l’étude sur le Pèlerinage de Charlemagne, où il établit la date, l’origine et le sens de la vieille chanson : vous y verrez ce qu’il peut y avoir d’intérêt dans ces menues besognes. […] Cela est délicieux de franchise et de « candeur » (je prends le mot au sens du mot latin, qui ne signifie point naïveté). […] Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit.
Mais, en admettant que leur soit familier le sens politique d’une usurpation de sphinx sous la quatorzième dynastie, j’ai peine à croire qu’elles aient goûté la saveur de la phrase, qui gît dans l’opposition du roi Ramsès II, de ses ibis et de ses obélisques, avec les bénins fonctionnaires à lunettes qui surveillent notre musée. […] Ohnet, dont la mentalité m’est mal connue, c’est le réserviste Déroulède, expert en tirs, c’est un sportsman, Guy de Maupassant, doué d’ailleurs d’un sens très violent de la vie et d’une fameuse facilité littéraire, mais d’instruction superficielle, et c’est un marin, M. […] Toutes les banalités sont claires, en ce sens qu’elles ne provoquent pas d’étonnement, qu’elles transmettent une pensée sans exercer aucune pression sur le cerveau récepteur. […] Ils sont clairs, c’est-à-dire harmonieux, d’intime cohérence, satisfaisants, mais seulement à qui a discerné leur sens, par une intuition rapide ou par une analyse réfléchie : sinon ils demeurent obscurs. […] La clarté, voyez-vous, c’est l’intelligence, les deux mots n’ont pas de sens différents.
Havet, vient de publier à son tour, en l’environnant de tous les secours nécessaires, explications, rapprochements, commentaires ; il a donné une édition savante, et vraiment classique dans le meilleur sens du mot. […] C’est que Pascal n’est pas seulement un raisonneur, un homme qui presse dans tous les sens son adversaire, qui lui porte mille défis sur tous les points qui sont d’ordinaire l’orgueil et la gloire de l’entendement ; Pascal est à la fois une âme qui souffre, qui a ressenti et qui exprime en lui la lutte et l’agonie. […] Il est bien vrai qu’au moment où il se demande si la nature entière n’est pas un fantôme, une illusion des sens, et où, pour être logique, il se place dans cette supposition d’un doute absolu, il est bien vrai qu’il se dit : « Cet état de suspension m’étonne et m’effraie ; il me jette au-dedans de moi dans une solitude profonde et pleine d’horreur ; il me gêne, il me tient comme en l’air : il ne saurait durer, j’en conviens ; mais il est le seul état raisonnable. » Au moment où il dit cela, on sent très bien, à la manière même dont il parle et à la légèreté de l’expression, qu’il n’est pas sérieusement effrayé. […] On peut rester incrédule après avoir lu Pascal, mais il n’est plus permis de railler ni de blasphémer ; et, en ce sens, il reste vrai qu’il a vaincu par un côté l’esprit du xviiie siècle et de Voltaire. […] Le monde marche ; il se développe de plus en plus dans les voies qui semblent le plus opposées à celles de Pascal, dans le sens des intérêts positifs, de la nature physique travaillée et soumise, et du triomphe humain par l’industrie.
— D’une part, la représentation du jeu possible provoque une réaction volontaire et motrice dans le sens de cette représentation. […] Plus tard, parmi les mouvements nombreux ainsi produits en tous sens, les mouvements efficaces et utiles pour le soulagement de la peine ou l’augmentation du plaisir se feront trier par l’attention, et finalement par l’intention ; mais l’intention générale de ne pas souffrir et de jouir existait dès le début. […] Un animal, sous l’influence des forces de tension accumulées dans son système nerveux, fait des mouvements en tous sens, sans aucune espèce de but : il éprouve un sentiment d’aise, de plaisir même : le résultat sera la continuation de mouvements semblables, généraux et mêlés ensemble, non intentionnels. […] C’est, en d’autres termes, la première différenciation du vouloir-vivre, un arrêt, un recul, une concentration sur un point succédant à l’expansion générale des mouvements ; c’est, au sens étymologique, l’aversion. […] III Spencer dit que tous les changements psychiques sont organiquement déterminés. — Oui, sans doute, peut-on lui répondre, tous les changements psychiques sont organiquement déterminés en tant qu’ils ont tous des concomitants organiques ; mais, d’autre part, aucun changement psychique n’est organiquement déterminé, en ce sens que les événements physiques et les événements psychiques n’ont point, pour nous, de facteurs communs.
Telle est la scène où la Faustin, surexcitée par le rôle qu’elle essaie d’incarner, à la veille de son exalté amour pour lord Annandale, tombe presque entre les bras d’un maître d’armes en sueur ; telle encore cette conversation érotique que Chérie, à la campagne, par une après-midi torride, ses sens près de s’éveiller, surprend de sa fenêtre, entre deux filles de ferme. […] M. de Goncourt a le sens et le rendu, des gestes caractéristiques. […] L’organisation de ses sens et de son style, ressemble à ces instruments infiniment complexes mais infiniment sensibles de la physique moderne qui saisissent des phénomènes et permettent des approximations inconnues aux anciennes machines. […] A une époque où le souvenir du romantisme remplit les romans réalistes et les scènes brutales, de grands chocs tragiques et sanglants, de raffinements maladifs, M. de Goncourt a conservé le sens des choses naturellement charmantes, de la poésie dans les incidents journaliers, des âmes délicates de naissance, de ce qui est vif, simple et gai. […] Mais où le sens du joli éclate, c’est dans son nouveau livre, dans cette charmante étude de l’éclosion féminine qui forme la première moitié de Chérie, dans le geste mutin d’une petite fille perchée sur sa chaise et éventant sa soupe de son éventail ; dans la gaie répartie du maréchal consolant Chérie de s’apitoyer sur la douleur des parents des perdreaux servis à table ; dans la scène du baptême de la poupée ; dans l’inquiet effarement d’une troupe d’enfants enfermés dans les combles ; dans la bienveillante et aimable idée qu’a la maréchale de greffer sur les églantiers de de la forêt de Saiut-Cloud les roses du jardin impérial.
On conçoit bien comment les pantomimes pouvoient venir à bout de décrire intelligiblement une action, et de donner à entendre par le geste les mots pris dans le sens propre, comme le ciel, la terre, un homme, etc. […] Mais, dira-t-on, comment pouvoient-ils donner à entendre les mots pris dans le sens figuré, qui sont si fréquens dans le stile poëtique. Je répondrai en premier lieu, que le sens de la phrase donnoit quelquefois l’intelligence de ces mots pris au sens figuré. […] On remarquera que la même vivacité d’esprit, que le même feu d’imagination, qui fait faire par un mouvement naturel des gestes animez, variez, expressifs et caracterisez, en fait encore comprendre facilement la signification lorsqu’il est question d’entendre le sens des gestes des autres.
Le premier, suivant son expression scrute le « sens biblique des pierres », l’autre le sens comique des pierres. […] Pas plus qu’un Hellène n’aurait pu tirer de l’âme égyptienne son inspiration, ni un artiste du moyen-âge de l’âme grecque, un moderne dont les sens et l’intelligence ne sont pas clos, ne peut, quelque soit son propre tempérament, faire que la vérité d’hier soit celle d’aujourd’hui. […] Tel est, à mon sens, ce qui les différencie profondément. […] Et si l’artiste véritable est celui dont les sens s’épanouissent librement devant les choses, la supériorité de Claude Monet, le peintre de la Cathédrale, nous apparaît indiscutable.
De par le mélange des races, de par les conditions durables de la terre et du ciel, surtout de par sa très ancienne civilisation, le caractère de ce peuple a un charme unique qui prend le cœur par les sens. En effet, c’est la sensualité qui frappe d’abord chez lui, son amour de la beauté plastique, sa saine compréhension de l’amour physique et son grand sens pratique ; c’est qu’il est naturaliste, dans le sens profond du mot ; ce qui explique alors le fonds de mysticisme qu’il y a aussi en lui, et l’intuition géniale qui en fait le peuple des inventeurs, des précurseurs, des martyrs. — L’étranger s’étonne de la « combinazione », la blâme sans la comprendre ; elle est à la fois un art de la politesse et le dernier refuge des consciences opprimées. […] Naturalisme mystique, individualisme, intuition, passion, sens esthétique et sens pratique, qualités surtout païennes, que la servitude politique a développées jusqu’à les gâter souvent.
Dès qu’on nous parle d’une histoire de la psychologie française écrite par un philosophe professionnel, nous avons instinctivement l’image d’une série de chapitres non seulement sur Maine De Biran (qui a, celui-là, vraiment avancé l’étude de l’homme), mais sur Jouffroy, qui invoque souvent, et de façon touchante la révélation de la psychologie, et que la psychologie traite comme l’esprit saint fait des prélats dans la chanson de Béranger ; sur Garnier dont le Traité des facultés de l’âme réalisa assez longtemps dans les bibliothèques universitaires une summa psychologica ; ou, plus près de nous, sur Alfred Fouillée, dont la savonneuse Psychologie des idées-forces et ses complémentaires ne contiennent pas plus de sens utile. […] Les livres, surtout celui d’Helvétius, ont eu évidemment une influence sur Stendhal, mais la formation de son sens psychologique est due à toute autre chose que ses lectures, qui dans les lettres à sa soeur donnent lieu aux commentaires les plus superficiels et les plus contradictoires. […] Son idée de la passion, de l’énergie tenues pour valeurs suprêmes et fixées pour les sens par la nature italienne, il faut l’accepter pour une idée musicale, à la fois très intérieure à Stendhal et détachée de lui. […] Dire que Stendhal n’est ni un amoureux ni un philosophe, ni un musicien, mais un peu de tout cela en ce sens qu’il est essentiellement un cristallisateur, cela revient à le définir comme un artiste. […] Mauclair qui ne s’en souvenait sans doute pas à ce moment, nous en a rendu le sens et même un peu le mouvement dans son très beau morceau sur la Vieillesse des amants.