Il serait très-malheureux que l’utilité de la science ne pût se prouver que dans une circonstance aussi fâcheuse que la ruine d’une ville. La société ordinaire offre une multitude d’occasions, où ses avantages deviennent frappans ; et l’Apologue de La Fontaine ne prouve pas assez en faveur de la science. […] Au surplus, il faut toujours supposer qu’il s’agit de la science unie au bon sens ; car, comme a dit Molière : Un sot savant est sot, plus qu’un sot ignorant.
Toute cette partie de l’ouvrage de Huc, avec sa science très vivante et très appuyée, n’en justifie pas moins l’épigraphe chinoise pleine de tristesse qu’il a mise au frontispice de son histoire : « Oh ! […] On les croit vivantes et elles semblent vivre ; elles ont des sciences, des gouvernements, des littératures, des industries ; elles sont encore des sociétés. […] L’ardeur, le dévouement, la foi, la science même, voilà ce qui, de leur côté, est resté éternel et splendide.
S’il ne le porte pas cependant, il faut prendre occasion de là pour admirer, dans un temps où toutes les sciences ont leur ivresse, la forte sobriété du procédé employé de préférence par l’homme qui doit la source de tous ses genres d’illustrations à l’Histoire, et qui, en écrivant de simples biographies, en dit profondément le dernier mot. […] Oui, il est nécessaire de le répéter aux esprits superbes qui depuis quelque temps ont exagéré les proportions de chaque chose : dans l’orgueil de leurs sciences trompeuses, comme dans les grandes pyramides, il n’y a, au fond de l’Histoire, que des cadavres qui se remuèrent quelques jours ! […] Eh bien, ces philosophies de l’Histoire, filles de l’orgueil de la pensée, aussi coupable que l’autre orgueil, ces théories où la science se dilate et se fausse au lieu de se circonscrire pour se simplifier et s’approfondir, Guizot y répond, et, selon moi, d’une façon bien frappante et bien éloquente, en écrivant des biographies de cette grande plume qui a prouvé si elle savait aller aux ensembles et si elle avait la puissance de ses ambitions !
Il ne ressuscite pas cette science vaine du xviiie siècle, en tout le siècle du néant. […] Il n’épargne pas même la popularité de Louis Blanc, cet éclectique de la science sociale, cet enfant indécis de plusieurs pères qui pourraient le réclamer. […] Ceci, comme on voit, n’est pas seulement de l’organisation du travail, c’est aussi de l’organisation politique, preuve de plus — car rien n’est simple en science sociale — que l’idée de Francis Lacombe est juste, puisque, dans son système, ces deux organisations se donnent la main.
Leur renom, moins bruyant que celui des écrivains et des penseurs catholiques, était toutefois basé sur une science plus scrupuleuse, plus solide et plus sincère. […] La conception moderne de l’histoire et de la science sociale, ne permet plus d’ajouter ici aux ingénieuses théories de cette espèce. […] Ses biographes néanmoins s’accordent tous à lui reconnaître une science extraordinaire. Ils ont raison ; mais il faut comprendre que la science pour eux se borne à la connaissance de l’Écriture sainte et des Pères. […] Science signifie avant tout : impartialité, liberté, méthode dans la recherche du vrai.
Buffon faisait de la science […] Une œuvre d’art impersonnelle, une œuvre de science impersonnelle ! […] C’est une question des plus graves pour l’avenir même des sciences que celle de la langue des sciences. […] Aussi bien ne s’agit-il pas de science, mais de pédagogie . […] La science mal dirigée, sans contrôle et sans frein, la science inintelligente a tellement gâté notre langue que c’en est pitié.
En France, trop de science chez les femmes, et surtout l’affiche et le diplôme qui y serait attaché, nous a toujours paru contre nature : « Nous avons bien de la peine à permettre aux femmes un habit de muse, disait Ginguené en parlant de celles qui font honneur à l’Italie : comment pourrions-nous leur souffrir un bonnet de docteur ? » Le comte de Maistre, dans une des charmantes lettres à sa fille, Mlle Constance de Maistre, a badiné agréablement sur cette question, et il y a mêlé des vues pleines de force et de vérité : « L’erreur de certaines femmes est d’imaginer que pour être distinguées, elles doivent l’être à la manière des hommes… On ne connaît presque pas de femmes savantes qui n’aient été malheureuses ou ridicules par la science. » Au siècle dernier, un jésuite des plus éclairés et des plus spirituels, le père Buffier, qui était de la société de Mme de Lambert, dans une dissertation légèrement paradoxale, s’est plu à soutenir et à prouver que « les femmes sont capables des sciences » ; et après s’être joué dans les diverses branches de la question, après avoir montré qu’il y a eu des femmes politiques comme Zénobie ou la reine Élisabeth, des femmes philosophes comme l’Aspasie de Périclès et tant d’autres, des femmes géomètres et astronomes comme Hypatie ou telle marquise moderne, des femmes docteurs comme la fameuse Cornara de l’école de Padoue, et après s’être un peu moqué de celles qui chez nous, à son exemple, « auraient toutes les envies imaginables d’être docteurs de Sorbonne », — le père Buffier, s’étant ainsi donné carrière et en ayant fini du piquant, arrive à une conclusion mixte et qui n’est plus que raisonnable : À l’égard des autres, dit-il, qui ont des devoirs à remplir, si elles ont du temps de reste, il leur sera toujours beaucoup plus utile de l’employer à se mettre dans l’esprit quelques connaissances honnêtes, pourvu qu’elles n’en tirent point de sotte vanité, que de l’occuper au jeu et à d’autres amusements aussi frivoles et aussi dangereux, tels que ceux qui partagent la vie de la plupart des femmes du monde. […] Sa lettre se terminait par une exhortation directe à rentrer dans la croyance catholique et par une insistance marquée sur cette corde de la religion : « À quoi peut servir toute votre science, si vous ignorez ce point si important ? […] Dacier, homme fort fameux par son érudition et ses ouvrages, qui a épousé Mlle Le Fèvre, plus fameuse encore que lui par sa profonde science, avait eu une pension du roi de 500 écus ; ils se sont tous deux convertis depuis quelques mois. » 113.
On le voit le premier Français newtonien qui ait importé au sein de l’Académie des sciences le vrai système du monde, et qui l’ait mis à la mode également dans la société. Maupertuis, jeune, ancien capitaine de cavalerie, converti à la géométrie et aux sciences, eut alors son moment d’éclat et de faveur, surtout lorsqu’au retour de son voyage dans le Nord, où il était allé vérifier par ses mesures la forme assignée à cette région de la terre par Newton, il eut incidemment tant de choses à raconter sur les Lapons et les Lapones. […] Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage ; votre secours m’est nécessaire ; c’est à vous de savoir si l’emploi d’étendre et d’enraciner les sciences dans ces climats ne vous sera pas tout aussi glorieux que celui d’apprendre au genre humain de quelle forme était le continent qu’il cultive ? […] C’est à vous de voir si l’emploi d’établir et d’étendre les sciences dans ce climat, ne vous sera pas aussi glorieux que d’avoir appris au genre humain de quelle figure est le continent qu’il cultive. […] Il calcule ses additions et en fait des conseils à l’usage des autres rois : « Les souverains (p. 286) ne doivent pas seulement des regards aux sciences, ils leur doivent du respect et de l’amour.
Mais on sa science des nuances morales, son habileté à minutieusement analyser la dépendance et le jeu des départements spirituels, atteint encore au plus liant, c’est dans le débat d’un des problèmes psychologiques les plus considérables de notre époque, celui dont la solution importe le plus à nos races débilitées par une culture intellectuelle trop rapide : l’atrophie graduelle de la volonté par le développement excessif de l’intelligence. […] C’est un étudiant en sciences naturelles et en médecine de Saint-Pétesbourg, fils d’un roturier, ex-chirurgien militaire. […] Tout cela forme en apparence un jeune homme entier, volontaire, dur, bien équilibré, assagi par la pratique de tout l’appareil bien coordonné des sciences, sachant diriger sa vie, se contenir ou agir d’une façon décidée. […] C’est un épiement des moindres incidents, commentés et interrogés pour en tirer une certitude ; un interminable débat intérieur, des accès subits de désespoir qui le prosternent à genoux et pleurant devant sa fiancée ; puis de mornes et lasses tentatives d’échapper à cette obsédante indécision, avec la science certaine de leur inutilité ; enfin le pressentiment du suicide, la perception que la vie se retire peu à peu de lui, comme la chaleur abandonne un cadavre. […] Herbert Spencer, en général, le détachement de tous les livres de haute science, procèdent de vues générales qui dépassent et expliquent le spectacle contradictoire des cas particuliers.
Ainsi, notons bien ceci : en premier lieu, voici un auteur, — un chrétien, sans doute, — qui considère comme certain que le Sage y regarde de bien près avant de se permettre de rire, comme s’il devait lui en rester je ne sais quel malaise et quelle inquiétude, et, en second lieu, le comique disparaît au point de vue de la science et de la puissance absolues. […] Le rire et la douleur s’expriment par les organes où résident le commandement et la science du bien ou du mal : les yeux et la bouche. […] Sans doute, que Virginie reste à Paris et que la science lui vienne, le rire lui viendra ; nous verrons pourquoi. […] Molière fut dans ce genre la meilleure expression française ; mais comme le fond de notre caractère est un éloignement de toute chose extrême, comme un des diagnostics particuliers de toute passion française, de toute science, de tout art français est de fuir l’excessif, l’absolu et le profond, il y a conséquemment ici peu de comique féroce ; de même notre grotesque s’élève rarement à l’absolu. […] Ses conceptions comiques les plus supra-naturelles, les plus fugitives, et qui ressemblent souvent à des visions de l’ivresse, ont un sens moral très-visible : c’est à croire qu’on a affaire à un physiologiste ou à un médecin de fous des plus profonds, et qui s’amuserait à revêtir cette profonde science de formes poétiques, comme un savant qui parlerait par apologues et paraboles.
Absolument parlant, les mots dans cet emploi sont un moyen de science et les œuvres qui sont ainsi conçues ne sont littéraires, si elles le sont, que lorsqu’elles traitent d’objets fictifs inventés ou dénaturés spécialement en vue d’émouvoir, malgré le mode par lequel ils sont représentés. […] L’étude de chaque cas est donc ainsi complète et l’on peut en tirer des enseignements qui réagiront à leur tour sur le progrès de la science de l’esprit. […] On peut ainsi mesurer combien les sentiments influent sur la conduite et combien par contre celle-ci est indépendante du raisonnement, de l’intelligence, de la science, de l’instruction. […] Mais celles-ci étaient de force à résister : le don de l’observation ôtait d’une délicatesse et d’une perspicacité merveilleuses ; de plus il était élagé de véritables facultés de penseur, nourri de toutes les spéculations allemandes, connaissant et admettant les théories de la science moderne. […] Plus haut encore, les artistes, en percevant les objets par leur côté frappant, caractéristique, essentiel, un paysage en son accent de mélancolie ou d’exubérance, un homme dans la particularité de son tempérament, une civilisation dans son effigie spécifique, en viennent, par un détour, à effectuer dans l’univers cette connaissance par les causes, qui est à la fois le but de la science et le terme dernier de notre développement intellectuel.
Ils aiment la vie ; ils comprennent que l’art doit s’intéresser à l’homme tout entier ; ils acceptent la science. […] Brunetière sur la faillite de la science. […] La Révolution lui infligea la seconde. — Et la science lui en inflige tous les jours de nouvelles. […] Il semble que ce doive être, corroborée par la science, la foi de l’avenir. […] Mais au grand jour de la science, cela ne tient pas debout.
L’Espagnol catholique et exalté se représente la vie à la façon des croisés, des amoureux et des chevaliers, et, abandonnant le travail, la liberté et la science, se jette, à la suite de son inquisition et de son roi, dans la guerre fanatique, dans l’oisiveté romanesque, dans l’obéissance superstitieuse et passionnée, dans l’ignorance volontaire et irrémédiable1325. […] Il en est autrement dans la science ; mais c’est que dans la science il y a deux parts. […] Rien d’étonnant si le protestantisme nouveau diffère du christianisme antique, s’il recommande l’action au lieu de prêcher l’ascétisme, s’il autorise le bien-être au lieu de prescrire la mortification, s’il honore le mariage, le travail, le patriotisme, l’examen, la science, toutes les affections et toutes les facultés naturelles, au lieu de louer le célibat, la retraite, le dédain du siècle, l’extase, la captivité de l’esprit et la mutilation du cœur. Par cette infusion de l’esprit moderne, il a reçu un nouveau sang, et le protestantisme aujourd’hui forme avec la science les deux organes moteurs et comme le double cœur de la vie européenne. […] Nous savons que les découvertes positives vont tous les jours croissant, qu’elles iront tous les jours croissant davantage, que d’objet en objet elles atteignent les plus relevés, qu’elles commencent à renouveler la science de l’homme, que leurs applications utiles et leurs conséquences philosophiques se dégagent sans cesse ; bref, que leur empiétement universel finira par s’étendre sur tout l’esprit humain.