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1162. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Un horloger célèbre du temps, Lepaute, lui contesta sa découverte ; Beaumarchais porta le procès devant l’Académie des sciences et le gagna. […] Il y a nécessairement, à côte de l’inspiration, de la pensée vraie et de l’émotion sentie, la part de l’étude, de la science, du caprice, en un mot de l’alexandrinisme. […] L’étymologie est une partie de la science des mots plus intéressante encore que leur histoire. […] C’est ce qui a fait dire avec autant d’élégance que de justesse qu’une langue est un « recueil de métaphores pâlies. » Jusqu’à notre siècle, la science des étymologies a été toute conjecturale ; en d’autres termes, ce n’était pas une science. […] Mais cela n’empêche pas que les généralisations bien faites ne soient le couronnement et l’effort suprême de la science.

1163. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

La science montre les rapports abstraits de toutes choses ; la poésie nous montre les sympathies réelles de toutes choses. […] On se sert ainsi de la science pour arriver au sentiment raffiné. […] Pourquoi le lien léger et immortel de la poésie n’envelopperait-il pas, ne relierait-il pas toutes choses, comme la science même ou la philosophie ? […] Et science sans conscience n’est que ruine de l’ame, Il te convient servir, aimer, et craindre Dieu, Et en luy mettre toutes tes pensées et tout ton espoir ;   Et, par foy formée de charité,                     Estre luy adjoinct, En sorte que jamais n’en sois désemparé par peché. […] La prose est le grand moyen de communication sociale, elle est l’âme même d’une société sous sa forme la plus immédiate et la plus sincère ; elle doit donc tout résumer en elle, la science comme les arts et, parmi les arts, celui qui, par excellence, est l’art de la sympathie et de l’émotion ; c’est pourquoi la prose revendique de plus en plus le droit à cette poésie qui avait semblé longtemps l’apanage exclusif du vers.

1164. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Enfin, pour en faire un dieu aux attributs sans limites, le mage gros de science et d’avenir, les universitaires l’ont accaparé : cela le classe et son génie. […] L’idée qui grandit chaque jour en nous de l’art comme de la science nous rend presque déshonnête — vis-à-vis non des poètes, mais de la poésie — la pensée d’un choix. Il n’a jamais existé d’artiste, de savant, totalement représentatif (n’eût-ce été que pour son époque) de la science ou de l’art — de son art ou de sa science. […] — Qu’on dise : « Victor Hugo est toute la poésie et tout la pensée du xixe  siècle », cela est bien ; mais qu’on ajoute : « Jules Verne en est toute la science ».

1165. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

… Chapitre VII : la science Le Gœthe littéraire, — le Gœthe de la traduction des Œuvres complètes, de M.  […] — Gœthe, qui était apte à tout, ce qui équivaut à dire qu’il n’avait la vocation de rien, n’était pas plus pourvu de la scientifique que de la littéraire… Médiocre en science comme en littérature, mais attentif, et, par le fait de l’attention, arrivant jusqu’à un certain degré de sagacité relative, il eut le mérite, en histoire naturelle, d’entrevoir l’unité de composition, mais le bonheur (plus grand que le mérite) d’avoir, pour le dire et l’apprendre au inonde, la grande voix de Geoffroy Saint-Hilaire, qui, lui, la démontra, et qui reconnut, avec la magnanime bonne foi du génie, que Gœthe en avait eu la lueur… La métamorphose des plantes fut, en botanique, un titre pour Gœthe, dans l’ordre de la science, ainsi qu’en anatomie la découverte de l’os intermaxillaire. […] Toujours le même homme qu’en littérature, Gœthe voulut embrasser à la fois toutes les sciences naturelles, et il ne donna dans aucune ce coup de pioche du génie qui va jusqu’au roc. Il n’était guères propre qu’à quêter dans tous les buissons de la science, comme le chien de chasse qui évente le gibier… Espèce de lévrier scientifique, qui a fait lever deux ou trois lièvres.

1166. (1910) Rousseau contre Molière

Vous avez la manie du bel esprit, de la sublime science, des académies, de tout ce qu’on pourrait appeler l’intellectualisme. […] Certains philosophes réduisent la morale à la science des mœurs, à bien connaître ce que sont les mœurs du temps et à s’y conformer. […] Philaminte veut être autre chose qu’une ménagère de petit bourgeois ; voilà qui est honorable ; mais elle prend fausse science et philosophie de pacotille pour science vraie et sagesse solide, et voilà en quoi elle est ridicule. […] Il n’y manquerait que les sciences, dont la femme n’a pas besoin pour se garantir des séducteurs ; mais avoir une culture littéraire, historique, philosophique égale à celle du séducteur possible, pour avoir une étendue et une solidité d’esprit égale à celle du séducteur possible, cela devient indispensable à la femme. […] La présence d’esprit, la pénétration, les observations fines sont la science des femmes ; l’habileté de s’en prévaloir est leur talent.

1167. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Vinet était connu, consulté ; le protestantisme dans ses différentes formes, et à proportion que la forme y offusquait moins l’esprit, le vénérait comme un des maîtres et des directeurs les plus consommés dans la science et dans la pratique évangéliques.

1168. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Le xvie  siècle ne fut pas seulement un temps de fortes études, il fut un temps de création en tous genres ; son énergie originale ne fut point étouffée par son immense labeur d’érudition, et il n’eut pas moins de vie que de science.

1169. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

Puis, faites attention que l’aptitude aux sciences mathématiques et physiques (je parle d’une aptitude moyenne et je connais d’ailleurs les exceptions) est la faculté qui témoigne le moins sûrement en faveur des autres dons de l’esprit et qui s’allie le mieux avec la médiocrité sur tout le reste.

1170. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

pour cela les recettes ne sont pas nombreuses ; il n’y en a qu’une, à vrai dire : c’est de ne pas chercher le bonheur ; c’est de poursuivre un objet désintéressé, la science, l’art, le bien de nos semblables, le service de la patrie.

1171. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

La critique est surtout un art ; l’histoire tend à être de plus en plus une science.

1172. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Cette rapetissée et petite paix laisse tomber d’une corne d’abondance, des fleurs, sur quelques génies des sciences et des arts, et sur leurs attributs.

1173. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Que les hommes nez sans un génie déterminé, que ces hommes propres à tout s’appliquent donc aux arts et aux sciences, où les plus habiles sont ceux qui sçavent davantage.

1174. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Faguet, se remettre à chicaner, philosopher, appeler à son aide science et philosophie pour aboutir à cette explication : Taine a changé de manière parce qu’il avait en lui la vocation de ce changement. « Il possédait en germe (certains passages de ses œuvres antérieures en font foi) un cerveau visuel et sensoriel, et ce mécanisme n’a fonctionné que lorsque l’objectif s’est trouvé braqué sur un milieu inhabituel, … les Pyrénées. »‌ Ce qui veut dire que, si Taine s’est créé un style plastique, c’est qu’il avait des dispositions au style plastique.

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