. — La raison est impuissante à saisir la vérité ; seule la vision intérieure peut nous la révéler. […] Le quaker dit, parlant de Chatterton : « Il est atteint d’une maladie toute morale, presque incurable, et quelquefois contagieuse ; maladie terrible qui se saisit surtout des âmes jeunes, ardentes, et toutes neuves à la vie, éprises de l’amour du juste et du beau, et venant dans le monde pour y rencontrer à chaque pas toutes les iniquités et toutes les laideurs d’une société mal construite 188. » Une société mal construite… c’est là le grand anathème ! […] Il s’en alla de nuit, et saisit quelques-uns de ses frères pendant qu’ils dormaient, et les chargea de chaînes… « Et d’autres, voyant cela, en firent autant, et il n’y eut plus de frères : il y eut des maîtres et des esclaves…. […] Ce fut mon destin, et ce sera le vôtre ; car vous n’hésiterez pas plus que moi entre la pauvreté et l’honneur 263. » Le loyer de la pauvre mansarde n’est pas payé ; et le propriétaire, banquier millionnaire, ne veut plus attendre : on va saisir les meubles et expulser les locataires insolvables.
Ensuite, à vouloir saisir et surprendre sa pensée personnelle dans le langage de tel de ses personnages qu’il semble bien être et qui vraiment est donné évidemment comme le truchement de l’auteur lui-même, on peut se tromper encore, ce personnage, le Cléante de Tartuffe par exemple, pouvant bien n’être qu’une précaution prise par l’auteur, et, non un drapeau, mais un paratonnerre. […] » Et si l’on nous dit qu’Orgon a cependant quelques belles qualités, que ce dévot a été et est resté un bon citoyen et que, sauf son engouement, il est encore sur le pied d’homme sage ; si l’on attire notre attention sur cette dualité du caractère et du rôle d’Orgon ; nous répondrons, comme il est facile de le prévoir et comme sans doute on s’y attend, que c’est précisément là qu’on saisit le fond de la pensée de Molière et son dessein très net et très précis. […] C’est le moment, bien entendu, que l’on prend et que l’on saisit pour le combattre avec sauvagerie et férocité. […] Quant à la partie antireligieuse de la Chambre et du Sénat, elle saisit avec empressement l’occasion de recommencer l’œuvre traditionnelle, l’œuvre de la déchristianisation de la France.
Tout cela est fait à la française ; mais aussi longtemps que nos auteurs dramatiques ne sauront pas peindre les mœurs des personnages qu’ils mettent sur la scène, ni l’esprit des peuples et des siècles dont ils empruntent leurs sujets, je regarderai leurs pièces comme des ouvrages faits pour amuser ou épouvanter des enfants ; mais jamais je ne les croirai dignes de servir d’instruction et de leçon aux souverains et aux nations ; c’est pourtant là le véritable but de la tragédie. » Il nous est impossible aujourd’hui, — à moi du moins, — de nous former une idée nette de ces pièces, surtout des tragédies d’alors, ni d’y saisir quelque différence à la lecture ; elles me semblent à peu près toutes pareillement insipides et d’un ennui uniforme.
Il y avait des multitudes affairées à la poursuite de babioles qui brillaient et dansaient devant leurs yeux ; mais souvent, au moment où ils croyaient les saisir, le pied leur manquait, et ils étaient précipités… Je poussai un profond soupir, et le Génie, touché de compassion, me dit de regarder vers cet épais brouillard dans lequel le courant portait les diverses générations de mortels engloutis.
Ce fut pour lui comme un rayon de lumière saisi au passage à travers des barreaux.
Septembre C’est prodigieux comme Millet a saisi le galbe de la femme de labeur et de fatigue, courbée sur la glèbe.
N’est-ce pas une chose des plus remarquables que la main de l’homme faite pour saisir et toucher, et la griffe de la Taupe destinée à fouir la terre, de même que la jambe du Cheval, la nageoire du Marsouin et l’aile de la Chauve-Souris, soient toutes construites sur le même plan primitif, c’est-à-dire qu’elles renferment des os semblables, placés dans la même position relative ?
On y est saisi d’admiration.
Deux nuances saisies, comme vous voyez, mais enfin deux nuances, — et pas une de plus.
Aussi ils écoutaient, attentifs aux involontaires confidences, aux cris de nature, prompts à saisir la valeur significative d’un sourire, d’un regard d’un geste. […] Trouver des phrases que nul n’a encore faites, en même temps claires, harmonieuses, justes, vivantes, émondées de tout parasitisme oratoire, de tout lieu commun, des phrases où les mots, même les plus ordinaires, prennent, comme les notes en musique, une valeur de position, des phrases un peu tourmentées, greffées adroitement de ces incidentes qui déconcertent, puis charment l’oreille et l’esprit lorsqu’on a saisi le ton et le mécanisme de l’accord, des phrases qui se meuvent comme des êtres, oui, qui semblent vivre d’une vie délicieusement factice, comme des créations de magie.
Asselineau nous tombent sous la main, de quels amers regrets ne sommes-nous pas saisi ? […] Son coup d’œil d’observateur était rapide et pénétrant, et nul ne saisissait comme lui le ridicule, la manie ou le tic du jour ; mais il n’y mettait aucune acrimonie philosophique, étant trop homme du monde pour cela, et il s’amusait des sots, cultivant avec soin ces grosses fleurs de bêtise et les arrosant, pour les faire épanouir, d’une pluie de sarcasmes incompris.
D’ailleurs, il ne faudrait pas exagérer l’importance du second Lemaître : à chaque instant, à quelque spectacle qui l’éperonne, à quelque lecture qui le saisit, le premier se réveille et rentre en scène. […] Aussi n’est-il point difficile au critique qui l’étudié de saisir ses vues et de les dégager. […] Quelques-uns la trouvent, ou croient la trouver, et la saisissent C’est à cette troisième catégorie de voyageurs qu’appartient le comte Tolstoï.
Mettez dans tous les esprits d’un siècle une grande idée neuve de la nature et de la vie, de telle façon qu’ils la sentent et la créent de tout leur cœur et de toutes leurs forces ; et vous les verrez, saisis du besoin de l’exprimer, inventer des formes d’art et des groupes de figures.