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527. (1925) Comment on devient écrivain

Si vous êtes un homme sérieux, vous ferez du roman sérieux ; si vous avez de la verve et de l’esprit, vous ferez du roman gai. […] Il n’admet plus qu’on puisse écrire un travail un peu sérieux en dehors des éléments d’informations paléographique, archéologique et épigraphique. […] En principe, évidemment, la Critique a le devoir de prendre très au sérieux les conséquences morales d’une œuvre. […] Un pareil style suffirait à ridiculiser les sermons les plus sérieux. […] Il y a des conférenciers sérieux qui cherchent le succès sans l’atteindre et il y a des conférenciers folâtres qui sont cependant très écoutés.

528. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Si elle n’excite pas en nous un intérêt sérieux, il faut avouer que Béranger a peint à merveille sa folle gaieté, son aveugle imprévoyance. […] Qu’il n’écrive plus pour distraire les femmes oisives, mais pour nourrir la pensée des hommes sérieux. […] Je veux croire que ces louanges n’étaient pas sérieuses. […] Cette peinture, qui devait être sérieuse, dont Schiller a tiré un si beau parti dans Don Carlos, est devenue, sous la plume de M.  […] Nous sommes certain que notre conviction sera partagée par tous les hommes sérieux.

529. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il habitue à prendre la littérature au sérieux. […] Elle le discipline, elle l’exerce, elle le rend sérieux, elle le rend difficile. […] Timmermans, qui vient de publier un volume bien curieux et très sérieux sur L’Argot parisien. […] Son macabre est plus grave à l’ordinaire, et son lugubre est très sérieux. […] La sœur de Stendhal semble avoir été une fille sérieuse, intelligente, sensée et pratique.

530. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Un effort pour secouer le joug de l’autorité, mais un effort à la fois timide et désordonné, fougueux et éphémère, se gaspillant en intrigues et en aventures, condamné à l’impuissance par son incohérence même, capable d’exciter une révolte, incapable d’opérer une révolution, parce qu’il manque à ces velléités d’émancipation le sérieux, l’esprit de suite, des principes nettement formulés. […] Retz vit même une lance énorme traînée plutôt que portée par un petit garçon d’une dizaine d’années… Si nous résumons ce qui se dégage de tout cela, nous pouvons dire que dans la vie politique du temps se détachent deux caractères essentiels, qui sans doute ne sont pas les seuls, mais qui nous apparaissent comme les plus saillants : d’une part, un désir de liberté, vague, confus, frivole, qui n’aboutit qu’à renforcer l’autorité royale ; d’autre part, un rapprochement brusque d’éléments contraires, le populaire et l’aristocratique, le plaisant et le sérieux, le grossier et le raffiné, contraste qui produit le grotesque. […] Le plaisant et le sérieux se coudoient et fraternisent également. […] Un regard rapide jeté sur le siècle qui vient de s’écouler prouve déjà que, si l’on veut porter un jugement sérieux, il faut, comme toujours, opposer en un tableau bilatéral les pertes et les gains littéraires qu’on peut attribuer à l’orientation politique de la France nouvelle.

531. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet, non pas un historien correct et sérieux, mais un prestigieux dessinateur d’arabesques historiques, qu’on est tenté de lui pardonner les passions mauvaises qui viennent incessamment enrouler leurs têtes de couleuvres autour de ces merveilleuses arabesques, dont elles compromettent l’innocence. […] Est-elle sérieuse ? […] Nous en avions qui se disaient chrétiennes et dans lesquelles les Jacobins étaient représentés avec un sérieux qui aurait été bien comique s’il n’avait pas été si ennuyeux, comme les successeurs des douze Apôtres et les réalisateurs politiques de l’Évangile et de sa loi de fraternité. […]  » Plus loin, il reproche à la Commune d’avoir refusé un foyer toujours allumé au culte public : idée nullement idolâtrique , ajoute-t-il avec un sérieux de théologien guèbre convaincu.

532. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Le Moyen Âge en France eut ses tableaux gracieux, d’une tendresse un peu enfantine, comme dans le roman d’Aucassin et Nicolette : en prose et dans un ordre plus sérieux, les récits du sire de Joinville éveillent le même sentiment de fraîcheur et d’enfance. […] Ici scène dramatique qui rappelle plus au sérieux le moment où l’intimé, dans Les Plaideurs de Racine, produit la famille du chien Citron : ……………………… Venez, famille désolée, Venez, pauvres enfants qu’on veut rendre orphelins !

533. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Je trouve que la terre de Naples est tout à fait poétique, et ses habitants rappellent incontestablement les Grecs, leurs fêtes et leurs usages : l’État pontifical me paraît avoir un aspect différent ; les Romains ont quelque chose de plus sérieux et qui est en rapport avec l’idée que, généralement, on se fait de leurs ancêtres. […] Marcotte, ce que Mme Walckenaer m’a dit souvent, que les soucis, les chagrins que l’on peut trouver dans l’état du mariage sont si vifs, qu’elle n’oserait conseiller à personne de prendre l’obligation si sérieuse d’élever une famille !

534. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

La belle raillerie s’y mêlait avec le doux et le sérieux ; et la médisance et toute autre sorte de licence en étaient bannis. […] Marolles, d’ailleurs, n’avait pas en lui la moindre étoffe d’un réformateur sérieux, tels qu’on en vit quelques-uns à cette époque.

535. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Voltaire est le premier, et il demeure incomparable : vif, naturel, facile, toujours prêt, donnant au moindre compliment un tour aisé, une grâce légère, exprimant au besoin des pensées sérieuses, mais les déridant bientôt, et toujours attentif à plaire, à faire rire l’esprit. […] Ce n’est point un improvisateur perpétuel comme Voltaire, ni un coquet sérieux, un limeur et un polisseur de tous les instants, comme Rousseau : il ne prend aucune peine quand il écrit à ses amis, et l’on s’en aperçoit, bien que son style garde du bel air et de l’épigramme.

536. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

— Ce rôle sérieux, franchement conçu et embrassé tout d’abord, de la manutention des études et des esprits, méritait d’occuper tout un homme, un homme tel que lui, et on ne le lui aurait pas disputé. […] Thiers, du maréchal Soult, ce Gascon sérieux doué « d’une indifférence et, pour ainsi dire, d’une aptitude volontaire à une sorte de polygamie politique » ; du maréchal Lobau, soldat franc, à la parole brusque et brève « comme s’il eût été pressé de ne plus parler ? 

537. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Je n’ai pas à caractériser ici le dessein général et la pensée politique qui peut inspirer cet écrivain patriote, je ne cherche que le côté historique ; et quand il n’y aurait que les Mémoires authentiques où l’Impératrice Catherine a raconté les premières années de sa jeunesse et de sa vie si contrainte et si intriguée avant d’atteindre à l’empire, qui donc parmi les lecteurs sérieux et les observateurs de la nature humaine pourrait y rester indifférent ? […] Voltaire l’avait amenée au sérieux : Tacite l’initia à la profondeur.

538. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Première et deuxième édition9   Je croyais en être quitte pour quelque temps avec M. de Pontmartin ; j’avais écrit sur lui et sur ses ouvrages, il y a peu de mois, un article développé, presque une étude ; elle était sérieuse, sévère dans sa sincérité, et l’éloge n’y venait qu’après le blâme. […] Libre à lui de prendre son succès au sérieux et d’en jouir, en ne tenant nul compte de la nuance de mésestime qui s’y attache !

539. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Il n’est pas un peintre de l’école de David, il n’est pas un élève de la race de David, mais il s’est trouvé être en définitive le chroniqueur de l’atelier de David, un Tallemant des Réaux plein de prud’homie et de sérieux. Oui, de sérieux, et même d’une certaine gravité morale.

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