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685. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

S’ils sont aimés du public, et si la faveur, si l’estime ou l’admiration les récompense, il importe de plus que cette récompense, sous ses différentes formes, aille bien à eux, leur revienne en une juste proportion et ne reste point en chemin : c’est à cette condition que leur talent vieillissant ne sera point condamné à une production toujours recommençante, et que là aussi, au bout de la carrière, il y aura la dignité d’un certain loisir. […] Si parfois, par un de ces changements ordinaires sur la scène politique, l’écrivain homme d’État retrouve ses loisirs, et qu’il ait encore la force de reprendre sa plume, alors il rapporte à sa profession bien-aimée un trésor d’observations et de souvenirs : c’est un voyageur enrichi qui revient dans sa patrie. […] De tout temps les gens de lettres ont pu tirer de leurs travaux un légitime bénéfice : aujourd’hui ils y cherchent un revenu régulier, une fortune. […] On ne peut composer tout le jour ; le gagne-pain est une distraction utile : on revient chez soi plus avare des heures furtives de l’étude.

686. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Revenons à la simultanéité intuitivement aperçue dont nous parlions d’abord et aux deux propositions que nous avions énoncées : 1° c’est la simultanéité entre deux instants de deux mouvements extérieurs à nous qui nous permet de mesurer un intervalle de temps ; 2° c’est la simultanéité de ces moments avec des moments pointés par eux le long de notre durée intérieure qui fait que cette mesure est une mesure de temps. […] Certains se demanderont s’il est utile d’y revenir, et si la science n’a pas précisément corrigé une imperfection de notre esprit, écarté une limitation de notre nature, en étalant la « pure durée » dans l’espace. […] Fatalement nous revenons à la théorie platonicienne. […] Car le temps qui intervient dans l’expérience Michelson-Morley est un temps réel ; — réel encore le temps où nous revenons avec l’application des formules de Lorentz.

687. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

S’ils n’en sont que l’occasion, c’est qu’ils n’y ressemblent en aucune manière ; et dépouillant alors la matière de toutes les qualités que je lui ai conférées dans ma représentation, c’est à l’idéalisme que je vais revenir. […] Par là nous semblions revenir au réalisme. […] Partis du réalisme, nous revenons au même point où l’idéalisme nous avait conduits ; nous replaçons la perception dans les choses. […] Nous ne reviendrons pas ici sur le détail de la vérification que nous avons tentée.

688. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Voltaire en revenait à ses moutons, à sa prédilection pour les brachmanes, qu’il tenait pour plus d’une raison à opposer à d’autres sages anciens ; il faisait semblant de croire que c’était là l’idée de Bailly, laquelle était tout autre en effet, et qui dépossédait les brachmanes indiens, tout aussi bien que les sages Chinois, de la science primitive originale, pour en doter un autre peuple plus ancien et sans nom. […] N’ayant pas cru faire assez, Bailly revint encore sur ce sujet dans de nouvelles Lettres sur l’Atlantide de Platon et sur l’ancienne histoire de l’Asie, qui ne parurent qu’en 1779, après la mort de Voltaire, mais qui lui étaient également adressées comme s’il était toujours présent. […] L’invention dépend essentiellement d’une certaine inquiétude de l’esprit qui sans cesse tire l’homme du repos, où il tend sans cesse à revenir. » Il y a un degré d’ignorance et de stagnation qui, selon lui, ne peut exister avec l’esprit inventeur : Quand je verrai dans la ménagerie de Versailles un éléphant qui ne produit pas, j’en conclurai que c’est un animal étranger, né sous un ciel plus chaud.

689. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Ampère, au milieu des diversités si riches de sa curieuse intelligence, revenait souvent à Dante avec une prédilection, ingénieuse toujours, et toujours munie de lumières nouvelles. […] Ses animosités, ses rancunes personnelles et ses haines, ses indignations patriotiques et généreuses, ses tendres souvenirs des amis, des maîtres et des compagnons regrettés et pleurés, il y introduisit successivement tout cela par une suite d’épisodes coupés et courts, la plupart brusquement saillants avec des sous-entendus sombres, et il était permis à ceux qui restaient en chemin dans la lecture et qui ne la poussaient point au-delà d’un certain terme, de ne pas apercevoir dans l’éloignement la figure rayonnante de Béatrix et de ne pas lui faire la part principale et souveraine qui lui revient. […] On est revenu de l’idée de trouver dans les œuvres du passé, fût-ce même dans les chefs-d’œuvre, des modèles parfaits d’idéal et de pure et facile beauté.

690. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Ajoutons aussi que Chateaubriand, malgré une éducation classique très incomplète, avait su dans les solitaires études de sa jeunesse revenir directement et mordre tant bien que mal au texte d’Homère ; il en avait ressaisi, pour les reproduire, l’esprit, la grandeur, ou même le charme, autant qu’on le peut sans la simplicité. […] » et je reviens vite à ce désordonné Ronsard qui, avec sa débauche de trois jours, me l’a suggérée. […] Il est revenu à la paraphrase, et c’est à son aise qu’il rejoint son modèle, qu’il le développe et le transforme, sans lutte, sans paraître y viser ; Il soupire en repos l’ennui de sa vieillesse Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse A vu dans le berceau ses bras emmaillottés·.

691. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Il revint à Genève avec son fils en 1792 : il y retrouva cette Révolution qui s’y propageait et y engendrait plus que des parodies. […] La chevelure est portée au ciel par le cheval ailé d’Arsinoé, ou, ce qui revient au même, de Vénus, Arsinoé depuis sa déification étant devenue la même chose que Vénus. […] Malheureusement tout cela n’est pas condensé, n’est pas composé ; l’auteur, trop patient à la recherche, ne s’inquiète de rien au-delà. « J’ignore, dit-il en un endroit, quels furent les lieux habités par Marius Philelphe pendant la plus grande partie de l’année 1453 ; il revint peut-être dans la rivière de Gênes. » Mais qu’est-ce que cela nous fait que Marius ait fait un pas de plus ou de moins, qu’il ait perdu quelques mois de plus ici ou là ?

692. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

J’étais très souvent invité, dit-il, chez Voltaire, chez lord Stanhope, chez la duchesse d’Anville (cette grande dame française qui, pour changer, allait de temps à autre se faire un salon sérieux à Genève)… Je visitai le sage Abauzit dont l’heureuse pauvreté et l’âme sereine me remplissaient d’enthousiasme ; il avait trente louis de revenu ; avec cela il vivait plus heureux qu’un roi… Je n’ai point oublié le sentiment de gloire que j’éprouvai quand lui, qui ne faisait de visite à personne, vint me voir dans ma pension… Le syndic Jalabert eut la bonté de me donner des leçons de physique ; j’étais lié avec Moultou, l’ami intime de Rousseau ; mes véritables maîtres étaient ces hommes distingués. […] L’important et le difficile, c’est de s’apaiser ensuite à un degré convenable, de guérir sans trop se refroidir, de ne pas s’égarer dans la déraison, de ne pas se fixer dans un fanatisme, de ne pas revenir non plus en sens contraire jusqu’à se jeter dans la négation et la haine de ce qu’on a trop aimé. […] comme je le comprends mieux, dans ce sens-là, le silence obstiné et boudeur des poètes profonds, arrivés à un certain âge et taris, cette rancune encore aimante envers ce qu’on a tant aimé et qui ne reviendra plus, cette douleur d’une âme orpheline de poésie et qui ne veut pas être consolée !

693. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Il avait fait le voyage de Rome pour consulter l’autorité suprême ; il en était revenu, ménagé personnellement, mais très nettement désapprouvé, et avait paru se soumettre ; il se croyait peut-être même sincèrement soumis, tout en méditant déjà et en roulant des pensées de vengeance et de représailles. […] Il avait ses troubles, ses défaillances intérieures, je le sais : nous reviendrons, au moins pour l’indiquer, sur ce côté faible de son âme et de sa volonté ; son talent, plus tard, sera plus viril en même temps que sa conscience moins agitée ; ici il est dans toute sa fleur délicate d’adolescence. […] écrivait l’un d’eux. — Mais pour nous qui n’avons ici qu’à parler de littérature, il est impossible de ne pas noter un tel moment mémorable dans l’histoire morale de ce temps, de n’y pas rattacher le talent de Guérin, de ne pas regretter que l’éminent et impétueux esprit qui couvait déjà des tempêtes n’ait pas fait alors comme le disciple obscur, caché sous son aile, qu’il n’ait pas ouvert son cœur et son oreille à quelques sons de la flûte pastorale ; qu’au lieu de se déchaîner en idée sur la société et de n’y voir qu’enfer, cachots, souterrains, égouts (toutes images qui lui reviennent perpétuellement et qui l’obsèdent), il n’ait pas regardé plus souvent du côté de la nature, pour s’y adoucir et s’y calmer.

694. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Cette heureuse modification qui tempérait la rigidité, devenue impossible, de Calvin, et qui mettait Genève plus en accord avec l’air extérieur, fut, en grande partie, due à un ministre et prédicateur, Alphonse Turretin, lequel avait beaucoup voyagé dans sa jeunesse, avait visité Newton et Saint-Évremond à Londres, Bayle et Jurieu en Hollande, Bossuet, Fontenelle et Ninon à Paris, et qui, après bien des comparaisons de curieux, était revenu dans sa patrie, mitigé, modéré et tolérant. […] Savez-vous bien que, malgré tous nos efforts et nos plaidoiries incessantes (depuis que nous sommes revenus à résipiscence) pour le mérite, l’utilité critique et l’excellence relative de Boileau, ce jugement de M. de Muralt pourrait bien être vrai en définitive, surtout pour ceux qui regardent la littérature française à quelque distance, et qui prennent leurs termes de comparaison chez les grands poètes de tous les temps, de tous les pays, et dans la nature humaine ? […] Si nous revenons à Genève, le baromètre intellectuel et moral y dut éprouver de grandes variations et perturbations, on le conçoit, de la présence dans le voisinage de ces deux météores du xviiie  siècle, Voltaire et Rousseau, du passage orageux de l’un et du séjour prolongé de l’autre.

695. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

La tentation de la politique générale était trop présente et revenait trop souvent, les raisons d’utilité et de bien public étaient trop spécieuses, les engagements de parti étaient trop impérieux pour permettre à M.  […] Il classe volontiers le monde en honnêtes gens et en ceux qui ne le sont pas ; sa morale sociale admet essentiellement le bien et le mal, dont les noms reviennent sans cesse à sa bouche d’une manière qui, à la fin, devient provocante : les instincts conservateurs, à ses yeux, sont les seuls bons ; les autres instincts plus actifs et plus remuants sont vite déclarés pervers. […] Quelqu’un d’habile me le fait remarquer : sur ces champs de bataille de l’éloquence, ce n’est pas comme à la guerre où l’on détruit l’ennemi en le vainquant : ici on l’écarte seulement, on le déconcerte, on l’intimide ; il revient le lendemain à la charge, comme si de rien n’était.

696. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

L’apologue de l’Épervier et du Rossignol, qui revient à la fable du Loup et de l’Agneau, le dit assez. […] « Celui qui se fie à la femme se fie aux voleurs », ajoute Hésiode ; il l’appelle enjôleuse et babillarde, et d’un autre mot encore qui revient à dire que, dans son ardeur de se parer, elle se met tout « sur le dos, sur les hanches ». […] Les conseils moraux y reviennent toujours, et dans le même sens de l’intérêt bien compris : s’acquérir une bonne renommée parmi les hommes, car la renommée est aussi une déesse, — nous dirions une puissance.

697. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Je reviens au procédé, qui est le gros de l’affaire. […] — « Non, dit le comte après y avoir pensé un moment, je ne trahirai jamais les gens avec qui j’ai dîné. » M. de Pontmartin n’a pas même cette excuse d’être ruiné, puisqu’il a, bon an mal an, il nous le répète assez, de douze à quinze mille livres de revenu et une superbe allée de marronniers. […] Monsieur de Pontmartin, — je reviens à mon dire, et ce sera mon dernier mot, — je vous avais cru plus Parisien que cela.

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