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371. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Le comte de Clermont était un abus en personne, un abus vivant, et son énorme dot ecclésiastique, appliquée comme il le faisait, rendait dès lors cette existence amphibie plus bizarre que d’autres et d’un scandale plus criant. […] Des hommes courageux, tels que M. de Morangiès, gouverneur de Minden, laissé sans secours, se rendaient avec le poignard dans le cœur, mais avec une tache à leur nom. […] Je ne saurais rendre, même après une étude fort légère, tout ce qu’inspire le spectacle d’une telle impéritie, d’une telle insouciance. […] Rappelé sur le coup et relevé de son commandement, il était rendu à Versailles le vendredi 21 juillet ; il y vit le maréchal de Belle-Isle, et ensuite le roi dans son cabinet. […] Camille Rousset. — On verra plus loin le compte rendu de ce volume consacré à mettre en lumière une noble et touchante figure, de la famille des Hippolyte de Seytres et des Vauvenargues.

372. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Les passions rendent les hommes semblables entre eux, comme la fièvre jette dans le même état des tempéraments divers ; et de toutes les passions, la plus uniforme dans ses effets, c’est l’esprit de parti. […] Je vais rendre cette idée sensible par des exemples. […] Plus l’esprit de parti est de bonne foi, moins il admet de conciliation ou de traité d’aucun genre ; et comme ce ne serait pas croire véritablement à l’existence efficace de sa religion, que de recourir à l’art pour l’établir, dans un parti, l’on se rend suspect en raisonnant, en reconnaissant même la force de ses ennemis, en faisant le moindre sacrifice pour assurer la plus grande victoire. […] Les géomètres rappellent à eux la certitude par des moyens assurés ; mais dans cette sphère d’idées où les sensations, les réflexions, les paroles mêmes, s’aident mutuellement à former le corps des vraisemblances, quand les mots les plus nobles ont été déshonorés, les raisonnements les plus justes faussement enchaînés, les sentiments les plus vrais opposés les uns aux autres, on se croit dans ce chaos que Milton aurait rendu mille fois plus horrible, s’il l’avait pu représenter, dans le monde intellectuel, confondant aux yeux de l’homme le juste et l’injuste, le crime et la vertu. […] Mais quand l’esprit de parti, dans toute sa bonne foi, rendrait indifférent aux succès de l’ambition personnelle, jamais cette passion, considérée d’une manière générale, n’est complètement satisfaite par aucun résultat durable ; et si jamais elle pouvait l’être, si elle atteignait jamais ce qu’elle appelle son but, il n’est point d’espoir qui fut plus détrompé, qui cessa plus sûrement au moment de la jouissance ; car il n’en est point dont les illusions aient moins de rapport avec la réalité ; il y a quelque chose de vrai dans les satisfactions que donnent la puissance, la gloire, mais lorsque l’esprit de parti triomphe, par cela même il est détruit.

373. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Aujourd’hui, le système des réclames a rendu le public méfiant ; en tout il flaire l’annonce payée, et on arrive à constater que mille francs de notes tarifées ne font pas vendre cent exemplaires de plus. […] En attendant, les feuilles politiques à tirage faible continuent à publier des petits comptes rendus qui, d’ailleurs, ne déterminent aucun de leurs lecteurs à un achat quelconque, et qui sont griffonnés par n’importe qui. […] La critique, comprise comme une lutte de comptes rendus et de volumes édités, est une fastidieuse dépense de jugements bâclés ; la partie n’est pas égale, et la meilleure critique, c’est l’étalage des libraires : le public n’a qu’à se risquer, le malheur est qu’on l’a habitué à ne se risquer que sur le conseil préalable des critiques. « C’est à devenir fou ! […] Il peut rendre d’inappréciables services dans la coopération des idées. […] Ils tentent de maintenir leur fonction à la hauteur de l’essai, même dans les feuilletons morcelés que le journalisme jette pour un jour au public, même dans la hâte des comptes rendus dramatiques.

374. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Retz expose au duc de Bouillon toute sa politique sous la première Fronde, et il faut lui rendre cette justice que, s’il était séditieux, il ne l’était qu’à demi. Il s’est rendu maître du peuple, de concert avec M. de Beaufort, qu’il tient entre ses mains et qui n’est qu’un fantôme ; il est l’idole des paroisses comme l’autre l’est des Halles. […] Selon lui, une armée à quelque distance et un général de renom agiraient à point sur le Parlement et lui rendraient l’énergie nécessaire sans le menacer, tandis que l’action du peuple à Paris est trop dangereuse, trop immédiate. […] Comme Mirabeau, Retz ne pouvait rendre des services à la reine qu’en maintenant son crédit auprès de la multitude ; et, pour maintenir ce crédit, il lui fallait faire ostensiblement des actes et tenir des discours qui sentaient la sédition, et qui semblaient en sens inverse des engagements qu’il venait de prendre. […] La seconde Fronde (1650-1652) éclata, comme on sait, au nom des princes de la maison de Condé que Mazarin avait fait mettre en prison, et qu’il fut obligé de rendre à la liberté.

375. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

La comparaison de ces deux chèvres avec Louis-le-Grand et Philippe IV, et surtout la généalogie des deux chèvres, rendent la fin de cette fable un des plus jolis morceaux de La Fontaine. […] Ce dernier se rendit célèbre, par la valeur et les talens qu’il montra dans les journées de Fleurus et de Nervinde. […] Et le don d’être amie, Expression bien heureuse que La Fontaine a inventée et rendue célèbre. […] Et que j’ai le secret de rendre exquis et doux. […] Au reste, toute cette pièce est très-agréable ; mais elle fait peut-être allusion à quelque petit secret de société qui la rendait plus piquante : par exemple, au peu de goût que mademoiselle de la Mésangère pouvait avoir pour le mariage, ou pour quelque prétendant appuyé par sa mère.

376. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

La noblesse dit que cela rend le paysan chicaneur et processif. […] Mais après les heures publiques les préfets sont en usage de donner encore des leçons particulières pour une rétribution qui n’est pas forte ; et cet usage est bon à conserver, parce qu’il ménage au préfet le moyen d’améliorer son sort par son travail, et qu’il est juste que les enfants qui jouissent d’un peu de fortune en usent pour rendre leur instruction plus complète. […] Au lieu de donner six mois et plus à l’étude de la logique et de la métaphysique, et au bel art de l’argumentation, je crois qu’on ferait beaucoup mieux de s’appliquer tout de suite aux mathématiques, dont c’est le propre de rendre le raisonnement plus exact et l’esprit plus juste. […] Ordinairement chaque professeur a un livre élémentaire imprimé qui sert de fondement à ses leçons, qu’il explique à ses auditeurs, et aux principes duquel il ramène toutes les digressions dont il se sert pour rendre les éléments de chaque science plus frappants et plus sensibles. […] C’est cette importance qu’on a donnée ou laissée dans les pays protestants aux universités qui les a rendues si florissantes.

377. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Il falloit que les romains se fussent mis en tête que l’operation qu’on feroit à leurs pantomimes pour les rendre eunuques, leur conserveroit dans tout le corps une souplesse que des hommes ne peuvent point avoir. […] Après avoir cité les horreurs de l’amphithéatre, il ajoute, en parlant des pantomimes, qu’on dégrade les mâles de leur sexe pour les rendre plus propres à faire un métier si deshonnête, et que le maître qui a sçu faire ressembler davantage un homme à une femme, est celui qui passe pour avoir fait le meilleur disciple. […] Apulée qui a pû voir Lucien, nous rend un compte exact de la représentation du jugement de Paris faite par une troupe de pantomimes. […] Le pantomime au contraire étoit entierement le maître de son action, et son unique soin étoit de rendre intelligiblement ce qu’il vouloit exprimer. […] Son action rend intelligible bien des choses que notre action ne feroit pas deviner, et ses gestes sont encore si marquez, qu’ils sont faciles à reconnoître lorsqu’on les revoit.

378. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Le règne précédent, il faut l’avouer, avait rendu cette tâche difficile. […] L’usurpation, devenue ainsi nécessaire pour lui, rendit nécessaire aussi la guerre avec tous les souverains. […] Maintenant, éclairés par des expériences de plus d’un genre, et rendus à notre véritable existence sociale, convenons qu’il n’y a qu’un moyen de réunir tous les partis ; c’est de sentir les raisons de tous, de condescendre à toutes les opinions, de ne point s’attaquer mutuellement avec les armes toujours inconvenantes de l’ironie ou du sarcasme, de se mettre à la place de tous les intérêts. […] On a trop prêché l’oubli aux vaincus : sans doute il faut qu’ils oublient ce qu’ils furent ; mais il ne faut pas que les vainqueurs continuent de les traiter comme le lendemain de la bataille ; car l’outrage peut rendre la victoire incertaine, en produisant un courage de désespoir. […] Nous avons retrouvé les protecteurs-nés de nos antiques libertés, ceux qui pouvaient seuls consacrer et rendre durables nos libertés nouvelles.

379. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

D’abord il faut lui rendre grâces, au nom de la France et de l’humanité, de ce qu’il choisit pour élever ses enfants, Montausier et Bossuet, Fénelon et Beauvilliers. […] Catinat, de simple volontaire, devint maréchal de France ; mais ce même Catinat, après des victoires, essuya des dégoûts, et fut rendu inutile à son pays, qu’il aurait pu défendre. […] Il leur manquait je ne sais quoi de calme qui arrêtât leurs forces et qui les rassemblât, qui les rendît utiles en les dirigeant. […] Les Français, sous son règne, s’honoraient d’une soumission qui les rendait grands. […] On doit savoir gré à Louis XIV d’avoir répandu l’éclat sur les talents et sur les arts, d’avoir su apprécier ces hommes que leur fortune rend obscurs, mais que leur génie rend célèbres ; qui ne sont point destinés par leur naissance à approcher des rois, mais qui sont quelquefois destinés à honorer leur règne.

380. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Il eut l’occasion de rendre à Benjamin Constant un important service dans l’été et l’automne de 1802. […] Nous ne saurions mieux le rendre qu’en empruntant le jugement de M. […] J’ai des grâces infinies à vous rendre, cher et docte Mécène, des soins exquis et savants que vous avez voués à mon affaire. […] Je vous prie de tâcher de lui avoir son rendez-vous pour demain. […] Les chants bretons devinrent bientôt l’entretien favori et comme le rendez-vous passionné de ces deux esprits venus de bords si différents.

381. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Note »

Peyrat n’est donc pas la véritable ; mais un critique ne peut, sans s’abdiquer tout à fait lui-même, se prêter du jour au lendemain à des renversements de rôles tels que ceux dont La Mennais nous rendait témoins, et dont il ne lui aurait pas déplu de nous rendre complices. […] Je n’avais pas été le premier à le rechercher au début de notre liaison ; lui-même m’avait fait, par Victor Hugo, des avances dès le temps des Consolations ; je l’avais connu prêtre et disant encore la messe, ultramontain et pur romain de doctrine : je l’avais pris avec vivacité et sympathie par tous les points desquels je pouvais me rapprocher et qui m’offraient un moyen de correspondre ; je m’étais efforcé de multiplier ces « points d’attouchement, » comme les appelle Lavater dans son manuel de l’amitié ; je n’avais eu, dès son premier pas dans le libéralisme, que d’excellents et chauds procédés envers lui et lui avais hautement rendu, je puis dire, de bons offices littéraires.

382. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

C’est bien la faute du peintre qui pouvait avec peu de chose le rendre sublime. […] Si on eût rendu la caverne sauvage ; si on l’eût couverte d’arbustes, vous conviendrez qu’on n’aurait pas eu besoin de ces deux mauvaises têtes de chérubin qui empêchent que la Magdelaine ne soit seule. […] Il faut convenir que rendre l’idée de la première guirlande, du premier sacrifice, du premier soupir amoureux, du premier désir d’un cœur jusqu’alors innocent, n’était pas une chose facile.

383. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

J’ai promis une anecdote littéraire, ou plutôt c’est toute une scène à laquelle Dangeau et Saint-Simon nous permettent d’assister, et j’en vais donner un compte rendu fidèle comme si elle s’était passée de nos jours, sans rien inventer, sans rien ajouter. […] disait-il, le sublime génie qui anime et soutient cet illustre corps m’a seul inspiré le glorieux dessein d’en être membre ; et comme, étant supérieur à tout, il n’a que de grandes vues, j’en reçois heureusement celles que je n’aurais osé prendre de mon chef, et que vous avez bien voulu rendre effectives. […] C’eût été affaire à un Bossuet de rendre naturels ces contrastes, et de les envelopper dans un même mouvement : M. de Noyon n’y allait qu’à l’étourdie. […] Vous le prenez, vous le quittez selon qu’il vous convient, et il est de l’intérêt de votre gloire de vous en détacher quelquefois, afin que les honneurs qu’on vous rend ne soient attribués qu’à votre seul mérite. […] Il remplit admirablement bien tous les devoirs de la dignité pastorale. » Un peu plus loin, et sans qu’on ait songé au contraste, l’abbé de Caumartin nous est rendu dans sa grâce parfaite et son amabilité : « L’abbé de Caumartin est également versé dans la scholastique et dans la positive.

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