Mœurs religieuses, violentes, réglées par le devoir.
Ils cherchent le sentiment religieux par-delà les dogmes, la beauté poétique par-delà les règles, la vérité critique par-delà les mythes. […] Depuis Voltaire, personne, en matière religieuse, n’a été plus bouffon ni plus mordant. […] Non qu’il soit un simple épicurien ; au contraire, il est religieux à l’occasion. […] Je crois même qu’il était religieux foncièrement. […] Mon ami, soyez un homme de bien ; soyez vertueux, soyez religieux, soyez un homme de bien.
Celui-ci se résout enfin à sévir, et, arrivant en Poitou, il apprend que les religieux de l’abbaye de Saint-Maixent ont résisté vaillamment aux rebelles, bien que le château fût déjà tombé en leur pouvoir. Le roi, dans sa reconnaissance, s’empresse de récompenser les religieux en accordant à l’abbaye les plus grands privilèges : l’abbé Le Grand les énumère : par exemple, « l’exemption de tout impôt pour les domestiques et fermiers de l’abbaye, le droit de pêche dans la rivière de Sèvres, la permission à l’abbaye de porter pour armes de gueules à une fleur de lis d’or, surmontée d’une couronne de même au chef de France ». […] Cette somme, quoique modique, fut d’un très grand secours dans les besoins où l’on était ; et le premier soin du Dauphin, lorsqu’il fut parvenu à la couronne, fut de retirer cette croix et ce hanap, et de les rendre aux religieux de Saint-Antoine.
Pour tout secours, elle a été recommandée par la mourante à un bon religieux, lequel lui-même la recommande à un homme riche et qui passe pour respectable, M. de Climal. […] Elle se met donc à l’instant à s’en dépouiller ; mais elle s’en dépouille lentement, et, à mesure qu’elle avance, il lui vient des raisons pour retarder : elle est décidée à aller trouver le bon religieux qui l’a recommandée par mégarde au fourbe, et qui est son seul protecteur ; il faut qu’elle le voie à l’instant, et, pour cela, qu’elle garde sa robe, qu’elle reprenne même cette coiffe galante qui, se dit-elle, déposera à vue d’œil de l’intention perfide du corrupteur : enfin elle trouve bientôt un prétexte tout honnête et naturel pour reprendre au complet cet habit qu’elle venait de quitter et qu’il sera temps de rendre demain. […] Marianne vers le soir, au retour de chez le bon religieux, voit à la porte d’un couvent l’église encore ouverte, et y entre pour prier et pour pleurer.
Le traitement de Vésale paraît avoir eu de bons effets : le toucher des reliques d’un religieux, Fray Diego, mort en état de sainteté il y avait quelque cent ans, et dont on fit apporter processionnellement le corps dans la chambre du malade, fut réputé aussi une des causes du rétablissement. Don Carlos crut voir, de plus, ce religieux lui apparaître en songe et lui dire qu’il ne mourrait pas cette fois. A peine debout et convalescent, un de ses premiers soins fut de se peser, « afin d’accomplir le vœu qu’il avait fait, au plus fort de sa maladie, d’offrir en cas de guérison quatre fois son poids en or et sept fois son poids en argent à plusieurs maisons religieuses. » La vue du prince qui leur était rendu fit éclater parmi les grands et parmi le peuple une allégresse universelle.
Et ce n’est pas sous les aspects légers et bizarres seulement que se prononce cette ressemblance des deux époques ; elle est plus sérieuse que dans le goût, et elle éclate surtout dans la partie religieuse et profonde. […] Ces religieux estimables ont la critique des textes, celle des dates et des noms ; mais la critique des idées ou du goût, ils ne s’en doutent que peu ou s’en abstiennent. […] Dans leurs cellules rigoureuses, dans ces chambres sans feu, même l’hiver172, les doctes religieux, le front baissé, s’appliquaient sans art à une besogne excellente : se seraient-ils permis même une fleur ?
Renseignements intimes, lettres originales, rien ne lui aura manqué, surtout pour la portion religieuse. […] Eynard nous montre que s’il avait voulu appliquer dans tout son ouvrage le même esprit de critique, il s’en fût acquitté très-finement ; mais dès qu’il aborde la vie religieuse de Mme de Krüdner, lui qui a été si adroit à pénétrer la personne mondaine, il croit tout d’abord à la sainte : il s’arrête saisi de respect, n’examinant plus, et ne voulant pas admettre que, même sur un fond incontestable de croyance et d’illusion, c’est-à-dire de sincérité, il a dû se glisser bien des réminiscences plus ou moins involontaires de ce premier jeu, bien des retours de cet ancien savoir-faire. […] Malgré tout, c’est chez lui désormais, et nulle part ailleurs, qu’il faut apprendre à connaître la vie religieuse de Mme de Krüdner ; journaux manuscrits, correspondance intime, entretiens de vive voix avec les principaux personnages survivants, il a tout recherché et rassemblé avec zèle, et, dans la riche matière qu’il déroule à nos yeux, on ne pourrait se plaindre, par endroits, que du trop d’abondance.
Il se lia avec Fontanes, et il écrivit le Génie du Christianisme, préambule éloquent et passionné à la restauration religieuse. […] « Néophyte à cette époque, a-t-on dit spirituellement, il avait quelques-unes des faiblesses des néophytes, et s’il existait quelque chose qu’on pût appeler la fatuité religieuse, l’idée en viendrait, je l’avoue, en lisant ces lignes de sa critique : « Vous n’ignorez pas que ma folie à moi est de voir Jésus-Christ partout, comme madame de Staël la perfectibilité… Vous savez ce que les philosophes nous reprochent à nous autres gens religieux, ils disent que nous n’avons pas la tête forte… On m’appellera Capucin, mais vous savez que Diderot aimait fort les Capucins... » Il parle à tout propos de sa solitude ; il se donne encore pour solitaire et même pour sauvage, mais on sent qu’il ne l’est plus.
Une littérature religieuse ainsi se forma, en partie traduite, en partie originale, correspondant à la littérature profane, moins riche, mais aussi variée, et couvrant en quelque sorte la même étendue, de l’épopée au fabliau, et du roman à la chronique : récits bibliques ou évangéliques, vies de saints et de saintes, miracles de la Vierge, légendes et traditions de toute sorte et de toute forme, toute une littérature enfin qui, se développant comme la poésie laïque, eut ainsi son âge romanesque, où s’épanouissent à profusion les plus fantastiques miracles, où le merveilleux continu se joue des lois de la nature et parfois des lois de la morale. La belle, sobre et grave Vie de saint Alexis, un peu antérieure au Roland qui nous est parvenu, nous représente comme la période épique de ces narrations religieuses. […] Si les Macchabées devinrent une chanson de geste, les livres des Bois, mis en français au xiie siècle, sont vraiment un morceau d’histoire religieuse, et la Bible tout entière fut traduite à Paris vers 1235, sans doute par des clercs de l’Université.
La reine de Navarre : mélange en elle du moyen âge, de l’Italie et de l’antiquité, de la Renaissance érudite et de la Réforme religieuse. — 3. […] Mais à la Renaissance religieuse, à la Réforme, il faut rendre les inquiétudes morales, la revendication pour le fidèle du droit d’interpréter l’Écriture, et certain effort sensible pour ramener vers le doux Rédempteur et le Père incompréhensible le culte un peu trop détourné au moyen âge sur l’humanité plus prochaine de la Vierge. […] Sa croyance est dans sa tête, dans sa raison : de là la faiblesse de son inspiration religieuse.
Hardiesse de la critique religieuse de Voltaire. […] De là la misérable étroitesse de sa critique religieuse : il ne sut comprendre ni l’essence du christianisme, ni son rôle consolateur et civilisateur. […] De là son manque de gravité dans la critique religieuse.
Si nous étions délivrés du souci des besoins matériels, comme les ordres religieux ou comme le brahmane qui s’enfonce tout nu dans la forêt, nous voguerions à pleines voiles, nous conquerrions l’infini… La vie patriarcale réalisait cette haute indépendance de l’homme, mais c’était en sacrifiant des éléments non moins essentiels : la civilisation, en effet, n’existe qu’à la condition du développement parallèle de l’intelligence, de la morale et du bien-être. […] L’accidentel devient ainsi la vie même, et la partie vraiment humaine et religieuse disparaît presque. […] Vous trouverez que le gain, les affaires ou les besoins matériels dirigent les neuf dixièmes au moins de ces mouvements, que le plaisir sert de motif à un vingtième peut-être de cette agitation, qu’un centième à peu près de cette foule obéit à des affections douces et qu’un millième au plus est guidé par des motifs religieux ou scientifiques.
En matière religieuse, la littérature est soumise à l’Eglise catholique. […] Molière, le moins religieux des écrivains d’alors, a soin, quand il attaque les faux dévots, de mettre dans la bouche d’un de ses personnages l’éloge de la piété sincère. […] Ainsi, dans l’époque que nous avons résumée plus haut, la poésie dramatique et la littérature religieuse me paraissent avoir droit aux deux premiers rangs, et ce rapprochement seul de deux genres qui se ressemblent si peu, qui sont même, à certains égards, en pleine opposition, fait comprendre à merveille cette société catholique et mondaine qui voltige avec aisance du théâtre au sermon et se partage entre l’Église et les plaisirs du siècle.