Le snob ne s’aperçoit pas que, d’être aveuglément pour l’art et la littérature de demain, cela est à la portée même des sots ; qu’il est aussi peu original de suivre de parti pris toute nouveauté que de s’attacher de parti pris à toute tradition, et que l’un ne demande pas plus d’effort que l’autre ; car, comme le dit La Bruyère, « deux choses contraires nous préviennent également, l’habitude et la nouveauté. » C’est par ce contraste entre sa banalité réelle et sa prétention à l’originalité que le snob prête à sourire.
Grâce à quoi, la pauvre petite comédienne du théâtre Feydeau, la crédule et douloureuse compagne de Delobelle-Valmore eut quelques semaines de réelle survie et presque de gloire.
Et ce seront alors des chansons douces, comme d’une teinte effacée, des ballets de Lulli où sourient de mièvres marquises, des brises ailées et des caresses, toute une savante combinaison de syllabes fondues, atténuées, prolongées ou redoublées, des divertissements verbaux exécutés par un rêveur légèrement triste qui fermerait les yeux pour ne pas être distrait par les choses réelles et mieux rêver les rêves qu’il a élus.
L’auteur de l’Intruse n’avait fait qu’allusion, celui de la Dame à la Faulx , au contraire, insiste sur la présence effective de la Camarde ; il en fait le personnage réel, palpable, principal de son livre.
Or ce qui fait la difference des esprits, tant que l’ame demeure unie avec le corps, n’est pas moins réel que ce qui fait la difference des voix et des visages.
Il n’a pas compris que son livre, qu’il croyait être une justice, une reconnaissance et à la fois tous les sentiments prosternés, n’était pas en proportion réelle avec cet homme d’ubiquité, cet homme qu’on retrouve partout et qui s’appelle Voltaire.
Mais à force de souffler, il l’enfle, la distend, en fait quelque chose d’informe et de difforme, qui n’est plus la réelle nature humaine, et le roman crève… sous ce soufflet endiablé !
Non pas dans les mots ; les violences de mots sont des gestes pour suppléer à l’animation réelle de la pensée, mais ici, ce sont les sentiments dans lesquels le maître recueillait ses observations qui font voir une singulière surexcitation.
. — Allèguera-t-on qu’en se faisant moins systématique la philosophie s’écarte de son but, et que son rôle est précisément d’unifier le réel ?
On peut affirmer sans crainte qu’une force réelle se cache toujours sous une réaction si complète contre le destin. […] Cela a de mauvais côtés sans doute, mais aussi de réels avantages. […] À vrai dire, tant que la presse ne pourra pas traiter toutes les matières, elle n’aura d’autorité réelle en aucune. […] Voilà ce que je lui reproche ; c’est précisément cette ivresse des sens, cette douce quiétude, cet oubli du monde réel que donne la musique qui la rendent impropre à ce rôle de régénératrice sociale qu’on veut lui assigner. […] Ils s’avouent même que la similitude de religion pourrait bien être plus apparente que réelle entre nous et un peuple où les fidèles organisent des confréries en l’honneur de saint Judas Iscariote.
Il sait réduire à l’unité des impressions pour créer la simultanéité, se situer au point d’intersection du réel et de l’imaginaire. […] La Marinette de Tant pis pour toi, nous est-il dit, « savait joindre hardiment le réel à l’allégorique13 ». […] Quant à Marinette, en quelques coups d’œil et quelques baisers elle s’est imaginée un Remy qui, tout particulier qu’il soit, garde néanmoins un suffisant air de famille avec le Remy réel : réel, j’allais dire véritable. […] Lorsqu’il s’agit en effet de Hamlet, le fait n’est rien ; l’interprétation, tout ; et si ce chef-d’œuvre parfois malmené — mais par ceux-là surtout pour qui la « qualité métaphysique » demeure non avenue — a subi des interprétations innombrables, il en est à ma connaissance bien peu qui aussi fidèlement que celle de Pourtalès épousent ce drame spirituel en son apparente ductilité, en son « invariant » réel. […] Appliquer le procédé de La Chartreuse de Parme 118 à une figure réelle — et à celle d’un poète de génie, — l’entreprise était périlleuse ; mais de tous les périls s’est joué un art d’une prestesse tamisée d’innocence, — apposé comme un masque léger sur la plus délicate pudeur d’imagination.
Point de littérature personnelle : « L’auteur doit se taire lorsque son œuvre se met à parler. » Le réel, rien que le réel, mais non point tout le réel : « De même que le bon écrivain en prose ne se sert que des mots qui appartiennent à la langue de la conversation, mais se garde bien d’utiliser tous les mots de cette langue — et c’est ainsi que se forme précisément le style choisi — de même le bon poète de l’avenir ne représentera que les choses réelles, négligeant complètement les objets vagues et démonétisés, faits de superstitions et de demi-vérités, en quoi les poètes anciens montraient leur force. […] À la mort, d’abord, à la mort actuelle, condition nécessaire et condition adorée de la vie réelle. […] Eh bien, elle se place en face du monde, vous entendez bien, du monde, et elle se propose de le connaître et de l’expliquer, d’en donner une connaissance réelle et vraie ; réelle, c’est-à-dire complète ; vraie, c’est-à-dire logique, liée, systématique. […] — Mais, nonobstant tout l’univers réel, et indépendamment de l’univers transcendantal, je trouve la loi morale dans ma conscience, et cela c’est un fait aussi, un fait réel, dont il faut sans doute tenir compte et sur quoi je voudrais bien avoir votre avis. […] Il s’attache à la réalité autant que l’art proprement et uniquement rêveur s’en éloigne comme avec répulsion ; mais il ne doit pas oublier que tout art est choix et il devra bien se garder d’aimer tout le réel et de vouloir saisir et imiter et reproduire tout le réel.
Il semble que certains hommes, les créateurs de vie, apportent la conscience de ces existences possibles dans l’existence réelle. S’ils prennent pour sujet de leur œuvre cette existence réelle, elle se réduit en cendre, elle devient fantôme, sous la main qui la touche. […] Le génie, du roman fait vivre le possible, il ne fait pas revivre le réel. […] Leur isolement, après un cataclysme (fictif dans le roman d’Alain Fournier et réel dans celui de M. […] Nous transmettrions sans doute à ces héritiers une image bien différente de notre image réelle.