Un besoin réel d’exercice intellectuel, une sincère admiration pour la belle intelligence de Voltaire animent Frédéric : mais c’est un homme pratique ; il « utilise » son illustre ami ; il fait corriger par lui son orthographe, ses solécismes, ses fautes de versification ; il a pour rien le meilleur maître de langue française qui existe. […] Il abstrait, il analyse, il condense ; dans cette manipulation, le réel, le sensible, la couleur s’évanouissent ; ce n’est pas seulement le dramatique qui fait défaut à cette histoire, malgré la prétention de Voltaire ; c’est cette sorte de résurrection du passé qui seule peut le faire connaître. […] Ainsi se compléta le dessein primitif du Siècle de Louis XIV, par l’accession de deux pensées : une pensée satirique fut peut-être l’occasion réelle du livre, et, à coup sûr, dut en être la conclusion secrètement, sourdement insinuée.
L’action historique, les individus réels et connus, seront des symboles, par où il enseignera l’humanité. […] Dumas y a exprimé, sous la forme dramatique, avec une réelle puissance, l’exaltation forcenée, sauvage de cet amour que le romantisme faisait supérieur à tous les devoirs, à toutes les lois, à toute morale. […] Ailleurs il n’y a rien de réel, qu’une certaine disposition sentimentale.
L’histoire des mœurs en notre siècle rencontre bien des cas où des personnages réels ont emprunté des traits à des personnages fictifs, où la vie a imité cette imitation de la vie qu’est en partie la littérature ! […] Si le père se fâche quelquefois, c’est colère plus apparente que réelle. […] Notre siècle nous a fait voir, dans la vie réelle comme sur les planches, le père camarade et parfois frère cadet de son fils.
Cette fin, d’une importance majeure, et qui dépasse infiniment les intérêts individuels légitime d’ailleurs la place exorbitante que cette passion de l’amour occupe dans la vie réelle, dans le roman, au théâtre et d’une façon générale, dans tous les arts. […] Le moi, qui n’est qu’une raison sociale, qu’une représentation abstraite, comme la cité ou l’état, est pris pour un être pourvu d’une unité réelle. […] Or durant le règne de cet instinct, la vie intense, inconnue et réelle, qui se donne cours, au regard de la conscience individuelle, sous le nom de l’amour, tend à sortir des limites et de l’habitat qui lui furent, jusqu’alors fixés.
L’histoire réelle — Chacun remis à sa place I Voici l’avènement de la constellation nouvelle. […] Sans doute, et l’on ne nous reprochera point de n’y pas insister, l’histoire réelle et véridique, en indiquant les sources de civilisation là où elles sont, ne méconnaîtra pas la quantité appréciable d’utilité des porte-sceptres et des porte-glaives à un moment donné et en présence d’un état spécial de l’humanité. […] Ces renversements de rôles mettront dans leur jour vrai les personnages ; l’optique historique, renouvelée, rajustera l’ensemble de la civilisation, chaos encore aujourd’hui ; la perspective, cette justice faite par la géométrie, s’emparera du passé, faisant avancer tel plan, faisant reculer tel autre ; chacun reprendra sa stature réelle ; les coiffures de tiares et de couronnes n’ajouteront aux nains qu’un ridicule ; les agenouillements stupides s’évanouiront.
C’est intitulé « comédie », mais ce n’est pas du tout une comédie ; au fond, c’est un conte, un conte fantaisiste, comme nous dirions de nos jours, c’est un conte moitié réel (pour ne pas dire réaliste) et moitié mythologique. […] Clymène est ce que je vous disais, un conte fantaisiste en dialogue, où paraissent des personnages réels ou supposés, comme Clymène elle-même, et Acanthe qui est l’amoureux, qui est le poète amoureux, qui, évidemment, représente La Fontaine. […] Donc on peut supposer Chapelle peut-être, ou plutôt on doit, et c’est ma conclusion très arrêtée, renoncer à donner aucun nom réel.
Non seulement il ne s’élève pas par de semblables lectures, mais il y perd le goût de la vie réelle, de celle qu’on ne rêve pas, et qu’on subit. […] Soyez des hommes qui respirent avec certificat, et ne parlez pas avec tant de présomption d’une existence tout au plus réelle, qui n’a rien de légal. » Ainsi du roman populaire. […] Et obligés de dire le mal, de le peindre, de vous en servir comme d’un élément trop réel et trop commun, ne le faites pas aimer.
Mais non, ce n’est nullement un pur effet de l’illusion et de la perspective : les Anciens avaient bien, je le crois, grandeur réelle et supériorité absolue, au moins quelques-uns, les bons, les meilleurs, comme ils disaient, ceux-là auxquels les autres obéissaient et servaient. […] Mais ces défauts si réels ne doivent pas faire condamner absolument un travail dans lequel l’auteur paraît d’ailleurs avoir apporté des soins, s’être entouré de beaucoup de secours, et qui, empruntant presque à chaque page l’alliance élégante du dessin et s’adressant aux gens du monde bien plutôt qu’aux savants, a chance de ne pas remplir trop incomplétement son objet. — Pour nous ç’a été du moins un prétexte que nous avons saisi, de nous arrêter une fois et de nous incliner devant cette grande figure d’Homère, et c’est tout ce que nous voulions.
Tout est fixé d’avance dans l’ambition ; ses chagrins et ses plaisirs sont soumis à des événements déterminés ; l’imagination a peu d’empire sur la pensée des ambitieux, car rien n’est plus réel que les avantages du pouvoir. […] Je ne parle ici que des succès réels de l’ambition ; il y en a beaucoup d’apparents ; et c’est par eux qu’on devrait commencer l’histoire de ses revers.
L’amour de la gloire se fonde sur ce qu’il y a de plus élevé dans la nature de l’homme ; l’ambition tient à ce qu’il y a de plus positif dans les relations des hommes entre eux ; la vanité s’attache à ce qui n’a de valeur réelle, ni dans soi, ni dans les autres, à des avantages apparents, à des effets passagers, elle vit du rebut des deux autres passions ; quelquefois cependant elle se réunit à leur empire ; l’homme atteint aux extrêmes par sa force et sa faiblesse, mais plus habituellement la vanité l’emporte surtout dans les caractères qui l’éprouvent. […] C’est non seulement à la réunion des hommes en société que ce sentiment est dû, mais c’est à un degré de civilisation qui n’est pas connu dans tous les pays, et dont les effets seraient presque impossibles à concevoir pour un peuple dont les institutions et les mœurs seraient simples ; car la nature éloigne des mouvements de la vanité, et l’on ne peut comprendre comment des malheurs si réels naissent de mouvements si peu nécessaires.
Plus que personne, il en a eu les deux grands traits, la faculté d’oublier le monde réel, et celle de vivre dans le monde idéal, le don de ne pas voir les choses positives, et celui de suivre intérieurement ses beaux songes. […] Vis-à-vis des personnages réels, il se perdait dans l’admiration et dans la louange, élevait les gens jusqu’au ciel, les y installait à demeure. « Savez-vous bien que, pour peu que j’aime, je ne vois les défauts des personnes non plus qu’une taupe qui aurait cent pieds de terre sur elle ?
« Il y a plus de réelle grandeur, disait Lamartine, dans une bonne action, que dans un beau poème, ou une grande victoire. » Mieux que personne il pouvait comparer ces trois grandeurs, les ayant réunies en lui. […] Si le poète est incapable d’éteindre le Réel, il est aussi affranchi de sa servitude, et le monde du Rêve infini s’ouvre devant son essor… Aujourd’hui que ces poèmes ont perdu, avec leur magie de nouveauté, le prestige que leur assurait une harmonie profonde entre les aspirations du public et les inspirations de l’auteur, il est malaisé de ranger cette œuvre, tour à tour trop admirée et trop négligée, à sa place définitive.
Il épure sa raison pour se préserver de l’erreur ; éclairé sur la valeur réelle des objets, il sçait les apprécier ; au-dessus des illusions du monde, on ne le verra point se passionner pour de petits objets, vendre son tems & son existence, épouser de misérables quérelles, se plonger dans le cahos d’affaires épineuses qui se succédent comme les flots d’une mer agitée, son ame égale & tranquille cherche a vérité, loin du bruit & du tumulte, & rejette les funestes préjugés qui tourmentent ceux qui se prosternent devant eux. […] La plupart des hommes ne pensent que d’après l’habit qu’il portent ; leur profession crée leurs idées ; celui qui a rompu les liens nuisibles au progrès de la raison paroît seul posséder un jugement libre que rien ne tyrannise : Accoutumé à renfermer ses desirs dans le cercle de ses besoins réels il n’en aura point d’illimités.