Il sentait la nécessité d’arrêter les Perses avant qu’ils eussent atteint toute leur grandeur, et voulait, s’il était possible, détruire une puissance qui s’accroissait chaque jour. […] Car enfin, ajouta Astyage, puisque tu voulais donner la royauté à quelque autre et ne pas la garder pour toi, n’était-il pas juste, du moins, que la puissance tombât entre les mains d’un Mède, plutôt que dans celles d’un Perse ? […] Du reste, les Perses, qui, sous la conduite de Cyrus, s’étaient soustraits à la puissance des Mèdes, furent, depuis la défaite d’Astyage, les maîtres de l’Asie. […] J’ai dit plus haut comment ensuite il renversa la puissance de Crésus, qui l’avait injustement attaqué. […] « Amyntas, témoin de ces insultes, quoique irrité dans l’âme, ne laissa rien percer de son ressentiment, par la crainte que lui inspirait la puissance des Perses ; mais Alexandre, son fils, qui était présent et voyait ce qui se passait, jeune et sans expérience des maux qu’il pouvait attirer sur son pays, ne put se contenir ; et, dans l’indignation qu’il éprouvait, dit à son père : « Laissez, mon père, laissez cette jeunesse avec laquelle il ne vous convient pas de vous commettre, et allez prendre quelque repos ; donnez ordre seulement qu’on n’épargne pas le vin.
Je remarque en passant la manière dont Fénelon, dans cette lettre, parle de son ami le duc de Beauvilliers, « dont la faiblesse, dit-il, et la timidité déshonorent le roi. » C’est ainsi qu’il se servait de ses amitiés pour sa puissance, et peut-être de ses vertus pour sa faveur ; et quand l’esprit de domination, qui lui fit désirer jusqu’au dernier jour d’entrer dans le conseil, commandait d’écrire des duretés contre un ami, dût cet ami être le duc de Beauvilliers, l’âme de son âme, dit Saint-Simon, sa main n’hésitait pas. […] Lui-même reconnut, avec une magnanimité qui promettait pour l’avenir d’éclatantes réparations, que, dans deux occasions capitales, il avait reçu du roi la puissance décisive, et qu’il n’en avait pas usé. […] Fénelon ne trouve pas ces impulsions assez fortes ; il se met du côté de la liberté, comme si elle avait besoin d’aide, contre la discipline qui ne parvient pas à se maintenir, même avec l’appui de la puissance publique. […] Écrivant le Télémaque dans le temps qu’il était le plus comblé par le roi : « Il eût été, écrit-il au Père le Tellier, non seulement l’homme le plus ingrat, mais encore le plus insensé, d’y vouloir faire des portraits satiriques et insolents. — Il est vrai, ajoute-t-il, que j’ai mis dans ces aventures toutes les vérités nécessaires pour le gouvernement, et tous les défauts qu’on peut avoir dans la puissance souveraine ; mais je n’en ai marqué aucun avec une affectation qui tende à aucun portrait ni caractère. » Nul n’a le droit de ne pas croire Fénelon sur parole. […] Cet homme, tombé de la toute-puissance qu’il avait exercée avec modération, exilé dans un coin de l’île de Samos, où il vit du travail de ses mains ; puis, par un retour de fortune, ramené en triomphe à Salente, où il retrouve la faveur du prince et la puissance, et ne s’en sert pas contre ses ennemis enfin se retirant dans une solitude, non pour s’y dérober à ses devoirs envers sa patrie qu’il continue à servir par ses conseils à Idoménée, mais pour échapper par l’obscurité à l’injustice et à l’envie ; cette création, que rendent vraisemblable certains exemples de la sagesse antique, reçoit de l’esprit chrétien, habilement caché sous une mise en scène grecque, une grandeur inconnue des héros comme des sages du paganisme.
Le langage ordinaire, dans son évolution, transforme les mots en vue de l’usage le plus commode ; la poésie les transforme dans le sens de la représentation la plus vive et la plus sympathique ; l’une a pour but la métaphore utile qui « économise l’attention » et rend plus facile l’exercice de l’intelligence ; l’autre la métaphore proprement esthétique, qui multiplie la faculté de sentir et la puissance de sociabilité. […] Il y a même d’ordinaire certains rapports de proportion entre la longueur de la phrase et la puissance de l’idée ou du sentiment. […] La puissance lyrique d’un génie se mesure souvent à la fréquence de la reprise de l’idée, ramenée sans cesse sous une forme nouvelle et plus frappante, au moment où on la croyait abandonnée ; c’est l’ondulation de la vague, ne quittant ce qu’elle porte qu’après l’avoir soulevé jusque sur sa crête aiguë, pour le laisser reprendre ensuite par une vague nouvelle. […] Mais, au moment même où Sainte-Beuve veut prouver que l’unique harmonie du vers, c’est la rime, ne prouve-t-il pas aussi la puissance du rythme ? […] La misère, presque toujours marâtre, est quelquefois mère le dénûment ; enfante la puissance d’âme et d’esprit ; 2.
Heureusement pour Gœthe et pour l’Allemagne que madame de Staël s’éprit un beau jour de Schlegel, et cette femme qui voyait des étoiles sur le front de Taima, où elles n’étaient pas, cette femme qui, comme toute femme, avait la faculté de l’adoration, mais n’avait pas celle du discernement, regarda l’Allemagne à travers Schlegel et éleva ce pays ainsi regardé à une puissance qu’il n’avait pas. […] Mais voilà précisément le cas fâcheux de ce grand Gœthe : il n’a pas la puissance de nous faire vivre fort. […] Mais figurez-vous un Balzac avec la puissance de vers de Byron, et devant un pareil idéal pensez un peu à Gœthe, qui voulut aussi être romancier ! […] A part l’aventure du dénoûment, Werther, pour un accoucheur du génie, est tout Gœthe en germe, avec toutes ses facultés et tous ses défauts en puissance. […] Et cette immensité d’ennui dont je reconnais en Gœthe la puissance, c’est la seule manière dont il ait été créateur.
Mais parce que notre raison, armée de l’idée d’espace et de la puissance de créer des symboles, dégage ces éléments multiples du tout, il ne s’ensuit pas qu’ils y fussent contenus. […] Nous jugeons du talent d’un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. […] Ils invoquent à cet égard le témoignage de la conscience, laquelle nous fait saisir, outre l’acte même, la puissance d’opter pour le parti contraire. […] En d’autres termes, l’intensité d’un état psychique n’est pas donnée à la conscience comme un signe spécial qui accompagnerait cet état et en déterminerait la puissance, à la manière d’un exposant algébrique : nous avons montré plus haut qu’elle en exprimait plutôt la nuance, la coloration propre, et que, s’il s’agit d’un sentiment par exemple, son intensité consiste à être senti. […] Or, quand l’astronome prédit une éclipse de lune, par exemple, il ne fait qu’exercer à sa manière la puissance que nous avons attribuée à notre malin génie.
Vitet, sans contester la puissance, a montré du doigt dans le lointain les égarements, et il a loué M.
Comme orateur, comme professeur, il avait également une puissance, une spontanéité de mouvement, un jet qui était dans sa nature, et que l’écrivain en lui s’interdisait.
Il est beau, il est consolant sans doute de voir, dans les mouvements des peuples, les inspirations de l’esprit de Dieu, et, dans le sentiment qui les pousse au bien-être, la marque infaillible et divine qu’ils l’atteindront ; il serait doux de penser que les obstacles apparents contre l’affranchissement des Hellènes n’en sont que des moyens dans l’ordre de la providence ; qu’Ali-Pacha, par exemple, a servi la Grèce en détruisant les Armatolikes et en renversant les peuplades libres ; que surtout les puissances d’Europe la servent par leur politique indifférente ou ennemie ; que la Russie la sert, que l’Autriche la sert, que la France et Soliman-bey aident à son triomphe : tout cela, encore une fois, serait doux à croire.
Dupin contre je ne sais quelles médiocrités, il s’est écrié, avec redoublement de conviction : « Et vous le savez, Messieurs, quelle puissance que la médiocrité !
Vainement il tentait de se confirmer par des succès de théâtre son illusoire puissance sur les foules : toutes ses pièces firent bâiller.
Cependant il y a aujourd’hui dans la jeunesse artiste tant de vie, de puissance et pour ainsi dire de prédestination, que, dans nos écoles d’architecture en particulier, à l’heure qu’il est, les professeurs, qui sont détestables, font, non seulement à leur insu, mais même tout à fait malgré eux, des élèves qui sont excellents ; tout au rebours de ce potier dont parle Horace, lequel méditait des amphores et produisait des marmites.
Puissance sans borne des premiers pères de famille sur leurs enfants et sur leurs serviteurs.
La sagesse doit développer en lui ces deux puissances à la fois, la seconde par la première, de sorte que l’intelligence étant éclairée par la connaissance des choses les plus sublimes, la volonté fasse choix des choses les meilleures.