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197. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Je lui fis proposer secrètement de nous joindre à Nuremberg, et s’il l’eût fait, jamais prince ne pouvait se flatter plus vraisemblablement d’une grandeur sans bornes. Lorsqu’il vit en 1725, au château de Bouron, près de Fontainebleau, le roi Stanislas, père de la jeune reine, Villars reçut de ce prince toutes sortes de témoignages flatteurs ; on parla de Charles XII et de l’estime particulière qu’il avait pour le maréchal : Je me souviens avec des regrets qui me sont toujours sensibles, dit Stanislas à Villars, de l’année 1707, lorsque vous le pressiez de marcher à Nuremberg avec son armée qui était en Saxe, dans le temps que celle de France n’était qu’à vingt lieues de cette ville. […] Villars étant, on l’a vu, incompatible avec ce prince, on le déplaça et on le mit à la tête de l’armée qui défendait la frontière des Alpes du côté du Dauphiné contre le duc de Savoie. […] Enfin, après les revers de 1708 et le calamiteux hiver qui suivit, Louis XIV se décida, par raison d’économie, à ne plus mettre de princes du sang à la tête de ses armées, et Villars fut envoyé pour commander en Flandre, à la frontière la plus exposée. […] Le prince ne put jamais se figurer que le maréchal fît cette manœuvre à sa barbe, et c’est ce qui le trompa.

198. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Lors même qu’il y eut renoncé, il garda toujours du financier sous le chansonnier, et il ne se considéra point comme déshonoré plus tard d’être récompensé de ses pièces de société pour le duc d’Orléans par un intérêt dans les fermes de ce prince. […] Pendant près de vingt ans on le voit l’ordonnateur principal des fêtes de Bagnolet, et par ses opéras-comiques, ses proverbes, ses jolies comédies, ses parades, il ne cessa de fournir aux plaisirs de ce prince, amateur de théâtre de société et bon acteur lui-même. […] C’est là, à Bagnolet, tantôt pour le prince, tantôt pour la fête de sa maîtresse Mlle Marquise, que se donna d’abord La Partie de chasse de Henri IV avec cette jolie scène du souper qui fit couler autant de larmes que La Vérité dans le vin avait excité de fous rires. […] Il ne visait qu’à des succès de société, et il les eut à souhait chez ces princes et grands seigneurs libertins : le public, sauf quelques rares instants, lui a rendu de son indifférence. […] Le bonhomme a toujours manqué d’une élévation d’âme, même commune ; pour peu qu’il en eût eu, il aurait été le plus malheureux des hommes. » Collé donc, à la différence de Panard, avait de l’élévation d’âme : il voyait les grands, les gens riches, les amusait, leur plaisait, mais ne se donnait pas ; il restait lui ; il se défendait de leur trop de familiarité par le respect ; il gardait de sa dignité hors de sa gaîté ; il savait que, si bon prince qu’on fût avec lui, on ne l’était pas autant à Villers-Cotterets qu’à Bagnolet ; assez chatouilleux de sa nature, il allait au-devant des dégoûts par sa discrétion, et se tenait sur une sorte de réserve, même quand il avait l’air de s’abandonner : quand il sortait ces jours-là de sa maison bourgeoise, il disait qu’il allait s’enducailler, comme d’autres auraient dit s’encanailler ; puis, son rôle joué, sa partie faite, il revenait ayant observé, noté les ridicules, et connaissant mieux son monde, plus maître et plus content à son coin du feu que le meunier Michau en son logis.

199. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

« Son infatigable activité, nous dit-il, et l’habitude qu’elle avait de correspondre, non-seulement avec les nombreux membres de sa famille, mais avec les princes étrangers, avec ses conseillers et avec une foule d’autres personnes, me permettaient de penser que je ferais une ample moisson, et j’espérais pouvoir publier toute la Correspondance de Marie-Thérèse. » Malheureusement, M. d’Arneth dut renoncer en partie à ce projet : il rencontra des refus auprès de la plupart des familles nobles d’Autriche. […] Feuillet de Conches, et si abondante en révélations de tout genre, avait confirmé le fait et l’avait déplus en plus précisé, en rapportant au voyage de l’empereur Joseph II à Paris un changement notable dû aux conseils de ce prince et à son intervention dans cette singularité matrimoniale. […] Tout au plus y voit-on quelques confidences plus nettes et plus franches qu’ailleurs sur les deux princes ses beaux-frères, le comte de Provence et le comte d’Artois. […] (15 mars 1775.) » Marie-Antoinette se justifie de son mieux, et par un mot qui coupe court à tout : C’est la mode, c’est l’usage : « J’enverrai à ma chère maman, par le prochain courrier, le dessin de mes différentes coiffures ; elle pourra les trouver ridicules, mais ici les yeux y sont tellement accoutumés qu’on n’y pense plus, tout le monde étant coiffé de même. » Marie-Thérèse est plus dans le vif, lorsqu’elle se plaint de ces courses continuelles au bois de Boulogne et ailleurs avec le comte d’Artois, sans que le roi s’y trouve : « Vous devez savoir mieux que moi que ce prince n’est nullement estimé et que vous partagez ainsi ses torts. Il est si jeune, si étourdi ; passe encore pour un prince !

200. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Un moment il parut le comprendre, et, à la vue de ces incendies fumant à travers la neige, de ces cadavres gisant sur cette plaine glacée, il s’écria : « Ce spectacle est fait pour inspirer aux princes l’amour de la paix et l’horreur de la guerre. » Mais l’impression, sincère peut-être pendant la durée d’une minute, passa vite, et le démon familier reprit possession de son âme. […] Le peuple espagnol, bien qu’en repoussant la royauté de Joseph il repoussât un bon prince et de bonnes institutions, fut peut-être mieux inspiré que les hautes classes. […] Pendant les longues entrevues des deux empereurs, la foule des rois, des souverains de second ordre, des princes et des ambassadeurs, servira de comparses sur l’avant-scène ; les parties de chasse et les fêtes couvriront le sérieux du jeu. […] Les princes, les peuples se trompent, a dit un ancien, et des milliers de victimes succombent innocemment pour leur erreur. […] Alfieri disait après 93 : « Je connaissais les grands, et maintenant je connais les petits. » Aux fautes des princes, M. 

201. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Il était le prince de la mode, et l’on ne jurait que par lui. […] Je lui dis que je ne le croyais pas associé à sa conduite criminelle, mais que, constamment attaché à ce prince, son parti, il aurait dû l’abandonner, puisqu’il pensait ainsi. « Il excusa le duc d’Orléans ; … il m’ajouta qu’il ne l’approuvait pas, mais qu’étant l’ami de ce prince et engagé dans son parti, il n’avait pas cru de son honneur de l’abandonner. […] Compromis à tort, à la suite du duc d’Orléans, dans le torrent d’accusations que soulevèrent les journées des 5 et 6 octobre, on voulait le faire partir comme ce prince pour l’Angleterre : « M. de Biron sort de chez moi, écrivait Mirabeau au comte de La Marck ; il ne part point : il l’a refusé, parce qu’il a de l’honneur. » Devenu général de la République française37, tour à tour employé à l’armée du Nord, puis en chef à celle d’Italie, puis en Vendée, Biron désirait et appelait une occasion de se signaler qui recula toujours, et dont peut-être il n’était pas homme à profiter. […] J’ai sous les yeux une lettre de remerciement et d’action de grâces qui lui fut adressée à la date du 28 mars, le lendemain de l’article, par une noble dame d’alors, Mme la duchesse d’Es… On y lit42 : Je désire qu’on sente ici, mon prince, l’importance du service que vous rendez.

202. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Sans fortune et sans carrière, Grimm vint à Paris, y fut attaché quelque temps au jeune prince héréditaire de Saxe-Gotha, puis devint précepteur des fils du comte de Schomberg, puis secrétaire du jeune comte de Friesen, neveu du maréchal de Saxe. […] Il commença d’abord par informer très simplement des nouvelles littéraires courantes et des livres nouveaux les princes ses correspondants : ce ne fut que peu à peu que son crédit gagna et que son autorité s’étendit. […] » Sur quoi Rousseau avait répondu brutalement au prince : « À la bonne heure, pourvu qu’il soit court !  […] Grimm, présent au récit, lui avait dit en riant : Illustre citoyen et cosouverain de Genève (puisqu’il réside en vous une part de la souveraineté de la république), me permettez-vous de vous représenter que, malgré la sévérité de vos principes, vous ne sauriez refuser à un prince souverain les égards dus à un porteur d’eau, et que, si vous aviez opposé à un mot de bienveillance de ce dernier une réponse aussi brusque, aussi brutale, vous auriez à vous reprocher une impertinence des plus déplacées ? […] Ce prince avait cru utile de l’attacher au maréchal d’Estrées pendant la campagne de Westphalie.

203. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

« On le conduisit à la dernière demeure comme un prince ; il avait été longtemps l’ami de la maison royale de Prusse, un haut fonctionnaire distingué, un grand génie qui s’était livré aux travaux et aux recherches pendant la durée de plus de deux générations, pour développer et éclairer l’esprit humain. […] Derrière le cercueil marchaient les plus proches parents du mort, conduits par les chevaliers de l’ordre de l’Aigle noir ; à leur tête, le gouverneur de l’ordre, général feld-maréchal de Wrangel, le général prince G. de Radziwil, le général comte de Grœben. […] « Un long cortège de personnes de toutes conditions suivait immédiatement, puis, aussitôt, les équipages d’honneur et, en tête, les voitures de gala du roi et de la reine, attelées de huit chevaux, puis les voitures du prince régent, de tous les princes, de la diplomatie, etc., puis le cortège se prolongeait à l’infini. […] Près du cercueil prirent place les proches parents du mort et les princes de la famille royale ; dans une loge se trouvaient plusieurs princesses. […] Telle était, par exemple, sa lettre au sujet du prince Albert, époux de la reine Victoria d’Angleterre, qu’il traitait avec une odieuse injustice, quoique ce prince, excessivement distingué, lui eût témoigné et écrit à lui-même des lettres aussi pleines de convenance que d’affection.

204. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Ce qui fait que, dans d’autres pays, on revient si difficilement des abus, c’est qu’ils n’y sont pas des effets d’abord sensibles ; le prince n’y est pas averti d’une manière prompte et éclatante comme il l’est à la Chine. Il ne sentira point, comme nos princes, que s’il se gouverne mal, il sera moins heureux dans l’autre vie, moins puissant et moins riche dans celle-ci. […] « Les grands princes, non contents d’acheter les troupes des plus petits, cherchent de tous côtés à payer des alliances, c’est-à-dire presque toujours à perdre leur argent. […] Il y en a bien où elle est établie ; mais elle accable plus que si elle n’y était pas, parce que le prince n’en levant ni plus ni moins, tout l’État devient solidaire. […] « Que la noblesse moscovite ait été réduite en servitude par un de ses princes, on y verra toujours des traits d’impatience que les climats du Midi ne donnent point.

205. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Il avait donné la nouvelle couronne ducale au roi de Saxe, le plus proche voisin, prince aimé et vénéré, mais qui n’était pas tout à fait un roi de Pologne : ce roi, il semblait que l’Empereur refit pu donner directement de sa main, s’il ne voulait se déclarer tel lui-même et céder au cri national. […] D’un caractère doux, réservé, de manières aimables, parfaitement honnête homme, il n’était pas le partisan du système français, lorsqu’il fut envoyé chez nous pour la première fois par un prince, bientôt roi, qui allait devenir l’ami sincère de Napoléon. […] Ne manquant ni d’idées ni d’une certaine hardiesse qui fait souvent réussir dans une position subalterne, il avait acquis du crédit auprès de M. de Talleyrand qui se servait de lui pour ses affaires d’argent avec les princes d’Allemagne. Ce fut par ce moyen que les princes de Schvvarzbourg, de Waldeck, de Lippe et de Reuss, obtinrent à Varsovie leur admission à la Confédération du Rhin.

206. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Le chancelier ou chef du ministère du prince est au fond moins favorable que son maître. […] Je représentai au prince que M.  […] Welbruck était un prince aimable et léger, qui ne cherchait qu’à, s’amuser, et qui n’a paru favoriser un instant les belles-lettres et les arts que pour imiter ce qu’il voyait faire à presque tous les souverains de l’Europe. » (Mélanges, 1810, page 62.) […] Welbruck était un prince aimable et léger, qui ne cherchait qu’à, s’amuser, et qui n’a paru favoriser un instant les belles-lettres et les arts que pour imiter ce qu’il voyait faire à presque tous les souverains de l’Europe. » (Mélanges, 1810, page 62.)

207. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Le lendemain des Barricades, la reine, le jeune roi et Mazarin avec la Cour une fois enfuis de Paris (janvier 1649), que va faire le coadjuteur, tribun du peuple, maître du pavé, ayant pour allié d’un côté le Parlement, cette machine peu commode à conduire, et de l’autre ceux des princes du sang et des grands du royaume (les Bouillon, les Conti, les Longueville) qui se sont engagés dans la faction avec des vues toutes personnelles ? […] Mais derrière ces premiers articles, qui sont d’affiche et de montre, arrivent les autres plus essentiels, à savoir qu’en la tendresse de l’âge du jeune roi, le parlement de Paris présentera pour le gouvernement de l’État des personnes illustres, tirées des ordres du clergé, de la noblesse et de la magistrature, qui seront, après les princes du sang, les conseillers naturels et les ministres de la régence. […] La seconde Fronde (1650-1652) éclata, comme on sait, au nom des princes de la maison de Condé que Mazarin avait fait mettre en prison, et qu’il fut obligé de rendre à la liberté. […] Placé entre un prince de cette nature et le Parlement, cette autre machine compliquée et non moins désespérante à mouvoir, primé dans le parti par le prince de Condé, son ennemi alors et dont il ne peut vouloir le triomphe, Retz se consume durant deux années dans les pourparlers, les expédients, les tentatives perpétuelles d’un tiers parti impuissant à naître et toujours avorté.

208. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

On ne voit plus ni prologues d’opéra sur les princes, ni odes pindariques sur les grandes vertus d’un héros que personne ne connaît. […] Si donc, en célébrant les grands hommes, vous voulez être mis au rang des orateurs, il faut avoir parcouru une surface étendue de connaissances ; il faut avoir étudié et dans les livres et dans votre propre pensée, quelles sont les fonctions d’un général, d’un législateur, d’un ministre, d’un prince ; quelles sont les qualités qui constituent ou un grand philosophe ou un grand poète ; quels sont les intérêts et la situation politique des peuples ; le caractère ou les lumières des siècles ; l’état des arts, des sciences, des lois, du gouvernement ; leur objet et leurs principes ; les révolutions qu’ils ont éprouvées dans chaque pays ; les pas qui ont été faits dans chaque carrière ; les idées ou opposées ou semblables de plusieurs grands hommes ; ce qui n’est que système, et ce qui a été confirmé par l’expérience et le succès ; enfin tout ce qui manque à la perfection de ces grands objets, qui embrassent le plan et le système universel de la société. […] Qu’ainsi, dans l’ordre politique, l’orateur se pénètre des grands rapports du prince avec les sujets, et des sujets avec le prince ; qu’il sente avec énergie et les biens et les maux des nations ; que, dans l’ordre moral, il s’enflamme sur les liens généraux de bienfaisance qui doivent unir tous les hommes, sur les devoirs sacrés des familles, sur les noms de fils, d’époux et de père ; que dans ce qui a rapport aux talents, il admire les découvertes des grands hommes, la marche du génie, ces grandes idées qui ont changé sur la terre la face du commerce, ou celle de la philosophie, de la législation et des arts, et qui ont fait sortir l’esprit humain des sillons que l’habitude et la paresse traçaient depuis vingt siècles.

209. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Et d’abord ce n’est pas un fait indigne de remarque que, pour la première fois peut-être, la génération nouvelle, qui jusqu’ici n’a guère eu accès auprès du prince, dont la voix n’arrive directement au chef suprême de l’État ni dans les Conseils, ni par la tribune, ni par la chaire, ait comparu devant lui, simple et sérieuse, dans la personne d’un de ses représentants. […] Le poète aurait pu dire encore qu’il avait, fort jeune, et en plus d’une circonstance mémorable, donné à la monarchie et au prince d’humbles gages qu’il ne séparait point, dans sa pensée, des autres gages qu’on devait donner aussi aux libertés et aux institutions du pays ; il aurait pu (et le roi l’eût cru sans peine) protester de son aversion contre toute malice détournée, de sa sincérité d’artiste, de sa bonne foi impartiale à l’égard des personnages que lui livrait l’histoire ; et, alors, la conversation tombant sur le caractère de Louis XIII, et sur le plus ou moins de danger ou de convenance qu’il y aurait à le laisser paraître dans la pièce en litige, le poëte eût pu expliquer à loisir à l’auguste Bourbon que le drame n’ajoutait rien là-dessus, retranchait bien plutôt à ce qu’autorisait la franchise sévère de l’histoire, et que l’image de temps si éloignés et si différents des nôtres ne pouvait le moins du monde paraître une indirecte contrefaçon du présent.

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