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666. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Il y a ajouté à titre de principe régulateur une distinction entre les plaisirs supérieurs et les plaisirs inférieurs : en d’autres termes, il faut distinguer dans les plaisirs non-seulement leur quantité, mais leur qualité. […] « Si des personnes en état de juger avec compétence entre deux plaisirs donnés placent l’un tellement au-dessus de l’autre, qu’elles le lui préfèrent tout en le sachant accompagné d’une plus grande somme de mécontentement, nous sommes en droit d’attribuer à la jouissance préférée une supériorité de qualité qui l’emporte sur la quantité116. » Le critérium proposé par Stuart Mill est vague et ce reproche lui a été fait même dans l’école dont nous nous occupons117.

667. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Il en avait depuis des années, mais en écolier toujours et sous le bon plaisir du cardinal ; il lui en fallait une qui fût réellement maîtresse et qui le mît hors de page. […] Son idéal eût été, en arrivant à la Cour, de le charmer, de l’amuser par mille divertissements empruntés aux arts ou même aux choses de l’esprit, de le rendre heureux et constant dans un cercle d’enchantements variés et de plaisirs. […] Elle devint donc telle à peu près qu’il lui fallait être38 ; elle força sa nature, plus faite pour le gouvernement des petits cabinets et des menus plaisirs. […] Il y eut donc, dans la carrière et le crédit de Mme de Pompadour, deux époques distinctes : la première, la plus brillante et la plus favorisée, fut au lendemain de la paix d’Aix-la-Chapelle (1748) : là elle était complètement dans son rôle d’amante jeune, éprise de la paix, des arts, des plaisirs de l’esprit, conseillant et protégeant toutes les choses heureuses.

668. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Ses vains efforts pour le susciter et l’assouvir font qu’il néglige les sentiments et les plaisirs où sa sensibilité eût trouvé à se satisfaire. […] Le milieu social, la profession et la caste sont pour nombre d’entre eux des motifs suffisants de s’attribuer des sentiments et des opinions, jusqu’à des raisons de s’affecter et de se réjouir, des plaisirs et des peines. […] Que l’on suppose Mme Bovary transportée en réalité dans le milieu qu’on lui voit rêver, qu’au lieu d’être la fille du père Rouault, le fermier des Aubrays, elle soit issue de parents aristocrates et millionnaires, qu’au lieu d’être l’épouse d’un officier de santé dans un petit village normand, elle soit la femme d’un grand seigneur, et vive dans une atmosphère de fêtes, de luxe et de galanterie et la voici, toujours la même prenant en aversion ces réalités voisines, méprisant ces joies, artificielles, dont la vanité fait le fond, ces passions libertines, auxquelles le cœur n’a point de part, harassée de ces plaisirs forcés et de la contrainte d’un perpétuel apparat, rêvant de quelque vie cachée au fond d’une province, et des joies simples d’une intimité heureuse. […] Dénués de tout goût particulier assez fort pour courber dans un sens unique l’énergie de leur attention, pour, les absorber et les satisfaire par la perpétuité d’un plaisir toujours renaissant, ils cèdent à la fascination de l’idée qui dresse autour d’eux ses sommets et les sollicite avec une égale insistance sous toutes ses faces.

669. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Il a bien ses flatteurs, comme les autres, et il écoute avec plaisir les louanges ; mais il aime peut-être encore mieux la satire. […] Le cabinet, les conseils, les audiences, les devoirs de toute sorte, les soucis, les affaires, les plaisirs qui sont des affaires, suffisent et au-delà pour absorber tous ses instants. […] Elle a ses soucis, ses fatigues, ses bruyants et âcres plaisirs, qui affadissent les joies austères de la pensée ; elle a enfin contre elle le fléau commun de toutes les puissances, les flatteurs. […] Il écrirait avec passion, on le lirait avec plaisir.

670. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée. […] Richesse et considération entrent évidemment pour beaucoup dans la satisfaction qu’il ressent, mais elles lui apportent des plaisirs plutôt que de la joie, et ce qu’il goûte de joie vraie est le sentiment d’avoir monté une entreprise qui marche, d’avoir appelé quelque chose à la vie. […] Vue du dehors, la nature apparaît comme une immense efflorescence d’imprévisible nouveauté ; la force qui l’anime semble créer avec amour, pour rien, pour le plaisir, la variété sans fin des espèces végétales et animales ; à chacune elle confère la valeur absolue d’une grande œuvre d’art ; on dirait qu’elle s’attache à la première venue autant qu’aux autres, autant qu’à l’homme.

671. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Je ne suis moi, qu’un Genevois, et l’harmonie, la noblesse, la propriété ornée, la riche simplicité des grands maîtres de la langue, pour autant que je sais l’apprécier, me transporte de respect, d’admiration et de plaisir. […] Aussi trouvé-je toujours du plaisir à m’entretenir avec eux des choses qui sont à leur portée. » De cette observation attentive du langage campagnard et paysanesque, combinée avec beaucoup de lecture, de littérature tant ancienne que moderne, tant française que grecque76, est résulté chez Töpffer ce style composite et individuel que nous goûtons sans nous en dissimuler les imperfections et les aspérités, mais qui plaît par cela même qu’il est naturel en lui et plein de saveur. […] Après s’en être pénétré et en s’engageant sur les pas de l’excellent initiateur dans ces expéditions de fatigue et de plaisir, plus d’un visiteur des hautes cimes, au tournant d’un roc, au reflet d’un glacier, à l’humble vue d’une clôture, se surprendra à dire comme pour un compagnon absent et pour un ami qui nous a devancés : « Töpffer, où êtes-vous ? 

672. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Pour moi, qui n’ai pas même l’honneur de comprendre et de lire dans leur langue les mémoires de haute science où il s’est montré inventeur, ces considérations sur les profondes et fines parties de l’optique et du magnétisme où il a gravé son nom ; qui n’ai eu que le plaisir de l’entendre quelquefois, soit dans ses cours à l’usage des profanes, soit dans les séances publiques de l’Académie, je ne puis ici que m’approcher respectueusement de lui par un aspect ouvert à tous ; je ne puis que l’aborder, si ce n’est point abuser du mot, par son côté littéraire. […] Quand on vieillit, sur quel âge de la vie peut-on se reporter avec plaisir, sinon sur sa jeunesse ? […] Ici se termine à peu près le récit d’Arago ; les dix ou douze pages qui suivent sont peu intéressantes ; il s’y donne le plaisir trop facile de lancer un dernier trait contre quelque uns de ses confrères encore vivants.

673. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

À Lucerne, le général de Pfyffer, à qui l’on doit un magnifique Relief de la Suisse, l’avait honoré de ses conseils, et, connaissant sa manière de voyager, ne l’avait pas jugé indigne d’affronter les hautes Alpes : il lui traça un itinéraire que le jeune homme prit plaisir à suivre et dont le pays de Hasly était la première station. […] À leur sommet on respire si librement, la circulation est si facile, tous les organes transmettent si vivement à l’âme les impressions des sens, que tout est plaisir, que le travail le plus opiniâtre devient facile, et qu’on supporte les incommodités du corps avec courage et même avec gaieté. […] » Il eut presque autant de plaisir à voir à Zurich le vieux Bodmer, « le Nestor de la Suisse et le patriarche de la littérature allemande, qui avait conservé le feu, la gaieté de la jeunesse, et qui jouissait à la fois de sa gloire et de ses vertus ».

674. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Après Paris, où plaisirs et peines au moins se rencontrent, terre et ciel, le reste est vide. […] Je ne sais, mais n’ayant plus le plaisir de lui faire plaisir, ce que je vois n’offre pas l’intérêt que j’y trouvais jadis.

675. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

La religion romancée de Mme de Genlis révoltait la religion positive et vraie de Mme de Créqui ; ses jugements littéraires, dictés par la prévention et arrangés selon le thème du moment, étonnaient le goût ferme et sain de la marquise, et ce système d’éducation tout échelonné en jeux et en plaisirs n’offensait pas moins sa solidité. […] Quant à l’effet moral que lui fait le manège de l’homme vu de près et son inquiétude de succès, il faut l’entendre elle-même : J’ai vu la correspondance de Voltaire (dans l’édition de Kehl, qui paraissait alors), et comme je lis moralistement, elle me fait beaucoup de plaisir. […] On a, en les lisant ou en les écoutant (quand on a eu le plaisir d’en rencontrer quelqu’une de pareille), l’impression qu’on est au bout du monde et que la création est épuisée.

676. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il avait coutume de dire que les deux plus grands plaisirs qu’il eût jamais eus, ç’avait été de remporter un prix en rhétorique et de gagner une bataille, ce qui ferait supposer qu’il avait fait de bonnes et même de brillantes études. […] Son gouvernement de Fribourg lui donne occasion d’aller visiter les entrées des montagnes Noires : « Il ne les trouva pas d’un accès si difficile que l’on le publiait, et dès ce temps-là il prit des connaissances qui lui furent utiles dans la suite. » Le roi lui demande même des mémoires sur les projets de guerre qu’on peut former : Villars les lui remet en audience particulière ; le roi les lit et l’assure que c’est avec plaisir, et qu’il en comprend les conséquences et l’utilité : mais comme celui qui pensait n’était pas à portée d’être chargé de l’exécution, qu’il y avait trois maréchaux de France destinés au commandement de l’armée d’Allemagne, et que, d’ailleurs, le ministre de la guerre (c’était alors Barbesieux) était ennemi déclaré du marquis de Villars, ses idées ne furent point suivies. […] [NdA] On apprendra avec plaisir qu’une nouvelle édition des Mémoires de Villars est en préparation et doit être assez prochainement donnée par un homme de mérite, M. 

677. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Vauvenargues nous a offert par lui-même, et dans la personne de son ami Hippolyte de Seytres, l’idéal d’un jeune militaire dévoué à son roi, à sa patrie, à ses devoirs, amoureux de la gloire dans l’âge des plaisirs, et sachant associer au culte moderne de l’honneur quelque chose de la vertu telle que l’entendaient les Anciens. […] Les plaisirs n’étouffent point vos sentiments ; vous n’oubliez ni vos pertes, ni vos regrets, ni vos devoirs, et le tumulte de la Cour et de Paris ne prend rien sur vos réflexions. […] Je n’ai pas envie d’y revenir : on ne repasse pas deux fois à plaisir sur ces tristes tableaux.

678. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

L’auteur avait d’abord écrit ainsi cette phrase : « Les rois de France, Sire, ont toujours regardé l’amour des Français comme d’un prix égal à leurs plus grands bienfaits. » Cette Dédicace, avant d’être imprimée, fut soumise à Louis XVIII qui la lut et qui se donna le plaisir de faire remarquer que le mot de bienfaits, trop rapproché, rimait avec Français, et que de plus ce membre de phrase : comme d’un prix égal à leurs plus grands bienfaits, faisait un vers alexandrin dans une phrase de prose, ce qui est réputé un défaut. […] j’aurais tant de plaisir à lire !  […] Esprit amer et coquet qui distillait douloureusement des vers érotiques ; qui, en politique, passait aisément à l’extrême ; qui combinait les lascivetés de boudoir avec la haine des rois, et insinuait à plaisir un coin de priapée dans le républicanisme, il n’était pas fait pour comprendre le sentiment libéral, sincère et modéré, le sentiment religieux, également sincère et philosophique, le talent simple, élevé, et toute l’âme morale de celui qu’il croyait avoir suffisamment accablé en l’appelant un doctrinaire, et en faisant une pointe digne de Brunnet sur son nom.

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