Si, comme Burke l’a soutenu, « notre ignorance des choses de la nature était la cause principale de l’admiration qu’elles nous inspirent, si cette ignorance devenait pour nous la source du sentiment du sublime », on pourrait se demander si les sciences modernes, en déchirant le voile qui nous dérobait les forces et les agents des phénomènes physiques, en nous montrant partout une régularité assujettie à des lois mathématiques, et par conséquent sans mystère, ont avancé la contemplation de l’univers et servi l’esthétique, en même temps qu’elles ont servi la connaissance de la vérité. […] L’homme, en effet, n’est pas pour moi un composé de deux substances, c’est une unité, une individualité résultante, un grand phénomène persistant, une pensée prolongée.
Mais ce n’est pas assez de constater les rapports du milieu physique et de la littérature qui peuvent être considérés comme de simples indices des goûts d’une époque ; il faut pousser plus avant et tâcher de mettre en lumière les phénomènes physiques qui peuvent être regardés comme des causes véritables de phénomènes littéraires.
Que l’amour, plus fort que la mort, soit aussi plus fort que le mépris, ce phénomène humiliant est prouvé par d’innombrables exemples. […] Ce phénomène est dans la nature ; on le comprend en le condamnant.
« Je souffre, disait-il, toutes les fois que je-suis obligé de traduire en paroles des phénomènes intérieurs ; les expressions de la langue suggèrent à l’esprit des images qui ressemblent si peu aux phénomènes que sent la conscience, que de telles descriptions font toujours pitié à ceux qui les donnent61. » Les grands romanciers donnent des descriptions aussi difficiles que celles des psychologues, et néanmoins très-claires ; c’est qu’ils les composent de petits faits62.
Elle vient d’un fait général semblable aux autres, loi génératrice d’où les autres se déduisent, de même que de la loi de l’attraction dérivent tous les phénomènes de la pesanteur, de même que de la loi des ondulations dérivent tous les phénomènes de la lumière, de même que de l’existence du type dérivent toutes les fonctions de l’animal, de même que de la faculté maîtresse d’un peuple dérivent toutes les parties de ses institutions et tous les événements de son histoire.
Lirlie, outre son phénomène de nationalisation, offre un fait récent de soudure de l’article (les exemples anciens sont assez nombreux, lierre, luette, loriot), la forme première ayant certainement été irlie.
Montreur d’objet rare, sorte de prince-époux qui accompagne un phénomène, on est toujours tenté de placer dans sa bouche le drôlatique et peu respectueux jeu de mots dont notre moquerie française — « tendait à ridiculiser l’attitude du prince Albert, au temps du Second Empire : — “Je suis les talons de la Reine !” […] Chez d’autres, il apparaît comme un phénomène plus complexe, qui se rattache à l’instinct d’imitation sommeillant chez tout être, en vertu duquel chacun de nous tend à répéter les gestes qu’il voit accomplir autour de lui. […] La Femme venant s’offrir au jugement public une plume à la main, c’était un peu, comme de nos jours, celle qui, vêtue de la toge, erre à travers les corridors du Palais ; on braque les yeux sur le phénomène, pour voir si tant de plis superposés sont agréables au regard. […] Pourtant ce qui parut le moins acceptable, ce fut que, sur le marché littéraire, la femme pût devenir la concurrente de l’homme, et cette hypothèse sembla plausible, dès l’instant que la femme-auteur ne se manifesta plus comme un fait isolé, mais comme un phénomène collectif. […] » Songez que le maître de Franckfort notait ses aphorismes au temps où la femme-auteur se manifestait comme le phénomène le plus rare et le plus isolé, vingt années avant que son disciple Nietzsche, qui partageait ses sentiments, flétrît en George Sand « l’ambition populacière qui aspire aux sentiments généreux ».
C’est ce phénomène si mystérieux que l’on nomme mouiller. […] Un phénomène comparable et je dirai un phénomène du même ordre se produit dans l’administration de la grâce. […] Il y a des phénomènes spirituels qui se conduisent selon la physique du poids et il y a des phénomènes spirituels qui se conduisent selon la physique de la mouillature. […] Et le relâchement de la règle et la dissolution des mœurs est un phénomène du raidissement. Et la liquéfaction du monde moderne est un phénomène du raidissement.
Phénomène inquiétant !
A ces phénomènes, il a donné une figure allemande, en prenant le contre-pied de la doctrine allemande de Metternich (réaction autrichienne) et du suisse Haller (réaction prussienne).
Avant-Propos Dans un précédent volume, portant le même titre que celui-ci, j’ai étudié les philosophes politiques qui, de 1800 à 1840 environ, ont analysé l’âme de ce pays et ont essayé de se rendre compte de ses tendances ; qui, frappés du développement de l’Individualisme sous ses deux formes parallèles et contradictoires, à savoir libéralisme et démocratisme, ont, tous, chacun avec sa conception particulière et sa méthode propre, essayé, soit de lutter contre l’une et l’autre de ces deux formes du même sentiment (De Maistre et De Bonald), soit de s’appuyer sur l’instinct de liberté pour réprimer ou endiguer l’instinct démocratique (Staël, Constant, Royer-Collard, Guizot). J’ai indiqué pourquoi et comment ils avaient échoué les uns et les autres dans leurs tentatives, et ce qui est resté, toutefois, et d’intéressant et de profitable, de leurs travaux et de leur effort. Je groupe dans le volume actuel les esprits beaucoup plus hardis, beaucoup plus généreux, beaucoup plus chimériques peut-être, les uns du reste plus grands, les autres plus petits que les précédents, qui, plus détachés de l’esprit du xviiie siècle, auquel tous ceux que je nommais tout à l’heure, si anti-voltairiens qu’ils fussent, étaient cependant attachés encore ; allant aussi beaucoup plus au fond des choses ; comprenant le problème beaucoup mieux dans toute son étendue, ou le sentant beaucoup plus dans toute sa gravité ; ont eu cette idée que l’expansion de l’individualisme avait pour cause la disparition du pouvoir spirituel, qu’un pouvoir spirituel est nécessaire aux hommes, et qu’il fallait soit en restaurer un, soit en créer un nouveau. Et ceux qui ont cru qu’il fallait en créer un nouveau sont, de toute évidence, absolument différents des penseurs que j’ai étudiés dans le premier volume de ces Etudes. Mais ceux qui ont cru seulement qu’il fallait en restaurer un, ne se rapprochent-ils point des de Bonald et des de Maistre ?
Du poète lui-même pris en soi et de l’état poétique ; ou, en d’autres termes, du phénomène que l’on appelle inspiration et que l’on attribue à « un génie qui souffle du dehors » ? […] C’est bien, sans doute, à quelques lueurs sur ce phénomène que nous voudrions parvenir, mais, présentement, nous ne soumettons pas à notre analyse une matière aussi difficilement saisissable. […] Mais quand donc mes critiques comprendront-ils que dans le moment de la transmission poétique et artistique, quelle que soit la rapidité avec laquelle une nature cultivée et entraînée peut enregistrer tous les composés du phénomène, presque rien ne compte des minutieuses ou des belles raisons des choses déduites après coup ? […] l’art, écrit-il, est un phénomène « collectif », l’établissement d’états de conscience communs chez un certain nombre d’« individus » qui se « ressemblent » ou se « succèdent » autour d’une œuvre. les arts dynamiques sont caractérisés parce que l’élément « temps » intervient dans le plan…etc : je suis bien au regret d’avoir dû tailler et couper à travers la magnifique dissertation de M. […] (Louis de Launay.) pour le moment, malgré la belle pierre de taille dont il grandit l’observatoire, il reconnaît l’existence d’un domaine psychique où sont possibles des transformations essentiellement inaccessibles aux méthodes de la science…, le sanctuaire où il n’est permis d’accéder qu’en suivant le dédales de l’introspection, où la logique déductive doit s’incliner devant les grandes révélations de cette « vue directe de la vérité », de cette « expérience supra-sensible », de cette « lumière naturelle » qu’on appelle aujourd’hui l’« intuition. » mais il ajoute : à cela près, — qui n’est pas une fissure-notre synthèse, basée sur des « faits scientifiques » et non des conceptions, « à priori », paraît douée d’un pouvoir explicatif s’étendant à l’intégralité des forces et des phénomènes de la nature, sans en excepter les faits du domaine de la psychologie, notre point de départ ayant été la recherche algébrique d’un « théorème d’unification ».
Aubryet est un phénomène littéraire. […] C’est toujours triste, ajoute-t-il, d’être un phénomène.