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258. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Qu’ils fassent consister le progrès dans le passage des sociétés de type militaire aux sociétés de type industriel, — ou des sociétés fondées sur la solidarité mécanique aux sociétés fondées sur la solidarité organique, — ou des sociétés dominées par la coutume aux sociétés dominées par la mode6 — les différents systèmes sociologiques ont exprimé ce même fait chacun à leur façon : la différence même de leurs principes ou de leurs méthodes rend d’autant plus vraisemblable la réalité du phénomène qu’ils s’accordent à constater. […] Mais n’est-il pas d’autres phénomènes sociaux, singulièrement plus vivants que les classes, et reposant, non plus sur quelques conventions d’ailleurs ébranlées, mais sur tout un système d’institutions solidement assises, orientées dans un même sens, et qui iraient directement, à l’encontre de l’une au moins des idées que nous avons, définies ? […] On s’aperçoit qu’aucune prétendue « loi d’évolution » ne force les sociétés à repasser sur leurs anciennes empreintes19, et que, suivant toutes les « lois de causation », il faut au contraire, pour qu’un phénomène social ressuscite, que le mouvement de l’histoire ait préalablement ramené la combinaison de conditions propre à le susciter.

259. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Et c’est pourquoi le vocabulaire et le style de Durtal ont pu rester aussi concrets, aussi brutaux dans l’expression des phénomènes de la vie mystique que jadis dans la peinture de la vie immonde. […] Quoique ces deux classes se touchent souvent et se mêlent (et cette rencontre même est un phénomène social que l’auteur du Prince d’Aurec a étudié d’un effort très sérieux), elles lui inspirent des sentiments bien différents. […] C’est qu’il est très complexe dans sa transparence… On rencontre, en littérature, de beaux monstres, des phénomènes, assez faciles à décrire grâce à l’évidence de leur faculté maîtresse et de leurs partis pris. […] Il est vrai qu’alors ce ne serait plus proprement le miracle… Ou bien n’y a-t-il point des phénomènes qui, tout en restant « naturels », — tels que l’hallucination de Jeanne d’Arc ou de Bernadette, — ne s’expliquent pourtant que par quelque chose d’inexplicable, par une force divine cachée dans une âme ?

260. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Lorsque les hommes ignorent les causes naturelles des phénomènes, et qu’ils ne peuvent les expliquer par des analogies, ils leur attribuent leur propre nature ; par exemple, le vulgaire dit que l’aimant aime le fer. […] La physique des ignorants est une métaphysique vulgaire, dans laquelle ils rapportent les causes des phénomènes qu’ils ignorent à la volonté de Dieu, sans considérer les moyens qu’emploie cette volonté. […] Dès que notre intelligence est éveillée par l’admiration, quel que soit l’effet extraordinaire que nous observions, comète, parélie, ou toute autre chose, la curiosité, fille de l’ignorance et mère de la science, nous porte à demander : Que signifie ce phénomène ? […] Cette origine des sociétés sera prouvée par le fait ; mais quand elle ne serait qu’une hypothèse, elle est si simple et si naturelle, tant de phénomènes politiques s’y rapportent d’eux-mêmes, comme à leur cause, qu’il faudrait encore l’admettre comme vraie.

261. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Il s’agit donc de découvrir, dans les limites de l’époque qu’on a choisie pour champ d’études, les phénomènes généraux qu’il faut rapporter soit à l’hérédité, soit aux circonstances nouvelles qui ont pu modifier l’organisation primitive des hommes durant cet espace de temps. […] Perversion des sens, recherche de l’horrible, propension à se délecter dans les corruptions et les déliquescences de la langue et des mœurs, tout cela relève en une certaine mesure de la pathologie, et les médecins-philosophes ont dans ces phénomènes morbides un sujet de curieuses études.

262. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

On comprend en effet que les phénomènes sociaux doivent varier, non pas seulement suivant la nature des éléments composants, mais suivant leur mode de composition ; ils doivent surtout être très différents suivant que chacun des groupes partiels garde sa vie locale ou qu’ils sont tous entraînés dans la vie générale, c’est-à-dire suivant qu’ils sont plus ou moins étroitement concentrés. […] L’état économique, technologique, etc., présente des phénomènes trop instables et trop complexes pour fournir la base d’une classification.

263. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale Parmi les phénomènes que présente l’état actuel des choses, il en est qui frappent plus que d’autres, selon la disposition différente des esprits différents, Celui sur lequel je désire arrêter en ce moment l’attention, parce que je le crois de la plus grande importance, c’est le discrédit de la parole et la confusion du langage. […] Un phénomène si nouveau dans l’histoire des langues sera expliqué plus tard.

264. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

un véritable phénomène ; Swedenborg ! […] Chose naturelle, du reste, qu’il en soit ainsi, car c’est une même loi qui gouverne tous les phénomènes.

265. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

L’Académie, en proie au triste phénomène du ratatinage, l’Académie, qui a cru un jour que le petit Paradol pourrait remplacer avantageusement son vieux Villemain, a peut-être cru aussi que M.  […] Et comme il est arrivé, ce phénomène renversant, en pleine corruption romaine, et qu’il fait des martyrs et des saints de ces abominables corrompus, pour nous assourdir à ce coup de tonnerre, pour ne pas voir l’éclat de cette foudre, on a dit — des gens d’esprit comme M. 

266. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Dieu est donc le père du mouvement, soit que nous considérions le mouvement à la surface de notre terre et dans les phénomènes les plus habituels, soit qu’élevant nos yeux nous le contemplions dans l’infinité de l’étendue et dans l’harmonie des sphères. […] Mais s’il y a quelque confusion dans ces opinions de Platon, un axiome sur lequel il ne varie pas plus que sur l’origine du mouvement, c’est qu’il n’y a point de hasard dans la nature, et que le mouvement, qui en est le phénomène principal, y a ses lois comme tout le reste. […] La seule différence qu’il y ait entre eux et lui, c’est qu’il fait les premiers pas dans la carrière, sans pouvoir s’appuyer sur les mathématiques, qui sont encore dans l’enfance, tandis que Descartes et Newton, placés bien plus avant sur le chemin, ont à leur disposition des mathématiques toutes-puissantes, avec des observations presque innombrables de phénomènes, et des expériences de tout genre. […] Il est bien clair que le phénomène a précédé la notion, et si le philosophe n’avait mille fois senti le mouvement dans le monde extérieur, il est à croire qu’il n’aurait jamais songé à l’analyse d’une notion qu’il n’eût point possédée. […] Ses abstractions, loin d’être vaines, comme on le croit vulgairement, sont la forme vraie sous laquelle la raison se comprend elle-même ; et, à moins qu’elle ne veuille se contenter d’une simple collection de phénomènes inintelligibles, il faut bien quelle remonte à des causes et à des lois, avec l’aide des principes essentiels qu’elle porte dans son sein et qui la font ce qu’elle est.

267. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Notre idée des lois de la nature, laquelle a renversé à jamais l’ancienne conception du monde anthropomorphique, est le grand résultat des sciences physiques, non pas de telle ou telle expérience, mais d’un mode d’induction très général, résultant de la physionomie générale des phénomènes. […] Le physicien comprend la nature, non pas sans doute dans tous ses phénomènes, mais enfin dans ses lois générales, dans sa physionomie vraie. […] Là est le point de conciliation des opinions en apparence contradictoires, mais qui ne sont que partielles en leur expression, selon qu’elles s’attachent à une face du phénomène plutôt qu’à l’autre. […] C’est sa vie que nous voulons savoir ; or, la vie, c’est le corps et l’âme, non pas posés vis-à-vis l’un de l’autre comme deux horloges qui battent ensemble, non pas soudés comme deux métaux différents, mais unifiés dans un grand phénomène à deux faces, qu’on ne peut scinder sans le détruire. […] L’Inde présente l’étonnant phénomène de la plus riche mythologie à côté d’un développement métaphysique bien supérieur à celui de la Grèce, peut-être même à celui de l’Allemagne.

268. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

On peut retracer à peu près ainsi la marche de leur pensée : ils ont estimé que le point de vue scientifique consiste à considérer tous les phénomènes psychologiques et spirituels comme des phénomènes naturels, c’est-à-dire conditionnés. […] Le progrès de la Science réside dans la conformité de notre pensée aux conditions constantes des phénomènes passagers. […] Peut-être cette timidité devant l’interprétation des phénomènes qu’il excelle à diagnostiquer procède-t-elle d’un scrupule tout scientifique. […] Dans cette théorie, en effet, l’individu est considéré comme un phénomène premier, tandis que, dans la réalité, il est un phénomène conditionné. […] C’est là un phénomène moral qui semble très nouveau.

269. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Quand ces nations viennent à se rasseoir sur les débris du monde antique, un autre phénomène arrête l’historien : tout paraît subitement réglé, tout prend une face uniforme ; des monarchies partout ; à peine de petites républiques qui se changent elles-mêmes en principautés, ou qui sont absorbées par les royaumes voisins.

270. (1891) Esquisses contemporaines

Derrière les faits et les phénomènes que lui transmet la science, Le poète sent agir une puissance infinie. […] Quoiqu’il lui soit doux d’être aimé et qu’il ne connaisse rien d’aussi doux, là encore il lui semble être l’occasion du phénomène plutôt que le but. […] Paul Bourget est de ce phénomène un exemple frappant. […] La conscience et le péché, pour lui, sont deux phénomènes moraux inséparables. […] Aucune synthèse ne saurait s’appuyer sur l’exclusive observation des phénomènes.

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