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344. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Tant mieux si ce reste de santé permet que le patient continue d’aller et de venir, et de faire figure d’homme. […] C’est aussi celui qui permet le mieux de saisir la nouveauté du genre repris ou mieux créé par l’auteur. […] Un des conseillers s’était permis d’appeler Bouilhet un élève souvent heureux d’Alfred de Musset. […] Celles-ci suffisent pour nous permettre de conclure qu’au regard de M.  […] L’autre homme, à qui je permets l’accès de la philosophie, ne sait pas que ce public existe.

345. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Dans la Notice qu’il publie37, il est arrivé, à force de recherches, à quelques résultats nouveaux sur la vie et sur les écrits de cet ami de Montaigne : il a trouvé surtout, à la Bibliothèque impériale, un manuscrit du traité de La Servitude volontaire, provenant de Henri de Mesmes, manuscrit meilleur et plus correct que les imprimés, et qui lui a permis de donner de ce traité une édition qu’on peut dire définitive. […] Il est permis de penser que plus tard leur liaison, en se formant toujours, n’eût point eu cet ardent et absolu caractère ; on ne se fond ainsi sous la même écorce que dans la jeunesse. […] Ici, c’est le contraire ; c’est sur le déclin, c’est quand les orages de la jeunesse ne nous troublent plus et sont déjà loin, que ces attachements sensibles et permis ont plus de chance pour prendre sans péril et pour durer. […] Vis-à-vis de l’homme qu’on chérit le plus, on ne renonce jamais à sa volonté : vis-à-vis d’une femme, il est souvent permis, il est souvent si doux de n’en point avoir !

346. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Duclos se dit qu’il pouvait se permettre d’en user de même avec l’abbé Le Grand, en appliquant le genre philosophique à l’histoire. […] Les réflexions sur l’état misérable de la France, sur le pillage, l’indiscipline et les désordres de tout genre qui désolaient les provinces sous le règne de Charles VII, sont résumées chez Duclos aux mêmes endroits du récit, et presque dans les mêmes termes que l’a fait l’abbé Le Grand : seulement Duclos ramasse les traits avec plus de concision et d’un ton d’autorité que le digne annaliste ne se permet pas. […] Il y a une autre scène où Duclos prend avec Saint-Simon des libertés de forme et se permet des variantes de ton qui ne sont pas d’un narrateur assez scrupuleux. […] Ce qu’on vient de voir permet de conjecturer que, Saint-Simon lui manquant, Duclos a profité, dans la même mesure, des autres secours manuscrits qu’il aura trouvés pour la suite de sa narration.

347. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Nous nous sommes battus pour sauver le convoi chargé de subsistances pour la République, et nous l’avons sauvé ; il est mouillé en dehors de la rade de Brest, composé de cent seize navires chargés à couler bas ; il a passé à vingt-cinq lieues de nous, le jour même où nous nous battions, et c’est la précaution que nous avons eue d’attirer l’ennemi loin de la route qu’il devait suivre, qui lui a permis de la parcourir en sûreté. […] Le ton du récit est naturel et conforme aux divers moments de la situation ; le narrateur, comme ne prévoyant pas l’avenir, se permet d’abord une sorte d’enjouement au début, à la sortie de Smyrne : « Il était cinq heures du soir, le 25 fructidor (11 septembre 1798), lorsque nous montâmes à cheval. […] Nous traversâmes toute la ville de Smyrne au milieu d’une foule immense de peuple, qui ne se permit aucune espèce d’injures ni d’apostrophes contre nous. […] Le fanatisme le plus hostile et le plus stupide trouvait moyen de se diversifier encore à ses yeux et de lui permettre d’y mesurer des degrés : « Nous nous trouvions transplantés dans un pays barbare ; et par la bizarrerie de notre destinée, ce pays, habité par deux espèces d’hommes animés les uns contre les autres d’une haine mortelle, ne nous offrait dans tous que des ennemis également furieux contre nous.

348. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Vous en prêterez le serment quand le bien de mes affaires vous permettra de vous rendre auprès de moi. ». […] Depuis que le roi appelait Catinat son cousin, Croisilles ne se permettait plus de tutoyer son illustre frère. […] L’exposé de cette campagne de 1693 et de tout ce qui s’y mêla d’accessoire ou d’essentiel sous-main dépasserait ce que nous pouvons nous permettre ici. […] Quand le roi est mécontent de Gênes ou d’Alger et qu’il abîme leur ville pour les punir de leur mauvaise conduite, c’est une dépense et une vengeance de grand seigneur qui peut convenir au roi à l’égard de ses inférieurs ; mais que M. de Savoie prenne avec le roi, pour une ville qu’il ne peut pas assiéger, les mêmes airs que le roi prend avec une république, c’est ce que Son Altesse doit croire que Sa Majesté ne lui pardonnera peut-être jamais… » En même temps le duc, pour mieux en venir à ses fins, faisait demander à Tessé de prier Catinat « de sauver son honneur en s’avançant dans la vallée de Suse, de façon à lui permettre de partir honorablement de devant Pignerol sous prétexte de le combattre. ».

349. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Xavier de Maistre ; son frère, dans sa manière supérieure, s’en permet souvent, et laisse sentir la recherche. […] Dans cette postérité, plus ou moins directe, je me permets à quelques égards de ranger, et je distingue la trop sensible Ourika, chez qui la lèpre n’est du moins que dans cette couleur fatale d’où naissent ses malheurs. […] Son ami, le comte de Marcellus, doit être mis en possession des manuscrits qui permettront de faire un travail définitif sur cet homme sensible et ce talent aimable. […] En face d’un tel athlète quelque crainte était bien permise sans trop de déshonneur.

350. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Nous distinguons tout d’abord une souche solide et sérieuse, mais qui permet à la variété de s’y greffer et presque d’y fleurir. […] On conçoit que des considérations personnelles, des ménagements dus à des souvenirs si saignants, aient imposé quelques réticences ; mais les années, en avançant, permettent beaucoup12. […] En un mot, s’il m’est permis de reprendre une image déjà employée, une fois entré en lice avec le roman historique, et le tournoi ouvert aux yeux des juges, il fallait tenir la gageure et ne pas recourir aux armes défendues. […] Après le succès éclatant de son histoire, M. de Barante dut concevoir quelques autres projets que son talent vif et facile lui eût permis sans doute de mener à fin ; la révolution de Juillet est venue les interrompre, en le jetant encore une fois dans la vie politique active.

351. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Les hommes tout à fait médiocres de cœur et d’esprit y sont, je crois, l’exception ; et les moins doués ont encore un orgueil du sang, un sentiment de la tradition, qui leur permettent de garder quelque tenue. […] En somme, s’il est vrai, comme je le pense, que la vie la plus digne d’être vécue est celle qui nous permet de connaître l’humanité à tous ses étages, sous tous ses aspects, par tous ses côtés pittoresques et dans tous ses recoins moraux, le mieux est d’être né du peuple, et du plus petit. […] Tout ce qu’il est permis de dire, c’est d’abord que certaines parties de l’Histoire des princes de Condé ont forcément plus d’intérêt pour l’auteur que pour nous. […] Je ne puis avoir que des impressions dont je vous permets de ne pas tenir compte, car elles ne sont pas d’un grand homme de guerre ni même d’un curieux suffisamment renseigné.

352. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

On voit, d’ailleurs, que cette définition ne s’applique pas seulement à l’espace, que dans tout ce qui tombe sous nos sens, nous retrouvons les caractères du continu physique, ce qui permettrait la même classification ; il serait aisé d’y trouver des exemples de continus de quatre, de cinq dimensions, au sens de la définition précédente ; ces exemples se présentent d’eux-mêmes à l’esprit. […] Mais, étant donné un objet, on peut concevoir plusieurs séries différentes de mouvements qui permettraient également de l’atteindre. Si alors nous nous représentons un point, en nous représentant la série des sensations musculaires qui accompagneraient les mouvements qui permettraient d’atteindre ce point, on aura plusieurs manières entièrement différentes de se représenter un même point. […] Et pourtant le plus souvent on dit que l’œil nous donne le sentiment d’une troisième dimension, et nous permet dans une certaine mesure de reconnaître la distance des objets.

353. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Il n’y a pas moyen d’échapper à ce dilemme ; ou bien la science ne permet pas de prévoir, et alors elle est sans valeur comme règle d’action ; ou bien elle permet de prévoir d’une façon plus ou moins imparfaite, et alors elle n’est pas sans valeur comme moyen de connaissance. […] Qu’on me permette de citer deux exemples qui nous éclaireront peut-être un peu. […] Mais nous avons des règles fixes qui nous permettent de traduire les énoncés français en allemand, et inversement.

354. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Si l’on est le produit de son époque, — et cela n’est vrai que dans une certaine mesure, — l’on reçoit avec l’intelligence des virtualités de sentir et de mûrir qui ne permettent que relativement de s’identifier avec ce que, dans l’atmosphère ambiante, intellectuelle et morale, il y a de formes éparses constitutives. […] Il a pu nourrir des enthousiasmes à ses débuts, mais comme chacun en éprouve au pressentiment de choses neuves, sans qu’une sécurité réelle du cœur lui ait cependant jamais permis de s’en griser. […] France doit de nous avoir charmés, nous est-il permis de rechercher en quelque sorte la nature du secours qu’en reçoit son intellectualisme même, c’est-à-dire cette pensée dont l’audace nous déconcerte, en lui, en proportion du petit effort qu’il semble faire pour l’habiller irréprochablement. […] France, nous avons pu penser qu’il s’est façonné au moule de ses vanités intimes, bien mieux qu’il n’a su s’harmoniser avec les formes de sa raison, ce n’aura certes pas été avec cette assurance qui nous eût permis d’être catégorique, en n’estimant pas inévitable, cette manière qui nous a pourtant impressionné.

355. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Cela entraine des conséquences graves : d’abord un dédain profond des classes subalternes, un parti pris d’écarter ce qui peut rappeler les vulgarités de la vie domestique ou populaire ; puis, entre les privilégiés admis sur un terrain de choix, un code très sévère de bienséances : peu parler de soi ; épargner l’amour-propre d’autrui ; flatter ou ménager les travers des gens en leur présence, ce qui n’interdit pas — au contraire — de les railler en leur absence ; beaucoup de tact et de circonspection ; adoucir les angles de son caractère ; mettre une sourdine aux émotions trop vives, aux convictions trop fortes ; laisser entendre ce qu’on ne peut pas dire tout haut ; s’habituer ainsi à une fine analyse des sentiments, à une psychologie déliée qui permet de reconnaître à un froncement de sourcils, à un regard, à une inflexion de voix les plus subtils mouvements du cœur. […] Il ne se permet ni railleries ni familiarités et dans tout ce poème, où devait revivre l’époque frénétique de la Ligue, vous chercheriez en vain un mot cru ou brutal. […] Le débat de Clitandre et de Trissotin, dans les Femmes Savantes, nous permet de prendre sur le fait la lutte de ce qui était alors l’esprit nouveau contre la tradition mourante du xvie  siècle : Permettez-moi, monsieur Trissotin, de vous dire, Avec tout le respect que votre nom m’inspire, Que vous feriez fort bien, vos confrères et vous, De parler de la cour d’un ton un peu plus doux ; Qu’à le bien prendre, au fond, elle n’est pas si bête Que, vous autres, messieurs, vous vous mettez en tête ; Qu’elle a du sens commun pour se connaître à tout ; Que chez elle on sa peut former quelque bon goût, Et que l’esprit du monde y vaut, sans flatterie, Tout le savoir obscur de la pédanterie.

356. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Durandal, l’épée de Roland, doit sa trempe merveilleuse, qui lui permet de trancher le marbre, à un cheveu de la Vierge dont sa garde est munie. […] La Sorbonne, c’est-à-dire la faculté de théologie, censure un conte (Bélisaire) où Marmontel s’est permis de prêcher la tolérance et parmi les propositions qu’elle condamne se trouve celle-ci : « On n’éclaire pas les esprits avec des bûchers ». […] Tels sont quelques-uns des traits que le protestantisme a donnés à la littérature éclose à son ombre, et si quelques-uns de ces signes particuliers tendent aujourd’hui à s’effacer, ils sont encore assez visibles pour qu’une observation attentive permette de constater à quel point un ensemble de croyances religieuses modèle les œuvres littéraires. […] Il fut alors chose d’Église et chose d’État, une matière réservée presque exclusivement aux prêtres et aux théologiens de profession, permise à peine aux laïques ; les écrivains ne pouvaient y toucher qu’avec une prudence extrême et les poètes, en particulier, eurent les ailes liées par la nécessité de ne rien dire qui ne fût parfaitement orthodoxe.

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