Décapitation de la poésie, immolation de l’âme ; profanation, abaissements perdus ! […] Et, au contraire, il y infuse quelque chose de fin, de délicat et d’aimablement enfant, qu’on s’étonne de voir au milieu de tant de si grosses choses et dont on regrette le charme perdu. […] Un poète individuel fonde une école parce que le succès ou l’admiration déduit une poétique de ses œuvres, parce que le chêne n’est pas responsable, après tout, des glands qui tombent autour de lui et qui poussent comme ils peuvent dans les mille hasards du terrain où s’enfoncent ses racines ; mais si un poète individuel fonde une école malgré lui, ou s’il accepte cet orgueilleux et dangereux titre de chef d’école, il s’y énerve, y expose et finit par y perdre l’originalité de son inspiration et le meilleur caractère de son génie.
Pourquoi perdre un jour ? […] — Oui, j’ai des ennuis, ça ne va plus, je perds de l’argent. […] On me fait des objections et je perds la boule. […] Vivre, ne sera-ce pas être séparé de toi, te perdre ? […] L’avenir de la science est garanti ; car, dans le grand livre scientifique, tout s’ajoute et rien ne se perd.
Elle a perdu sa tante, elle est en deuil. […] des enfants perdus. […] Mais le sage s’interpose ; il ne veut pas permettre le mutuel aveu qui pourrait les perdre. […] Entre Angelo ; et Tisbe, au lieu de perdre Catarina, dénonce à son amant une conjuration imaginaire. […] Le jour où il perdra ses adversaires, il sera forcé de battre en retraite.
(sic) Esprit, sur le Paradis perdu de M. de Chateaubriand, sur Arthur, etc., etc. […] C’est du temps perdu et une diminution d’autorité. […] Quinet ; ce n’est point une peine perdue, puisque je ne reçois point la Revue de Paris. […] Le sentiment d’une existence manquée, d’une jeunesse perdue le harcèle, et le jette tour à tour dans l’étude et dans les projets. […] Je n’ai pas besoin de dire que tout cela ne perd rien sous la plume attentive et délicatement fidèle de M.
Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais. […] quand l’Italie et son soleil n’auraient valu à la chère famille errante que cette fleur sombre au parfum profond, tant de douleur ne serait pas perdue !
On s’y perd et l’on n’en revient plus, ou, si l’on en revient, on n’en rapporte rien de distinct. […] Le portrait, la description de la personne et de la vie de la Torpille (c’est l’odieux nom de la pauvre fille perdue) accusent ces observations profondes et fines particulières à l’auteur, et respirent une complaisance amollie qui s’insinue bientôt au lecteur, si elle ne le rebute tout d’abord : c’est là un secret et comme un maléfice de ce talent, quelque peu suborneur, qui pénètre furtivement, même au cœur des femmes honnêtes, comme un docteur à privautés par l’alcôve.
« J’appartiens, du reste, à une famille qui, depuis quelque temps, montre de merveilleux talents pour perdre les trônes et une singulière inaptitude à les reconquérir. […] Le jour même où je perdais ma couronne, M. le président Carnot m’offrait les palmes d’officier de l’Instruction publique.
On a dit que ce fut cette pièce qui inspira à Milton, voyageant quelques années plus tard en Italie, la première idée du Paradis perdu. […] Giovanni-Battista Andreini perdit son père vers cette époque.
Le roi de France, qui est, si j’ose le dire, le type idéal d’un cristallisateur séculaire ; le roi de France, qui a fait la plus parfaite unité nationale qu’il y ait ; le roi de France, vu de trop près, a perdu son prestige ; la nation qu’il avait formée l’a maudit, et, aujourd’hui, il n’y a que les esprits cultivés qui sachent ce qu’il valait et ce qu’il a fait. […] Chaque défaite avançait les affaires de l’Italie ; chaque victoire perdait la Turquie ; car l’Italie est une nation, et la Turquie, hors de l’Asie Mineure, n’en est pas une.
Eschine devoit être perdu ; mais l’accusation n’eut aucune suite, parce que la personne chargée d’entamer le procès, accusée elle-même alors de toutes sortes de crimes, ne put être écoutée en justice. […] Celui-ci, bassement jaloux de ce comble de gloire, désespéré de la seule idée de l’appareil, se croit perdu d’honneur, s’il n’empêche l’exécution de la fête.
C’est une bretonne qui n’a jamais perdu le goût de son terroir, et qui nous le fait partager. […] En lisant ces Récits de la Luçotte, on sent qu’on n’a pas le moindrement affaire à un de ces archéologues qui refont, à force de science, une langue perdue, comme Balzac, par exemple, lequel, dans ses Contes drolatiques, le plus étonnant de ses ouvrages, a été le résurrectionniste de Rabelais, et qui a parlé la langue de Rabelais mieux que Rabelais lui-même, et pour dire des choses que Rabelais n’aurait jamais dites.
Comme Antée, il faut qu’il ait sous les pieds ce morceau de terre sacrée pour être fort… Malgré son talent herculéen de peintre, Cladel perdrait la moitié de sa palette s’il ne peignait pas son pays, ou si ce pays perdait lui-même ses mœurs, ses saveurs séculaires, sa puissante originalité.
Aujourd’hui, d’ailleurs, que les connaissances s’effacent et se perdent ; aujourd’hui que la science de l’histoire se réduit presque à des anecdotes ; qu’on abrège tout pour paraître tout savoir, et que la vanité, empressée à jouir, n’estime plus, dans aucun genre, que ce qu’elle peut étaler dans un cercle ; ces recherches pénibles, ces discussions profondes, ces monuments, fruit de quarante ans de travail et d’étude, qui n’ont que le mérite d’instruire sans amuser, et dont le matin, on ne peut rien détacher pour citer le soir, doivent nécessairement, parmi nous, perdre de leur estime.