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1114. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

De près, Saint-Vincens avait dû, en plus d’un cas, lire dans les yeux de son ami ses besoins et ses désirs, et aller au-devant de ses paroles. […] J’ai eu quelque pensée sur M. d’Oraison ; il a un fils qu’il voulait mettre au Régiment du roi ; je le défie de l’y faire entrer, à qui que ce soit qu’il s’adresse ; mais il est riche, il a des amis ; cela ne le touchera guère ; il trouvera bien à le placer : cependant, s’il persistait à le vouloir avec nous, je le prendrais bien sur moi, et je lui tiendrais parole ; mais comment lui dire cela, comment même l’en persuader ?

1115. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Il a des mots d’une expression poignante, des mouvements sentis, éloquents, mais aussi (et j’en ferai juge les plus désintéressés) des paroles d’injustice. […] Il s’animait en parlant de ces choses ; il était pénétré ; sa main tremblait comme la feuille, sa parole vibrait de toute l’émotion de son âme : tout l’être moral était engagé.

1116. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Touchantes et humaines paroles, et dignes d’un Vauvenargues dans les camps ! […] Il faut rabattre de ces paroles, je le sais ; mais rabattez ce que vous voudrez, il en restera encore assez pour déceler le symptôme que nous y cherchons.

1117. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Saint-Cyr insista une dernière fois sur la possibilité d’une retraite à travers l’Apennin, indiquant avec précision les moyens, les positions à occuper : Cette proposition, ajoute-t-il (et lui seul a l’autorité suffisante pour faire accepter de telles paroles), ne put tirer Joubert de l’état d’incertitude où il était plongé ; il en était si affecté, qu’on peut dire qu’il en avait honte. […] Ce furent les dernières paroles qu’il prononça, car il fut aussitôt atteint d’une balle qui le renversa mort. » On reporta son corps à Saint-Cyr, qui cacha cette mort aux troupes jusqu’à la fin de la journée.

1118. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

S’il fait tant de cas de la parole, c’est qu’il ne se doute pas que c’est un phénomène physique, physiologique ; c’est qu’il croit que les sons du langage sont faits d’une substance immatérielle. […] « L’homme de goût, disait Rivarol, a reçu vingt blessures avant d’en faire une. » Quant à M. de Laprade, qui n’aime pas les gens de goût, sa plus grande peur est du côté de la raillerie ; il lui assigne une origine mystique, diabolique : « Le doute et la raillerie, dit-il, sont aussi anciens sur la terre que les premières paroles du serpent. » Il trace de l’ironie une histoire emphatique et qui n’est pas gaie du tout.

1119. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Avant son intervention cependant et son installation au cœur du sujet, pour persuader aux hommes instruits qui sont entrés dans la pensée de cette édition nouvelle, qu’elle était importante, qu’elle était indispensable, qu’il ne s’agissait pas seulement de quelques points à rectifier çà et là, mais qu’il y avait lieu, en effet, à une réparation et presque à une restitution continue, il a fallu bien des instances, bien des pas et bien des paroles (je le sais, moi qui en ai été quelquefois le porteur et le messager), il a fallu montrer à l’avance bien des passages et des exemples comme preuve décisive de l’étendue du ravage et du mal profond qu’on avait à réparer. […] Elle reste bien la même, la spirituelle et l’éblouissante railleuse, celle qui porte partout la vie, celle qui a en elle la joie et le charme, celle que de tout temps nous connaissons, mais plus abandonnée, plus vive de parole et de plume, plus à bride abattue, plus drue et gaillarde, plus sœur de Molière, plus elle-même, pour tout dire, que jamais.

1120. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

On avait beau demander à la Convention des secours, le Nord même de la France était alors découvert et en péril ; et la Convention, en son style figuré et d’une rhétorique sublime, puisque chacun y mettait sa tête pour garant des paroles, répondait à ses généraux et à ses représentants : « Vous demandez du lait à une mère épuisée ! […] Mais ce député, Cassanyes, homme droit et sensé, contraria peu Dagobert, qu’il se plaisait à appeler mon général, supporta ses humeurs et ses paroles parfois un peu vertes, et lui voua une amitié respectueuse qui ne se démentit jamais.

1121. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot : cet homme si distingué n’avait point acquis, même avec les années, ce je ne sais quoi de ferme, de puissant dans la parole, de digne et de majestueux dans l’aspect, qui commande et qui impose, qui confirme au dehors l’autorité de la science, et la personnifie aux yeux de tous dans un de ses grands représentants, — ce qui faisait qu’on écoutait avec tant de respect et de silence un Cuvier, un Arago (malgré ses fautes de goût), et qu’on écoute aujourd’hui avec tant d’intérêt un Dumas. […] Quand je dis qu’il s’y opposait à demi-voix, je n’ai dans l’idée que ses paroles à l’intérieur de l’Académie ; car, par sa plume et dans le Journal des Savants, il ne cessa de faire ouvertement la guerre à cette publicité croissante qui a quelques inconvénients sans doute, mais qui est dans la loi du siècle, et qu’on peut vouloir régler, sans plus espérer de l’empêcher.

1122. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Cependant je ne veux pas nier que Arndt, Kœrner et Rückert ont eu quelque action. » Ici le bon Eckermann eut une distraction, et sans trop y penser, mettant le doigt sur un point délicat, il dit à Gœthe : « On vous a reproché de ne pas avoir aussi pris les armes à cette époque, ou du moins de n’avoir pas agi comme poëte. » Gœthe, touché à un endroit sensible, tressaillit un peu, et, tout ému, il trouva, pour répondre, de bien belles et hautes paroles : « Laissons cela, mon bon ! […] Et ce sentiment se reproduisait encore avec bien de l’ampleur et de l’énergie dans ces paroles, lorsqu’il disait dans son aversion pour la politique étroite : « Dès qu’un poëte veut avoir une influence politique, il faut qu’il se donne à un parti, et, dès qu’il agit ainsi, il est perdu comme poëte ; il faut qu’il dise adieu à la liberté de son esprit, de son coup d’œil : il se tire jusque par-dessus les oreilles la chape de l’étroitesse d’esprit et de l’aveugle haine.

1123. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

M. de Senfft qui n’était séparé ce jour-là de M. de Metternich que par l’amiral Verhuel et M. de Dreyer, ministre de Danemark, ne perdit pas une parole de l’Empereur et très peu des réponses de son interlocuteur « qui eut le mérite peu commun, dit-il, de conserver dans cette importante et brusque occasion tout le sang-froid, l’aplomb et la mesure de l’homme d’État consommé. » Tous les ministres étrangers présents à cette scène s’empressèrent naturellement d’en rendre compte à leurs Cours. […] M. de Senfft veut bien convenir que dans l’entretien mémorable tel qu’il fut publié, si l’on s’écarta plus d’une fois des paroles originales qu’il avait transmises, on resta assez en accord avec la vérité pour le fond.

1124. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

On dit qu’il a eu un grand succès de lecture : moi qui sais avec quel feu il parle en improvisant, je regrettais d’abord qu’il ne se fût point livré à la parole vive ; mais on m’assure qu’il a lu de façon à produire plus d’effet encore. […] Duveyrier l’a senti : « Le nouvel Institut devrait attirer, dit-il, les natures ardentes, communicatives, les talents de parole et de plume, et les employer à rehausser le moral des populations et à créer un courant de libéralités publiques en faveur du progrès social. » En deux mots, M. 

1125. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Quoi qu’il en soit, la part considérable que M. de Talleyrand avait prise non seulement aux actes du clergé, ou concernant le clergé, mais encore aux importantes questions de finance et aux travaux du comité de Constitution, l’esprit de décision et de vigueur dont il avait fait preuve, non moins que le tour habile et mesuré de sa parole, le désignèrent au choix de l’Assemblée pour être son organe dans le manifeste ou compte rendu de sa conduite, qu’elle jugea à propos d’adresser à la nation en février 1790. […] Je laisse les paroles indignes et cyniques qui passent pour avoir été échangées à l’autel même, et que le souffle de l’impure légende a portées jusqu’à nous ; mais j’ose dire que ce n’est point impunément qu’une Constitution nouvelle, fût-elle la meilleure, s’inaugure devant tout un peuple par une momerie ou un sacrilège.

1126. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Dès le début ces aboiements des molosses dévorants nous reportent aussi à l’arrivée d’Ulysse chez Eumée ; plus loin, le palmier de Latone, auquel il compare les gracieux enfants, nous ramène vers Ulysse naufragé, s’adressant en paroles de miel à Nausicaa. […] S’il est équitable en même temps que vrai génie, s’il est généreux, il dira à qui il doit le plus, et ce qui lui en semble parmi ceux qui lui auront frayé la route, qui lui auront préparé la langue poétique continue ; et sa parole fera foi.

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