Le caractère de Montaigne, tel que nous le montrent les Essais, est celui d’un homme nonchalant par humeur, non moins que par la faveur d’une condition qui lui permettait le repos ; irrésolu, tantôt par l’effet des lumières, qui font voir autant de raisons pour s’abstenir que pour agir, tantôt par la fatigue de délibérer, détestant l’embarras des affaires domestiques, et préférant l’inconvénient d’être volé à l’ennui de veiller sur son bien ; ennemi de toute contrainte, jusqu’à regarder comme un gain d’être détaché de certaines personnes par leur ingratitude ; ne donnant prise sur lui à rien ni à personne, ne se mettant au travail qu’alléché par quelque plaisir simple, naïf, vrai avec lui-même et avec les autres ; ayant le droit de parler de sa facilité, de sa foi, de sa conscience, de sa haine pour la dissimulation, dans un temps où toutes ces qualités étaient autant de périls142 ; « ouvert, dit-il, jusqu’à décliner vers l’indiscrétion et l’incivilité » ; délicat à l’observation de ses promesses jusqu’à la superstition, et pour cela prenant soin de les faire en tous sujets incertaines et conditionnelles143 ; franc avec les grands, doux avec les petits ; le même homme que le besoin d’ouverture pouvait rendre incivil ; poussant la civilité jusqu’à être prodigue de bonnetades 144, notamment en été, dit-il, sans doute parce qu’on risque moins en cette saison de s’enrhumer en général, ayant les vertus de l’honnête homme, et sachant, en un cas pressant, en montrer ce qu’il en fallait, mais n’en cherchant pas l’occasion un mélange de naïveté et de finesse, d’ouverture et de prudence, de franchise et de souplesse ; modérant ses vertus comme d’autres modèrent leurs vices ; mettant pour frein à chacune ce grand amour de soi, dont il ne se cache pas et qui formait son état habituel ; enfin, s’il fut vain, ne l’étant guère moins de ses défauts que de ses qualités. […] Moi aussi, je me vois dans Montaigne chaque fois que je l’ouvre ; je m’y suis vu ce matin même, en le feuilletant pour vérifier l’exactitude d’une citation si je m’étais oublié, j’irais me chercher là. […] Ouvrez Montaigne, n’importe à quel feuillet ; dès les premiers mots vous serez au courant.
Si nous cédons, notre soumission exaspérera les préjugés et les rancunes : après s’être opposé à Lohengrin, la coterie des Patriotes s’opposera à ce que toute ouvre d’un Allemand soit donnée chez nous. […] Glinka ouvre la voie. […] Elle est chez Wagner expression de l’émotion, là où, chez les Russes, l’émotion est exprimée par le chant, ce qui ouvre de nombreux débats.
Et déjà la dame, sans plus songer à son amant mort se suspend au bras de son nouveau maître, lorsque le meurtrier par amour se métamorphose subitement en joyeux railleur, et lui lance en pleine figure un éclat de rire ironique ; puis la porte s’ouvre, et M. de Nanjac ressuscite pour l’accabler de son froid mépris, et M. de Thonnerins, et la petite Marcelle elle-même viennent assister à la curée de l’hypocrite prise au piège. […] Sur quoi, Jean Giraud, refermant sa caisse, lui ouvre son cœur. […] Durieu et la comtesse, dont il emporte les fonds, se regardent déjà avec des mines allongées, lorsque la porte s’ouvre et Jean Giraud reparaît, les mains pleines de billets de banque.
je suis bonne De leur ouvrir la porte ! […] « Ouvrez, dit-il, je suis nu ! » Moi, charitable et bon homme, J’ouvre au pauvre morfondu, Et m’enquiers comme il se nomme : « Je te le dirai tantôt, Repartit-il : car il faut Qu’auparavant je m’essuie. » J’allume aussitôt du feu.
Pandore ouvrit sa boîte ; et mille maux divers S’en vinrent au secours de notre intempérance. Un des dieux fut touché du malheur des humains : C’est celui qui pour nous sans cesse ouvre les mains, C’est Phébus Apollon. […] Quel charme de s’ouïr louer par une bouche Qui, même sans s’ouvrir, nous enchante et nous touche !
Nous frappons, on ouvre, et dans la nuit noire, vingt soldats, amateurs et musiciens, nous accueillent, parmi lesquels mon compatriote, le fils d’un ami de ma jeunesse, et qui ne s’est pas nommé ! […] Il me faut relever, au centre des champs égaux et par dessus les toits rustiques trop semblables, la « Tour du Meilleur », ce toit pointu qui veut pour lui seul la foudre des orages, afin d’en sauver les autres ; ce haut mur qui porte le faible lierre agrippé à ses pierres ; ce signe permanent de la hiérarchie désirable, qui rappelle aux fous qui l’oublient que nul homme ne s’élève sans degrés inégaux ; ce pignon, qui est détestable s’il n’est que celui de l’orgueil, mais divin dans sa mission, s’il ouvre ainsi qu’un grenier ou chacun peut puiser, suivant ses besoins, l’exemple, le conseil, le refuge ou l’aumône… … Il ne faut pas aller au peuple en descendant, mais faire monter le peuple jusqu’à soi, et se mettre haut, sans morgue et simplement… … Ma race est arrivée jusqu’à moi, sans tache et sans vulgarité ; ainsi dois-je la transmettre à l’avenir, dans la même intégrité, vêtue de même noblesse, dirigée dans le même sens de perfection… Voilà des pensées, n’est-ce pas, qu’il n’était pas possible de laisser en dehors du concert des familles spirituelles, que des catholiques aux socialistes, nous avons entendues. […] Quelquefois, quand on ne s’entend plus, tant ça tombe, j’ouvre ma musette, je relis tes lettres et je n’ai plus peur.
Voici… » La porte s’ouvrit soudain toute grande. […] Ensuite tiens-toi coi et n’ouvre la bouche que pour me répondre. » Grymalkin obéit allègrement. […] La bouche, sensuelle et fine, semble prête à s’ouvrir pour émettre des paroles persuasives. […] C’est parce que les pirateries coloniales leur ouvrent de nouveaux débouchés pour l’écoulement de leurs marchandises. […] » Alors… Grymalkin, fort édifié, en était là de sa lecture quand la porte s’ouvrit tout à coup.
Les portes du couvent qui renfermait sa fille allaient s’ouvrir au nom de la loi. […] Venez, penchez-vous sur cette vitrine, vers cet écrin ouvert dans lequel miroite comme, un fragment de miroir terni. […] L’existence s’ouvrait à lui par de belles perspectives et il paraissait apte à la vivre et à en goûter ce qu’elle lui promettait encore après lui avoir beaucoup donné. […] L’Académie lui ouvre ses portes. […] Il avait fondé, pour imprimer ses œuvres, une typographie qui portait son nom, et, pour les vendre, il avait ouvert deux boutiques dans la Merceria dell’Orologio, à l’enseigne de Pégase.
Il vint lui-même ouvrir. […] Ils s’y enfoncent, et bientôt s’ouvre devant eux une vallée où des fleurs et des fruits de toute espèce charment le goût et l’odorat. […] si ses bras chéris pouvaient enfin s’ouvrir ! […] Enfin, une nouvelle décharge de 72 pièces de canon ouvrit une brèche dans ces murailles vivantes. […] Il faut lui ouvrir à deux battants les salons littéraires et l’Académie française.
Plus la bigarrure est grande et l’interruption fréquente, plus aussi j’avance dans ce livre dans lequel on n’est jamais qu’au milieu ; mais le profit, c’est de l’avoir lu ouvert à toutes sortes de milieux différents […] Moi qui n’ai pas bougé, je suis moins prompt et vous demande une demi-journée de répit après ces deux ans et demi de veuvage. — Turbidus me trouve enfin et m’embrasse, il me demande si je l’aime, et avec son cœur il m’ouvre bientôt son tiroir, son portefeuille. […] Royer-Collard ajoutait : « Si on l’ouvrait, on trouverait au-dedans de lui un petit mécanisme ingénieux comme dans le canard de Vaucanson. » — Ce ne sont pas ici des jugements, ce sont des éléments de jugements. […] Quand Mme de Vintimille voyait entrer dans son salon un homme qu’elle avait aimé et qu’elle n’aimait plus, elle n’y pouvait tenir et, fût-on en janvier, elle ouvrait la fenêtre. […] La conversation de Victor Hugo m’ouvrit des jours sur l’art et me révéla jaussi les secrets du métier, le doigté, si je puis dire, de la nouvelle méthode.
La recherche est permise, le champ est ouvert à la curiosité. […] C’est éblouissant de ton, de touche, et d’une magnificence élégante que la poésie française n’avait point connue jusqu’alors. — Et au chant II, cette autre comparaison d’Éloa, se mirant dans le Chaos, avec la fille des montagnes se mirant dans un puits naturel et profond où l’eau pure amassée réfléchit les étoiles : elle s’y voit, comme dans un ciel, le front entouré d’un brillant diadème. — Et dans le même chant, cette comparaison encore (car les comparaisons ici se succèdent et ne tarissent pas) de la jeune Écossaise, vaguement apparue au chasseur dans la nuée, au sein de l’arc-en-ciel, avec la belle forme vaporeuse de l’ange ténébreux aperçu de loin d’abord par Éloa ; — et au chant III, cette dernière image enfin, cette description si large et si fière de l’aigle blessé qui tente un moment de surmonter sa douleur, et qui ressemble plus ou moins au même archange infernal avec sa plaie immortelle : Sur la neige des monts, couronne des hameaux, L’Espagnol a blessé l’aigle des Asturies, Dont le vol menaçait ses blanches bergeries, Hérissé, l’oiseau part et fait pleuvoir le sang, Monte aussi vite au ciel que l’éclair en descend, Regarde son soleil, d’un bec ouvert l’aspire, Croit reprendre la vie au flamboyant empire ; Dans un fluide d’or il nage puissamment. […] Pour dormir sur un sein mon front est trop pesant, Ma main laisse l’effroi sur la main qu’elle touche, L’orage est dans ma voix, l’éclair est sur ma bouche ; Aussi, loin de m’aimer, voilà qu’ils tremblent tous, Et quand j’ouvre les bras on tombe à mes genoux. […] L’école romantique avait forcé les portes de l’Académie, mais sans entrer en masse et tout d’un flot : la porte s’ouvrait ou plutôt s’entrebâillait de temps en temps, puis se refermait pour ne se rouvrir que d’intervalle en intervalle.
Devant sa langueur et son délire, la pitié éclot, puis la tendresse, puis l’amour, « comme une campanule des Alpes, humide de larmes matinales, auprès de quelque froid glacier, fragile d’abord et faible, mais qui de jour en jour prend de l’éclat1533. » Un soir, il revient à lui, épuisé, les yeux encore troublés de visions funèbres ; il la voit flotter devant lui comme un rêve, ouvre péniblement ses lèvres pâles, et lui dit tout bas : « Si vous êtes cette Ida que j’ai connue, — je ne vous demande rien ; mais si vous êtes un songe, — doux songe, achevez-vous. […] V Il y a une autre chevalerie qui ouvre le moyen âge comme celle-ci le ferme, chantée par des enfants comme celle-ci par des jeunes gens, et retrouvée dans les Idylles du roi comme celle-ci dans la Princesse. […] Cette grande ville est cosmopolite ; toutes les idées peuvent y naître ; nulle barrière n’y arrête les esprits ; le champ immense de la pensée s’ouvre devant eux sans route frayée ou prescrite. […] Il faut, dans ce conflit des opinions, qu’il se fasse sa foi lui-même, et, la plupart du temps, ne le pouvant pas, il reste ouvert à toutes les incertitudes, partant à toutes les curiosités et aussi à toutes les angoisses.
C’est pour sortir de cette impasse, entre des créanciers qui pressent et des acheteurs qui s’éloignent, que mes excellents amis ont ouvert une souscription dont le succès aurait été pour moi un honneur et pour d’autres un salut. […] « Désigner solennellement un successeur au trône, c’est dire à tout le monde que l’on donne comme un second maître à l’empire ; c’est ouvrir une source d’où peuvent découler les plus grands malheurs. […] Qu’on ouvre l’histoire ; on n’y trouvera que trop d’exemples qui confirmeront la vérité de ce que je dis ici. […] Quand on m’a fait savoir que la misère était dans quelque endroit, j’ai fait ouvrir mes greniers, et j’ai fait tenir du secours à ceux qui en avaient besoin.