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600. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Un critique littéraire, homme de goût et qui d’ordinaire est sobre d’éloges (M.  […] Dans la vie ordinaire, son commerce est honnête, sa conversation juste et polie : tout ce qu’il dit est bien pensé ; et dans ce qu’il écrit, la facilité de l’expression égale la netteté de la pensée. » Voilà un La Rochefoucauld avant la lettre et jugé par un de ses pairs.

601. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Chaque forme de dune a son appellation propre : celle qui est en pente douce, en dos d’âne, s’appelle autrement que la dune, véritable montagne, et qui atteint parfois les dimensions des montagnes ordinaires ; celle qu’on a comparée à la lame d’un sabre, et dont l’une des parois est verticale, à pic, ne se désigne pas comme celle qui a deux pentes normales. […] Au milieu de toutes les merveilles qui ont captivé son attention, il a choisi, pour les reporter dans son pays, les choses les plus utiles : une collection de médicaments, un choix de livres arabes sur la religion, le droit, l’histoire et la littérature, un assortiment d’outils de professions les plus ordinaires, et spécialement des instruments agricoles, des pelles et des pioches pour creuser des puits, et des poulies pour en tirer l’eau.

602. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

De ce que Newton, contrôleur de la monnaie de Londres, a été d’avis qu’on devait pendre un faux monnayeur convaincu de ce crime par-devant le jury, et de ce qu’il n’ait pas donné à l’avance dans l’opinion de Beccaria contre la peine de mort, je ne vois pas ce qu’on en peut conclure par rapport à son génie ou même à son caractère, et il faut bien être de cette date philanthropique de 1865 pour voir là dedans autre chose qu’une opinion des plus ordinaires et des plus simples, des plus commandées à la date et dans la position de Newton. […] De même les esprits ordinaires sentent bien la différence d’une simple vraisemblance à une certitude entière, mais il n’y a que les esprits fins qui sentent le plus ou le moins de certitude ou de vraisemblance, et qui en marquent, pour ainsi dire, les minutes par leur sentiment. » C’est délicat, exquis d’expression comme de vérité.

603. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

» Un bon ordinaire n’existe pas pour eux dans les choses de l’esprit : il leur faut le rare. […] Hommes d’observation, de sincérité et de hardiesse, ils se sont fait une doctrine à leur usage : ils se sont dit de ne pas répéter ce qui a été dit et fait par d’autres ; ils vont au vif dans leurs tableaux, ils pénètrent jusqu’au fond et aux bas-fonds ; ils veulent noter la réalité jusqu’à un degré où on ne l’avait pas fait encore ; ils tiennent, par exemple, à copier et à reproduire la conversation du jour et du moment, les manières de dire et de parler si différentes de la façon d’écrire, et que les auteurs, d’ordinaire, ne traduisent jamais qu’incomplètement, artificiellement ; ils ne reculent pas au besoin devant la bassesse des mots, fussent-ils dans une jolie bouche et du jargon tout pur, confinant à l’argot ; ils imitent, sans rien effacer, sans faire grâce de rien ; ils haïssent la convention avant tout ; pas d’école : « Aussitôt qu’il y a l’école de quelque chose, ce quelque chose n’est plus vivant. » Ils haïssent la fausse image et le ponsif du beau : « Il y a un beau, disent-ils, un beau ennuyeux, qui ressemble à un pensum du beau. » Très-bien : Je les comprends, je les approuve, je les suis volontiers, ou à très-peu près, jusque-là.

604. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Elle la tenait quelquefois jusqu’à ce que sa mère s’éveillât ou que lui-même il vînt, ce qu’il faisait d’ordinaire vers quatre heures. […] Il y avait assez de monde le long de la route ; de loin on vit venir, à cheval, le comte Hervé ; c’était l’heure ordinaire de sa visite, et une lettre au bureau l’attendait.

605. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

À Mende37, l’évêque, seigneur suzerain du Gévaudan depuis le onzième siècle, choisit les conseils, les juges ordinaires et d’appel, les commissaires et syndics du pays », dispose de toutes les places « municipales et judiciaires », et, prié de venir à l’assemblée des trois ordres de la province, « répond que sa place, ses possessions et son rang le mettant au-dessus de tous les particuliers de son diocèse, il ne peut être présidé par personne, qu’étant seigneur suzerain de toutes les terres et particulièrement des baronnies, il ne peut céder le pas à ses vassaux et arrière-vassaux », bref qu’il est roi ou peu s’en faut dans sa province. […] Livré à lui-même et ramené subitement à l’état de nature, le troupeau humain ne saura que s’agiter, s’entre-choquer, jusqu’à ce qu’enfin la force pure prenne le dessus comme aux temps barbares, et que, parmi la poussière et les cris, surgisse un conducteur militaire, lequel d’ordinaire est un boucher.

606. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Le « piédestal » de cet avenir ne saurait être un piédestal ordinaire. […] À nous qui voyons que ce sommet est une taupinée, La Fraude dira mieux la vaste platitude ordinaire de son œuvre.

607. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

D’après ce premier portrait auquel Walpole ajoutera encore plus d’un coup de pinceau, on peut déjà voir une Mme Du Deffand bien autrement vive et animée qu’on ne s’est plu à nous la peindre d’ordinaire. […] Comme on ne lui avait pas dit d’avance ce qu’il fallait admirer, elle n’avait que son avis net, son instinct franc et lumineux ; d’ordinaire il la guidait bien.

608. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Car, pour l’aimable traducteur Amyot, ce n’est qu’avec un peu de complaisance qu’on s’est accoutumé à l’associer d’ordinaire à ces deux grands auteurs originaux ; et en ce qui est de Calvin, qui contribua certes à former la langue à la discussion, à serrer, à tremper et à raffermir dans le discours la chaîne exacte du raisonnement, ce mérite notable ne suffit pas à l’élever au-dessus des bons écrivains : il n’a point gagné sa place entre les grands. […] Enfin, Pasquier, dans ses bons endroits, nous offre le plus bel ordinaire de la langue du xvie  siècle, bans la chaîne de la tradition, il forme un terme moyen, un anneau solide entre les bons écrivains du xve  siècle, tels qu’Alain Chartier, et les bons écrivains du xviie , tels que Patru ou Bourdaloue.

609. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Un de ses correspondants les plus ordinaires était M. de Valincour, cet ancien ami de Boileau et de Racine, amateur de toutes sciences et de toutes belles-lettres, esprit délicat, un peu singulier, d’une religion extrême, et qui, par la sévérité dont il était à l’égard de la métaphysique (tout en la possédant très bien), forçait souvent d’Aguesseau à en prendre la défense. […] » Ce qu’il disait eu causant semble avoir été plus vif, comme il arrive d’ordinaire, que ce qu’il s’est permis en écrivant ; dans ce qu’il écrit il est plutôt encore subtil et ingénieux que spirituel.

610. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

À moins d’être historien, on aurait peu l’idée d’entrer dans une appréciation plus particulière de sa renommée, si l’on n’avait d’elle presque toute sa correspondance avec Mme de Maintenon : c’est par là qu’il nous est permis de l’approcher plus familièrement, de pénétrer dans son esprit, et de prononcer sur son compte avec plus d’estime qu’on ne fait d’ordinaire. […] D’ailleurs, la personne du monde la plus propre à l’intrigue, et qui y avait passé sa vie à Rome par son goût ; beaucoup d’ambition, mais de ces ambitions vastes, fort au-dessus de son sexe et de l’ambition ordinaire des hommes, et un désir pareil d’être et de gouverner.

611. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Ménage, et par la guerre civile qu’il a causée dans l’Académie, est un jeune homme qui a commencé de bonne heure à se gâter soi-même, et que, depuis, ont achevé de gâter quelques approbateurs… » Gilles Boileau, quand il était en voyage, portait dans son sac de nuit les Satires de Régnier, et, d’ordinaire, il présidait au troisième pilier de la grand-salle du Palais, donnant le ton aux clercs beaux esprits. […] Dans la satire et dans l’épître, du moment qu’il ne s’agit point en particulier des ouvrages de l’esprit, Boileau est fort inférieur à Horace et à Pope ; il l’est incomparablement à Molière et à La Fontaine ; ce n’est qu’un moraliste ordinaire, honnête homme et sensé, qui se relève par le détail et par les portraits qu’il introduit.

612. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Il est de ceux qui, en s’éveillant le matin et en se trouvant tout remplis de douceurs et d’allégresses singulières, pouvaient dire en toute vérité : « Je me sens un peu plus amoureux des âmes qu’à l’ordinaire. » Il commence son livre de l’Introduction comme en badinant, et compare la variété avec laquelle le Saint-Esprit dispose et nuance les enseignements de dévotion et les assortit à chacun, avec l’art qu’employait à faire ses guirlandes de fleurs la bouquetière Glycera. […] Il dit aux honnêtes femmes qui se plaisent aux coquetteries et aux légères attaques : « Quiconque vient louer votre beauté et votre grâce vous doit être suspect : car quiconque loue une marchandise qu’il ne peut acheter, il est pour l’ordinaire grandement tenté de la dérober. » On voit que, s’il n’interdit point absolument le bal et la danse, ce n’est point par relâchement.

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