Mais tandis que l’oiseau, même encore imparfait, affermissait son règne au-dessus des eaux, des représentants de l’ordre vaincu des reptiles, renonçant au vol devenu trop dangereux pour eux, ou même à la surface aérienne des mers où l’oiseau les pourchassait avec acharnement, durent chercher un refuge sur les terres émergées, dans les terrains bas et marécageux, à l’abri des rochers, ou à l’ombre des épaisses forêts de la période primaire où l’on a cru retrouver, avec leurs restes, les empreintes des pieds de leurs ennemis qui les poursuivirent encore dans ces retraites profondes.
Nul mieux que vous ne possède l’art de lutter, par le nombre et la profusion des images, avec la peinture la plus franche et la plus vive ; vous avez pour chacune de vos pensées des traits et des nuances qui feraient envie aux héritiers du Titien et de Paul Véronèse ; quand il vous plaît de nous montrer les lignes d’un paysage ou l’armure d’un guerrier, le pinceau n’a plus rien à faire : pour achever son œuvre, il n’a qu’à mettre sur la toile les masses de lumière et d’ombres que vous avez choisies comme les meilleures. » Suivent trois pages d’éloges.
Qu’est-ce à dire, sinon que ma perception dessine précisément dans l’ensemble des images, à la manière d’une ombre ou d’un reflet, les actions virtuelles ou possibles de mon corps ?
Le jour où les poètes ne se considéreront plus que comme des ciseleurs de petites coupes en or faux où on ne trouvera pas même à boire une seule pensée, la poésie n’aura plus d’elle-même que la forme et que l’ombre, le corps sans l’âme, elle sera morte. » Ce que dit Guyau des grands poètes du xixe siècle, doit être encore plus vrai dans, l’avenir, car comme il le remarque aussi, de plus en plus la poésie jointe à la métaphysique tendra à remplacer la religion dogmatique.
Pourquoi celui-ci veillait-il dans l’ombre ?
Il y a là, aux yeux d’un Français, une certaine impudeur, une ombre de grossièreté que Stendhal a notée, dont il s’est empressé, dans le cynisme moitié vrai, moitié affecté où il a coutume, de faire une haute vertu, pour l’opposer au cant anglais ou à la bégueulerie française, et qu’enfin il a considérée comme la marque de tout un caractère national essentiellement ouvert, naïf et naturel. […] Ils estiment au moins qu’il y a une vérité intime, enveloppée de beaucoup d’ombres, mais enfin une vérité comme centrale dans ce que la majorité des hommes croit vrai, ou qu’il y a dans ce que la majorité embrasse une vérité relative, une vérité pour le moment et selon le moment, quelque chose qui pour le temps où l’on est doit faire office de vérité. […] Et ces ombres vaines, ces fantômes, parfois seulement doués d’existence sans qu’on sache pourquoi, c’est pourtant ce dont je vis, ce dont vivent les miens, et la seule ressource dont les miens et moi pouvons vivre. […] Ils évoluent sous, nos yeux ; ils se modifient ; ils prennent un trait, puis un autre, qui se corrige ou s’atténue par un troisième ; ils avancent sous nos regards ; ils sortent de l’ombre, de la pénombre, du jour encore voilé, viennent éclater en pleine lumière, puis rentrent dans une demi-obscurité, selon que tel point de leur biographie échappe encore aux recherches ; puis reparaissent en plein éclat, et enfin s’arrêtent en une certaine attitude qui est celle où, jusqu’à nouvelles découvertes, il est raisonnable de les voir et de les connaître.
Ton ombre suit ton corps de trop près, ce me semble, Car nous deux seulement devons aller ensemble. […] Mais les précieuses l’exaspèrent, avec leur ton languissant, leurs manières affectées, Leurs mines et leurs cris aux ombres d’indécence Que d’un mot ambigu peut avoir l’innocence, avec leur façon de farder et de déguiser en tout et partout la nature. […] Ces grands bois où chasse Hippolyte, nous voudrions les voir, et que l’ombre au moins s’en projetât sur la scène ; nous voudrions entendre ses chiens aboyer et voir se cabrer ses chevaux ; nous voudrions voir également cette « nuit infernale » où Phèdre rêve un instant de se plonger tout entière ; nous voudrions voir Ariane aux rochers contant ses injustices, et Thésée abordant aux rivages de Crète. […] Mais, en réalité, malgré tant d’apparences, — j’ai tâché de vous le faire voir, — nous n’avons plus ici que l’enveloppe sans la substance, que le corps sans l’âme, je dirais volontiers, que le fantôme ou l’ombre sans le corps. […] Non seulement originale, mais unique en son genre, mêlée d’esprit et de mauvais goût, de délicatesse parfois et de libertinage ou de grossièreté même, de réalisme et de poésie, elle attire et elle repousse, elle charme et elle irrite, elle amuse et elle ennuie… Enfin, de l’homme lui-même, de sa vie, de ses habitudes ou de ses goûts, nous ne savons rien, ou peu de chose ; nous n’avons sur lui que de vagues renseignements ; et sa biographie, mal connue, projette sur son œuvre presque plus d’ombre que de clarté97.
The table is full , s’écrie Macbeth frissonnant de terreur quand il voit l’ombre de ce Banco qu’il vient de faire assassiner il y a une heure prendre à la table royale la place qui est réservée à lui le roi Macbeth.
Voici comme le Chancelier Bacon s’exprime : “Environ ce tems le Roi Henri fut obsédé d’esprits malins par la magie de la Duchesse de Bourgogne, qui évoqua des enfers l’ombre d’Edouard IV. pour venir tourmenter le Roi Henri.
Ceux qui, devant ces poèmes insipides, répètent que « le Français n’a pas la tête épique », obéissent encore au même préjugé des « genres » que Chapelain, s’attachent à une ombre, à un simulacre, et ne voient pas le roman, forme moderne de l’épopée.
Ce maître de précision admettait les valeurs d’adoucissement, les nécessités d’ombre, les hésitations de pensée qui ont séduit de très bons poètes. « Il n’est point nécessaire, pour nous émouvoir, qu’un poème soit clair », a dit Barrès16. […] Ce maître de précision admettait les valeurs d’adoucissement, les nécessités d’ombre, les hésitations de pensée qui ont séduit de très bons poètes. « Il n’est point nécessaire, pour nous émouvoir, qu’un poème soit clair », a dit Barrès16. […] Depuis lors, sans provoquer le moindre éclat (car ce Grec était piémontais et probablement styliste, au pire sens du mot) je me suis fait l’ombre de mon bourreau devenu ma victime.
Les âmes tendres ne sont pas toujours les plus faibles. » Voilà un éloge qui sent son anachronisme et auquel l’ombre de Tibulle ne se serait certes pas attendue.
Y a-t-il rien de plus agréable à peindre qu’une ivresse de nuit, de bonnes trognes insouciantes, et la riche lumière noyée d’ombres qui vient jouer sur des habits chiffonnés et des corps appesantis ?